Les armes biologiques - L'Infirmière Magazine n° 167 du 01/01/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 167 du 01/01/2002

 

Formation

Destinées à la destruction de masse, les armes biologiques sont fabriquées à partir de micro-organismes tels que le Bacillus anthracis, qui provoque la maladie du charbon, et a fait plusieurs victimes aux États-Unis durant ces dernières semaines.

On peut définir le bioterrorisme comme étant l'usage, par un groupe terroriste, de micro-organismes dans un but avoué de causer une infection parmi une population afin d'atteindre certains objectifs. Il ne faut pas le confondre avec la guerre biologique qui est menée par des États disposant de moyens bien plus considérables. Toutefois, dans les deux cas, les agents biologiques pouvant être utilisés à des fins de destruction humaine sont les mêmes. Les micro-organismes, à la différence d'un agent chimique, peuvent être dispersés sans bruits et sans provoquer d'effets immédiats. On constate leurs effets seulement quand la maladie infectieuse est reconnue et l'agent causal identifié. Ils sont donc à cet égard très inquiétants, d'autant que certains organismes, comme la variole, se propagent aisément d'une personne à l'autre. Même si l'évaluation de cette menace est plus que difficile, le bioterrorisme prend une part croissante dans les réflexions actuelles, que ce soit au niveau de la détection, de la décontamination ou des soins préventifs et curatifs. Bien que la France ne soit pas bien préparée à cette menace - il n'existe pas en France d'organisme d'évaluation comparable au General Accounting Office aux États-Unis, seulement un plan Biotox (voir L'Infirmière magazine n° 165, novembre 2001, p. 14) - il est essentiel de préparer les professionnels de santé à cette effrayante perspective : devoir soigner des personnes intentionnellement contaminées par des agents bactériologiques.

Un groupe d'experts réuni par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis en 1999 a déterminé que les six micro-organismes qui représentent la plus grande menace pour la santé publique étaient Variola major (variole), Bacillus anthracis (charbon), Yersinia pestis (peste), la toxine botulinique (botulisme), Francisella tularensis (tularémie) et des filovirus/arénavirus responsables de fièvres hémorragiques.

La variole

La variole est une maladie virale qui a été déclarée éradiquée par l'OMS en 1979. Par conséquent, sa vaccination a été supprimée en 1979. Les rappels l'ont été en 1984. La variole se manifeste par une éruption vésiculopustuleuse, ressemblant à la varicelle. L'incubation est de 12 à 14 jours. La maladie évolue d'une seule poussée. Les lésions prédominent sur la face, les extrémités et sont enchâssées dans le derme. Le virus peut être transmis par contact rapproché avec les malades dès lors que l'éruption est apparue et pendant une semaine. Les vésicules sont très contagieuses. La transmission se fait essentiellement par les voies aériennes. La maladie est potentiellement mortelle (30 % de décès). Dans l'hypothèse d'une utilisation à des fins terroristes, le virus devrait être dispersé par aérosol. Mais il faut savoir que ce virus est très difficile à conditionner et à obtenir. Il existe deux stocks répertoriés et autorisés : un aux États-Unis et l'autre en Russie. Toutefois, les Américains soupçonnent la Corée du Nord de détenir des souches. Par le passé, les Britanniques ont utilisé ce virus contre les Indiens d'Amérique.

Traitements. Le traitement prophylactique reste la vaccination qui, pour être efficace, doit être faite dans les trois jours qui suivent l'exposition. Les pouvoirs publics ont annoncé que la France disposait de cinq millions de doses et une relance de production supplémentaire de trois millions de doses a été décidée. Toutefois, il n'est pas recommandé de se faire vacciner de manière préventive car certaines personnes peuvent présenter une mauvaise tolérance au vaccin. Le traitement curatif intègre le traitement des complications cutanées et neurologiques de la variole. Deux antiviraux (la ribavirine et le cidofovir) permettent d'atténuer la gravité de la maladie. Les complications infectieuses cutanées seront traitées par antibiotiques et soins locaux des lésions.

