Le mélanome cutané - L'Infirmière Libérale Magazine n° 371 du 01/07/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 371 du 01/07/2020

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR

Laure Martin  

Moins courant que le carcinome, le mélanome cutané représente environ 10 % des cancers de la peau. Si les mélanomes cutanés sont moins fréquents que les carcinomes cutanés, ils sont associés à un pronostic plus sombre car ils sont une source potentielle de métastases. En présence de métastases à distance, la survie à cinq ans était estimée à 5 % en 2017.

PHYSIOPATHOLOGIE

Le mélanome cutané est un cancer qui se développe à partir des mélanocytes situés au niveau de l’épiderme (lire l’encadré p. 31). Le mélanocyte, initialement normal, se transforme et se multiplie de façon anarchique pour former une masse de cellules cancéreuses, ou tumeur, d’abord localisée à l’épiderme, puis invasive au niveau du derme et de l’hypoderme. Le mélanome est un cancer avec une cinétique lente et une exposition solaire intense aujourd’hui provoquera potentiellement un mélanome dans vingt ans, voire au-delà.

CARACTÉRISTIQUES

Mélanome “de novo”

Dans 80 % des cas, le mélanome dit “de novo” apparaît sur la peau saine, mais il peut également résulter de la transformation d’un grain de beauté (ou nævus) existant. Le nævus (nævi au pluriel) est une tumeur bénigne développée à partir des mélanocytes qui se regroupent en amas ou thèques dans l’épiderme et/ou le derme.

À la surface de la peau

- Environ sept mélanomes sur dix, appelés mélanomes in situ, se développent dans un premier temps sur la peau, avant de progresser en profondeur au niveau du derme et de l’hypoderme ;

- 15 à 30 % des mélanomes évoluent d’emblée en profondeur (1).

Potentiel métastatique

Moins courant que le carcinome, le mélanome représente environ 10 % des cancers cutanés. Les mélanomes cutanés bénéficient d’un moins bon pronostic car leur caractère invasif est une source potentielle de métastases à distance via les voies lymphatique et sanguine.

Pronostic vital engagé

La survie des patients est étroitement liée à l’épaisseur de la tumeur. Les mélanomes confinés à l’épiderme sont curables dans 99 % des cas. En présence de métastases à distance, la survie à cinq ans est faible, estimée à 5 % en 2017.

QUATRE TYPES DE MÉLANOME

Quatre grandes catégories de mélanomes sont distinguées selon leur localisation et leur origine.

Mélanome à extension superficielle

Les superficial spreading melanomas (SSM) représentent 60 à 70 % des mélanomes. Ils sont dus à des coups de soleil importants, survenus en particulier pendant l’enfance.

Aspect : taches irrégulières de couleur noire, marron, rouge, ou non colorées.

Localisation :

- sur le cou, la partie supérieure du tronc chez les hommes ;

- sur les jambes chez les femmes ;

- plus rarement sous la surface de l’ongle où des stries brunes ou noires peuvent être le signe initial d’un mélanome qui se développe au niveau des tissus mous attachant l’ongle au bout de doigt (lit unguéal).

Mélanome de Dubreuilh

Il représente 5 à 10 % des mélanomes.

Aspect : tache colorée, allant du noir au marron foncé.

Localisation :

- sur les zones exposées au soleil comme le visage, le cou, le dos des mains et les avant-bras ;

- principalement sur le visage chez les personnes âgées où il peut être confondu à tort avec une tache de vieillesse, ce qui retarde sa prise en charge.

Mélanome acro-lentigineux

Ce mélanome dit “des extrémités” représente 5 % des mélanomes chez les Caucasiens, mais 60 % environ chez les Asiatiques ou les Africains.

Aspect : tache irrégulière brune ou noire.

Localisation : sur des zones non exposées à la lumière et aux UV telles que la paume des mains et la plante des pieds ou sous les ongles.

Mélanome nodulaire

Il représente 4 à 18 % des mélanomes.

Aspect : petites élévations rondes de peau noire ou non colorées, fermes sous le doigt. Ces mélanomes peuvent suinter, saigner, et se recouvrir d’une croûte. Ils évoluent rapidement, de quelques semaines à plusieurs mois.

