Le goût des autres - L'Infirmière Magazine n° 168 du 01/02/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 168 du 01/02/2002

 

Dossier

- En France, les modes alimentaires excessifs ou inadaptés progressent - Face aux comportements pathogènes, la nutrition s'intègre plus que jamais au soin hospitalier - Gage du respect accordé au patient, la qualité des repas joue un rôle considérable dans la prise en charge

Aujourd'hui, l'abondance alimentaire règne sur les pays industrialisés. Éducation, recherche, niveau de vie, transports... Le développement de nos sociétés modernes a conduit à la quasi-disparition des maladies de carence sévère. Désormais, la relation entre nutrition et santé se joue sur un tout autre terrain : l'inadaptation des apports alimentaires aux besoins de l'organisme. Ce déséquilibre contribue de manière prépondérante à l'apparition des maladies cardiovasculaires, des cancers, de l'obésité, du diabète ou encore de l'ostéoporose. D'autres pathologies en découlent : caries dentaires, hypertension artérielle, cataracte... Les établissements de santé doivent désormais jouer un rôle de dépistage et de prise en charge des pathologies liées à l'alimentation. Au soin hospitalier s'intègre donc une approche nutritionnelle globale. Une action préventive de conseil et d'information qui cherche à adapter les habitudes alimentaires des patients à leurs maladies. Plus qu'un facteur de qualité, d'accueil et de confort, l'alimentation est un soin. Si une alimentation inadaptée ne provoque pas directement l'apparition des maladies, elle renforce grandement l'incidence des facteurs génétiques ou environnementaux. Un facteur d'aggravation notamment dénoncé par le rapport en 2000 du ministère de la Santé Pour une politique nutritionnelle de santé publique en France. Première cause de mortalité en France, les maladies cardiovasculaires provoquent près de 170 000 décès chaque année, soit 32 % des décès. Les tumeurs malignes représentent 29 % des décès chez l'homme et 23 % chez la femme. 240 000 nouveaux cas apparaissent chaque année... Selon l'OMS (Organisation mondiale de la santé), un régime alimentaire faible en calories et en graisses saturées, associé à un exercice physique et à une réduction de la consommation d'alcool, éviterait près de la moitié des maladies cardiovasculaires et plus d'un tiers des cancers. Autre pathologie récurrente : l'obésité. En France, selon l'Inserm, elle concerne 7 à 10 % des adultes et 10 à 12,5 % des enfants de cinq à 12 ans. Ces dernières années, sa prévalence chez les enfants augmente de manière inquiétante. Un phénomène dû en partie à une trop grande consommation de sodas sucrés et à un grignotage de produits riches en graisses, mais aussi à un manque d'exercice physique. Aujourd'hui, plus d'un enfant sur trois mange en dehors des repas. Un facteur déterminant dans de nombreuses pathologies. En effet, l'obésité augmente sensiblement les risques de cancer, de maladies de la vésicule biliaire, de troubles musculaires, osseux ou respiratoires, ainsi que de maladies cardiovasculaires. Une situation plus que préoccupante car dans 20 à 50 % des cas déclarés à l'enfance, l'obésité se poursuit à l'âge adulte. Aujourd'hui, l'espérance de vie d'un individu obèse s'abaisse de 50 à 80 %.

Le lait contre l'ostéoporose

Maladie à prédominance féminine (sept femmes pour un homme), l'ostéoporose expose les patients à une fragilité osseuse et donc à un risque de fractures élevé. Cette pathologie concerne 10 % des femmes à 50 ans, 20 % à 60 ans et 40 % à 75 ans. Aujourd'hui, près de trois millions de femmes encourent des risques de fractures vertébrales et périphériques. Cette situation est favorisée par une alimentation déséquilibrée ou pauvre en calcium, en protéines et en vitamines D. Depuis plus de dix ans, des études contrôlées et randomisées démontrent que des suppléments associant calcium et vitamines D préviennent les fractures non vertébrales chez les sujets âgés vivant en institution ou à domicile. L'apport nutritionnel doit donc couvrir l'ensemble de ces besoins. Les sources importantes de calcium se trouvent dans les produits laitiers mais aussi dans certaines eaux minérales.

