L'amour du risque - L'Infirmière Magazine n° 168 du 01/02/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 168 du 01/02/2002

 

Formation

Souvent destinées aux experts, les formations sur la gestion des risques répondent à un besoin croissant de sécurisation en milieu hospitalier. Dispensées en université ou par des organismes spécialisés, elles privilégient l'approche technique.

Matériels défectueux, pratiques dangereuses, sécurité réduite, défaut de surveillance, procédures erronées, erreurs humaines, fatigue, peur, déni de responsabilité, animosité, fragilité d'équipe, sont quelques exemples des facteurs de risque à l'hôpital. La charge de travail augmentée, les restrictions en personnel et la mise en place généralisée des 35 heures sont évidemment des facteurs aggravants de risque dans le contexte de pénurie que connaît la profession. Les réglementations actuelles en matière de vigilance et de risques ainsi que le nombre croissant de plaintes et de réclamations des malades ou de leurs proches majorent cette confrontation au risque et instaurent un véritable climat d'anxiété. Les soignants sont devenus de véritables gestionnaires du risque, évaluant constamment la survenue potentielle d'un accident.

Conscients de ce problème, les responsables d'encadrement commencent à insérer dans les plans de formation annuels des sessions ciblées sur la gestion des risques afin de sensibiliser le personnel à une méthodologie de résolution des accidents et l'aider à rationaliser les situations rencontrées grâce à des analyses de cas.

Protection des patients et des soignants.

Les formations concernent différents publics et proposent aux participants des approches et des contenus personnalisés mais partagent toutes un même objectif : la maîtrise de l'évaluation du risque.

Elles sont généralement intégrées sous forme de modules dans des cursus relatifs à la démarche qualité, type DU ou DESS en approfondissant les méthodes et les étapes diagnostics et de résolution du risque.

Les participants sont principalement des experts, directeurs de cellule qualité, des ingénieurs responsables de la mise en conformité des méthodes de recueil et de gestion des risques, des infirmiers généraux soucieux de mettre rapidement en place une prévention efficace des accidents institutionnels afin d'assurer la protection des patients mais aussi du personnel soignant de leur établissement.

Des sessions de formation- action sont également proposées directement dans les établissements. Réalisées par des organismes de formation continue ou des cabinets de conseil, elles sont adaptées à un type de dysfonctionnement en particulier et abordent concrètement une zone de fragilité institutionnelle précise, telle la gestion des risques au laboratoire ou dans un service de radiologie.

Ces sessions de formation, constituent depuis les trois dernières années la priorité des formations effectuées sur site. Leur objectif premier est de former sur place des « référents risque » chargés d'enregistrer régulièrement les actes potentiellement dangereux et capables de proposer des moyens correctifs adaptés à la spécificité de l'établissement.

Améliorer les conditions de travail.

Des diplômes spécialisés en risque (DU, DESS de gestion des risques) sont proposés par plusieurs universités. S'ils présentent un intérêt pour les soignants désireux de devenir des spécialistes du risque, ils restent très techniques et opératoires.

La plupart des formations à la gestion des risques ont une approche instrumentale et technique. La démarche repose sur une suite logique d'étapes : l'identification-diagnostic des zones de fragilité, la « priorisation » des facteurs, l'observation et l'évaluation régulière et précise des indicateurs, la mise en oeuvre des mesures correctives. Cette méthodologie permet de « maîtriser » le recensement et le traitement des points névralgiques de l'institution.

Privilégier la démarche-qualité.

L'acquisition d'une méthodologie à elle seule ne suffit pas à améliorer le fonctionnement d'un établissement. Il faut surtout défendre, à tous les niveaux hiérarchiques, l'idée d'une qualité toujours plus importante pour le patient, tout en progressant dans l'amélioration des conditions de travail du personnel. Ce sont les principes préalables à la mise en place d'une gestion des risques partagée et comprise par tous les professionnels qui doivent se l'approprier. Les structures de santé les plus performantes sont celles qui s'attachent, en plus du respect des normes de fonctionnement, à associer chaque agent de l'institution au diagnostic et au suivi des risques et qui savent gérer les contradictions entre les demandes issues de la hiérarchie, appuyées par les mises aux normes institutionnelles, et celles provenant des personnels soignants et des besoins concrets liés à des pratiques.

Facteurs de risques.