Localisation : au niveau de la tête, du cuir chevelu, du cou ou du tronc le plus souvent, mais il peut survenir sur tout le corps, y compris sur les zones non exposées au rayonnement ultraviolet.

DIFFÉRENTS STADES

Mélanome localisé

Le mélanome est dit “localisé” lorsqu’il ne s’étend pas à d’autres organes.

Mélanome avec envahissement lymphatique

Mélanome avec atteinte régionale des ganglions qui sont envahis par les cellules cancéreuses. Les ganglions les plus souvent concernés se trouvent près de l’aine (ganglions inguinaux), sous les bras (axillaires), au niveau du cou ou au-dessus de la clavicule (ganglions cervicaux ou sus-claviculaires). Les cellules cancéreuses atteignent plus rarement les ganglions poplités (derrière le genou) ou épitrochléens (au niveau du coude), parfois les canaux lymphatiques situés entre la tumeur primitive et les ganglions proches du mélanome (métastases en transit). À ce stade, le cancer est régional.

Mélanome métastatique

Le mélanome est métastatique lorsque les cellules cancéreuses se propagent à d’autres parties du corps comme le cerveau, le foie, les poumons, les muscles ou les os (métastases à distance).

Typologie internationale

Des classifications précisent les étapes de l’évolution de la maladie en quatre stades :

- les stades I et II correspondent à un mélanome localisé ;

- au stade III, le mélanome a atteint les ganglions situés à proximité de la tumeur ;

- le stade IV est celui du mélanome métastatique.

SIGNES CLINIQUES

Au début de la maladie

À partir d’un nævus existant

Dans ce cas, un grain de beauté se met à changer d’aspect. La probabilité qu’une lésion pigmentée de la peau soit un mélanome est alors estimée à partir du score probabiliste ABCDE établi à partir de cinq informations :

- A pour asymétrie : la tache n’est ni ronde ni ovale et s’étend davantage d’un côté que de l’autre ;

- B pour bords irréguliers : les bords de la tache sont flous, mal définis, dentelés, festonnés, non linéaires, découpés ;

- C pour couleur non homogène : tache avec des nuances de brun, de noir, de rouge, parfois de bleu, voire multicolore ;

- D pour diamètre supérieur à 6 mm ;

- E pour évolution : changement de taille, de forme, de couleur, d’épaisseur, etc.

Remarques :

- Ces signes ne sont pas forcément tous présents. Selon la Haute autorité de santé (2), une lésion mélanocytaire est considérée comme suspecte si deux de ces critères sont validés, le critère E étant le plus pertinent.

- Les grains de beauté d’une personne se ressemblent entre eux. Une lésion différente ou qui le devient doit interpeler. Garder à l’esprit la notion de “vilain petit canard” permet de repérer un grain de beauté différent des autres.

Une tache nouvelle ou à l’aspect modifié

Dans la majorité des cas, les mélanomes se présentent sous la forme de taches semblables à des grains de beauté, d’apparition récente et généralement de couleur brun foncé ou noire, mais aussi rouge rosé, ou non colorée chez les personnes à peau claire. Visuellement, il n’existe pas deux mélanomes identiques, tout dépend du phototype, de la localisation, d’un nævus préexistant ou non, de la durée d’évolution, etc., et bien entendu du type de mélanome.

Sous un ongle

Une bande étroite, brune ou noire, apparaît sous l’ongle dans le sens de la longueur. Cette bande s’élargit lentement et ne disparaît pas comme le ferait un hématome. Une zone très colorée peut également se développer sur la peau près de l’ongle.

À un stade plus avancé

Le patient peut présenter des symptômes non cutanés liés à la présence de métastases. Par exemple, un gonflement des ganglions en cas d’atteinte ganglionnaire, une toux en cas d’atteinte pulmonaire, ou des maux de tête et/ou une épilepsie si l’atteinte est cérébrale. « Certains patients nous sont adressés pour un examen cutané à la recherche d’un mélanome à la suite de la découverte de la métastase », rapporte le Dr Stéphanie Mallet, dermatologue à l’hôpital de la Timone à Marseille.

ÉTIOLOGIE

Si les causes précises des mélanomes restent pour l’heure inconnues, les facteurs de risque de leur survenue sont bien identifiés.