Le diabète, lui, touche plus d'un million de Français. Le diabète de type 2, non insulinodépendant, concerne plus de 90 % de cette population. Faible avant 35 ans, sa prévalence progresse avec les années et atteint 8,6 % entre 65 et 74 ans. Les complications se développent chez près de 30 % des diabétiques sous forme dégénérative à long terme : cardiopathie ischémique, rétinopathie diabétique, néphropathie, artériopathie des membres inférieurs et neuropathie périphérique. L'implication de facteurs alimentaires dans la physiopathologie du diabète reste encore controversée. Néanmoins, aujourd'hui, près d'un adulte sur cinq présente une cholestérolémie élevée. D'après l'OMS, l'incidence du diabète chez les adultes augmentera de plus de moitié dans l'ensemble du monde et passera de 143 millions de cas en 1997 à 300 millions en 2025. Et ce, principalement en raison de l'alimentation liée à l'évolution de notre mode de vie. À savoir, un régime adapté limite les risques de développement des complications cardiovasculaires. Une alimentation qui privilégie les graisses insaturées, au détriment des graisses saturées.

La nutrition s'aborde différemment selon les pathologies mais aussi selon l'âge. Chez le nourrisson, le ministère de la Santé prône le lait maternel comme mode d'alimentation idéal. La France accuse un retard important par rapport à certains de ses voisins européens.

Des saveurs pour le bébé

Aujourd'hui, seules 50 % des Françaises allaitent à la naissance et moins de 10 % continuent après deux mois. Dans les pays scandinaves, près de 100 % des femmes allaitent, et plus de 80 % allaitent encore à six mois. En effet, une alimentation lactée jusqu'à six mois (au mieux le lait maternel, sinon le lait 1er âge) participe à la croissance de son système nerveux et de son cerveau. Avant quatre mois, la diversification alimentaire comporte un risque d'allergies, de troubles digestifs, ainsi qu'une carence en calcium. De même, de trop grandes quantités de sel ou de déchets issues de la transformation des protéines peuvent surcharger les reins du nouveau-né. Dans ses premières années, l'enfant commence à développer son goût. Aux parents de susciter sa curiosité et de diversifier les saveurs afin de construire les bases d'une alimentation équilibrée. Un éveil qui passe par le jeu et nécessite beaucoup de patience... Bien plus tard, à la préadolescence, les premiers désordres alimentaires surviennent. Croissance, modifications physiologiques et psychologiques... Une période critique où s'installent les bases de l'obésité.

Malnutrition adolescente

Repas irréguliers, grignotages, boissons gazeuses trop sucrées et pauvres en micronutriments... Le déséquilibre alimentaire fréquent chez l'adolescent peut mener à des pathologies graves comme l'obésité. L'enfant développe alors des goûts très sélectifs. Il souffre de fringales, mange à heures irrégulières, saute des repas et manque d'activité physique. Cette situation peut s'expliquer par « un mal de vivre », sorte de rejet du modèle parental. De plus, l'environnement socioculturel de l'enfant entraîne un mode de vie trop sédentaire (trajets scolaires en voiture, télévision, pratique de jeux vidéo). Parfois, le facteur héréditaire prédomine sur plusieurs générations. Suite à la récente découverte des gênes régulateurs, l'obésité familiale se traite, faute d'une meilleure compréhension, par un régime hypocalorique à vie. En général, une prise en charge psychologique, une activité physique quotidienne et un suivi diététique permettent à l'adolescent de revenir à une alimentation équilibrée. Néanmoins, en cas de surobésité, le placement en institut et la séparation familiale s'avèrent indispensables.

Autres manifestations d'une détresse psychologique extrême, l'anorexie mentale et la boulimie touchent principalement les adolescentes âgées de 15 à 20 ans. La boulimie se concrétise par l'ingurgitation excessive et impulsive d'une grande quantité de nourriture et par des vomissements provoqués. Un mal qui concerne 3 à 4 % d'entre elles. L'anorexie (environ 1,3 % des adolescentes) conduit à des carences puis à une dénutrition sévère. Ce refus de s'alimenter peut perdurer plusieurs années. La maladie s'installe insidieusement et l'adolescente mange de moins en moins. Malgré sa perte de poids conséquente, son obsession de maigrir persiste jusqu'à mettre sa vie en péril. Seule alternative : une prise en charge médicalisée et psychologique.