La délégation abusive de certains soins, la perte de l'enregistrement des données, qu'elles soient médicales, paramédicales ou administratives, sont des facteurs de risque spécifiques aux institutions hospitalières. Ils sont reconnus par tous comme susceptibles d'entraîner des dommages et des conséquences graves.

Cependant, les mesures correctives se limitent souvent à des formations ponctuelles à la responsabilité ou à l'écriture professionnelle. Leur principal intérêt est de redonner aux soignants l'impulsion et la motivation nécessaires pour continuer à exercer leur travail dans un contexte de plus en plus tendu et imprévisible. Mais elles ne suppriment absolument pas la source même du risque. La condition préalable à toute formation à la gestion des risques est de maintenir l'implication et la motivation du personnel en situation pénible au travail. Les infirmières savent communiquer sur les risques avec le patient. Elles ont appris à considérer le malade-client en tant qu'acteur à part entière de la gestion des risques.

L'éducation à la santé et l'information du patient font partie de leur pratique quotidienne, mais l'émergence de risques nouveaux, la préoccupation croissante des malades vis-à-vis de la qualité des soins, exacerbée par les nombreuses chroniques médicales diffusées par les médias, les positionnent comme des gestionnaires essentiels sur la scène du risque afin d'y jouer un rôle de plus en plus actif.

Dans le contexte hospitalier difficile où plaintes et demandes de réparation côtoient éducation et relation d'aide, elles jouent un rôle d'influence et de médiateur entre la structure et le client pouvant se traduire par des impacts sur les décisions institutionnelles dans l'intérêt du patient.

TÉMOIGNAGE : « Acquérir la méthode d'évaluation »

Pierre Huin, directeur des soins infirmiers et de la qualité GHPCA, Groupe hospitalier privé du Centre-Alsace, Colmar.

Pierre Huin s'est depuis longtemps intéressé à la qualité, au début par le biais des travaux menés par l'Andem. En 1999, il valide un DESS en qualité après avoir préalablement suivi en 1997 une formation à l'évaluation de la santé. Il est chargé de la mission qualité dans l'établissement, où il occupe également le poste de directeur des soins. Il enseigne en institut de formation des cadres de santé à Strasbourg et il insiste au cours de cette formation sur l'évaluation de pratiques.

«Il me semble fondamental lorsque l'on est cadre, de connaître les méthodes d'audit clinique et d'évaluation de pratiques. Ce sont des méthodes indispensables pour exercer le management. Les infirmières doivent aussi participer globalement à la politique qualité de l'établissement, et elles le font souvent activement. Dans l'avenir, la gestion des risques va se développer de plus en plus, mais ce n'est qu'une partie de la politique qualité. Les qualiticiens vont se spécialiser en risques, acquérir les principes réglementaires, des méthodes et des outils précis. Mais il est important d'acquérir d'abord la méthodologie d'évaluation de pratiques.»

Formations

Universitaires

→ DESS gestion globale des risques et des crises

Université Paris 1 et Institut d'étude et de recherche et sécurité en entreprise.

Paris. Tél. : 01 44 07 89 45.

→ DESS ergonomie et gestion des risques professionnels

Université de Bourgogne.

Dijon. Tél. : 03 80 39 51 80.

→ MST gestion des risques

CNRS - École normale supérieure de Cachan.

Tél. : 01 47 40 09 90.

→ MST gestion des risques et environnement

Université de Haute-Alsace.

Faculté des sciences et techniques - Licence et maîtrise de mathématiques.

Mulhouse.

Tél. : 03 89 33 60 00.

→ MST identification, analyse, management des risques

Université de Poitiers.

Poitiers. Tél. : 05 49 45 30 44.

→ Certificat universitaire : évaluation des risques sanitaires liés aux situations environnementales

Cnam - IHIE Ouest.

Angers. Tél. : 01 41 66 10 60.

Démarche qualité

→ OBEA santé

Montrouge.

Tél. : 01 40 92 27 27.

→ Grieps

Sainte-Foy-lès-Lyon (69). Tél. : 04 72 66 20 33.

Conférences

Une formation à la gestion des risques à partir de l'analyse d'une situation réelle se tient dans l'amphithéâtre

Bachelard, université

Panthéon-Sorbonne,

12, place du Panthéon, 75005 Paris.

Tous les vendredis, de 17 heures 30 à 19 heures.

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