Douleurs cancéreuses et médicaments antalgiques - L'Infirmière Magazine n° 167 du 01/01/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 167 du 01/01/2002

 

Formation

Négligées, les douleurs en cancérologie peuvent être destructrices sur les plans physique et psychologique, et diminuer les capacités de guérison du malade. Pourtant, elles peuvent dans leur grande majorité être soulagées efficacement et sans danger.

Selon la définition de l'International Association for the Study of Pain (IASP), la douleur est « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle ou décrite en terme d'une telle lésion ». Les douleurs en cancérologie peuvent avoir des causes multiples, liées soit à la maladie, soit au traitement, et se modifier dans le temps. Il est important de savoir les identifier, les évaluer, les traiter rapidement dans le cadre d'une prise en charge personnalisée du patient, qui requiert de la part des soignants un savoir-faire, dont l'importance est primordiale pour la qualité de vie du malade et son avenir. Toute douleur mal ou non traitée a des retentissements physiques (contractures musculaires réflexes) et psychologiques qui modifient les attitudes du patient vis-à-vis de sa maladie et de son entourage. La douleur initiale devient douleur totale et souffrance globale. La douleur en cancérologie est toujours destructrice des forces physiques et de l'énergie psychique du patient.

LES DIFFÉRENTES DOULEURS

Elles peuvent être aiguës ou chroniques (persistant depuis plus de trois mois), en rapport avec l'affection cancéreuse ou avec le traitement.

La douleur aiguë est une sensation vive et cuisante, qui s'inscrit dans un tableau clinique d'évolution rapide. Elle a pratiquement toujours une cause identifiable. Elle est souvent utile en étant un signe d'alerte précoce rencontré dans certaines tumeurs. Cependant, dans un nombre non négligeable de cas, elle peut survenir à un stade avancé de la maladie et être en rapport avec des lésions osseuses métastatiques vertébrales ou des os longs. Sa diminution résulte d'actions de prévention, de traitements symptomatiques et étiologiques. La douleur chronique, dont l'étiologie initiale peut avoir disparu, n'a jamais d'utilité et devient une maladie par elle-même avec un retentissement psychologique important. Elle pose de réels problèmes diagnostiques et thérapeutiques. Dans 70 % des cas, les douleurs rencontrées en cancérologie sont liées à l'évolution de la tumeur : douleurs liées à l'envahissement osseux (métastases osseuses), douleurs par compression et infiltration des structures nerveuses avec atteinte sensitive ou motrice, douleurs viscérales par distension des viscères et infiltration des séreuses, douleurs liées à l'infiltration des vaisseaux avec lymphangite périvasculaire et vasospasme, douleurs liées à l'inflammation et aux ulcérations muqueuses. Dans 20 % des cas, elles sont en rapport avec le traitement du cancer. Dans moins de 10 % des cas, elles sont sans relation avec la maladie cancéreuse : douleurs préexistantes, affections rhumatismales, séquelles traumatiques, par exemple.

Douleurs par excès de nociception. Ce sont les plus fréquentes en cancérologie. Elles sont provoquées par la stimulation excessive des fibres nerveuses au niveau des récepteurs périphériques sensibles à la douleur, par exemple lors de l'invasion des tissus par la tumeur. Elles peuvent être de type mécanique (déclenchées ou augmentées par un mouvement) et/ou inflammatoire, réveillant le sujet au cours de la nuit. Le patient se plaint de douleurs à type de déchirures, de coups de couteau, souvent lancinantes. La répétition de douleurs intenses par excès de nociception entraîne une hypersensibilisation qui aboutit à une douleur chronique. À l'examen, la topographie de la douleur est précise. Elle indique souvent la zone près de laquelle se développe les troubles lésionnels objectifs. Les douleurs par excès de nociception sont en principe sensibles aux analgésiques morphiniques et aux interventions qui décompriment les lésions douloureuses.

