La fin de vie approchée - Ma revue n° 294 du 01/07/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 294 du 01/07/2013

 

PROFESSION

Actualité

RÉFLEXION → Fin mai s’est tenue à La Réunion la 3e journée des soins palliatifs de l’Océan Indien, organisée par le GISP* sur le thème “Place et représentations de la fin de vie dans notre société”.

Le Dr Benjamin Guy, au nom de l’équipe mobile de soins palliatifs du CHU de la Réunion, a présenté une enquête interrogeant le sens de la souffrance insupportable. Enquête pour le moins originale, puisque les 466 personnes interrogées ont été rencontrées hors les murs de l’hôpital, au marché de nuit de St-Denis ou encore au Florilèges au Tampon. L’insupportable c’est, pour 56 % des personnes interrogées, la douleur physique non soulagée, la souffrance morale (pour 34 %) et le fait d’être une charge pour les proches (pour 32 %).

Partager les repères

Des proches dont les soignants ont beaucoup à apprendre, ainsi qu’en témoignait, avec justesse et émotion, Jerry, père endeuillé d’une fillette de 13 ans. La rencontre des parents et des soignants nécessite des adaptations de part et d’autre, « les soignants ont leur repère, les parents ont perdu les leurs ». Ce père s’interrogeait sur le nombre de soignants qui se succèdent au domicile, sur la question de la “distance : juste ou bonne” prônée dans la formation des soignants, alors que les patients souhaitent parfois nouer des liens privilégiés avec tel ou tel soignant.

Entre représentations idéalisées de la fin de vie à domicile (sécurité, intimité, identité, pouvoir, etc.) et certaines réalités (vision hygiéniste des soignants imposant leur habitudes et matériels…), les soignants peuvent-ils avoir un rôle dans la construction des savoirs et des connaissances que le public élabore ? C’est ce à quoi Marie-Claude Daydé, Idel à Colomiers (31), a invité les soignants à réfléchir, insistant sur l’amélioration de leurs compétences, en particulier dans le soulagement de la douleur, afin d’épargner à tous des expériences vécues comme délétères. Par le détour de la philosophie, Donatien Mallet, médecin USP au CH de Luynes (37), a préféré souligner l’écart rencontré, en situation clinique des patients, entre le souci de leur autodétermination (orientations de traitement notamment) soutenu dans nos sociétés par différentes lois et leur vulnérabilité.

Les projets de vie

L’intérêt de cette journée pour les 200 participants fut aussi l’apport de regards non soignants. David Deleurme et Claire Chambertin, éducateurs au CHU de la Réunion, à partir du récit narratif de l’accompagnement d’un ado, ont rappellé l’importance d’une dynamique de projet de vie, ici, à travers l’équitation. Belle fraîcheur du regard de David, jeune professionnel n’hésitant pas à faire déplacer le cheval pour un dernier adieu à son cavalier, celui-ci ne pouvant plus se mobiliser à cause de la maladie…

La culture mahoraise

Saindou Allaoui, infirmier libéral et Mohamed M’Trengoueni, anthropologue à Mayotte, abordaient de concert les représentations pour un modèle de communication en fin de vie dans la société mahoraise. L’infirmier évoquait les difficultés rencontrées dans les soins à domicile, les soignants étant « relégués au 2e plan » au profit des rites et des croyances. Qui plus est, la population mahoraise ayant plusieurs langues maternelles (Shimawore et Shibushi) et n’étant pas toujours francophone, ne saisit pas forcément la teneur du discours médical… Comment, dès lors, communiquer sur l’annonce de la fin de vie ? L’anthropologue souligne l’importance de former des traducteurs pour améliorer la communication mais aussi de sensibiliser les soignants sur les valeurs culturelles des populations mahoraises afin de mieux savoir appréhender leurs démarches de soin.

* Le Groupement des intervenants en soins palliatifs (GISP) est présidé par Michelle Peyrichoux, infirmière libérale à Bois d’Olive (contact : gsp974@gmail.com).