À l'âge adulte, nous portons une attention particulière à notre ligne, surtout à l'approche de la période estivale. Pourtant, dans l'absolu, aucun aliment ne fait maigrir ni grossir. Tout dépend de la variété et de la quantité absorbée. Les apports énergétiques recommandés quotidiennement : 2 700 kcal pour un homme et 2 200 kcal pour une femme ayant une activité modérée. Aujourd'hui, les principales erreurs diététiques se manifestent par une alimentation trop monotone, des repas trop salés, un excès de viandes, de produits gras et sucrés, et par un manque de fruits, de céréales et de légumes frais. Un déséquilibre nutritionnel amplifié par le grignotage devant la télévision, la sédentarité et le manque d'exercice.

La femme enceinte, elle, peut souffrir d'une carence en fer (35 % à 80 % selon les études). Un terrain propice à l'anémie ferriprive. Aujourd'hui, la majorité des femmes enceintes débute leur grossesse avec des réserves en fer faibles, voire nulles. Autre insuffisance rencontrée en début de grossesse, la carence en folates qui entraîne un risque de non-fermeture du tube neural du foetus (anencéphalie ou Spina bifida). En France, ce type d'anomalies ne concerne heureusement qu'une grossesse sur mille. En hiver, une insuffisance en vitamines D peut apparaître et engendrer des hypocalcémies néonatales. C'est pourquoi le régime alimentaire de la femme enceinte nécessite une surveillance nutritionnelle accrue.

Vieillesse et dénutrition

Aujourd'hui, la plupart des personnes âgées souffrent de carences nutritionnelles importantes. Isolement, mise en institution, difficultés matérielles, ces facteurs sociaux modifient les comportements alimentaires. Comme les réserves nutritionnelles diminuent progressivement avec l'avancée en âge, les risques majeurs de dénutrition et de carences s'aggravent. En effet, le vieillissement entraîne, déjà par lui-même, des dysrégulations de l'appétit, du goût et de l'odorat. La personne âgée ne mange plus en quantité suffisante. Le salé devient insipide alors que l'attirance pour le sucré se développe. Parallèlement, un état buccodentaire négligé ou encore un dentier qui ne convient pas, gênent la mastication et favorisent l'apparition de troubles digestifs importants. Conséquence : la personne âgée voit supprimés de son alimentation les viandes, le pain, les fruits et les légumes. De plus, les troubles fonctionnels amplifient et accélèrent le processus de dénutrition : troubles moteurs empêchant de faire les courses ou de préparer les repas, voire de manger pour les personnes très âgées. Le terrain dénutritionnel peut s'aggraver encore un peu plus avec le déclin progressif des fonctions cérébrales.

Les premiers effets de la malnutrition et d'une carence en micronutriments (folates, zinc, vitamines C...) entraînent une diminution des défenses immunitaires. Un cercle vicieux s'installe. Les infections surviennent, menant à une malnutrition, qui favorise elle-même une nouvelle infection... Le risque de mortalité s'accroît alors dramatiquement. Autre conséquence : l'appauvrissement de la masse musculaire qui engendre une diminution de l'activité physique. Avec l'âge, les causes de perte de poids se multiplient : dépression, effets indésirables de médicaments... La personne âgée manifeste alors des troubles de l'équilibre et de la marche. Le risque de chutes et de fractures, en particulier du col du fémur, s'aggrave. L'hospitalisation s'avère alors souvent nécessaire, entraînant une perte d'autonomie, ainsi qu'une diminution de la qualité de vie. Plus le sujet hospitalisé avance en âge, plus la probabilité d'un retour au domicile se réduit. L'état de dépendance s'instaure.

En institution, le statut nutritionnel de la personne âgée se dégrade. D'après l'Inserm (Expertise collective, 1997), 30 à 61 % des personnes âgées hospitalisées souffrent d'une dénutrition protéino-énergétique importante. Contrairement aux idées reçues, la personne âgée ne mange pas moins en vieillissant. Malgré une activité physique réduite, son faible rendement métabolique nécessite des apports énergétiques bien plus élevés et quasi équivalents à ceux de l'adulte (soit 1 800 kcal pour une personne de 55 kg). Standardisées selon les besoins d'un individu sain, les quantités en milieu hospitalier sous- estiment souvent les apports nécessaires aux malades.