Douleurs neurogènes ou douleurs neuropathiques. Encore appelées douleurs par désafférentation, elles sont liées à une perte de l'intégrité du système nerveux, qu'il soit central ou périphérique, et à une défaillance des systèmes de contrôle physiologique des influx nociceptifs, causées par l'infiltration du tissu nerveux par la tumeur ou par les séquelles de certains traitements anticancéreux. Ainsi, elles font souvent suite à une intervention chirurgicale ou à une radiothérapie ayant blessé des filets nerveux, voire à une chimiothérapie qui, par les troubles de la microcirculation qu'elle entraîne, induit le développement d'une neuropathie périphérique généralisée. Ces douleurs se traduisent par des anomalies de la sensibilité : fond permanent à type de brûlure, d'arrachement, de paresthésies, de « fourmis », de sensation d'eau qui coule. Leur caractère est plus désagréable que leur intensité. Elles peuvent aussi transformer le patient en écorché vif. Les douleurs par désafférentation sont en général peu sensibles aux morphiniques, auxquels sont préférés les antiépileptiques et les antidépresseurs tricycliques. Souvent, les douleurs neurogènes coexistent avec des douleurs par désafférentation, en particulier au stade avancé du développement du cancer. Ainsi, par exemple, au cours de l'envahissement du petit bassin par un cancer gynécologique, il peut exister une douleur viscérale et une douleur neurogène par envahissement ganglionnaire du plexus lombaire L1 L2 L3 avec irradiation dans la région inguinale et à la face antérieure de la cuisse et déficit sensitif.

Douleurs psychogènes. Elles n'ont aucune cause psychosomatique et proviennent, dans la majorité des cas, d'un retentissement psychologique, ce qui rend difficile leur évaluation.

DOULEUR ET PROCESSUS TUMORAL

Douleurs osseuses. L'atteinte tumorale, primaire ou secondaire de la structure osseuse, représente la source la plus fréquente de la douleur en cancérologie. Il s'agit d'une douleur nociceptive, intense mais progressive, profonde, continue, sur laquelle surviennent parfois des pics douloureux incidents ou spontanés. Les localisations les plus fréquentes sont le rachis, la base du crâne, le bassin et les os longs. Lorsque la situation est aggravée par des infiltrations ou des compressions nerveuses, la douleur peut être mixte (nociceptive et neurogène). Un examen et un interrogatoire minutieux permettent de reconnaître la douleur mécanique ou inflammatoire osseuse en cause, exacerbée par les mouvements, la mise en charge du segment osseux concerné ou lors de certaines positions. Attention aux douleurs projetées : ainsi, par exemple, une douleur au genou peut avoir son origine dans l'articulation coxofémorale.

Douleurs abdominales. L'infiltration viscérale peut être due à des tumeurs de la cavité abdominale, pelvienne, thoracique ou provenir de métastases d'une tumeur située à distance. Les adénocarcinomes de l'oesophage provoquent une douleur rétrosternale, irradiant dans le dos et aggravée par la déglutition. La dysphagie est présente dans les cas avancés. Les douleurs du cancer de l'estomac peuvent imiter celles de l'ulcère peptique et s'accompagner d'un ralentissement du transit. Souvent révélatrice d'un cancer ovarien, la douleur de la carcinose péritonéale est aiguë et tenaillante, compliquée fréquemment d'une occlusion intestinale. Le cancer du foie se manifeste par une douleur sourde et continue, dans le quadrant supéro-externe droit de l'abdomen ainsi que dans le flanc avec projection vers l'omoplate, l'épaule et le cou. La douleur du cancer du pancréas est décrite comme une douleur diffuse de l'abdomen. Elle irradie souvent dans le dos, s'aggrave en position couchée, est soulagée par une position en chien de fusil. Les douleurs pelviennes et périnéales se projettent de façon spécifique suivant l'origine de la tumeur primitive : les douleurs de l'urètre ou du testicule peuvent irradier dans le creux inguinal ou le pénis ; celles de la prostate et du col vésical dans le scrotum ; celles de l'ovaire et de la trompe se réfèrent à la paroi abdominale sous-ombilicale ; celles de l'utérus et du col irradient volontiers dans la partie inférieure de l'abdomen, dans le sacrum et les fesses. Ce sont des douleurs lancinantes à type de pression, renforcées par la position assise, avec sensation de corps étranger, parfois associées à un ténesme.

Douleur neurogène tumorale. L'atteinte nerveuse due à l'infiltration tumorale des nerfs périphériques, des racines nerveuses, des plexus ou du système nerveux central provoque une douleur mixte à forte composante neurogène dans le territoire nerveux atteint. C'est une sorte de brûlure ou une sensation d'étau associée à des décharges électriques, à des paresthésies ou à des dysesthésies. Parfois s'y associe un déficit moteur.

