Accompagner la famille d'un enfant malade - L'Infirmière Magazine n° 170 du 01/04/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 170 du 01/04/2002

 

Dossier

- En pédiatrie, le soignant s'occupe aussi bien de l'enfant malade que de sa famille - L'équipe doit faire preuve de cohésion et de capacité d'écoute - Pour une bonne prise en charge des parents, les soignants doivent prendre en compte leur propre douleur morale et la soulager -

- « Quand on travaille en pédiatrie, il faut être à l'écoute de l'enfant et des parents, faire en sorte de perturber le moins possible la relation familiale », résume Marie-Françoise Erama, cadre puéricultrice au CHU Arnaud-de-Villeneuve (Montpellier). Parce que les parents sont les premiers à même d'aimer et de rassurer l'enfant, rien n'est possible sans leur présence et leur confiance(1). Inquiets, déstabilisés, en souffrance, ils exigent beaucoup du personnel soignant qui doit être préparé et extrêmement disponible. C'est pourquoi l'intégration d'un service de pédiatrie pour une infirmière se fait rarement sans l'aide d'un tutorat ou d'une période de parrainage d'au moins deux mois, lui permettant d'initier un travail sur la relation d'aide, la communication, la psychologie, nécessaire au bon accompagnement du couple parents-enfants. Depuis une quinzaine d'années, impulsée par le travail sur les soins palliatifs destinés aux enfants en fin de vie, une réflexion s'est instaurée sur l'accompagnement des parents d'enfants malades. En partant de leur vécu et des difficultés rencontrées, des équipes ont élaboré procédures et formations pour se guider au quotidien dans l'accompagnement des familles.

Accueil déterminant

Le premier objectif est d'instaurer une relation de confiance. En la matière, l'accueil est souvent déterminant. « Un accueil raté ne se rattrape jamais complètement », souligne Isabelle Lévêque, psychologue au service de réanimation pédiatrique du professeur Hubert à l'hôpital Necker (Paris). La plupart des services pédiatriques proposent d'abord à la famille un petit fascicule présentant le service et son fonctionnement, les principaux intervenants, les horaires de visites et les règles d'hygiène à observer. L'équipe de Necker a rédigé un protocole spécifique. Pendant que l'enfant est admis et installé en réanimation, les parents patientent dans la salle d'attente. Une secrétaire hospitalière ou parfois une aide-soignante, une infirmière, un cadre, viennent leur remettre le livret, assorti d'explications. Si des bénévoles sont disponibles, ils rencontrent les parents, font en sorte que l'attente leur paraisse moins longue. Jamais les parents ne pénètrent dans l'unité sans avoir rencontré le médecin.

Après ce premier contact, selon les cas et les soins nécessités, les parents pourront alors être admis auprès du jeune malade. « Quand on le peut, on essaye de faire entrer les parents avant les premiers gestes de réanimation », précise Virginie Brunet, infirmière. Dans cet environnement très technique, il convient alors de détailler tout ce qui se trouve autour de l'enfant afin de dédramatiser la situation. « L'image de l'enfant en réanimation est très violente pour les parents, ajoute Isabelle Lévêque, elle est très différente de celle de l'enfant à la maison. » Les explications leur permettent de se rapprocher de l'enfant, de comprendre qu'ils peuvent le toucher, le caresser, l'embrasser. Le soignant remplit ici un véritable rôle d'accompagnateur en permettant à des parents impressionnés par l'environnement médicotechnique et la maladie, de se réinstaller dans leur compétence parentale. Car si les parents sont très présents à l'hôpital durant certains soins, parfois même à la demande du service, pas question d'en faire des auxiliaires de soins. C'est pourquoi il est important aussi que les parents puissent accéder à des espaces de paroles et à des interlocuteurs pour qui l'enfant n'est pas seulement un malade, mais d'abord un enfant. D'où le rôle joué par la salle de classe, la ludothèque et la présence de professeurs, d'animateurs, de bénévoles qui participent pleinement à l'accompagnement de la famille, chacun dans sa propre sphère d'action.