Autre pathologie de la personne âgée en institution : l'escarre. Elle se forme sous la pression exercée sur les tissus mous, interposés entre une saillie osseuse et le lit ou le fauteuil. Ce frottement entraîne rapidement une occlusion vasculaire, puis une ischémie locorégionale et enfin une nécrose tissulaire irréversible. Mais la venue de l'escarre ne se réduit pas aux seuls facteurs mécaniques. La dénutrition - à l'instar de l'immobilisation, des troubles moteurs et/ou des désordres psychologiques - favorise son apparition. Outre les soins locaux, son traitement passe aussi par une prise en charge nutritionnelle. Au diététicien ou à l'équipe médicale d'évaluer et de pallier les carences du malade. Une ration calorique moyenne de 40 kcal/kg, privilégiant l'apport protéique, et une hydratation suffisante contribuent de manière significative à la cicatrisation.

Chaque année, on dénombre plus de 25 millions d'entrées et plus de 215 millions de journées en hospitalisation complète. La durée de la prise en charge s'élève en moyenne à cinq jours dans les services de court séjour, de 30 à 50 jours en soins de suite et de réadaptation, pour atteindre 500 journées en long séjour. Avant l'hospitalisation, déjà près de 10 % de ces malades ont subi une perte de poids considérable. Le personnel médical se retrouve alors confronté à des pathologies diverses, qui, pour la plupart, entraînent une modification radicale des habitudes alimentaires du patient.

Régime et cancer

Le soignant s'affirme alors en tant que relais privilégié de l'information nutritionnelle. Face à un malade cancéreux, par exemple, la qualité de l'alimentation s'avère primordiale. Lors d'un cancer digestif, les aversions alimentaires pour la viande, le sucré et le salé engendrent une perte de poids et donc une fatigue importante. La radiothérapie, surtout abdominale ou pelvienne, induit ces mêmes symptômes. L'irritation de l'intestin altère alors les fonctions d'absorption et de digestion pour entraîner des troubles du transit (diarrhées ou constipations). Une prise en charge diététique s'impose. Un régime sans gluten permet ainsi d'éviter ces désagréments. Nécessité donc d'éviter le pain, les céréales en flocons, les biscuits ou gâteaux, les produits lactés, ainsi que les crudités. Au contraire, la viande, les poissons bouillis, les compotes, les pâtes ou les biscottes sans gluten, favorisent le transit intestinal.

Les patients soumis à une radiothérapie sur la région du cou ou sous chimiothérapie éprouvent parfois de grandes difficultés à avaler. Dans ce cas, les aliments irritants sont bannis : épices, moutarde, citron, tomates, alcool, compotes de pommes... Mieux vaut aussi privilégier les viandes tendres, hachées, le poisson bouilli, les crèmes... Bref, des aliments mixés ou liquides favorisant l'apport de mets variés. D'autres malades souffrent régulièrement de nausées ou se plaignent d'un goût amer et persistant dans la bouche. Pour en contrer les effets, chacun développe par expérience ses remèdes. Une boisson au cola ou une tisane à la violette permettent souvent de minimiser ces gênes récurrentes. Après la radiothérapie, si la bouche s'assèche, la prise régulière de boissons peut soulager cet état. Dans le cas contraire, le médecin peut alors prescrire une salive artificielle. La chirurgie, elle aussi, cause un effet souvent néfaste sur l'alimentation du patient. Cependant, hormis la période postopératoire, seules quelques interventions nécessitent un régime particulier. Après l'ablation de l'estomac, par exemple, le patient doit prendre des petits repas (cinq par jour). Après une colostomie, il faut éviter tout aliment constipant : riz, tapioca, carottes cuites, gelée de coing. Néanmoins, un apport nutritionnel substantiel et de qualité prévient les complications postopératoires et favorise la récupération. En effet, les protéines reconstruisent les muscles et diminuent la sensation de fatigue.