Douleurs pleuropulmonaires. Le tissu pulmonaire et la plèvre viscérale sont dénués d'innervation sensitive. Il n'y a donc douleur pleuropulmonaire que lorsqu'il y a atteinte des structures pariétales, des viscères innervés, des vaisseaux, de l'arbre trachéobronchique, des côtes et des vertèbres. C'est une douleur souvent rétrosternale, pouvant se projeter sur la paroi thoracique. Lors d'atteinte de la plèvre pariétale, la douleur peut s'étendre à tout l'hémithorax et gêne la respiration. Des irradiations douloureuses dans l'épaule surviennent s'il y a compression de la partie centrale du diaphragme. Une douleur située en regard de l'omoplate ou de l'espace intervertébroscapulaire peut traduire une atteinte tumorale de l'apex pulmonaire. Elle s'aggrave en irradiant au moignon de l'épaule.

DOULEURS POSTCHIMIOTHÉRAPIQUES

Neuropathies périphériques. Elles surviennent après un traitement chimiothérapique par la vincristine ou le cisplatine. Elles sont sensorielles, motrices et dose-dépendantes. Symétriques, elles sont ressenties comme des brûlures intenses siégeant au niveau des mains et des pieds. Les paresthésies sont fréquentes.

Mucites. Elles surviennent deux à trois semaines après la mise en route d'une chimiothérapie, en particulier avec le méthotréxate, le 5-fluoro-uracile, la doxorubicine ou la bléomycine. Elles sont d'autant plus intenses que la chimiothérapie a été associée à une radiothérapie. Elles peuvent engendrer des ulcérations, se surinfecter, en particulier avec Candida albicans et le virus herpétique. Leur traitement est difficile.

Névralgies zostériennes et post-zostériennes. Elles se présentent comme des brûlures évoluant sur un fond douloureux permanent sur lequel peuvent survenir des douleurs fulgurantes à type d'éclairs ou de décharges électriques. Elles sont plus fréquentes chez les sujets ayant reçu des immunosuppresseurs et de la chimiothérapie.

Nécrose aseptique. Avec les fractures pathologiques et le pseudorhumatisme, la nécrose aseptique est une complication fréquente des traitements corticoïdes utilisés pendant plusieurs semaines ou mois, en traitement adjuvant de la chimiothérapie de certains cancers (leucémies, lymphomes par exemple). Elle peut intéresser la tête fémorale ou humorale. La douleur est constante, profonde, touchant l'articulation du genou et de l'épaule, généralement bilatérale, augmentée avec la mobilisation, calmée avec le repos. Elle apparaît dans les six semaines qui suivent le début de la corticothérapie.

DOULEURS POSTRADIOTHÉRAPIQUES

L'irradiation peut provoquer des douleurs aiguës et chroniques et des effets secondaires survenant parfois plusieurs dizaines d'années après le traitement.

Ostéoradionécrose. C'est l'effet secondaire le plus sévère de la radiothérapie. Elle siège de préférence au niveau de la mâchoire et est toujours accompagnée d'une douleur intense.

Myélopathies postradiques. Elles peuvent être transitoires (apparaissant dans les quatre mois qui suivent l'irradiation et régressant en deux à 36 mois) ou évolutives (se développant dans les cinq à 13 mois après une irradiation du cou, du médiastin, des régions axillaires ou sus-claviculaires). Elles sont souvent intenses.

Plexites postradiques. Elles surviennent après irradiation thoracique ou pelvienne. Les lésions nerveuses sont secondaires et peuvent apparaître six mois mais aussi 20 ans après la radiothérapie.

Les tumeurs neurogéniques radio-induites. Elles peuvent se manifester de quatre à 41 ans après la radiothérapie.

DOULEURS POSTCHIRURGICALES

Ce sont, par exemple, les douleurs post-thoracotomie, les douleurs postmastectomie, les douleurs d'amputation, les douleurs de moignon et les douleurs de membre fantôme. En période postopératoire immédiate, elles doivent être systématiquement prises en charge. À distance, les douleurs, par exemple post-thoracotomie ou postmastectomie, peuvent devenir chroniques.

Douleurs post-thoracotomie. Elles surviennent sur le trajet d'un nerf intercostal qui a été lésé partiellement ou complètement. La douleur survient un à deux mois après l'intervention. Elle est constante, permanente et siège dans la zone où existent des troubles neurologiques à type d'anesthésie ou d'hypoesthésie.