Interlocuteur privilégié

Si les procédures d'accueil sont, la plupart du temps, précisément rédigées, les services pédiatriques conservent une large capacité d'adaptation. Chaque enfant, chaque famille est unique. L'équipe doit « coller » au mieux à leurs désirs. Ainsi, les horaires de visites, plus restreints dans les services de réanimation pédiatrique et néonatale, peuvent toujours être revus, à la demande des familles. Une circulaire relative au régime de visite des enfants hospitalisés a d'ailleurs été rédigée à cet effet en novembre 1998. On s'arrangera aussi pour trouver une installation qui permette au parent de passer la nuit auprès de son enfant. Plus les situations sont difficiles à vivre, plus le service devra faire preuve de souplesse. Dans les unités protégées par exemple, où les parents ne peuvent pas rester le soir, « il faut leur faire savoir qu'ils peuvent appeler à tout moment pour parler, avoir des nouvelles de leur enfant, souligne Marie-Françoise Erama. Nous sommes aussi là pour les rassurer, car si ses parents ressentent un sentiment d'insécurité, l'enfant ne se sentira pas bien. » Dans cette situation de souffrance, les soignants se rendront disponibles au maximum : que ce soit pour réexpliquer les annonces communiquées par le médecin, écouter tout simplement ou donner une information. La mise en place de la relation doit se faire naturellement, dans une attitude d'écoute et de disponibilité extrême, sans jamais imposer une démarche aux parents. Pour cela, des services désignent une infirmière, une puéricultrice ou un médecin référent, dans chaque tranche horaire. « Chez nous, c'est souvent celle qui a accueilli l'enfant, précise Suzanne Blanc, cadre supérieur au CHU de Montpellier, ou celle qui a noué une bonne relation avec lui. » Avoir un interlocuteur privilégié est pour toute la famille un gage de confiance.

Informations non verbales

Tout au long des traitements et des hospitalisations, la qualité de l'information donnée aux parents est primordiale. Claire, adaptée à la capacité de réception et de compréhension de l'interlocuteur, elle améliorera la confiance accordée à l'équipe. Des parents manifestent même le désir de disposer de documents écrits. La façon de dire les choses compte aussi pour beaucoup : « Dans l'attitude humaine, 80 % des informations non verbales sont perçues, insiste Suzanne Blanc. Si on ne dit pas la vérité, une gêne s'instaure, ressentie par les familles. » Isabelle Colliat, une maman désormais secrétaire générale de l'association des parents et amis d'enfants suivis à l'Institut Curie (Paris) se souvient : « Quand ma fille était hospitalisée, j'avais demandé à consulter le dossier médical. J'aurais voulu bénéficier de plus de transparence dans le dialogue. » Les parents ont souvent l'impression de manquer d'informations, de ne pas comprendre. Face au médecin, certains n'osent pas poser les questions ou demander de répéter ce qu'ils n'ont pas compris. Or les soignants savent bien que tout ce qui est dit, notamment lors des moments les plus difficiles (annonce du diagnostic, situations d'échec thérapeutique...) n'est pas complètement intégré par les parents. « C'est comme si on n'entendait pas », se rappelle Catherine Vergely, présidente de l'association de parents des enfants suivis à l'institut Gustave-Roussy de Villejuif. Alors, il est important que chacun dans l'équipe puisse revenir sur ce qui a été annoncé, répondre à toutes les questions des parents, même si elles sont répétitives. La meilleure attitude, selon Suzanne Blanc, consiste à faire preuve d'empathie : « On redemande souvent aux parents s'ils ont bien tout compris. Même s'ils n'ont pas besoin d'explications tout de suite, ils savent qu'ils pourront toujours s'adresser à nous ultérieurement. » Malgré tout, il n'est pas toujours évident de cerner les besoins réels des parents. Déstabilisés, confrontés à un univers inconnu, ceux-ci ont beaucoup de difficultés à les exprimer. Mais toutes les associations de parents le soulignent, le premier besoin reconnu est d'abord celui d'être écoutés.

