L'infirmière Libérale Magazine n° 373 du 01/09/2020

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR FAIRE

SUIVI MÉDICAL

Un suivi rigoureux est nécessaire après la chirurgie. Il s’effectue tous les trois mois la première année, puis au minimum une ou deux fois par an. Le patient doit systématiquement mentionner l’intervention à tout professionnel de santé.

Adaptation des traitements associés

À la suite de l’amélioration des comorbidités, les posologies des antidiabétiques et des antihypertenseurs en particulier doivent être réévaluées, comme celles de certains traitements dont l’absorption peut être modifiée par le montage chirurgical.

Antihypertenseurs

L’autosurveillance tensionnelle est à encourager. Une fatigue importante, des chutes de tension ou des malaises au lever nécessitent un avis médical rapide afin de diminuer ou de stopper le traitement antihypertenseur. Les patients présentant un risque de déshydratation au cours des semaines suivant l’opération, en raison d’une réduction de la prise alimentaire dont la boisson, les antihypertenseurs susceptibles d’altérer la fonction rénale (diurétiques, IEC) nécessitent en particulier une grande vigilance. « C’est aussi le cas des bêta - bloquants qui peuvent rapidement être surdosés », précise le Pr Maud Robert.

Antidiabetiques

Ils exigent une adaptation très rapide des doses, dans les jours et les mois qui suivent l’intervention, et une surveillance régulière par la suite. L’insuline est parfois rapidement sevrée et les antidiabétiques oraux supprimés. L’auto-surveillance glycémique doit être instaurée si elle n’est pas déjà mise en place. « Le diabète en rémission n’est pas forcément guéri sur le long terme, ce qui impose une surveillance annuelle de l’HbA1c », alerte le Pr Maud Robert.

Contraception

Après la chirurgie malabsorptive par bypass, l’échec d’une contraception orale, y compris d’une contraception hormonale d’urgence, est possible en raison de la diminution de l’absorption intestinale des estrogènes et progestatifs. D’autres contraceptifs peuvent être envisagés, comme un implant progestatif ou un stérilet en première intention ou, après la prise en compte du risque cardiovasculaire, un patch ou un anneau vaginal (contraceptifs estroprogestatifs). Après une chirurgie restrictive pure, par anneau gastrique ou sleeve gastrectomie, l’utilisation de contraceptifs oraux exige d’être vigilant en cas de vomissements.

Autres traitements

La chirurgie malabsorptive peut aussi induire une diminution de l’absorption de certains médicaments tels que les antivitaminiques K, les hormones thyroïdiennes ou des antiépileptiques dont les doses seront à adapter.

SUIVI PSYCHOLOGIQUE

Il peut être nécessaire pour de multiples raisons : carences en micronutriments pouvant avoir des répercussions sur l’humeur, difficultés à accepter les changements corporels, sentiment d’échec en cas de reprise pondérale, etc. Les patients ayant des conduites addictives avant l’intervention peuvent avoir un transfert de dépendance vers la prise d’alcool. Le risque de suicide après la chirurgie bariatrique serait quatre fois plus élevé que dans la population générale (1).

AUTOMÉDICATION

Les médicaments gastrotoxiques comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou l’aspirine sont déconseillés en automédication car ils exposent au risque d’ulcère gastrique (muqueuse fragilisée). Notons que le tabac favorise aussi ce risque.

D’une manière générale, comme les boissons gazeuses, les médicaments effervescents sont également à éviter. En cas d’emploi incontournable de cette forme galénique, il peut être suggéré de remuer suffisamment le médicament dans l’eau afin que le gaz s’échappe.

SUPPLÉMENTATION EN MICRONUTRIMENTS

Les carences en micronutriments sont très variables et dépendent des pratiques chirurgicales, du suivi des patients et de leur prise en charge nutritionnelle. Elles sont souvent dues à la malabsorption induite par le montage chirurgical, mais aussi à la diminution des apports. Plus fréquentes et plus sévères après la chirurgie malabsorptive ou mixte de type bypass gastrique, elles sont aussi observées avec les techniques de réduction gastrique, anneau gastrique ou sleeve gastrectomie. La préférence des patients pour des aliments bien tolérés, mais souvent à faible densité nutritionnelle, est également en cause.