Restauration hospitalière en cause

La restauration hospitalière représente plus d'un milliard de repas par an. Cette restauration collective s'affirme aujourd'hui comme un enjeu majeur de santé publique. En 1997, le Pr Bernard Guy-Grand remettait au ministre de la Santé un premier rapport sur l'alimentation en milieu hospitalier. L'étude concernait 68 établissements publics représentant au total 22 500 lits. Ce constat portait un regard sévère sur l'institution et dénonçait la médicalisation insuffisante des problèmes nutritionnels. Failles dans la qualité du service, cloisonnement des métiers, manque d'équipement et de formation du personnel et nombre insuffisant de diététiciens... Des facteurs qui contribuaient, selon le rapport, à l'inadéquation nutritionnelle des repas aux besoins médicaux et au confort du malade. Les recommandations issues de l'expertise prônaient l'évaluation nutritionnelle et la qualité alimentaire dans les projets médicaux de service, la refonte des formations du personnel, l'augmentation du nombre de diététiciens et la mise en place des Clan (Comités de liaison alimentation-nutrition). Leurs missions : dépister la dénutrition, évaluer les besoins nutritionnels et matériels... Deux ans plus tard, en 1999, le Pr Guy-Grand réitère son étude sous l'impulsion du magazine associatif 60 millions de consommateurs. Le nouveau bilan dressé recense quelques améliorations mais souligne encore de nombreuses lacunes. En effet, l'évaluation nutritionnelle s'avérerait toujours négligée. Près de 40 % des patients hospitalisés souffrent encore de dénutrition. Horaires, température des repas, diversité et choix des menus, jeûnes nocturnes de 12 heures et plus... « Une aberration nutritionnelle nuisible à la santé et aux capacités de guérison », observe l'auteur de l'étude. Maladie, réaction inflammatoire, traitements, diminution des apports alimentaires... L'hospitalisation s'avère donc un facteur important de dénutrition. Un phénomène largement amplifié par la rupture des habitudes de la vie quotidienne. Les populations les plus sensibles : les victimes d'agression, les porteurs du virus HIV, les patients atteints d'un cancer ou d'affections hépato-gastro-entérologiques, les femmes enceintes ou allaitantes, les enfants et les personnes âgées. Méconnue, la malnutrition de l'hospitalisé voit sa prévalence encore sous-estimée.

Manque de clan

Quant aux Clan, en raison du manque de moyens accordés pour leur mise en place, le Pr Guy-Grand constate que seuls 30 % des établissements s'en sont depuis dotés. De plus, le nombre de diététiciens stagne (en moyenne un pour 180 lits). Leur statut flou les assimile à des acteurs paramédicaux. Leur formation relève alors de l'Éducation nationale et non de la santé. Le personnel soignant peu impliqué éprouve toujours des difficultés à prendre en charge le soin nutritionnel. Le programme d'études infirmier ne comportant pas de module de formation spécifique à la nutrition et à l'alimentation du malade.

Aujourd'hui, l'alimentation et l'état nutritionnel conditionnent l'évolution des pathologies propres à nos sociétés occidentales. Mis à part les conséquences humaines, ces maladies génèrent un coût considérable. On estime à 30 milliards de francs par an les coûts directs et indirects des cardiopathies ischémiques et à 12 milliards de francs par an ceux liés à l'obésité. En France, le Programme national nutrition-santé 2001-2005 du ministère ambitionne de développer l'information, l'éducation, le dépistage et la prise en charge des troubles nutritionnels. Aussi, le plan prévoit d'adapter les formations des professionnels de la santé aux impératifs sanitaires actuels. Dorénavant, plus qu'un soin, l'alimentation s'affirme comme un enjeu de société majeur.

Une alimentation équilibrée

D'après l'OMS, l'alimentation a pour but « d'entretenir un état de santé florissant, assurer la perpétuité de la race humaine sans dégénérescence, autoriser le travail avec un rendement optimum ». Manger sainement construit et renforce l'organisme. Ses besoins sont couverts par un apport équilibré de protéines, lipides, glucides, fibres végétales, eau, minéraux et vitamines. En théorie, les apports sont fournis :

- de 10 à 12 % par les protéines ;

- de 50 à 60 % par les glucides ;

- de 25 à 33 % par les lipides.