L’exposition aux UV

Les rayons ultraviolets constituent le principal facteur de risque, qu’ils soient naturels ou artificiels : deux mélanomes sur trois sont liés à une exposition trop importante au soleil, dans une proportion plus élevée chez les individus à peau claire (3). Ainsi, l’exposition intense aux rayons solaires et la multiplication des coups de soleil avant l’âge de 15 ans doublent le risque de développer un mélanome.

Le phototype

Le phototype d’un individu rend compte de sa capacité à bronzer, qui est une réaction de défense de la peau contre les UV. Le phototype dépend de la quantité et de la couleur (jaune, rouge, brune ou noire) des pigments de mélanine produits par les mélanocytes. Les phototypes clairs I et II sont plus à risque, car leurs mélanocytes sont moins efficaces contre le stress oxydatif des UV (voir le tableau). Sachant que le risque de développer un mélanome dépend des comportements :

- aucun phototype n’est épargné ;

- une personne brune à peau mate s’exposant tous les jours entre midi et 16 h sans protection a plus de risque de développer un mélanome dans vingt ans qu’une personne rousse à peau claire qui ne s’expose pas et/ou ne sort jamais sans chapeau. Elle risque aussi de développer d’autres types de mélanomes, sans lien direct avec les UV.

Les grains de beauté

Plus un individu présente de grains de beauté, plus le risque de mélanome est important. Audelà de cinquante grains de beauté, présents dès la naissance ou apparus par la suite, le risque est multiplié par quatre à cinq. Seuls les très rares grains de beauté congénitaux, d’une taille supérieure à 20 cm, sont davantage susceptibles de se transformer en mélanome. Il est préconisé de les retirer très tôt.

La génétique

Un antécédent personnel de mélanome ou de carcinome augmente le risque d’une nouvelle tumeur. Environ 10 % des mélanomes sont “familiaux”. Le risque augmente quand au moins deux parents de premier degré (père, mère, fratrie ou enfant) ont été touchés.

L’immunodépression

L’immunodépression constitutionnelle ou acquise augmente le risque de mélanome. C’est le cas par exemple lorsque le système immunitaire est affaibli par certaines maladies, comme l’infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ou par des médicaments prescrits pour freiner les défenses immunitaires à la suite d’une greffe d’organe.

ÉVOLUTION

Principaux facteurs de mauvais pronostic

Ils sont histologiques et déterminés au moment de l’exérèse diagnostique :

- indice de Breslow élevé (épaisseur de la tumeur) ;

- présence d’une ulcération qui a tendance à minorer l’épaisseur réelle de la lésion ;

- nombre de divisions cellulaires (mitoses) au millimètre carré élevé pour les mélanomes dont l’indice de Breslow est inférieur ou égal à 1 mm. La détermination de cet index mitotique se fait par comptage des mitoses sur une coupe issue de la tumeur.

Autres facteurs pronostiques défavorables

- Présence de métastases, notamment cérébrales, « car les thérapies ciblées passent difficilement la barrière hémato-encéphalique », explique le Dr Clémence Tabélé, pharmacien hospitalier à l’hôpital de la Timone à Marseille ;

- ganglion sentinelle positif (lire l’encadré en p. 34) ;

- taux de lactates déshydrogénases (LDH) élevé. Ces enzymes intracellulaires sont libérées dans le sang lors du renouvellement des cellules cancéreuses.

DIAGNOSTIC

La découverte d’un mélanome est souvent fortuite ou intervient à l’occasion d’un dépistage, comme lors de la campagne de prévention et de détection des cancers de la peau organisée tous les ans par le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues. En pratique, au moindre doute, y compris en présence d’un seul critère parmi les critères ABCDE, l’infirmière doit inciter le patient à consulter.

Examen clinique

L’examen clinique de la lésion reprend les critères ABCDE et le signe du “vilain petit canard”. S’ajoutent un examen cutanéomuqueux complet, la palpation des aires ganglionnaires, un interrogatoire minutieux du patient et l’examen microscopique de la lésion à l’aide d’un appareil portable appelé dermoscope.

Critères histologiques

L’analyse histologique est effectuée par un laboratoire d’anatomopathologie sur la lésion prélevée lors de l’exérèse diagnostique.

Imagerie

Le bilan d’imagerie est réalisé au cas par cas, via une échographie ganglionnaire, un scanner cérébral et thoraco-abdomino-pelvien, voire une tomographie par émission de positons (TEP scan).

STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES

Objectifs thérapeutiques

Le traitement vise à :

- supprimer la tumeur et les éventuelles métastases si cela est possible, sinon à ralentir leur développement ;

- réduire le risque de récidive ou d’apparition d’autres tumeurs ;

- corriger les symptômes et améliorer la qualité de vie.

Après la chirurgie initiale, la stratégie thérapeutique est discutée au cours d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) qui réunit notamment un dermatologue, un chirurgien et un oncologue. Les options thérapeutiques dépendent du stade et du statut mutationnel, sachant que tous les stades bénéficient d’une première intervention directement sur la lésion, avec exérèse diagnostique puis exérèse élargie.

Selon le stade

Stades I et II

Pour les mélanomes localisés de stades I et II :

- pas de recherche de statut mutationnel (voir ci-après) ;

- pas de traitement adjuvant pour renforcer l’efficacité de la chirurgie et limiter le risque de récidive ou de survenue de métastases.

Stade III

À ce stade de l’atteinte ganglionnaire, la chirurgie consiste en :

- l’exérèse du ganglion sentinelle en cas d’atteinte microscopique ;

- un curage ganglionnaire en cas d’atteinte macroscopique. Un traitement adjuvant par bithérapie ciblée ou immunothérapie est prescrit pendant une année.

Stade IV

Au stade IV, lorsque les métastases sont résécables, c’est-àdire qu’elles peuvent être retirées chirurgicalement, le traitement consiste en :

- un retrait des métastases ;

- un traitement adjuvant, bithérapie ciblée ou immunothérapie, pendant un an.

C’est notamment le cas en présence d’une unique métastase, même si tout dépend de la cinétique. Si l’évolution est rapide, il est préférable de laisser la métastase en place et d’instaurer un traitement médicamenteux.

En cas de métastases non résécables

Au stade III ou IV, lorsque les métastases ne peuvent pas être réséquées, le traitement consiste en une bithérapie ciblée ou une immunothérapie à laquelle peut être associée une radiothérapie. La durée de traitement est très variable :

- jusqu’à la rémission en l’absence de nouvelles lésions observées au scanner normal. « La poursuite du traitement postrémission dépend des habitudes de prescription. Dans notre service, il est prolongé d’un an puis arrêté, mais la surveillance est poursuivie à vie », précise le Dr Mallet ;

- jusqu’à la survenue de nouvelles métastases ou augmentation de la taille des métastases déjà présentes. « Dans ce cas, la ligne thérapeutique est modifiée », poursuit le Dr Mallet ;

- jusqu’à l’apparition d’une toxicité intolérable du traitement. « Selon la nocivité et le grade, la posologie est diminuée ou le traitement est interrompu. Il est ensuite repris à pleine dose ou à demidose, ou arrêté définitivement », ajoute le Dr Mallet.

Selon le statut mutationnel

La mutation du gène BRAF

Dès le stade III, le statut mutationnel est déterminé en laboratoire de génétique par la recherche d’une mutation BRAF sur la tumeur. La mutation du gène BRAF, découverte au début des années 2000, produit une protéine mutée qui agit ensuite de manière non contrôlée au sein de la cellule cancéreuse. Cette protéine favorise le développement du cancer. Les mélanomes font partie des principaux cancers pour lesquels cette mutation est habituellement retrouvée. Le statut mutationnel peut être évalué à plusieurs reprises, car un patient BRAF négatif au départ peut devenir positif par la suite.

Choix du traitement

Dans la moitié des cas de mélanome, le patient est porteur de la mutation BRAF et peut se voir prescrire une thérapie ciblée ou une immunothérapie. Le choix dépend de la situation. Par exemple, une bithérapie ciblée est à privilégier pour son action rapide sur les symptômes tumoraux. Sachant que toutes les mutations BRAF ne sont pas équivalentes et que certaines, telles que les BRAF V600K et V600G, sont associées à un moins bon pronostic. Dans ce cas, les thérapies ciblées seront privilégiées, car leur cinétique d’action est plus rapide que l’immunothérapie.

En revanche, les patients non porteurs de la mutation BRAF ne peuvent recevoir qu’une immunothérapie.