Douleurs postmastectomies. 5 % des femmes opérées les subissent, un à deux mois après l'intervention. Ce sont des brûlures qui siègent sur la partie postérieure des bras, dans la région axillaire et irradient dans la région thoracique antérieure.

ÉVALUATION DE LA DOULEUR

Étape capitale de la prise en charge. Tous les soignants doivent participer à la démarche de diagnostic et de traitement de la douleur. L'évaluation de la douleur doit être systématique et répétée régulièrement tout au long de l'évolution de la maladie. Des modifications de la douleur ou l'apparition d'une douleur nouvelle doivent entraîner une nouvelle démarche d'évaluation et de diagnostic pour adapter le traitement. L'évaluation comporte plusieurs éléments essentiels : la bonne connaissance de l'histoire de la maladie cancéreuse, la recherche d'une douleur que le malade omet souvent de signaler car il pense que « c'est normal de souffrir dans certaines maladies », l'établissement d'une description détaillée de la douleur, la réalisation d'un examen clinique, en particulier neurologique, la mesure du retentissement psychique ou sociofamilial du syndrome douloureux. Les examens cliniques et paracliniques effectués par le médecin, malgré leur importance, ne sauraient remplacer la description faite par le malade. L'écoute et l'interrogatoire de ce dernier mettent en évidence les caractéristiques actuelles de la douleur : sa localisation, son intensité, ses variations dans le nycthémère, les facteurs d'aggravation ou de soulagement, les conséquences sur la qualité du sommeil, l'appétit, les relations avec l'entourage. L'historique de la douleur doit aussi être précisé : date de début, modifications de l'intensité et de la localisation, caractère permanent ou intermittent, efficacité des traitements antérieurs. La présence d'une anxiété importante doit amener à évaluer séparément la douleur et l'angoisse.

Outils d'évaluation. Les équipes soignantes doivent disposer d'échelles d'évaluation simples, d'un usage facile et rapide. Ces outils sont nombreux. Ceux retenus le plus souvent sont :

- le schéma corporel pour la localisation de la douleur ;

- l'Éva (échelle visuelle analogique) qui se présente sous forme d'une ligne horizontale ou verticale de 10 cm, orientée de gauche à droite ou de bas en haut avec les termes de « douleur absente » et « douleur maximale imaginable » aux extrémités et sur laquelle le malade place une barre verticale pour indiquer le niveau de sa douleur ;

- l'échelle numérique (EN) de 0 (« douleur absente ») à 10 (« douleur maximale imaginable ») ;

- l'échelle verbale simple (EVS) en cinq qualificatifs appréciant l'intensité de la douleur : pas de douleur (0), douleur faible (1), douleur modérée (2), douleur intense (3), douleur extrêmement intense (4) ;

- l'échelle de pourcentage de soulagement de 0 à 100 % par rapport à la douleur antérieure ;

- le questionnaire douleur de Saint-Antoine (QDSA), composé de mots servant à décrire la douleur. Ce questionnaire permet de faire la part de la composante affective et émotionnelle de la douleur : piqûre, coupure, pénétrante, transperçante, coup de poignard, pincement, compression, en étau, broiement, picotements, démangeaisons, lourdeur, nauséeuse, suffocante, syncopale, harcelante, obsédante, cruelle, torturante, suppliciante, gênante, désagréable, pénible, insupportable, etc. ;

- le questionnaire d'évaluation de l'état psychologique et de la qualité de vie, comme par exemple le questionnaire Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS), grâce auquel on peut suspecter un désordre dépressif majeur si la somme des chiffres retenus par le malade dépasse 15 ;

- le questionnaire « Qualité de vie » de l'EORTC.

