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SOCIOLOGIE → Ce choix fluidifierait la prise en charge des personnes âgées à domicile dans le Japon de l’après-séisme, mais signifierait la fin du lien de subordination aux médecins.
Notre mode d’exercice libéral infirmier, exporté au Japon ? C’était en tout cas une piste étudiée avec attention par le gouvernement nipon… avant son renouvellement en octobre dernier.
Depuis 1988, le docteur en sociologie Tetsu Harayama compare les mondes hospitaliers français et japonais (lire L’ILM 277) en coopération avec l’économiste Philippe Mossé, chercheur au CNRS à Aix-en-Provence, et Maryse Boulongne, cadre aujourd’hui à la retraite. Le séisme de mars 2011 (relire notre reportage Reconstruire la vie avec soin dans L’ILM 273), entre autres catastrophes, a détruit l’équilibre d’une population vieillissante en emportant le maillage d’hôpitaux et de traditionnels petits établissements privés. « Les personnes âgées font face à une rupture de la chaîne de soins sans avoir les moyens de quitter le domicile », resitue Maryse Boulongne.
Au Japon, 2 % de la population infirmière portent le nom de “visiteuses”, un système proche de l’HAD puisque reposant sur le salariat. Qui plus est, comme à l’hôpital, leur turn over y est important, avec une carrière « de trois à quatre ans », précise le Pr Harayama. Afin d’en savoir davantage sur la diversité de nos modes d’intervention « hors les murs », le Pr Harayama a séjourné début juin en Picardie où il a rencontré des libérales et des équipes d’HAD, notamment à Montdidier. « Cette région présente de fortes similitudes avec le milieu rural japonais. L’autre versant d’étude étant Aix-en-Provence », précise Maryse. La diversité d’intervention des Idels, « pas seulement limitées à l’accompagnement en fin de vie », semble passionner le sociologue japonais.
Las, l’équipe de chercheurs nous fait savoir que, si le lancement d’une expérimentation “libérale” était prévu par l’ancien gouvernement, tout semble au point mort depuis l’automne. Les plus grands opposants à un tournant libéral, ce sont les médecins, qui « craignent de perdre leur main-d’œuvre et leur pouvoir ». Mais pas seulement, car l’Association nationale des infirmières japonaises a elle aussi fini « par changer d’avis sous la pression des médecins, mais aussi parce qu’elle estime qu’il n’est pas dans les mentalités japonaises de se faire concurence entre libérales et visiteuses, salariées des cliniques régies par des médecins libéraux, mais aussi entre libérales », détaille Maryse Boulongne. Tradition oblige, aux infirmières japonaises le care, aux médecins le cure. Mais pour combien de temps encore ? Difficile en tout cas d’élaborer une nomenclature et une cotation des actes dans ce contexte. « Mais, en France aussi, cela a pris plusieurs générations, ponctue Maryse. Nous continuons donc l’étude afin de donner du grain à moudre au gouvernement japonais et prouver la complémentarité entre libéral et hôpital. »