L'infirmière Magazine_Hors série n° 406 du 01/09/2019

 

PRÉVENIR LA DÉNUTRITION

Les compléments nutritionnels oraux sont des produits destinés à apporter en un volume réduit une quantité importante de calories et de protéines en complément de l’alimentation traditionnelle (sans s’y substituer). Ces compléments sont des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales dont la prescription médicale permet le remboursement pour les patients dénutris. Ces compléments nutritionnels oraux se présentent sous différentes formes, textures (liquides de type lacté, liquides fruités, crèmes desserts, soupes, etc.) et saveurs (sucrées/salées). Il existe également une gamme large de produits particulièrement adaptés à des situations spécifiques (intolérance au lactose, texture épaissie pour les troubles de la déglutition…).

Les effets bénéfiques (voir encadré ci-contre) s’observent quand le patient est observant, c’est-à-dire quand il ingère la quantité totale de compléments nutritionnels oraux qui lui a été prescrite : il est donc crucial d’évaluer régulièrement l’observance des patients aux compléments nutritionnels oraux et d’ajuster leur prise pour l’optimiser, d’autant plus que la durée de prescription est souvent très longue (7,6 mois en moyenne)(7). Le pharmacien et l’infirmière libérale ont un rôle primordial dans la surveillance de l’observance du patient et doivent veiller à ce que les prescriptions soient renouvellées tant que l’état nutritionnel du patient le nécessite.

Enfin, si la complémentation orale ne suffit pas ou si le patient n’est plus capable de s’alimenter oralement, la mise en place d’une nutrition artificielle peut être nécessaire (nutrition entérale en premier recours, nutrition parentérale si intolérance de la nutrition entérale ou tube digestif non accessible ou non fonctionnel).

(7) IMS Lifelink Treatment Dynamics™, mars 2016.

Comment faire accepter la prise de compléments nutritionnels oraux* à mon patient ?

La prise en charge nutritionnelle via des compléments nutritionnels oraux peut être vécue difficilement par certains patients. Pour aider vos patients à accepter leur prise en charge nutritionnelle, voici quelques conseils :

→ informez vos patients sur le rôle des compléments nutritionnels oraux : expliquez-leur l’intérêt de ces produits et les risques que peut engendrer la dénutrition ;

→ conseillez-leur les produits les mieux adaptés à leurs goûts : faites-leur goûter plusieurs produits et saveurs pour leur montrer la diversité de l’offre.

* Denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales. À utiliser sous contrôle médical.

LES EFFETS BÉNÉFIQUES DES CNO

Pour être efficace, la HAS préconise une prise en charge nutritionnelle via une supplémentation journalière d’au moins 400 kilocalories et/ou 30 g de protéines(1). L’efficacité des compléments nutritionnels oraux a d’ailleurs été démontrée dans de nombreuses études cliniques : ils permettent de reprendre du poids(2), de diviser par trois le risque d’hospitalisation(3) et, contrairement aux idées reçues, d’améliorer l’appétit du patient(3).

(1) HAS. Stratégie de prise en charge en cas de dénutrition protéino-énergétique chez la personne âgée. Recommandations, avril 2007.

(2) Cawood AL, Elia M, Stratton RJ. Systematic review and meta-analysis of the effect of high protein oral nutritional supplements. Ageing Res Rev 2012; 11 (2):278-296.

(3) Seguy D, Hubert H, Robert J, Meunier JP, Guérin O, Raynaud- Simon A. Compliance to oral nutritional supplementation decreases the risk of hospitalisation in malnourished elderly patients living in the community without extra cost: results of the ENNIGME study. Clinical Nutrition 2018;37 (1):S58.

Comment améliorer l’observance de vos patients dénutris aux compléments nutritionnels oraux ?

→ Déterminez avec vos patients les produits les plus adaptés à leurs goûts.

→ Variez les produits (textures, goûts, saveurs), tout en respectant les besoins et les spécificités du patient.

→ Conseillez à vos patients dénutris de mettre les produits au frais avant de les consommer.

→ Proposez-leur de fractionner les prises tout au long de la journée.

→ Donnez quelques astuces pour rendre les produits plus gourmands :

• Pour en faire une boisson chaude, chauffer sans laisser bouillir les liquides de type lacté 1 ;

• Mettre au congélateur pendant deux heures les crèmes desserts pour en faire des crèmes glacées 2 ;

• Ajouter un peu d’eau pétillante dans les liquides fruités pour en faire une boisson rafraîchissante 3.

Témoignage

Hélène Dujardin, Idel depuis huit ans

« Je suis principalement confrontée à la dénutrition chez des patients atteints de cancers ou relevant d’une prise en charge gériatrique. La base, c’est de peser les patients. Si je détecte un patient à risque de dénutrition, je préviens son médecin traitant ou son cancérologue : par exemple, s’il reçoit une chimio thérapie ou s’il perd trop de poids ou s’il a des atteintes cuta ées comme des escarres. Je pense que, globalement, le début de la prise en charge intervient trop tard. Il m’arrive également d’orienter le patient, s’il a plus de 60 ans vers l’assistante sociale pour qu’elle fasse une demande d’allocation personnalisée pour l’autonomie (APA). Cela permet d’obtenir des aides à domicile ou du portage de repas, par exemple. En ce qui concerne les compléments nutritionnels oraux, les patients semblent préférer les jus ; en revanche, ils aiment moins les soupes. Les crèmes desserts ou la poudre de protéines versée dans une boisson chaude ou froide, ça marche pas mal aussi. Pour les boissons lactées, les patients disent qu’ils sont vite saturés. En écoutant bien le patient et en respectant ses goûts, on arrive assez facilement à trouver, en variant les textures et les marques. En général, je n’ai pas trop de problèmes d’observance. En gériatrie, le problème c’est souvent les quantités. Ils peuvent avoir du mal à en consommer deux ou trois par jour. Il peut aussi y avoir des problèmes avec les textures si les patients ont des troubles de la déglutition. Il faudra dans ce cas plutôt s’orienter vers des compléments gélifiés. Si je vois que ça ne va pas, je peux appeler le médecin traitant et on en discute. Et puis si ça ne marche pas, on peut passer à la nutrition artificielle. Là, c’est quand même un peu dur pour le patient parce que ça représente une étape de plus dans sa maladie. Mais au niveau de la qualité de vie, on arrive quand même à la conserver en la faisant la nuit. Ça lui permet d’avoir une vie normale la journée. »