MÉDICAMENTS ANTALGIQUES

Plusieurs principes sont à respecter : les médicaments choisis s'administrent préférentiellement par voie orale. Leur administration est systématique pour prévenir la douleur, en prévoyant des prises complémentaires si besoin. L'échelle d'emploi des antalgiques de l'OMS (s'appliquant à tous les malades souffrant de douleur par excès de nociception) ne doit jamais être oubliée. Il s'agit d'une stratégie thérapeutique en paliers qui comporte trois niveaux : niveau 1, douleur de faible intensité ; niveau 2, douleur d'intensité modérée ; niveau 3, douleur sévère. La prescription et la posologie des antalgiques est ainsi fonction de l'intensité de la douleur et de son évolution dans le temps. Un des principes de base consiste à ne pas remplacer par un autre médicament du même niveau un antalgique qui cesse d'être efficace, mais à prescrire un antalgique de niveau supérieur. Ainsi, il n'est pas logique d'associer un antalgique de niveau 1 à un autre antalgique de niveau 1. En revanche, il est tout à fait licite d'associer un antalgique de niveau 1, voire de niveau 2, à un antalgique d'action centrale de niveau 3 : ne jamais négliger le premier palier représenté par les antalgiques non morphiniques, que ce soit en premier traitement ou en association avec des morphiniques. Le malade traité doit conserver le maximum d'autonomie et de confort. Il est important de prévenir ou traiter les effets secondaires liés au traitement antalgique (nausées, troubles du transit) ou à la maladie cancéreuse (anxiété, dépression). Outre l'évaluation de la douleur, il ne faut jamais négliger les effets positifs ou négatifs du traitement antalgique.

Analgésiques non morphiniques. Ce sont les antalgiques du niveau 1 de l'échelle de l'OMS (paracétamol, aspirine et salicylés, anti-inflammatoires non stéroïdiens), prescrits en première intention et qui peuvent être assortis à tous les autres paliers. Le paracétamol, antalgique et antipyrétique, présenté sous de nombreuses formes, est le plus utilisé, jusqu'à 3, voire 4 g/j en cas de douleurs intenses, chez l'adulte (500 mg à 1 g/prise, à au moins quatre heures d'intervalle). Nausées, vomissements, anorexie, pâleur, douleurs abdominales sont les signes de surdosage qui apparaissent généralement dans les 24 heures. L'aspirine est antalgique à la dose de 500 mg à 1 g/prise (jusqu'à 3 g/j maximum) et anti-inflammatoire à la dose de 4 à 6 g/j. Ses effets secondaires, tout comme pour les AINS, peuvent en limiter la prescription et la contre-indiquent en cas d'ulcère gastroduodénal évolutif, d'hypocoagulabilité et de risque hémorragique.

Morphiniques mineurs. Ce sont les antalgiques de niveau 2 : codéine, dextropropoxyphène, tramadol). La codéine est utilisée seule dans le Dicodin®cp LP 60 mg (1 cp toutes les douze heures : 2 cp/j maximum) ou en association avec le paracétamol dans de nombreuses spécialités. La codéine est environ dix fois moins puissante que la morphine et sa durée d'action est de quatre heures. Le dextropropoxyphène s'administre à la dose de 5 à 10 mg/kg/jour. Il est 15 fois moins puissant que la morphine. Ses effets secondaires sont voisins de ceux de la codéine mais le dextropropoxyphène présente également des risques d'hypoglycémie, en particulier chez les sujets âgés et les diabétiques. Le dextropropoxyphène peut être associé au paracétamol (Dialgirex®, Di-Antalvic®) Le tramadol est prescrit per os, à la dose de 100 mg puis 50 à 100 mg toutes les quatre à six heures, jusqu'à 400 mg/j maximum, en cas de douleur aiguë ; par voie IV lente : 100 mg, et si besoin 50 mg toutes les 10 à 20 minutes au cours de la 1re heure, jusqu'à 250 mg maximum ; puis 50 à 100 mg toutes les 4 à 6 heures : jusqu'à 600 mg/j maximum. Les formes orales de tramadol à action immédiate (Biodalgic® cp, Contramal® gélule, etc.) sont dosées à 50 mg ; celles à action prolongée (LP) sont dosées à 100 mg, 150 mg ou 200 mg et sont à prendre en dehors des repas sans fractionner ni mâcher (Contramal LP® cp enrobé, Topalgic LP® cp enrobé, Zamudol LP® gélule).

Morphiniques majeurs. Ils font partie du niveau 3 : morphine orale d'action brève (ampoule buvable de chlorhydrate de morphine à 10 ou 20 mg, Actiskénan® gélule, Sevredol® cp) ; morphine orale LP (Moscontin® cp, Skenan LP® gélules Kapanol LP® gélule) ; fentanyl percutané (Durogésic®patchs) ; agonistes/antagonistes morphiniques (Temgésic® cp sublingual à 0,2 mg de buprénorphine ou solution injectable à 0,3 mg/ml ; nalbuphine (Nubain® et Azerty® solutions injectables de nalbuphine) ; Fortal® solution injectable à 30 mg/ml de pentazocine). La buprénorphine est indiquée dans les douleurs intenses. Son action antalgique est quantitativement identique à celle de la morphine avec une durée d'action plus longue mais un effet plafond au-delà d'un mg par voie sublinguale ou 0,6 mg par voie IM. Ses effets indésirables sont plus fréquents qu'avec la morphine.