Risque de déficit micronutritionnel

Pour pallier le risque de déficit micronutritionnel, vitamines et minéraux sont fournis sous la forme :

- de médicaments apportant fer, calcium, vitamine D, etc. ;

- de compléments alimentaires multivitaminiques (non remboursés), riches notamment en vitamines du groupe B, en zinc, en magnésium, en sélénium, etc.

Systématique et a priori maintenue à vie après la chirurgie malabsorptive, la supplémentation en micronutriments est aussi préconisée durant toute la période d’amaigrissement rapide, pendant au minimum douze à dix-huit mois, quel que soit le type d’intervention. « On tend de plus en plus à supplémenter systématiquement en vitamine B12 et en fer après une sleeve gastrectomie, au moins les premières années, car des déficits ou des carences en ces micronutriments sont fréquents », souligne le Pr Maud Robert.

Des risques à long terme

Il est important d’expliquer que la prise de ces vitamines et minéraux est essentielle, même lorsque les analyses sanguines ne révèlent aucun déficit. Arrêter de prendre ces micronutriments expose à des carences nutritionnelles qui surviennent souvent plusieurs années après l’intervention, mais peuvent être gravissimes. Une anémie ou des troubles neurologiques graves et irréversibles sont possibles en cas de carence en vitamine B1. Outre une fatigue importante, des fourmillements dans les mains et les pieds, des troubles visuels, des pertes de mémoire, des vertiges doivent alerter.

(1) C. Peterhänsel, D. Petroff, G. Klinitzke et coll. « Risk of completed suicide after bariatric surgery : a systematic review », Obes. Rev., 2013.

Cas clinique 2

M. T, 40 ans, hypertendu, hypothyroïdien et diabétique, a bénéficié d’un bypass gastrique il y a six mois. Il est très content de l’opération et de la perte de poids déjà constatée, qui a permis d’alléger son traitement pour la tension et le diabète. Il vous confie se sentir toutefois de plus en plus fatigué ces derniers temps, alors que les analyses biologiques sont normales. Il souffre aussi de constipation et a toujours froid…

Vous demandez à M. T la date son dernier rendez-vous de suivi postopératoire et s’il a eu l’occasion de faire le point avec l’endocrinologue. Vous lui recommandez de contacter rapidement ce dernier ou son médecin traitant afin de trouver l’origine de ces symptômes qui peuvent être liés à la diminution des apports alimentaires, mais aussi à un apport insuffisant en hormones thyroïdiennes en lien avec un déficit de leur absorption après la réalisation d’un bypass.

Question de patient

Une grossesse est-elle possible après la chirurgie bariatrique ?

Oui, d’autant que la perte de poids entraine un rebond de fertilite. Un delai de douze a dixhuit mois est neanmoins recommande avant d’envisager une grossesse. Le suivi nutritionnel est primordial avant la conception, notamment une supplementation en acide folique en cas de bypass, puis tout au long de la grossesse. Une surveillance etroite est necessaire en raison de complications potentielles comme une occlusion intestinale ou une hernie interne.

Question de patient

Je perds mes cheveux de façon importante, est-ce normal ?

Une alopecie et/ou des anomalies ungueales liees a des deficits nutritionnels sont frequentes. Elles regressent plus rapidement avec la prise reguliere d’une supplementation en micronutriments. Dans le cas contraire, il peut etre necessaire de renforcer la supplementation en fer, en zinc et en proteines.

Les principaux micronutriments à risque de déficit

→ Le fer, principalement absorbe au niveau du duodenum et du jejunum proximal, court-circuites apres un bypass gastrique, est apporte par la viande rouge.

→ La vitamine B12 est principalement fournie par les viandes, les laitages et les œufs.

→ Le déficit en calcium et en vitamine D, frequent apres la chirurgie malabsorptive, pourrait etre aggrave par la prise d’antiacides. Les formules associant calcium et vitamine D limitent la multiplication des prises, mais la vitamine D est parfois prescrite seule afin que sa prise ne soit pas impactee par un defaut d’observance de la supplementation calcique quotidienne.

→ Une supplémentation en acide folique (5 mg par jour) est systematique au premier trimestre de la grossesse.