Fausses rumeurs et vrais remèdes

- Le sang des viandes s'avère un bon reconstituant : faux, il comporte peu de protéines. Sa valeur nutritionnelle est presque nulle.

- Cuisiner à la margarine est bon pour le coeur : vrai, elle est riche en acides gras mono et polyinsaturés.

- Boire du vin protège les artères du coeur : vrai, si la consommation est modérée, soit deux à trois verres par jour.

- Les eaux gazeuses soulagent les brûlures d'estomac : faux, elles engendrent une acidité gastrique.

- La bière est conseillée aux femmes allaitantes : faux, toute boisson alcoolisée est à éviter en période d'allaitement.

- Le chocolat est déconseillé aux enfants de moins de deux ans : vrai, il contient un alcaloïde excitant pour le système nerveux.

- Le lait est un bon calmant : vrai, de par sa teneur en tryptophane.

- Le yaourt est décalcifiant : faux, il apporte 174 mg de Ca/100 g sous forme très assimilable.

Le coût de la dénutrition du patient âgé

Alors qu'une supplémentation orale journalière ne coûte qu'entre 18 et 30 francs pour 350 à 500 kcal/jour (rapport Lerebours, 1997), la dénutrition du patient âgé engendre des coûts d'hospitalisation considérables. Le coût d'une infection respiratoire, lui, avoisine 1 200 F. Celui d'une fracture culmine à 100 000 F (tassement vertébral, col du fémur). Le traitement des escarres revient de 100 000 à 400 000 F (association Perse). Le coût journalier d'un séjour en soins de suite et réadaptation atteint, quant à lui, 1 308 F (moyenne nationale Credes). Parallèlement, la durée d'hospitalisation d'un patient âgé et dénutri s'avère de deux à quatre fois plus longue et la morbidité de deux à six fois plus fréquente.

La France atteinte par la malbouffe ?

« En 1950, une Française passe près de quatre heures par jour dans des activités alimentaires (achats, préparation culinaire, vaisselle), en 1992, moins d'une heure [...]. » Jean-Pierre Poulain, sociologue et maître de conférences à l'université de Toulouse, nous explique, dans son nouvel ouvrage, l'évolution radicale de nos modes alimentaires. De la mondialisation des marchés à la place de la femme dans nos sociétés, en passant par la médicalisation de l'alimentation quotidienne, ce livre nous renvoie à notre présent et à notre avenir de mangeur.

Sociologies de l'alimentation. Jean-Pierre Poulain. Presses universitaires de France. 21 €.

Fruits et légumes contre le cancer

Actuellement, les experts de la nutrition s'accordent sur les effets bénéfiques des fruits et légumes sur la santé. Ainsi, en faire une consommation régulière prévient l'apparition de maladies cardiovasculaires, de cancers, d'obésité et de diabète. Un effet protecteur induit par un ensemble d'éléments présents dans leur composition : fibres, vitamines, oligo-éléments, antioxydants, polyphénols... Le Programme national nutrition santé, piloté par le ministère de la Santé, conseille de manger au moins cinq fruits ou légumes par jour, crus ou cuits, frais, surgelés ou en conserve. Aujourd'hui, plus de 60 % des Français consomment quotidiennement moins d'une portion et demi de fruits et moins de deux portions de légumes (pomme de terre exclue).

Les allergies alimentaires

Mutations des habitudes alimentaires, progrès du dépistage, diminution de l'allaitement maternel, diversification alimentaire trop rapide et trop variée chez le nourrisson... Depuis une quinzaine d'années, les allergies alimentaires se multiplient. Selon un rapport du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, le phénomène touche 3,5 % de la population. La prévalence chez les enfants s'élève à près de 10 % lors des quatre premières années de vie. Autre développement inquiétant, celui des chocs anaphylactiques (d'origine alimentaire dans 14 % des cas), qui ont quintuplé en dix ans. En théorie, le risque allergique « zéro » n'existe pas et n'importe quel aliment à doses d'allergènes très faibles peut le provoquer. Dans nos sociétés industrialisées, les aliments les plus fréquemment incriminés sont le lait de vache, les oeufs, les arachides, le soja, les noix, les poissons et les crustacés.