Le harcèlement moral - L'Infirmière Magazine n° 168 du 01/02/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 168 du 01/02/2002

 

Juridique

La loi 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale rend plus aisées les actions judiciaires contre le harcèlement moral. Le plaignant devra néanmoins se montrer précis et vigilant pour qualifier la faute dans le cadre d'un procès.

En France, la notion de harcèlement moral au travail a été introduite au tout début de l'année dans le Code du travail, mais aussi dans le Code pénal. Jusqu'à présent, notre système juridique ne punissait que les actes de harcèlement sexuel. Traditionnellement, le harcèlement moral désigne toute conduite abusive se manifestant notamment par des comportements, des paroles, des brimades, des écrits pouvant porter atteinte à la personne, à sa dignité ou à son intégrité physique ou psychique, mettre en péril son emploi ou dégrader les conditions de travail. Par exemple, crier contre l'autre, critiquer son travail en permanence, se moquer de lui, le dévaloriser, le discréditer auprès de ses autres collègues.

Jusqu'à présent, il était difficile d'engager une action judiciaire, la notion de harcèlement n'ayant aucun fondement légal, certaines juridictions acceptant parfois néanmoins de se reconnaître compétentes et d'accepter de statuer. Depuis l'adoption par le Parlement de la loi de modernisation sociale, la contestation devient plus facile. Le harcèlement moral concerne le harcèlement exercé tant par l'employeur que par un collègue ou toute autre personne substituée à l'employeur. La protection contre le harcèlement vise les salariés, donc les infirmières employées dans des établissements privés, mais aussi, selon un régime adapté, les fonctionnaires et agents publics non titulaires, donc toutes celles et ceux exerçant dans des établissements de soins publics.

Critères et sanctions

La loi a posé des critères concernant tant les caractéristiques des agissements incriminés qui doivent être répétés, excluant de son champ d'application un acte isolé même grave, que la finalité ou l'effet de ses agissements, à savoir la dégradation des conditions de travail et l'état psychique du salarié.

Outre les sanctions prévues par le Code pénal, les agissements de harcèlement moral sont dorénavant passibles de sanctions disciplinaires de la part du directeur d'établissement pouvant aller jusqu'au licenciement du salarié s'il s'agit d'un établissement de soins privé (nouvel article L. 122-50 du Code du travail).

Sont nuls toute sanction ou discrimination, ou plus généralement tout acte résultant d'un harcèlement moral. Il en va ainsi d'une rupture du contrat de travail (démission ou licenciement) ou de toute mesure discriminatoire (rémunération, formation, mutation, promotion, etc.). C'est au salarié (ou à l'agent public) d'apporter la preuve du harcèlement en présentant les éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Recommandations

Dans le cadre d'un procès, il faudra établir une chronologie des faits très détaillée permettant de qualifier la faute de harcèlement. C'est pourquoi il est toujours utile de noter les remarques, les brimades, la présence d'éventuels témoins, et de conserver les observations écrites émanant du harceleur.

L'agent harcelé ne doit pas hésiter à demander des explications au harceleur. En cas de refus ou de réponse insuffisante, il peut adresser au directeur d'établissement une lettre (recommandée AR) circonstanciée afin de tenter d'établir un dialogue. Il peut aussi s'avérer utile d'aborder le sujet avec le médecin du travail, lequel pourra proposer des mutations ou transformations de poste justifiées par des considérations relatives à la santé « physique ou mentale » de l'agent harcelé. En outre, la procédure d'alerte dont disposent les délégués du personnel en cas « d'atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles » a été étendue par la loi aux cas d'atteinte à la santé « physique et mentale » des salariés.

Enfin, la loi prévoit désormais le recours à un médiateur extérieur à l'entreprise, choisi sur une liste de médiateurs dressée par le préfet, lequel tentera de concilier les parties et leur soumettra des propositions en vue de mettre fin au harcèlement.

Ce que prévoit le Code du travail

Article L. 122-49 nouveau :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

D'un point de vue pénal, le harcèlement moral au travail est puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros.

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