La maladie du charbon

Tristement célèbre aux États-Unis où elle a provoqué le décès de plusieurs personnes, la maladie du charbon (anthrax en anglais), est une affection bactérienne qui peut toucher tous les mammifères. Elle est provoquée par une bactérie : Bacillus anthracis. Son nom vient de l'aspect des lésions cutanées recouvertes d'une croûte noirâtre. La maladie naturelle est essentiellement cutanée et s'observe après contact avec des animaux ou des produits animaux infectés (viande, laine, peaux...). On détecte encore de temps en temps des cas de charbon en France parmi le bétail. Ce sont les spores bactériennes très résistantes dans le milieu extérieur qui, dispersées par aérosol et inhalées par voie respiratoire, pourraient être utilisées en tant qu'arme biologique. D'autant que la facilité d'accès à cet agent bactérien est très grande (au moins 1 500 laboratoires dans le monde possèdent une souche de la bactérie).

Les Français et les Allemands ont employé cette bactérie contre les moutons et les chevaux pendant la première guerre mondiale. Les Japonais l'ont également utilisée en Chine dans les années 1930-1940. Ainsi que la secte Aum en 1990, mais sans « succès » si l'on peut dire. Les symptômes peuvent apparaître entre une journée et huit semaines après exposition, la majorité des cas survenant entre deux et quinze jours. Le diagnostic est difficile car les signes cliniques ne sont pas spécifiques (fièvre, toux, dyspnée). La maladie peut évoluer rapidement vers un état de détresse respiratoire pouvant provoquer le décès de la personne atteinte. La mortalité de cette maladie est très importante si elle n'est pas traitée à temps. Le charbon, dans sa forme pulmonaire, n'est pas contagieux.

Formes cliniques. Chez l'homme, la maladie du charbon peut prendre trois formes cliniques différentes selon la voie d'introduction des spores dans l'organisme.

Charbon pulmonaire. Cette forme de charbon est grave et rapide. L'inhalation des spores est à l'origine de la maladie. Dans le cas d'une contamination pulmonaire, par aérosol, la forme pulmonaire pourrait être prédominante. Après un à trois jours d'évolution, survient une phase aiguë avec accentuation des symptômes. En l'absence de traitement antibiotique précoce, la mortalité est très importante (de 80 % à 100 %). Le traitement est d'autant plus efficace qu'il est prescrit très tôt, avant même l'apparition des signes cliniques. Les antibiotiques pouvant être utilisés sont surtout : la ciprofloxacine, l'amoxicilline, la lévofloxacine, la doxycycline. La pénicilline est à éviter en raison de résistances fréquentes. La durée du traitement est de huit semaines lorsque l'exposition au charbon est avérée. Le diagnostic est confirmé par isolement du bacille dans l'oropharynx, dans les prélèvements pulmonaires ou dans le sang. La radiographie pulmonaire est évocatrice avec l'apparition rapide d'un élargissement du médiastin.

Charbon cutané. Le charbon cutané, facilement guérissable, est à l'état naturel la forme la plus fréquente. La contamination se fait par contact direct de la bactérie avec la peau. Après inoculation, une petite macule apparaît. La lésion évolue en une semaine environ vers une ulcération recouverte d'une escarre nécrotique noirâtre et entourée d'un oedème très caractéristique, induré et étendu. Une guérison s'observe dans la majorité des cas non traités. Mais dans 10 à 20 % des cas, la maladie évolue vers une forme grave avec fièvre élevée et mort rapide par bactériémie. Un prélèvement au niveau des lésions cutanées va confirmer le diagnostic. Seule cette forme est susceptible, de manière exceptionnelle, d'être à l'origine d'une transmission interhumaine. Quand un risque existe pour les cheptels, la protection des animaux est assurée par la vaccination et un traitement prophylactique post-exposition.

Charbon gastro-intestinal. L'ingestion de la bactérie est à l'origine de la forme gastro-intestinale du charbon. Les symptômes sont des nausées, des vomissements avec douleurs abdominales, une diarrhée sanglante et de la fièvre. Il existe également des formes avec maux de gorge et ganglions douloureux. Cette forme de charbon est de pronostic sévère. Elle se traite, comme les autres, par antibiotiques.

La peste

La peste est une maladie due à une bactérie, Yersinia pestis, dont le réservoir principal est le rongeur (en particulier le rat). Il existe trois formes de peste.

La peste bubonique. La peste bubonique est la plus fréquente. Elle est habituellement transmise à l'homme par des piqûres de puces de rongeurs infectés ou après contact avec des animaux infectés, mais cette transmission est rare de nos jours. Elle survient après une période d'incubation de deux à huit jours après l'inoculation. Le patient a de la fièvre (> 38 °C), des douleurs musculaires et des articulations, des céphalées et une grande fatigue. Les ganglions lymphatiques proches du site d'inoculation sont douloureux et se nécrosent : ce sont les bubons, caractéristiques de la peste.

