L'infirmière Magazine_Hors série n° 406 du 01/09/2019

 

PRÉVENIR LA DÉNUTRITION

Deux millions : c’est le nombre de personnes dénutries recensées en France par le Collectif de lutte contre la dénutrition(1).

La dénutrition est un état de déséquilibre entre les apports et les besoins protéino-énergétiques, qui aboutit à une diminution progressive de la masse maigre et de la masse grasse corporelles entraînant une altération des capacités fonctionnelles. Elle résulte soit d’une diminution des apports (anorexie, mal absorption, perte d’appétit), soit d’une augmentation des besoins (hypercata bolisme), soit d’une conjonction des deux.

La dénutrition est une « maladie silencieuse » qui peut affecter des personnes de tout âge et de tout niveau socio-culturel, malheureusement insuffisamment identifiée et traitée.

LES COMPLICATIONS LIÉES À LA DÉNUTRITION

Lorsqu’une pathologie aiguë n’est pas rapidement prise en charge de façon efficace en y associant une prise en charge nutritionnelle, le malade âgé entre alors dans un cercle vicieux, illustré par la « spirale de la dénutrition »(2) (voir ci-contre). Plus la ma la die est longue, plus le malade va puiser dans ses réserves nutritionnelles pour faire face à ses besoins, et plus il va sortir fragilisé des différents épisodes pathologiques. Ainsi, si elle n’est pas prise en charge à temps, la dénutrition peut faire émerger des comorbidités (infections, escarres), et générer une aggravation de l'état de santé pouvant aller jusqu'au décès.

COMMENT RECONNAÎTRE VOS PATIENTS À RISQUE DE DÉNUTRITION ?

Les patients les plus à risque de dénutrition présentent une fragilité d’ordre sociale ou une pathologie aiguë ou chronique comme les patients âgés, atteints de cancer ou sortant d’hospitalisation.

LE SUJET ÂGÉ : 4 à 10 % des personnes âgées à domicile sont dénutries(1)

Au cours du vieillissement, la masse musculaire diminue. Des modifications dans la régulation de l’appétit peuvent provoquer une anorexie chez le patient âgé, d’autant plus facilement qu’un régime restrictif peut lui être imposé (exemple : régime sans sel dans l’hypertension). L’état de fragilité lié à la dénutrition qui associe la faiblesse musculaire et le déficit immunitaire favorise la survenue de chutes ou d’infection. L’alitement qui en découle, associé à la dénutrition, provoque le développement d’escarres qui aggravent la dénutrition et fait basculer le patient vers un état grabataire de dépendance.

LE PATIENT EN ONCOLOGIE : 51 % des patients atteints de cancer sont dénutris avant le début de leur traitement(3)

De nombreux facteurs de dénutrition touchent le patient atteint de cancer. Des facteurs propres à la maladie tels que l'hypercatabolisme inhérent à la pathologie, ou l'anorexie liée vont diminuer l'appétit du patient. Certains traitements, en particulier cytotoxiques et certaines radiothérapies (de la sphère ORL et des voies aéro-digestives supérieures), sont également des facteurs de risque de dénutrition car ils ont des effets digestifs indésirables importants. De plus, les traitements pour le cancer ont un effet anorexigène. Enfin, un syndrome particulier appelé « cachexie cancéreuse » associe une anorexie à une perte de masse maigre dans un contexte inflammatoire. Les conséquences de la dénutrition chez le patient atteint de cancer sont graves. Elle entraîne une dégradation de l'état de santé du patient, ce qui va conduire à une diminution de l'efficacité des traitements et une augmentation de leur toxicité, une altération de la qualité de vie des patients et finalement une diminution de la survie globale.

LE PATIENT EN SORTIE D’HOSPITALISATION : 20 à 40 % des personnes hospitalisées sont dénutries(1)

Le patient de retour à domicile après un séjour à l’hôpital est particulièrement à risque de dénutrition. La diminution de l’appétit observée à l’hôpital peut être liée à l’alimentation proposée qui n’est pas au goût du patient, mais peut également être en lien avec sa pathologie. L’hospitalisation est aussi un facteur majeur de diminution de l’activité physique qui peut très rapidement entraîner une diminution de la masse musculaire. La dénutrition est un facteur majeur de ré-hospitalisation.

(1) www.luttecontrelade nutrition.fr/chiffres-cles/

(2) Ferry M. Nutrition de la personne âgée, 4e éd. Issy-les-Moulineaux : Elsevier-Masson, 2012.

(3) Pressoir M., Desné S., D. Berchery, et al. Prevalence, risk factors and clinical implications of malnutrition in French Comprehensive Cancer Centres. Br J Cancer 2010;102 (6):966-971.

À RETENIR

Deux millions de personnes sont touchées par la dénutrition, plus fréquemment les patients fragilisés (âgés, atteints de cancer, ou bien au retour d’une hospitalisation).