Laissés-pour-compte

Beaucoup commenceront d'abord par exprimer des difficultés financières, ou soulever des questions pratiques, administratives, premier motif pour lequel ils contactent généralement l'assistante sociale ou le secteur associatif, alors qu'ils ont avant tout besoin d'une oreille attentive. Le soignant doit se montrer à l'écoute pour discerner la demande réelle. Comme le confie cette puéricultrice du CHU de Montpellier : « Dans ce service, j'ai appris à me taire pour mieux écouter les parents parler. » Parler, les parents peuvent aussi le faire dans le cadre de réunions diverses organisées à leur intention. Rencontres avec l'équipe médicale ou groupes de paroles encadrés par les psychologues du service existent dans la plupart des services de pédiatrie. Ils permettent aussi de rencontrer d'autres familles, de partager leurs expériences, d'évoquer les difficultés imposées par cette situation hors du commun. À l'occasion de ces réunions, les parents attirent régulièrement l'attention sur les frères et soeurs de l'enfant malade. Il est vrai que ceux-ci peuvent apparaître comme les laissés-pour-compte du moment : leurs parents, préoccupés par le petit malade, ont moins de temps à consacrer aux bien portants. Ceux-ci assument un vécu difficile où se mêlent angoisses, culpabilité, jalousie. Alors, les établissements s'organisent pour leur faire une place. À l'Institut Curie, dans le service d'oncologie pédiatrique, ils sont admis à toute heure, comme les parents. Ils peuvent aussi rencontrer le médecin à leur demande pour toute explication. Des groupes de paroles spécifiques ont même été créés pour les frères et soeurs. Ils peuvent rencontrer les psychologues et pédopsychiatres du service, comme dans le service de réanimation pédiatrique de Necker. « Souvent, ils viennent à la demande et en compagnie de leurs parents, observe Isabelle Lévêque, qui trouvent ici aussi une occasion de s'exprimer. Quand on les a vus une fois, le contact est noué, après c'est plus facile pour eux de parler. »

Fiches de suivi

Afin de mieux répondre aux demandes des familles, les échanges à l'intérieur des équipes sont primordiaux. Différents moyens sont employés. À Montpellier, des fiches de suivi ont été mises en place, synthèse de tous les entretiens (annonce du diagnostic, de résultats d'examens...) avec le médecin : en effet, pour chacune de ces annonces, un soignant ou un cadre infirmier est également présent et consigne précisément le déroulement de la réunion. Le suivi psychologique est aussi relaté par le psychologue du service. Cela permet aux autres membres de l'équipe de savoir ce qui a été dit, comment cela a été reçu. « Ainsi, on peut repréciser les choses à la demande des parents, explique Suzanne Blanc, tout en restant cohérent avec le discours médical. » Cette cohésion dans les propos mettra davantage la famille en confiance. « Il faut se donner les moyens d'avoir le plus d'informations et de relais possibles, précise Françoise Henry, cadre en oncologie pédiatrique à Curie. Seule une équipe soudée peut accompagner au mieux la famille d'un enfant malade. » Dans son service, les temps de transmission sont suffisamment longs (trois quarts d'heure) pour que les équipes successives évoquent les événements de la journée ou de la nuit avant de passer le relais. « Et les dossiers sont de mieux en mieux remplis », ajoute-t-elle. Des réunions hebdomadaires sont également instaurées pour évoquer les cas les plus difficiles. Réunions auxquelles assistent parfois des bénévoles, comme à Necker : « Les parents ne confient pas les mêmes choses aux bénévoles et à l'équipe soignante, précise Marie-Lou Plançon, cadre supérieur infirmier en pédiatrie à l'hôpital Necker. C'est ainsi qu'on en apprend davantage sur les difficultés vécues par la famille. Cela nous aide à mieux les comprendre. » Mais si la cohésion de l'équipe est liée à la circulation des informations, elle tient aussi au partage d'une culture commune. D'où l'intérêt de mettre en place des systèmes de parrainage, où les nouveaux venus dans le service travaillent d'abord en binôme avec une « ancienne », et de lancer une véritable réflexion de service, à même d'analyser les pratiques et les difficultés généralement rencontrées par les soignants. Dans les années 90, plusieurs groupes de travail ont émergé dans des services de pédiatrie à la faveur de différentes évolutions. À Montpellier, où le service pédiatrique ne recrute que des puéricultrices ou des infirmières en projet de formation, c'est la restructuration du CHU qui a fait converger le nombre de pathologies graves prises en charge dans le service, exacerbant le besoin de formation des personnels. À l'Institut Curie, le raccourcissement progressif de la durée moyenne d'hospitalisation est venu augmenter le stress enduré dans le service : « Très vite, il faut désinvestir l'un pour réinvestir l'autre, c'est déstructurant », remarque Marielle Coisne, infirmière principale. Les soignants de l'hôpital Necker évoquent les remarques des parents, l'expérience d'un médecin étranger, et l'émergence des soins palliatifs à l'origine de la création d'un groupe de travail sur la fin de vie de l'enfant.