La peste septicémique. La peste septicémique est secondaire à la peste bubonique. La bactérie ne reste pas au niveau du ganglion. Elle passe dans le sang et s'y multiplie, pouvant même provoquer un choc endotoxinique. Non traitée, elle aboutit à la mort. Cette septicémie peut être responsable de métastases septiques secondaires souvent pulmonaires. On parle alors de peste pulmonaire secondaire.

La peste pulmonaire. La peste pulmonaire est la forme la plus grave. Elle résulte de l'inhalation d'un inoculum bactérien. En cas d'utilisation de la peste comme arme biologique, la dispersion par aérosol serait à l'origine des formes pulmonaires (la peste bubonique n'est plus considérée comme une arme alors qu'elle l'a été par le passé : les Tatars musulmans l'ont utilisée lors du siège de Kaffa sur la Mer noire contre les chrétiens en 1346, en catapultant des cadavres de personnes mortes de peste sur les bateaux génois qui faisaient le siège de la ville ; les Japonais l'ont aussi utilisée en Chine dans les années 1930-1940). Depuis, l'URSS a, jusqu'à sa chute, développé un aérosol et a même réalisé des expériences beaucoup plus sophistiquées de manipulations du génome de la peste. Et, plus ennuyeux, l'URSS a formé de nombreux biologistes de Cuba, de Libye, d'Inde, d'Irak et d'Iran.

La contagiosité de la bactérie par voie respiratoire est très élevée. La maladie se traduit par une pneumonie avec des signes cliniques importants. L'incubation dure de quelques heures à deux jours après l'exposition à l'aérosol. Les premiers symptômes sont ceux d'une grippe, avec un début brutal, une très forte fièvre, des céphalées, des myalgies, une asthénie et des vertiges.

Les signes pulmonaires (toux, dyspnée, expectorations sanglantes) se manifestent le deuxième jour et évoluent vers une détresse respiratoire avec collapsus. Au niveau biologique on note des signes de sepsis sévère : hyperleucocytose avec polynucléose, troubles de la coagulation, élévation des transaminases, insuffisance rénale. L'examen des crachats montre la présence de bacilles Gram négatif et les cultures sont positives en 24 à 48 heures.

Tout malade atteint doit être hospitalisé et placé en isolement (aérien et contact) durant les premières 48 heures du traitement. Yersinia pestis ne fait pas de spores et il n'existe pas de réservoir inerte imposant une décontamination des surfaces et des locaux. La mortalité est très élevée mais, dans les rares séries de peste pulmonaire naturelle publiées, elle semble directement corrélée à la précocité de mise en route de l'antibiothérapie.

Les antibiotiques recommandés sont : gentamycine, ciprofloxacine, ofloxacine, doxycycline. Un traitement prophylactique des personnes exposées est obligatoire. À ce jour, il n'y a pas de vaccin efficace contre la peste pulmonaire.

Le botulisme

Le botulisme, une neuro-intoxication, est dû à une neurotoxine produite par la bactérie anaérobie Clostridium botulinum. La contamination se fait par ingestion ou inhalation de la toxine cristallisée. Les toxines botuliques sont les plus puissants des poisons actuellement connus. Il est très facile de se procurer la bactérie (nourriture avariée, sol...) et elle peut rester intacte des semaines dans l'eau et la nourriture. On confirme l'infection par mise en évidence du Clostridium botulinum dans les selles, les vomissements et l'aliment consommé. La toxine botulique est relativement peu stable. La cuisson des aliments juste avant leur ingestion détruit la toxine qui pourrait y être présente. La maladie naturelle résulte le plus souvent de la consommation d'aliments contaminés. Les symptômes apparaissent quelques heures après absorption de la toxine. Ils sont caractérisés par des signes oculaires (mydriase, presbytie aiguë) et un tableau de paralysie musculaire s'installe, sans fièvre. Il n'y a actuellement pas de traitement ni de vaccin. Une hospitalisation en service de réanimation s'impose pour surveillance cardiaque et respiratoire. Une antitoxine peut être administrée mais l'absence de test identifiant la maladie est problématique. Le botulisme n'est pas contagieux. Une vingtaine de cas de botulisme sont déclarés chaque année en France.

