EXERCICE
VOTRE CABINET
service juridique du Conseil national de l’Ordre des infirmiers.
Les infirmières libérales peuvent, si elles le souhaitent, se lancer dans une autre activité en parallèle de leur exercice professionnel. Néanmoins, ce cumul doit s’inscrire dans le cadre de la réglementation en vigueur pour éviter de se faire rappeler à l’ordre.
Une infirmière libérale (Idel) peut tout à fait, parallèlement à son métier, développer une seconde activité professionnelle. Toutefois, le Code de la santé publique, ainsi que le Code de déontologie (R.4312-55) rappellent qu’elle ne peut pas exercer, en dehors de ses activités de soins ou de prévention, une activité annexe lui permettant de tirer profit de ses compétences reconnues.
Le risque est particulièrement important pour les Idels qui pratiquent, en parallèle, de la médecine douce, non conventionnelle et non reconnue par la science comme la sophrologie, la réflexologie, les massages, etc. Certes, certaines de ces pratiques sont désormais admises dans les unités de soins des établissements hospitaliers. Mais en exercice libéral, les Idels doivent être particulièrement vigilantes et veiller à prendre des précautions pour éviter toute sanction de la part de l’Ordre des infirmiers. Ainsi, l’Idel ne peut en aucun cas proposer le recours à la médecine douce en lieu et place d’une consultation médicale. Elle doit aussi se prémunir des cas de charlatanisme. Le Code de la santé publique (article R.4312-10) précise clairement que l’infirmier ne peut pas conseiller et proposer au patient ou à son entourage, comme salutaire ou sans danger, un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé, c’està-dire un procédé ou une technique qui n’a pas fait l’objet d’études scientifiques sérieuses confirmant les effets annoncés. La notion de données acquises de la science est importante, car seules ces données, ainsi que les données avérées de la science, peuvent être utilisées et véhiculées par l’infirmière. De même, elle ne doit pas se servir de sa profession pour obtenir un avantage ou un profit, une pratique réprouvée par le Code de la santé publique (article R.4312-54).
L’Idel doit donc toujours avoir en tête qu’en cas de litige, le patient sera considéré comme une personne vulnérable. À titre d’exemple, la jurisprudence énonce que « l’utilisation d’huiles essentielles par une infirmière qui n’a pas vérifié l’origine et la réglementation de ces huiles, alors que certaines d’entre elles relèvent du monopole pharmaceutique du fait de leur toxicité et alors qu’elle n’a suivi aucune formation spécifique à l’usage de ces huiles, constitue une pratique illusoire »(1).
Le Conseil départemental de l’Ordre des infirmiers (CDOI) peut d’ailleurs décider de sanctions disciplinaires à son encontre, s’il considère qu’il y a eu un manquement déontologique, ou si son comportement concerne des procédés illusoires, insuffisamment prouvés, ou qui relèvent du charlatanisme. L’Idel peut aussi être confrontée à des poursuites pénales pour abus de faiblesse. Les CDOI reçoivent régulièrement des signalements en ce sens. La sanction n’est cependant pas systématique. Les élus ordinaux peuvent simplement convoquer l’Idel pour un rappel à la loi et aux règles de bonnes pratiques.
Pour éviter tout conflit, l’Ordre national des infirmiers (ONI) déconseille fortement de cumuler une activité libérale avec ce type de pratiques. Il ne peut cependant pas l’interdire, car aucun texte ne le prévoit. Il met néanmoins en garde les Idels, afin qu’elles veillent toujours à ne pas user de leur profession pour faire de la publicité pour une activité annexe, le risque étant de légitimer et d’apporter une crédibilité à leur autre activité par leur diplôme d’État d’infirmier, qui est, lui, reconnu par les textes et le Code de la santé publique.
Quelle que soit l’activité menée en parallèle au métier d’infirmier, l’ONI recommande le respect de certaines règles de base, afin d’éviter toute sanction. Dans l’idéal, l’Idel doit séparer géographiquement les zones au sein desquelles elle exerce ses deux pratiques. Mais cette disposition étant difficile à mettre en œuvre dans les faits, elle doit a minima disposer de deux cabinets séparés, de deux salles d’attente, ainsi que de deux plaques professionnelles permettant de bien distinguer son exercice d’infirmière de son autre activité. Par exemple, il n’est pas possible de mentionner sur la plaque de son cabinet infirmier l’autre pratique menée en parallèle, et inversement. De même qu’il n’est pas possible de distribuer des cartes de visite de l’autre activité dans l’un des deux cabinets, ni de mettre un message en ce sens sur le répondeur téléphonique car, dans l’esprit de la patientèle, cela peut indirectement légitimer une activité non reconnue par le Code de la santé publique. Bien entendu, l’Idel ne peut pas freiner le bouche-àoreille, mais elle ne doit en aucun cas l’entretenir.
Plus récemment, dans le contexte de la campagne pour les élections municipales, de nombreuses Idels ont contacté l’Ordre pour savoir si elles pouvaient s’inscrire comme candidates sur les listes électorales. Rien n’interdit à une Idel d’avoir un mandat, comme en témoigne l’engagement de certains soignants devenus députés (2). En revanche, il lui est interdit d’avoir un mandat électif et d’en user pour accroître sa patientèle. De même que l’Idel ne peut pas organiser ses réunions électorales au sein de son cabinet infirmier ou y apposer des affiches de campagne, et vice versa. Se faire connaître auprès des électeurs s’apparenterait en effet à de la captation de patientèle. Là aussi, les deux activités doivent pouvoir être distinguées. Le patient ne vient pas au cabinet de l’Idel pour une prestation commerciale ou politique, comme le stipule d’ailleurs l’article R.4312-78 du Code de déontologie : « Il est interdit à un infirmier qui remplit un mandat électif ou une fonction administrative d’en user pour accroître sa clientèle. »
(1) Décision de la Chambre disciplinaire de première instance Paca-Corse du 22 mars 2018, n° 17-025.
(2) Lire notre dossier « Politique, l’envie de s’engager », dans L’Infirmière libérale magazine n° 357, avril 2019.