Les Hospices civils de Lyon ont 200 ans ! - L'Infirmière Magazine n° 168 du 01/02/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 168 du 01/02/2002

 

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Alors que les 35 heures occupent tous les esprits, les Hospices civils de Lyon donnaient le 18 janvier dernier le coup d'envoi des six mois de célébration de leur bicentenaire. L'occasion de tracer un bilan mais aussi des perspectives d'avenir.

« Créer un pont entre le passé et l'avenir », c'est ainsi que le professeur René Mornex, coordonnateur des manifestations du bicentenaire, présente l'objectif principal poursuivi par le comité organisateur de ces six mois de festivités. « Nous avons voulu faire les choses à la lyonnaise », ajoute-t-il. C'est-à-dire « sans tambour ni trompette »... Néanmoins, l'événement est d'importance : les Hospices civils de Lyon, c'est aujourd'hui plus de 20 000 professionnels répartis sur 18 sites, 5 786 lits, pour un budget annuel de plus d'un milliard d'euros (6,9 milliards de francs). Échelonnés sur six mois, les événements de cet anniversaire (congrès, expositions et opérations portes ouvertes) s'adresseront autant à la population lyonnaise qu'à l'ensemble des professionnels de santé. Pêle-mêle, le programme propose jusqu'au mois d'août divers congrès médicaux comme cette réflexion du 26 et 27 février sur la recherche et l'innovation thérapeutique, la transplantation et la dialyse, organisée en partenariat avec la fondation Mérieux ; ou encore le colloque des 19 et 20 juin, axé principalement sur les progrès de l'imagerie médicale. Le grand public n'est pas oublié avec, entre autres, l'exposition « L'hôpital en habits » qui se tiendra à l'Hôtel-Dieu du 6 mai au 31 juillet.

De la charité à l'hôpital moderne.

Le 28 nivôse, an X (le 18 janvier 1802 donc), un arrêté du ministère de l'Intérieur de Napoléon Bonaparte crée les Hospices civils de Lyon. La France, en pleine reconstruction, se dote alors de nouvelles structures médicales, héritières d'établissements créés autrefois à l'initiative des rois et seigneurs, de confraternités, corporations ou ordres religieux. D'ailleurs, « l'Hôtel-Dieu de Lyon aurait été fondé en 542 par Childebert et Ultrogothe à la demande de Saint-Sacerdoce, l'évêque de la ville », écrivent le Pr Jean Freney et le Pr Jacques Fabry, deux microbiologistes lyonnais passionnés d'histoire. Plus tard, aux XIIe et XIIIe siècles, les établissements se multiplient. Mais réservé aux indigents, l'hôpital est alors un lieu redoutable : on y meurt énormément. « Ces vastes bâtiments aux immenses dortoirs et aux nombreux ateliers se peuplent d'une foule d'incurables et de vagabonds, de vieillards et d'enfants, malades et bien portants... » ajoutent-ils. Ce n'est qu'en 1851, soit une cinquantaine d'années après la fondation des HCL, que la première loi faisant des hôpitaux des structures civiles régies par des commissions administratives est promulguée. Mais il faudra attendre le XIXe siècle et la naissance de l'hygiène hospitalière pour que les patients puissent enfin espérer sortir vivants de leur séjour.

L'une des ambitions des organisateurs du bicentenaire est de « redynamiser l'appartenance institutionnelle ». Néanmoins, l'inquiétude qui règne actuellement sur l'ensemble des professionnels de santé leur complique la tâche. Anne a 35 ans. Il y a deux ans, elle a quitté la France, sa région et son poste dans un service de brûlés, pour répondre aux appels pressants d'un hôpital du Québec où la pénurie d'infirmières est également criante. Mais Anne n'en était pas à sa première escapade. Elle est déjà partie deux fois avec une organisation humanitaire à la recherche des motivations de ses 18 ans ; celles qui l'ont poussée à entrer à l'école d'infirmière. À son retour, rien n'avait changé. « Tant de moyens et si peu de solutions ! » soupire-t-elle, l'esprit encore obnubilé par des regards de famine. Mais comme le ciel n'est pas plus bleu ailleurs, la voilà qui annonce son retour du Québec. En octobre, elle rejoindra sa bonne ville, pleine de projets nouveaux, dit-elle. De ses projets, on ne saura rien pour l'instant, mais ce dont elle est sûre, c'est qu'elle ne retournera pas à l'hôpital. Pourtant, elle y croyait. Elles sont nombreuses, chaque année, à abandonner leur métier. Et Éliane (infirmière dans un service de cardiologie) d'ajouter : « Les infirmières savent tout faire. Elles sont très débrouillardes et se reconvertir ne les effraie pas. Pourtant, elles attendent d'en avoir vraiment assez pour en arriver là. » Ce que confirme Patrick Viron, réalisateur du film L'Hôpital à coeur ouvert (voir encadré) : « L'obstination des hospitaliers à bien faire leur métier et à garder un visage humain malgré les difficultés quotidiennes m'a épaté ! » Pourtant, comme beaucoup, Anne changera de métier cette année.