La tularémie

La tularémie, connue également sous le nom de « fièvre du lapin », est une infection bactérienne due à Francisella tularensis. C'est une maladie essentiellement animale, qui peut toucher l'homme de façon accidentelle à l'occasion de contact avec des animaux infectés et aussi après piqûres de taons, de moustiques ou de tiques. La contamination peut aussi se faire par ingestion ou inhalation. Il n'y a pas de transmission interhumaine de la maladie. L'exposition à un aérosol contaminant serait responsable d'une forme typhoïdique ou pulmonaire. Cette bactérie aurait été utilisée par les Russes contre les Allemands avant la bataille de Stalingrad. Il est actuellement difficile d'acquérir une souche virulente de la bactérie. L'incubation varie de deux à dix jours. La forme typhoïdique se manifeste par de la fièvre, des frissons, des nausées, des céphalées qui s'accompagnent d'un état de prostration. La forme pulmonaire se manifeste par une pneumonie. La mortalité est proche de 30 % en l'absence de traitement. Les antibiotiques s'avèrent très efficaces s'ils sont administrés tôt. Tout malade symptomatique doit être hospitalisé.

Les fièvres hémorragiques

On regroupe sous ce terme différentes fièvres hémorragiques d'origine virale. Les plus connues sont les fièvres Ébola et Marburg (filovirus), les fièvres de Lassa, d'Argentine et de Bolivie (arénavirus), la dengue (flavivirus), la fièvre du Congo/Crimée (bunyavirus). Leur utilisation en tant qu'armes bactériologiques est discutée, mais leur dissémination possible par aérosol les fait considérer comme agents biologiques possibles (les Irakiens ont travaillé sur le virus de la fièvre du Congo). Reste qu'il est difficile de se procurer ces virus et qu'ils demeurent en outre très dangereux pour ceux qui les manipulent. Toutes ces maladies ont en commun la survenue de manifestations hémorragiques cutanéomuqueuses et viscérales. À l'exception de la dengue, il existe un risque de contamination secondaire par exposition au sang et aux liquides biologiques infectés. Les virus Lassa et Ébola sont très contagieux (par contact direct avec une personne ou un animal infecté) et risquent de provoquer une épidémie avec un taux de mortalité élevé (entre 70 et 90 % pour Ébola). L'hospitalisation avec mesures d'isolement strict (respiratoire et sanguin), y compris pendant le voyage, s'impose devant toute suspicion de fièvre hémorragique. Le virus Ébola, qui provoque une hématurie, échappe actuellement à tout traitement. Le virus Lassa est sensible à la ribavirine.

Semer la terreur

L'utilisation d'agents biologiques à des fins terroristes n'est pas aussi aisée qu'on le pense. Il faut disposer de microbiologistes de haut niveau, de laboratoires sophistiqués, trouver des souches virulentes, créer un aérosol efficace et ensuite pouvoir le disséminer, ce qui n'est pas à la portée du premier venu. Mais un État peut prendre en charge une telle logistique. Ainsi, le General Accounting Office estimait en 1999 que « des terroristes ne travaillant pas dans une infrastructure d'État auraient à surmonter d'extraordinaires défis techniques et opérationnels pour militariser et délivrer un agent biologique provoquant une grande quantité de victimes. Il leur faudrait maîtriser un savoir spécialisé dans un vaste éventail de disciplines scientifiques. » Reste que la dissémination d'agents biologiques, même localisée, sème la panique. C'est l'un des buts recherchés par les terroristes : créer un état de psychose et déstabiliser nos sociétés démocratiques. « Le savant néfaste n'existe probablement jamais isolément : il n'existe que si la société, à un certain moment, a intérêt à son existence », estimait Axel Kahn lors d'un débat avec la journaliste Hélène Cardin.

Sources : Afssaps : http://www.afssaps.fr Institut Pasteur : http://www.pasteur.fr Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et Association des professeurs de pathologie infectieuse et tropicale (APPIT) : http://www.infectiologie.com

Savoir manier un pli suspect

Dès lors qu'un doute de contamination existe sur un pli, il ne faut pas le toucher et prendre des mesures d'isolement de la zone où le pli suspect est entreposé. Il faut s'assurer ensuite que toute personne ayant été en contact avec le pli se lave soigneusement les mains à l'eau et au savon. Le pli suspect et les autres objets en contact avec lui seront enfermés dans un sac en plastique et remis aux services sanitaires compétents pour être analysés et détruits si besoin. Toute personne ayant été en contact avec un pli suspect doit subir des examens complémentaires et recevoir un traitement antibiotique préventif.