Souffrance des soignants

Partout, la réflexion est partie d'un même constat : il existe une souffrance chez les personnels qui, si elle n'est pas exprimée dans le service, devient un obstacle au bon accompagnement des familles. « Comment peut-on accompagner au mieux quelqu'un si l'on est soi-même en difficulté ? », résume Martine Pegon, cadre supérieur puéricultrice et conseillère en formation au CHU de Montpellier. Longtemps, la souffrance des soignants était un sujet tabou. « Dans le collectif, explique Martine François, consultante en formation qui est intervenue auprès des services de Montpellier, les comportements affectifs sont difficiles à manifester. Alors, soit les gens se renferment, ils refusent d'être touchés, soit ils se laissent submerger. » Et apparaissent alors des situations de fuite, qui peuvent engendrer des rapports difficiles dans l'équipe et avec la famille. À Montpellier, le service de pédiatrie a choisi de mettre sur pied, en 1994, une formation ouverte à tous les personnels soignants. « Il était important que tous ceux qui travaillent avec l'enfant ait une démarche commune », précise Suzanne Blanc. L'ensemble des personnels (infirmières, puéricultrices, kinésithérapeute, diététicienne, éducateurs...) travaillant en pédiatrie était concerné, ce qui a permis de renforcer les liens entre les sept services visés, de constituer une sorte de patrimoine commun. La démarche a consisté, sur la base de participations volontaires, à entamer une réflexion sur les pratiques et le vécu de chacun. « On a d'abord réalisé une sorte d'audit, explique Martine François. Il fallait analyser une situation particulière, permettre aux professionnels de réfléchir sur leur vécu et d'exprimer des besoins. »

Ce cheminement a permis aux membres du service de réaliser combien il leur était nécessaire de prendre aussi soin d'eux. Dans les moments difficiles, certains ont réalisé qu'ils ne parvenaient plus à sortir à l'heure quand ils étaient trop impliqués dans une situation. Au sortir d'un accompagnement de fin de vie ou d'un soin douloureux, il était parfois nécessaire de pouvoir se retirer dans une salle de repos, comme pour se vider. « Boucler le cycle émotionnel pour pouvoir repartir », résume Martine François. Des groupes de travail se sont ensuite constitués, impulsés par la formation de base. Aujourd'hui, dans la difficulté, chacun sait qu'il peut s'adresser à ses collègues, au médecin, au psychologue du service... « Nous avons appris à approfondir, réfléchir, échanger sur ce qu'on vit ici au quotidien », explique Marie-Françoise Erama. Dans beaucoup de services, on insiste ainsi sur la nécessité de ménager des espaces et des temps de paroles pour les soignants. Permettre aux choses et aux sentiments de se dire, entre collègues, dans la salle de repos. Ce qui n'allait pas forcément de soi il y a quelques années. Virginie Brunet se souvient de ses premiers pas dans le service de réanimation pédiatrique : « Je me rappelle de mon propre malaise lors de la première rencontre avec les parents d'un enfant qui allait très mal, explique-t-elle. J'avais mal au ventre, je me sentais mal. Si j'avais pu en parler, j'aurais su que c'était normal et cela aurait certainement diminué mon angoisse. » Mais il est compréhensible d'avoir parfois besoin de souffler. « C'est un sentiment mieux admis en pédiatrie que dans les services d'adultes », constate Martine Pegon. Au cadre de savoir alors relayer le soignant et de prendre garde au surinvestissement, qui guette surtout les plus jeunes.

