L'infirmière Libérale Magazine n° 294 du 01/07/2013

 

Sonia Guillaume, puéricultrice au service de néonatologie de Robert-Debré (AP-HP)

La vie des autres

Auxiliaire-puéricultrice, puis infirmière et enfin puéricultrice : Sonia Guillaume a mis toute sa carrière hospitalière au service des jeunes enfants, en particulier des prématurés. Aujourd’hui, elle accueille et forme les nouvelles infirmières et puéricultrices qui arrivent dans le service.

J’ai toujours voulu travailler avec les jeunes enfants, les nourrissons. Je le sais depuis toute petite. » Si le maternage auquel aiment s’adonner les petites filles n’est souvent qu’une passade, chez Sonia Guillaume, il a su perdurer.

Elle grandit en région parisienne, à Boulogne. Après son baccalauréat, pour concrétiser son projet professionnel, elle se forme à l’école d’auxiliaire de puériculture de l’hôpital parisien Saint-Michel. C’est à l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne, en pédiatrie générale, que Sonia Guillaume fait ses premières armes de soignante. Puis, de 1983 à 1986, elle retourne sur les bancs de l’école, à l’Ifsi de Clamart. Son diplôme d’infirmière décroché, elle entre au service de réanimation chirurgicale infantile de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris. Nouvelle étape en 1991-1992, pour parachever sa formation au service des enfants : elle suit les cours de l’école de puériculture de Saint-Denis, avant d’entrer à l’hôpital Robert-Debré.

Écouter et observer

« En tant que puéricultrice, je peux beaucoup apporter aux enfants prématurés et à leurs parents. L’enfant qui naît prématuré, à 25 semaines d’aménorrhée, qui pèse 600 g et que ses parents voient à travers la vitre de l’incubateur, entouré d’appareils et de prothèses, est très éloigné de l’enfant idéalisé… Notre rôle est d’arriver à mettre en lien ce bébé et ses parents. Nous les invitons à toucher leur enfant, à lui parler… » Sonia Guillaume a d’ailleurs participé à une recherche infirmière, en 2010, menée sur ce sujet dans plusieurs hôpitaux parisiens*.

Une certitude : dès cet âge-là, l’enfant sait communiquer. Il faut être à l’écoute et observer – l’observation est le maître-mot du discours de Sonia : des mimiques peuvent en dire long sur l’état de l’enfant, son bien-être ou sa gêne… Le risque est de surstimuler ces enfants, dont le développement cérébral n’est pas achevé. « Trop de soins, trop longtemps, trop de lumière et trop de bruit, une mauvaise position… Tout cela peut engendrer de l’inconfort, voire de la douleur. »

Observer l’enfant, comprendre ses réactions, se mettre à sa place : tout cela, ce sont des “soins de développement”, qui renvoient au “programme NIDCAP”. Née aux États-Unis dans les années 1980, cette philosophie de soins vise à favoriser le bien-être de l’enfant prématuré, tout en intégrant ses parents. Sonia Guillaume s’est formée aux soins de développement et au programme NIDCAP au CHU de Brest, il y a six ans. À l’hôpital Robert-Debré, les équipes tentent le plus possible d’individualiser les soins. Ainsi, chaque bébé prématuré a sa chambre.

Mais travailler dans un service de réanimation néonatale n’est pas facile : les soignants y sont confrontés au stress, aux urgences, au décès d’enfants, au handicap, à la détresse des parents… D’où un turn over fréquent dans ces services.

Outre les situations difficiles, le travail à l’hôpital impose des horaires contraignants : on est “sur le pont” un week-end sur deux, ainsi que les jours fériés… La vie de famille peut en pâtir. Mais pour Sonia, non : « Mon mari a toujours été compréhensif, il a vu que je prenais du plaisir dans mon travail », explique cette mère de famille, dont les deux enfants ont aujourd’hui 25 et 30 ans.

Former les nouvelles arrivantes

Il y a dix-huit mois, Sonia Guillaume est devenue puéricultrice référente. Une mission qu’elle mène en binôme avec une collègue expérimentée. L’objectif est de former et d’accompagner les nouvelles recrues, infirmières et puéricultrices, afin de faciliter leur intégration et de limiter le turn over. « Dans le service, nous ommes 82 soignantes, en majorité des infirmières. Cela s’explique par le nombre limité de puéricultrices formées chaque année. » Et pour cause : devenir puéricultrice impose de suivre une formation d’un an, à l’issue de laquelle la rémunération n’est guère plus élevée que celle d’infirmière…

« J’ai préparé des cours théoriques qui leur sont dispensés pendant quatre jours – notamment avec le “baigneur”, un poupon de la taille d’un prématuré – et qui alternent avec des situations pratiques au chevet des jeunes patients. Puis, par la suite, les nouvelles peuvent nous solliciter à tout moment. ». Un passage de savoir essentiel.

Après plus de vingt ans passés dans le même service, Sonia Guillaume ne souffre pas de la routine, loin s’en faut. La passion pour les jeunes enfants, le goût du lien à créer avec les parents restent intacts. « Chaque situation, chaque histoire sont différentes. Et ma façon d’être varie au fil des ans. Je vis de beaux moments lorsque je vois ces enfants grandir, aller mieux, rentrer chez eux avec leurs parents. »

* Voir à l’adresse www.premup.org

Elle dit de vous !

« Il serait intéressant que les actes de puériculture soient reconnus pour les libérales, car elles sont un maillon indispensable de la prise en charge. Il est très important que les patients puissent rester chez eux, même malades. Je pense que leur vision des soins n’est pas la même que pour nous, hospitalières, qui, avec nos blouses blanches, sommes sur notre terrain… Alors que les Idels se rendent au domicile des patients : ce sont eux qui les accueillent, et cela bouleverse totalement la donne. Elles sont ainsi au plus près des patients, et plus disponibles que nous, qui pouvons être appelées à tout moment pour une urgence. Elles peuvent discuter plus longtemps avec eux et repérer leurs éventuelles difficultés sociales. Les Idels prodiguent une aide médicale, mais aussi morale et psychologique. Cela dit, j’imagine qu’il leur faut cumuler un certain nombre d’actes pour gagner correctement leur vie. »

EXERCICE LIBÉRAL

La puériculture toujours pas reconnue

Les puéricultrices qui vont au domicile sont des salariées, soit de structures d’hospitalisation à domicile, soit de centres de Protection maternelle et infantile. Pour une Idel spécialisée en puériculture, il est difficile de ne vivre que des soins prodigués aux enfants : en effet, la nomenclature des actes professionnels ne comprend pas d’actes spécifiques concernant l’enfant. Certaines Idels tentent cependant l’aventure : ainsi, le rapport de la commission Berland sur la prise en charge de la santé de l’enfant (cf. actualité page 22), fait état de 16 000 puéricultrices en France, dont 600 en libéral. Pour pallier le déficit de médecins et éviter que les parents n’encombrent les urgences, ce rapport propose de développer une offre de soins de puéricultrices libérales. La présence des infirmières spécialisées pourrait être renforcée pendant les séances de préparation à la naissance et à la parentalité, estime la commission.