La nalbuphine a une action antalgique qualitativement identique à celle de la morphine, mais un effet plafond au-delà de 30 mg ; elle présente également un effet nettement sédatif. Le pentazocine (Fortal® inj.) a une action antalgique trois fois plus faible que celle de la morphine, avec un effet hypertenseur tachycardisant après injection parentérale et un potentiel dysphorique à partir de la dose de 60 mg.

La douleur en chiffres

La moitié des patients cancéreux souffriront au cours de leur maladie. Mais deux tiers de ces mêmes patients auront des souffrances physiques importantes dans la dernière phase de la maladie cancéreuse. Le pourcentage de patients ressentant une douleur de l'évolution de leur maladie varie de 30 à 45 % lors du diagnostic et de l'évolution initiale, pour dépasser 75 % au stade avancé de la maladie. Environ 40 % des patients ne bénéficient pas des connaissances actuelles des thérapeutiques antidouleur...

Douleurs et soins infirmiers

L'information donnée à un patient qui va subir un soin ou un acte diagnostique douloureux permet d'entrer en relation avec lui, de diminuer son stress et son inquiétude, de le rassurer, de développer un climat de confiance et d'obtenir la coopération. Il faut l'informer à distance de l'acte pour qu'il ait le temps d'intégrer l'information, avant chaque examen, avant chaque soin et chaque fois qu'il le demande. Le discours doit être adapté à ses capacités de compréhension, à un moment privilégié, en l'absence d'autres personnes.

Effets indésirables de la morphine orale

La constipation doit être systématiquement prévenue dès le premier jour de prescription des opioïdes. Un traitement laxatif sera prescrit pendant toute la durée du traitement. Les nausées et vomissements surviennent chez environ 40 % des malades, surtout en début de traitement et disparaissent quelques jours après. Les faibles doses de morphine semblent être plus émétisantes que les posologies courantes. Les médicaments contre les vomissements peuvent être le métoclopramide et le dompéridone avec, en cas d'échec, recours à l'halopéridol ou à la chlorpromazine. La somnolence survient essentiellement en phase d'adaptation du traitement et disparaît en quelques jours. Elle peut aussi survenir chez des malades dont la douleur avait entraîné une « dette » de sommeil. L'accoutumance et la dépendance physique ne posent pas de problème particulier chez les malades traités par morphine pour une douleur cancéreuse à condition d'assurer la continuité de la prescription et d'éviter l'administration d'un antagoniste.

Cannabis et douleur

De nombreuses études randomisées et contrôlées évaluant l'effet antalgique du cannabis, notamment en cas de cancer, ont montré que ses dérivés étaient moins efficaces que la codéine et pas plus efficaces que le placebo. Les effets secondaires, en particulier psychiques, étaient fréquents (altération psychomotrice, psychose aiguë, palpitations, hypotension orthostatique, etc.). L'utilisation du cannabis et de ses dérivés en clinique pour le traitement de la douleur n'est sans doute pas justifiée.

Les coantalgiques

Ce sont des médicaments pouvant être employés pour potentialiser les effets des antalgiques. Leur utilisation doit être évoquée systématiquement à chaque niveau de l'échelle de l'OMS. Ce sont essentiellement :

- les corticoïdes, efficaces pour traiter les réactions d'oedème, les hypertensions intracrâniennes, les compressions nerveuses, les recrudescences douloureuses des métastases osseuses (rechercher la plus petite dose efficace après une dose d'attaque de 1 à 3 mg/kg) ;

- les antidépresseurs tricycliques, utilisés en cas de douleurs neurogènes, leur effet antalgique survenant dans les quinze premiers jours après le début du traitement ;

- les benzodiazépines, qui pourraient aider à réduire la douleur aiguë ou l'agitation des malades en phase terminale ;

- les antiépileptiques, principalement dans les cas d'élancements et de décharges électriques des douleurs neurogènes ;

- les biphosphonates, utiles dans les douleurs osseuses ;

- les antispasmodiques, éventuellement dans les douleurs viscérales modérées.

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