TRAITEMENT

La chirurgie

La chirurgie est le traitement de base des mélanomes dès le début de la prise en charge, avec une exérèse diagnostique suivie d’une exérèse élargie. Dans les quelques cas où ces deux opérations ne sont pas réalisables, la stratégie thérapeutique suit celle des stades III ou IV non résécables.

L’exérèse diagnostique

Elle est réalisée lorsque la suspicion de mélanome est confirmée par le dermatologue. La totalité de la lésion est alors retirée pour être analysée au laboratoire. L’exérèse diagnostique est le plus souvent effectuée sous anesthésie locale, au cabinet du dermatologue. Elle dure en général moins d’une demi-heure et ne nécessite pas d’hospitalisation dans la majorité des cas.

L’exérèse élargie

Elle complète l’exérèse diagnostique. Le dermatologue ou le chirurgien retire une bande plus ou moins large de tissu sain autour de la cicatrice de la première exérèse, appelée marge de peau saine ou marge de sécurité. L’exérèse élargie est habituellement réalisée sous anesthésie locale et nécessite le plus souvent une seule journée d’hospitalisation. Selon la localisation de la lésion et la taille de la marge à retirer, l’intervention peut être effectuée lors d’une consultation sans hospitalisation.

Le curage ganglionnaire

Cet acte chirurgical consiste à retirer les ganglions lymphatiques de la zone de drainage du mélanome lors de stade III avec une atteinte ganglionnaire macroscopique.

L’exérèse des métastases

Elle concerne les métastases de stade IV lorsqu’elles sont accessibles et peu nombreuses.

Effets indésirables

La chirurgie peut s’accompagner d’effets indésirables tels que : fatigue, retard ou excès de cicatrisation, écoulements de sang ou de lymphe, infections, œdèmes, douleurs, séquelles esthétiques, etc.

Autres techniques

Dans certains cas, les métastases sont détruites en utilisant la radiofréquence, de la chaleur produite par des ondes, la cryochirurgie en “congélant” la tumeur entre - 40 et - 60 °C), ou la radiochirurgie par Gamma-Knife, qui envoie des faisceaux de rayons gamma sur les tumeurs cérébrales.

TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX

Les recommandations pour le recours aux traitements médicamenteux adjuvants ont été actualisées en 2018 (voir Savoir faire). « De nouvelles thérapies ciblées sont actuellement à l’essai, ainsi que des combinaisons d’immunothérapie, ou encore l’association des deux », précise le Dr Mallet.

AUTRES THÉRAPEUTIQUES

Chimiothérapie “classique”

La chimiothérapie cytotoxique, dite “classique”, est celle qui détruit les cellules cancéreuses, mais aussi toutes les cellules à renouvellement rapide, de par son action sur les mécanismes de division. Aujourd’hui de moins en moins prescrite lors de mélanome, elle reste envisagée en dernière intention, en cas d’échec ou de contre-indication des autres traitements médicamenteux. Le choix de la molécule se porte essentiellement sur la fotémustine ou la dacarbazine.

L’interféron alpha

L’interféron alpha (Roferon®-A, Introna®), qui a une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement adjuvant du mélanome, n’est plus prescrit aujourd’hui. « L’interféron est devenu désuet depuis l’arrivée de l’immunothérapie et des thérapies ciblées », souligne le Dr Mallet.

SUIVI DES PATIENTS

Un suivi des patients à vie, après la phase des traitements initiaux, permet de détecter une récidive, l’apparition d’un nouveau mélanome ou encore d’un autre cancer cutané.

Patients sous traitement adjuvant

- Suivi clinique tous les trois mois pendant trois ans, puis tous les trois à six mois pendant deux ans, puis annuel à vie ;

- échographie ganglionnaire quatre fois par an pendant trois ans ;

- scanner thoraco-abdomino-pelvien et cérébral ou TEP scan tous les trois à six mois selon le stade lors de la mise en place du traitement ;

- surveillance de la toxicité suivant le traitement utilisé.

Patients sans traitement adjuvant

Suivi clinique tous les six mois pendant trois ans, puis annuel à vie, avec dermoscopie, éducation à l’autodépistage et à la photoprotection.

Mélanome ulcéré

- Inférieur à 0,8 mm : suivi clinique uniquement ;

- de 0,9 à 3,9 mm : suivi clinique et échographie ganglionnaire (aire de drainage) deux à quatre fois par an pendant trois ans.