Groupes de parole désertés

Des groupes de paroles sont d'ailleurs aussi mis en place pour les soignants. « Cela permet d'objectiver les problèmes », résume Marielle Coisne. Mais le succès est rarement au rendez-vous. « Il y a une réelle demande, pourtant quand on l'organise, poursuit-elle, seule une poignée de gens viennent, toujours les mêmes. Et si jamais on parle de le supprimer, alors là c'est une levée de boucliers. » Comme lors de l'accueil, l'accompagnement de fin de vie est lui aussi l'objet de procédures rédigées. Ce moment s'avère extrêmement douloureux pour tous, parents et soignants. Un manque de cohésion dans l'équipe, un comportement de fuite prendraient des proportions insoupçonnables et pourraient être source d'un deuil pathologique pour les parents. Mieux vaut donc se reporter à un support fondé sur une réflexion de service et les remarques confiées par les parents.

Le document élaboré au CHU de Montpellier en 96, grâce aux groupes de travail issus de la formation précédemment mise en place, sera d'ailleurs prochainement communiqué à l'Anaes, afin de contribuer à l'élaboration de recommandations nationales. Véritable fil conducteur, il décrit la démarche d'accompagnement de la famille et de l'enfant, partie intégrante du soin, depuis le diagnostic jusqu'à la sortie de l'hôpital. « On est toujours dans l'action mais il faut aussi apprendre à être dans la présence et dans l'écoute », précise Marie-Françoise Erama. Le document prévoit ainsi que la puéricultrice puisse être détachée de ses autres missions pour accompagner l'enfant et sa famille dans leurs derniers instants partagés. « Car il est difficilement supportable d'accompagner une fin de vie et dans le même temps de donner des soins à un enfant qui s'inscrit, lui, dans un projet d'avenir », souligne Suzanne Blanc. D'autres professionnels peuvent être présents. C'est même préférable, selon certains soignants, afin qu'un seul d'entre eux n'assume pas toute la charge émotionnelle de l'instant. La cohésion de l'équipe est capitale, jusqu'au bout. « C'est aussi une marque de respect pour l'enfant et sa famille, précise Isabelle Lévêque. Cela montre qu'il y a de l'affectif pour tout le monde, qu'on ne s'occupe pas que d'une pathologie. » À l'hôpital Necker, le médecin référent viendra ensuite prononcer le décès, comme pour clore l'instant.

Un « espace parents »

Parmi les autres apports de la réflexion, certains services de réanimation pédiatrique ont aménagé un espace réservé aux parents. Le plus souvent destinée aux parents endeuillés, cette pièce peut aussi être utilisée pour toute annonce importante. Généralement située à l'écart, intime, avec une entrée indépendante du service, ce qui permet d'être rejoint par d'autres membres de la famille, elle comprend généralement un canapé-lit, un coin repas, un téléphone. « C'est important, cet endroit plus intime que les chambres vitrées, et préservé du bruit ambiant des services », explique Marie-Lou Plançon. Pour recevoir certaines nouvelles, en effet, les parents ont besoin de se retrouver dans un lieu calme, posé, éloigné de l'enfant. « Le fait de les conduire dans une autre pièce conditionne les parents, ajoute-t-elle. C'est comme le début d'un cheminement, ils savent qu'on va leur annoncer quelque chose... » Sans compter qu'isoler la famille dans cette pièce, quand il y a décès, c'est aussi protéger les autres familles.

Enfin, les groupes de travail ont conclu à la nécessité de revoir les parents quelque temps après le décès de l'enfant. « Des parents reviennent spontanément. Ils ont besoin de revoir les lieux, remarque Françoise Henry, d'évoquer certains moments. » Parfois, c'est le seul endroit où ils peuvent parler de leur enfant, sans se trouver confrontés au silence ou à la douleur de leurs proches. Alors à Montpellier, comme à Necker, le référentiel prévoit de recontacter les parents un mois après. Certains ne viennent pas. « Mais quand des parents viennent à l'improviste, c'est parfois difficile à gérer pour nous, ajoute Françoise Henry. Certaines émotions resurgissent, des moments difficiles sont ramenés à la surface. » D'autres parents repassent, dont l'enfant est guéri. « Ils sont fiers de nous montrer comme il a grandi, évoque Marie-Lou Plançon dans un sourire. On reçoit plein de photos... » Ces retours-là, même à l'improviste, sont toujours bien vécus. Ils insufflent de l'espoir aux familles qui passent ensuite dans le service...