L'avenir en pointillé.

Comment, dans ces conditions, faire face aux nouveaux besoins engendrés par la mise en place des 35 heures ? Hélène Daumur, directrice de l'Ifsi Rockefeller de Lyon n'est pas alarmiste. Elle s'étonne simplement que les autorités gouvernementales aient tant tardé à augmenter les quotas de formation. Chaque année, elle ouvre désormais les portes de son école à 180 nouveaux étudiants, contre 130 jusqu'à 1999. Mais les candidats ne se pressent pas au portillon, et il reste encore des places vides dans les amphis. « Lorsqu'on explique aux postulants qu'ils seront payés 8 000 francs par mois pour travailler les week-ends et les jours fériés, ils hésitent, note-t-elle sans perdre son optimisme. On devrait parvenir à former suffisamment d'infirmières à l'horizon 2003. La grande question concerne plutôt les budgets qui devraient être débloqués pour l'embauche de ces nouveaux personnels. » Second pôle hospitalo-universitaire de France, les HCL sont actuellement engagés dans une importante restructuration. Déjà, entre 1843 et 1976, les différentes générations de la population lyonnaise avaient assisté au rattachement de huit établissements et à la construction de dix nouvelles structures. Parmi les projets en cours, la création de 300 lits de médecine supplémentaires, la construction d'un hôpital dédié à la pédiatrie, la gynécologie et l'obstétrique, d'un grand bâtiment de médecine et de chirurgie, etc. Mais certaines infirmières s'inquiètent déjà de ne pas avoir été consultées sur l'organisation des nouveaux services. « On voudrait que les choses se fassent en concertation avec l'ensemble des personnels, mais il n'y a pas assez d'esprit de corporation dans notre métier, enrage Sylvaine, infirmière dans l'un des hôpitaux de Lyon. Dès que nous haussons le ton, on nous renvoie dos à dos avec nos collègues libérales, ou travaillant dans le privé. Ce n'est pas comme cela que les choses vont changer. » Le bicentenaire des HCL a été organisé pour propulser la structure et les personnels vers le futur. Nombreux sont ceux, en tout cas, qui auraient préféré voir ces manifestations démarrer sous des auspices plus favorables.

52 minutes avec les hospitaliers

L'Hôpital à coeur ouvert... C'est le titre choisi par Patrick Viron pour le film de 52 minutes qu'il vient de tourner dans les services d'une dizaine d'hôpitaux des HCL. Un titre, mais surtout une profession de foi pour ce réalisateur qui s'intéresse depuis longtemps à la place de l'humain dans notre société. Mandaté par le comité d'organisation du bicentenaire et la Compagnie lyonnaise de cinéma, le réalisateur se félicite de la confiance dont il a bénéficié, autant pour le tournage que dans les axes choisis. « Totalement libre de mes rencontres, j'ai été extrêmement frappé par la qualité et l'humanité des acteurs de l'hôpital, quel que soit leur niveau hiérarchique. Et cela, malgré les difficultés évidentes liées à la pénurie de personnel et la mise en place des 35 heures », observe-t-il.

Réalisateur depuis vingt ans, Patrick Viron est familier de l'hôpital. Déjà, il y a deux ans, France 3 diffusait un autre de ses documentaires, intitulé La Ligne 28, où il se penchait sur les services de soins psychiatriques de Lyon.

L'Hôpital à coeur ouvert sera prochainement visible à Lyon sur une chaîne câblée. Une version de 26 minutes passera sur France 3 Rhône-Alpes, et la société de production est en contact avec les chaînes pour une diffusion nationale.

3 Questions à Marie-Claude Martin. Cadre infirmier à l'hôpital Louis-Pradel de Lyon

Depuis le 1er janvier, vous êtes tenue d'appliquer la loi sur les 35 heures. Comment cela se passe-t-il ?

On marche sur la tête ! En 28 ans à l'hôpital, j'ai eu le temps de constater que le métier d'infirmière s'exerce de manières très différentes. Comment appliquer les mêmes règles partout ? Dans mon service, c'est moins compliqué car nous sommes fermés le week-end. J'ai tout de même besoin d'embaucher un temps plein. Mais où allons-nous le trouver ?

Vous sentez-vous impliquée dans ces célébrations du bicentenaire ?

Le réalisateur du film L'Hôpital à coeur ouvert est venu dans le service pour rencontrer les gens. Nous serons intéressés par le résultat. À part ça, la mise en place des 35 heures occupe tous les esprits. Avec l'inquiétude, le personnel n'a pas tellement la tête à la fête.

Les HCL démarrent leur troisième siècle d'existence par une grosse restructuration...

Une restructuration, c'est bien. À l'heure actuelle, il n'y a pas assez de liens entre les différents hôpitaux des HCL et la création de structures transversales pourrait améliorer les choses. Mais s'il semble logique de regrouper certains services, il ne faudrait pas créer des mastodontes pour autant. Plus la bête est grande, plus la tête est loin des pieds !