Mélanome non ulcéré

- inférieur à 1,9 mm : suivi clinique seul ;

- de 2 à 3,9 mm : suivi clinique et échographie ganglionnaire (aire de drainage) deux à quatre fois par an pendant trois ans.

Mélanome au-delà de 4 mm

- Suivi clinique ;

- échographie ganglionnaire (aire de drainage) deux à quatre fois par an pendant trois ans ;

- scanner thoraco-abdomino-pelvien et cérébral ou TEP scan deux fois par an pendant trois ans (optionnel).

(1) Source : revue Prescrire, n° 409, novembre 2017.

(2) Stratégie de diagnostic précoce du mélanome, guide du médecin traitant, HAS, octobre 2006.

(3) Comprendre le mélanome de la peau, guide SOR Savoir patient, 2007.

Les mélanocytes et les mélanines

→ Les mélanocytes, situés à la base de l’épiderme, sont des cellules spécialisées qui synthétisent des pigments, les mélanines, dans des organites appelés mélanosomes. Le mélanocyte est une cellule présentant des prolongements, ou dendrites, qui entrent en contact avec les kératinocytes auxquels il transfère ses mélanosomes.

→ La coloration de la peau est due aux mélanocytes producteurs de mélanine, et aux kératinocytes, cellules receveuses et accumulatrices de mélanine. En cas d’exposition solaire élevée, la production de mélanine augmente et le transfert vers les kératinocytes aussi. C’est le “bronzage”, qui protège le noyau cellulaire des effets néfastes des rayons ultraviolets (UV).

→ Plusieurs types de mélanine coexistent chez tout individu en proportions variables : - des eumélanines, de couleur brune ou noire, photoprotectrices ;

- des phæomélanines, de couleur jaune ou rouge orangé, beaucoup moins photoprotectrices. Ces phæomélanines sont photosensibilisantes et cancérigènes car elles se décomposent facilement en radicaux libres sous l’action des UV.

Question de patient

Un mélanome peut-il se développer ailleurs que sur la peau ?

Oui, car si les mélanocytes sont essentiellement situés dans la peau, ils sont aussi présents au niveau de l’œil, des méninges, et dans les muqueuses de la bouche, du rectum ou des organes génitaux. Autant de sites où peut donc se développer un mélanome qui, néanmoins, concerne la peau dans plus de 90 % des cas.

Quatre grands types de mélanome

SUPERFICIEL EXTENSIF 70 % des cas

- Lié aux rayons ultraviolets et à un phototype clair

- Possible sur tout le corps, souvent sur le tronc, les jambes, le cou

DE DUBREUILH 10 % des cas

- Lié aux UV

- Le plus souvent localisé sur les zones exposées : visage, cou, mains, avant-bras, etc.

ACRO-LENTIGINEUX 5 % des cas chez les Caucasiens et 60 % chez les Africains et les Asiatiques

- Non lié aux UV

- Localisé aux extrémités : plante des pieds, mains, etc.

Nodulaire 10 à 20 % des cas

- Développemement directement vertical

- Possible sur tout le corps, y compris les zones non exposées aux UV

Incidence et mortalité

→ En France métropolitaine, en 2017 :

- 15 404 nouveaux cas estimés, dont 8 061 hommes et 7 343 femmes ;

- 1 783 décès estimés, dont 1 036 hommes et 747 femmes.

→ Entre 2005 et 2012 :

- augmentation du taux d’incidence de 2,9 % par an en moyenne chez l’homme, et de 1,7 % chez la femme ;

- diminution du taux de mortalité chez la femme de 1,8 % par an en moyenne ;

- stabilisation du taux de mortalité chez l’homme à + 0,1 %.

Source : Les cancers en France en 2017, Institut national du cancer, mars 2018.

Question de patient

Quelle est la différence entre un mélanome et un carcinome ?

Un carcinome cutané est un cancer ou une tumeur maligne qui se développe à partir des kératinocytes de l’épiderme. Les carcinomes représentent environ 90 % des cancers de la peau. Leur pronostic est meilleur que celui du mélanome, car leur potentiel métastatique est faible, voire nul lors de carcinome basocellulaire (cas le plus fréquent).