Détecter une substance dangereuse

La société Orchid Biocomputer a mis au point un détecteur moléculaire(1). À partir d'un prélèvement de l'air, l'appareil analyse l'ADN en suspension et le compare (en l'hybridant) à des fragments d'ADN d'agents pathogènes - susceptibles d'être utilisés en cas d'attaque bioterroriste - fixés sur une puce à ADN.

1- La Tribune, 14 novembre 2001.

La radioactivité à la rescousse

La société Titan Scan Technologies a proposé à la poste américaine l'utilisation de la radioactivité pour nettoyer le courrier de toute substance suspecte(1). Il suffirait de faire passer chaque lettre dans une machine qui bombarderait des électrons pendant quelques secondes, détruisant ainsi l'ADN des cellules vivantes. L'ADN détruit, les spores sont inoffensifs.

1- La Tribune, 14 novembre 2001.

ENTRETIEN

« Il est prévu un complément de formation pour le personnel soignant »

« Nous n'avons pas de cas, en France, de personnes victimes du bioterrorisme, mais nous devons nous y préparer. Pour faire face à cette menace, les autorités de tutelle et le ministère de la Défense ont préparé le plan Biotox. À l'hôpital, nous avions déjà le "plan blanc" qui est mis en oeuvre lors d'attentats terroristes. Nous allons maintenant adjoindre une annexe "biologique" au plan blanc des établissements publics de santé. De plus, une organisation géographique du dispositif d'intervention est définie : des hôpitaux de référence par zone de défense ont été désignés pour mettre en place des unités de décontamination en cas de risque chimique. À Paris, il s'agit de l'hôpital Bichat et de la Pitié-Salpêtrière.

Des outils d'information et de formation des responsables hospitaliers et des professionnels de santé sur l'alerte et les conduites à tenir ont été réalisés et sont en cours de diffusion. Des dossiers techniques précisent les modalités de prise en charge des personnes qui pourraient être exposées à des agents biologiques ou chimiques. Dans chaque zone de défense, des services cliniques et des laboratoires de microbiologie constituent des structures de référence. Ces centres sont chargés d'informer le corps médical, le public et de coordonner les actions en cas d'actes bioterroristes. Ils sont également missionnés pour accueillir en priorité les victimes symptomatiques et les "sujets contacts" afin de leur appliquer les mesures de prophylaxie adéquates. Concernant le personnel soignant, il est prévu un complément de formation. Toutes ces informations spécifiques viennent compléter les mesures d'hygiène standard et d'isolement septique qui sont connues et appliquées par les équipes hospitalières. Dans le cas de maladies contagieuses, les mesures habituelles et le respect des règles de bonne pratique sont suffisants (surblouse, calot, bottes, masque, gants, lavage des mains, matériels à usage unique...). Cet équipement a fait la preuve de son efficacité pour protéger le personnel et les autres malades. Pour ce qui est des pathologies, le risque d'une contamination par le virus de la variole est faible car c'est un virus difficile à manipuler. Toutefois, si son utilisation à des fins terroristes était avérée, ce serait une catastrophe car toutes les personnes qui sont âgées de moins de 25 ans ne sont pas protégées par la vaccination. De plus, on sait qu'avec le temps, la protection vaccinale s'amenuise. Les virions étant très contagieux, il faudrait, en cas de foyer infectieux, envisager des mesures drastiques de protection. Il faudrait aussi vacciner le personnel de santé. Sachant que le temps d'incubation de la variole est de douze jours et que l'immunité est conférée par le vaccin en dix jours, il faudrait agir vite. Le charbon est un bon "candidat" pour une action terroriste, mais son impact est faible au final. Des mesures standard de précaution (isolement du malade avec sas de décontamination) doivent suffire à se protéger. À noter : il y a moins de risques à traiter un charbon qu'une tuberculose. Quant à la peste, dispersée par aérosol, cette bactérie provoquerait la forme pulmonaire - hautement contagieuse - de la maladie. Il y aurait alors une nécessité de protection plus stricte. »

Entretien réalisé par Brigitte Postel-Ferry avec le Pr François Bricaire, chef du service maladies infectieuses, hôpital La Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris

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