Les punaises de lit - L'Infirmière Libérale Magazine n° 373 du 01/09/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 373 du 01/09/2020

 

Parasitologie

CAHIER DE FORMATION

POINT SUR

Nathalie Belin*   Arezki Izri**  


*chef du service de parasitologie à l’hôpital Avicenne de Bobigny

En expansion depuis plusieurs années, les punaises de lit sont à l’origine de fortes nuisances. Parvenir à prévenir leur “invasion” est préférable, car la décontamination d’un logement infesté se révèle longue et minutieuse.

Les punaises de lit, qui avaient disparu en France dans les années 1950, sont en pleine recrudescence sur le territoire national et dans le monde. Le 20 février 2020, le gouvernement a annoncé le lancement d’un plan de prévention et de lutte contre ces parasites (1).

Cimex lectularius ou C. hemipterus sont des insectes hématophages dont la prolifération est due à leur résistance aux insecticides et à l’accroissement des échanges commerciaux ou touristiques. Leurs piqûres, qui entraînent un prurit et des lésions de grattage, peuvent aussi avoir des répercussions psychologiques dues à des troubles du sommeil ou à l’angoisse d’être “envahi”. Jusqu’à présent, aucune transmission de germes pathogènes via les punaises de lit n’a été observée.

Cycle du parasite

 -Les punaises de lit, de couleur brune ou rougeâtre après un repas et de la taille d’un grain de pomme (4 à 7 mm à l’âge adulte), sont visibles à l’œil nu. Insectes hématophages, elles se nourrissent de sang avec une prédilection pour le sang humain, les animaux étant rarement leur cible. Elles peuvent survivre plusieurs mois sans manger et leur durée de vie va de six mois à deux ans ;

 -une femelle pond de 200 à 500 œufs au cours de sa vie et sa descendance peut se reproduire après cinq semaines environ, avec une diffusion rapidement exponentielle.

Mode de diffusion

Par déplacement actif

La punaise de lit peut parcourir quelques dizaines de mètres à la recherche de sang avant de retourner dans un lieu de repos parfois différent de celui qu’elle a quitté pour se nourrir. Elle contamine de cette façon un nouvel endroit, avant de progressivement envahir toute une maison, un appartement voisin, voire un immeuble entier.

Par déplacement passif

L’insecte peut être véhiculé via les bagages, l’achat de meubles ou de vêtements d’occasion. Tous les lieux d’hébergement sont susceptibles d’être infectés, d’autant plus s’ils sont à forte rotation (chambres et hôtels de tourisme y compris de luxe, foyers, prisons, maisons de retraite, etc.).

Reconnaître une infestation

Les signes cliniques

Les piqûres prurigineuses des punaises de lit, qui prennent la forme de papules, sont multiples et vont au moins par trois, disposées en ligne ou regroupées sur les parties découvertes du corps. Les démangeaisons vont d’une simple gêne à des manifestations allergiques généralisées de type urticaire, rarement jusqu’à un œdème de Quincke. Le traitement, uniquement symptomatique, consiste en l’administration per os d’un dermocorticoïde, voire d’un antihistaminique. Des surinfections bactériennes par grattage sont possibles. « Dans 30 % des cas, les piqûres sont asymptomatiques et l’infestation est alors découverte par hasard ou par des démangeaisons chez le conjoint », précise le Dr Arezki Izri, chef du service de parasitologie à l’hôpital Avicenne de Bobigny.

Recherche de l’insecte

Les punaises de lit se déplacent surtout la nuit. Les lieux de repos ou de ponte sont des endroits sombres et peu accessibles tels que les recoins des matelas, les fentes dans le bois des sommiers, les parquets, les meubles ou les plinthes, sous le papier-peint décollé, derrière les cadres, dans les tissus, ou autour des prises électriques mal ajustées. La recherche de l’insecte commence par la chambre à coucher et le canapé du salon, lieux de lecture et de détente en soirée. Les déjections des punaises, qui forment des taches noires ou brunes correspondant à du sang digéré émises hors des cachettes, sont parfois plus faciles à repérer sur les draps ou le sol, par exemple.

Mesures de lutte

Il convient d’agir très rapidement, car plus l’infestation est importante, plus l’éradication est difficile à obtenir.

Mesures thermiques

Les punaises de lit et les œufs sont détruits par la chaleur (lavage à 60 °C, sèche-linge au moins une heure, nettoyage à la vapeur à 120 °C) ou le froid (congélation à - 20 °C de 48 à 72 heures).

Mesures mécaniques

 -Passage de l’aspirateur : il doit être nettoyé après son utilisation, le sac d’aspiration enfermé dans un sac plastique jeté dans une poubelle extérieure.

 -Nettoyage à la brosse : complémentaire à l’aspirateur, il permet d’éliminer le maximum d’insectes dans les recoins difficiles d’accès.

Protocole en trois étapes

En début d’infestation, le Dr Izri propose un protocole en trois étapes avec de bons résultats, sachant que la chambre est souvent le premier lieu contaminé :

 -traiter les draps et les vêtements situés à l’extérieur des armoires par le chaud de préférence, ou par le froid ;

 -passer l’aspirateur dans les moindres recoins, matelas et sommier compris ;

 -puis traiter le lit et toute la chambre au nettoyeur à vapeur. En cas d’échec, toute la maison doit être nettoyée selon le même protocole.

Par ailleurs, il est nécessaire de jeter les objets infestés dans des sacs plastiques hermétiquement fermés et d’emmener les meubles à la déchetterie.

Les insecticides

Tous les insecticides de type “Fogger pour l’habitat” ou autres sont inefficaces. « Les résistances des punaises de lit sont d’origine génétique, par mutations de leur ADN à tous les stades de vie, des œufs jusqu’à l’insecte adulte », souligne le Dr Izri. En outre, leur emploi répété et/ou en quantité importante dans la maison n’est pas dénué de toxicité, y compris la terre de Diatomée, un insecticide naturel à l’action mécanique par abrasion très en vogue actuellement.

Restauration de l’habitat

Le cas échéant, l’habitat doit être restauré pour éliminer les cachettes en calfeutrant les fissures, en remplaçant les revêtements décollés et en revissant les prises électriques, par exemple.

Recours aux spécialistes

En cas d’échec de ces mesures, le recours à des entreprises professionnelles possédant le certificat Certibiocide délivré par le ministère de la Transition écologique et solidaire est nécessaire (2).

(1) Retrouvez les informations utiles sur le site du ministère chargé de la Ville et du Logement (stop-punaises.gouv.fr) et posez vos questions au 0 806 706 806 (prix d’un appel local).

(2) Liste des entreprises spécialisées sur cs3d-expertise-punaises.fr

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

Prévenir une infestation

→ Lors des visites chez les patients en journée, le risque de contamination est faible. Il est néanmoins préférable de regrouper ses affaires, de poser vêtements et mallette de soins fermée sur une chaise. En cas de doute, isoler les affaires utilisées et les décontaminer par le froid ou le chaud avant de les réintroduire dans son domicile.

→ En voyage ou lors d’hébergement, éviter d’étaler ses affaires, voire de les sortir de la valise pour des séjours brefs. De retour chez soi, contrôler la valise. En cas de doute, isoler ses affaires dans des sacs en plastique le temps de les décontaminer. Passer l’aspirateur dans la valise.

→ En cas d’achat de meubles ou de vêtements d’occasion, laver les vêtements à 60 °C, les passer au sèche-linge ou les placer au congélateur. Nettoyer les meubles (aspirateur, nettoyage à la vapeur) avant de les introduire dans le logement.