Technique du ganglion sentinelle

Le ganglion sentinelle, le plus proche de la tumeur, est le premier à être envahi par les cellules malignes lorsque le mélanome commence à s’étendre. Plusieurs ganglions de proximité peuvent être concernés. Leur rôle est d’assurer la filtration naturelle de la lymphe et la stimulation des lymphocytes. Ils retiennent les agents infectieux et les cellules cancéreuses. La “technique du ganglion sentinelle” consiste à :

- rechercher des micrométastases au niveau du ou des ganglion (s) proches ;

- faire la différence entre un mélanome de stade II en cas de ganglion sentinelle négatif et un mélanome de stade III en cas de ganglion sentinelle positif, ce qui permet d’orienter le traitement.

Prise en charge

Prise en charge d’une plaie après une exérèse

Sonia Roussard, infirmière libérale au Cap d’Agde (Hérault)

→ Rencontrez-vous des cas de mélanome dans votre exercice ?

Oui, cela arrive régulièrement. Notre ville, située au bord de la mer Méditerranée, attire les personnes venant prendre leur retraite au soleil. L’âge de nos patients se situe majoritairement entre 60 et 75 ans. Ils sont de la génération qui s’est surexposée au soleil dans les années 1970. Arrivés ici, la vie à l’année dans une station balnéaire, l’exposition à la plage et en mer contribuent à augmenter les risques. Ces derniers temps, ce sont surtout des hommes qui ont été diagnostiqués, notamment pour des lésions situées sur le crâne, le cou ou le dos.

→ À quels mélanomes avez-vous affaire ?

Nous sommes principalement sollicités pour de petits mélanomes de stade I rapidement diagnostiqués et traités par les dermatologues. La première étape est l’exérèse de la lésion suspecte. L’analyse anatomopathologique confirme ou non le diagnostic. Il en résulte généralement une plaie suturée simple qui cicatrise rapidement et sans problème. Si le diagnostic de mélanome est établi, la deuxième étape consiste en une reprise chirurgicale avec une marge d’exérèse beaucoup plus importante. Selon l’emplacement, la plaie est parfois plus complexe. Certains fils peuvent lâcher à l’endroit où le délabrement est plus important, comme chez une patiente qui a subi une exérèse large sur l’aile du nez. Le patient peut aussi avoir besoin d’une greffe de peau sur la zone opérée.

→ En quoi consistent les soins ?

Comme pour toute lésion, il faut d’abord examiner la plaie, à la recherche d’un hématome, d’une infection, d’une inflammation, d’un lâchage de suture, d’un exsudat, etc. Selon la prescription médicale, nous procédons à une désinfection de la plaie avec un produit iodé ou de la chlorhexidine, avant un rinçage au sérum physiologique et un séchage par tamponnement. Puis si tout va bien, quelques jours plus tard, nous nettoyons uniquement au sérum physiologique. En cas de retard de cicatrisation ou de mauvaise évolution de la plaie, le patient consulte de nouveau son médecin ou son chirurgien.

→ Quels types de pansement utilisez-vous ?

Lors du premier soin, le patient dispose des pansements prescrits par le chirurgien. S’ils ne sont pas ou plus adaptés à la plaie, nous en prescrivons d’autres. Le type varie du simple pansement sec à celui qui nécessite un méchage, choisi selon la situation : phase de cicatrisation, présence d’un écoulement, localisation de la plaie, type de peau, douleur, etc. Nous sommes donc amenés à utiliser tous les types de pansement. Le chirurgien peut aussi avoir prescrit différents produits à appliquer, comme la Betadine® gel ou une pommade antibiotique. Les soins, le type et la fréquence de renouvellement du pansement sont adaptés en permanence à l’état de la plaie.

→ Les plaies en lien avec un mélanome sont-elles spécifiques ?

Une plaie de mélanome n’est pas différente des autres, si ce n’est qu’elle est fréquemment située sur le visage, donc bien visible. Cela génère souvent une angoisse liée au préjudice esthétique, associée dans certains cas à un refus de regarder la plaie avant sa cicatrisation totale. Prendre le temps d’écouter les inquiétudes pour rassurer les patients fait partie du soin. Les chirurgiens sont généralement très attentifs à la qualité de leurs sutures, afin d’obtenir des cicatrices les plus discrètes possibles. Dans le cadre du mélanome, la prévention et l’éducation à la santé font aussi partie de notre rôle, que les patients soient déjà atteints ou pas.