Dans le cadre du dispositif “Article 51”, le Centre Léon-Bérard de lutte contre le cancer est chargé par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes d’expérimenter une organisation innovante permettant aux patients de recevoir leur traitement d’immunothérapie chez eux, après un temps de préparation. L’occasion, pour les infirmières libérales formées, de mettre en pratique l’éducation thérapeutique, voire de faire évoluer la nomenclature.
L’EXPÉRIMENTATION DE SUIVI À DOMICILE DES PATIENTS ATTEINTS D’UN CANCER ET TRAITÉS PAR IMMUNOTHÉRAPIE A DÉBUTÉ LE 2 JUIN 2020 AU CENTRE LÉON-BÉRARD (CLB) DE LYON. Elle devrait inclure 375 patients sur cinq ans. L’enjeu ? Apporter une réponse plus optimale à la prise en charge des patients traités par immunothérapie à domicile, une méthode qui révolutionne le traitement des cancers amenée à se développer fortement. Ce projet, véritable innovation organisationnelle, vise à apporter davantage de confort et de sécurité aux patients en leur permettant de gagner en autonomie et de limiter la fatigue des visites à l’hôpital. L’objectif est aussi économique, grâce à la réduction des frais de transport et une optimisation de l’utilisation des places en hôpital de jour. Elle s’appuie sur un partenariat ville-hôpital associant les Unions régionales des professionnels de santé (URPS) Auvergne Rhône-Alpes médecins et infirmiers et le réseau régional de cancérologie Onco-Aura, avec le soutien de l’Agence régionale de santé (ARS) et de l’Assurance maladie (Cpam).
Les infirmiers libéraux jouent un rôle central dans cette expérimentation. « Pendant la première séquence de soins hospitaliers, d’une durée de six mois, ils interviennent au domicile du patient afin d’animer des ateliers d’éducation thérapeutique. Puis pendant l’année et demie qui suit, ils vont pratiquer l’administration du traitement sous la forme de perfusions et identifier sa toxicité éventuelle. Leur mission est de sécuriser le patient et son entourage, de reformuler ce que le patient a appris, de l’accompagner dans la compréhension de la thérapie et de ses effets secondaires potentiels. Tout au long de l’expérimentation, ils seront en lien avec les infirmiers de coordination de parcours, ainsi que l’hospitalisation à domicile du centre », explique Pascale Sontag, adjointe à la direction des soins sur les parcours au CLB et coordinatrice du projet.
Le Centre Léon-Bérard s’appuie sur l’écosystème autour du patient, plus spécifiquement sur son médecin traitant, et cherche en priorité des cabinets d’infirmiers libéraux implantés à proximité des patients inclus, qui les suivent déjà de préférence. Mais cela n’est pas toujours facile, car les infirmiers libéraux doivent être formés à l’éducation thérapeutique (via un module de quarante heures) ainsi qu’à l’immunothérapie (pendant une demijournée).
Pour Sophie Dechambre, infirmière libérale installée près de Lyon et diplômée d’un master 1 en éducation thérapeutique depuis 2015, c’est l’occasion de mettre enfin en pratique cette prise en charge qui lui tient à cœur. « Le patient est considéré dans sa globalité, dans sa vie professionnelle et personnelle, sans se focaliser uniquement sur le cancer. En tant qu’infirmiers, nous sommes là pour l’accompagner sans faire à sa place : c’est à lui de trouver ses propres outils pour avancer avec sa maladie. » Formée début juillet à l’immunothérapie, Sophie Dechambre est pionnière dans cette expérimentation : elle accompagne, depuis le début du mois d’août, la première patiente incluse dans le projet, qui lui a été proposée par le CLB car elle est domiciliée à proximité de son cabinet. « C’est très excitant, j’attends cela depuis longtemps, confie-t-elle. Je suis un peu impressionnée, parce que l’immunothérapie est quelque chose de nouveau, mais j’avance en toute sécurité grâce au soutien du CLB et des formatrices. La patiente et moi, nous ne sommes pas seules. »
De son côté, Sandrine Dubouis, infirmière libérale établie dans la maison médicale de La Clayette, en Bourgogne, a dû se former début septembre à l’éducation thérapeutique pour intégrer le projet. Sa motivation principale ? Le souhait de ne pas “abandonner” l’un de ses patients, très affecté par sa maladie, inclus dans l’expérimentation après l’échec d’une chimiothérapie. « S’il ne trouvait pas d’infirmière à domicile, il ne pouvait pas bénéficier de l’expérience. J’ai trouvé cela très violent et c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de me former en urgence », explique-t-elle.
Elle souligne toutefois l’investissement personnel que la formation représente : « Ayant déjà consommé une partie de mon budget formation de l’année, j’ai financé moi-même le petit reste à charge et ai pris sur mes jours de congés pour me former. Je pense qu’il faut faire remonter ces pratiques à nos instances pour que la nomenclature évolue, et faire en sorte que davantage d’infirmiers puissent y accéder. »
L’expérimentation est là pour prouver l’importance d’un financement complémentaire à l’activité des hôpitaux qui est celui des parcours, où l’ensemble des professionnels, aussi bien du domicile qu’hospitaliers, réalisent un travail d’équipe de qualité avec le patient et son entourage.
L’évolution de la nomenclature serait d’ailleurs bénéfique à cette expérimentation, qui vise également à être exportable et reproductible.