1- Cf. Soigner, avec les parents, L'Infirmière magazine n° 166, décembre 2001, pp. 36-40.

Quelques ouvrages

- L'Hôpital, j'y comprends rien ! Comment informer les familles sur le fonctionnement de votre service. Sparadrap. 2000.

- Choisir l'espoir... pour vous parents. Choisir l'espoir. 1995.

- Accueil et information de l'enfant hospitalisé et de ses parents. Dossier thématique. Sparadrap. Novembre 2000.

Charte de l'enfant hospitalisé

La charte de l'enfant hospitalisé, rédigée par plusieurs associations européennes (Apache pour la France) et adoptée par l'Unesco, l'OMS, le Parlement européen et le conseil de l'Europe en 1989, mentionne aussi les parents. Elle précise ainsi que tout enfant a le droit d'avoir ses parents auprès de lui jour et nuit, quel que soit son âge et son état (art. 2). Les parents seront encouragés à rester auprès de lui et seront informés sur les règles de vie et les pratiques du service afin qu'ils participent activement aux soins de l'enfant (art. 3). Enfin, parents et enfants ont le droit de recevoir une information sur la maladie et les soins, adaptée à leur âge et leur compréhension afin de participer aux décisions les concernant (art. 4). Le texte évoque aussi la nécessité de former l'équipe soignante, afin qu'elle puisse répondre aux besoins psychologiques et émotionnels des enfants et de leur famille (art. 8).

- Apache - Tél. : 01 42 37 61 88.

Financement de projets

Grâce à l'Opération pièces jaunes, réitérée chaque début d'année depuis 1991, la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France aide les services à faire aboutir leurs projets, notamment dans le domaine du rapprochement des familles. En dix ans, 378 projets ont ainsi été subventionnés : aménagement d'espace d'accueil pour les parents, acquisitions de fauteuils-lits ou création de chambres mères-enfants, installation d'une halte-garderie pour les frères et soeurs, construction de maisons des parents...

Contact : 01 40 27 42 62

Enquête auprès des parents

L'association Isis, regroupant des parents et amis d'enfants traités à l'Institut Gustave-Roussy de Villejuif, a réalisé une enquête parmi les familles ayant fréquenté le service de pédiatrie. L'objectif était de déterminer les conséquences de la maladie cancéreuse sur l'organisation familiale et plus particulièrement sur les aspects économiques et organisationnels. 68 % des familles ont signalé des problèmes directement engendrés par la maladie de leur enfant. Parmi ceux-ci, un tiers ont connu des difficultés financières (difficultés de remboursement d'un emprunt, revenus limités...). Près de 90 % ont rencontré des perturbations professionnelles. Plus de la moitié ont vécu des difficultés organisationnelles, liées notamment à la garde des frères et soeurs. Et un quart signalent des conséquences psychologiques, pour les parents et les autres enfants. Parmi les désirs exprimés, 54 % des familles ressentent le besoin d'une prise en charge de leurs autres enfants. La moitié demandent également plus d'informations sur la maladie, les traitements, les séquelles des opérations. Certains parents désireraient même disposer d'un document de référence. Des échanges plus fréquents avec les médecins et les infirmières sont souhaités et l'on déplore parfois l'hétérogénéité de l'information reçue. Les familles formulent aussi le désir de rencontrer des parents ayant vécu la même situation. Enfin, 48 % de ces familles demandent que l'ensemble du foyer soit pris en charge psychologiquement.

- Isis - Tél. : 01 42 11 54 52.

Exemple à suivre

Au centre hospitalier universitaire mère-enfant Sainte-Justine de Montréal, les équipes ont rédigé un code d'éthique auquel adhère chaque membre du personnel. L'idée ? « Que chacun s'engage à accorder les mêmes attentions qu'il voudrait recevoir pour lui-même ou pour les siens. »

Ce code s'appuie sur l'information, la confidentialité, la qualité, la présence de la famille, le consentement aux interventions, la reconnaissance de la satisfaction des usagers. L'accent est notamment mis sur le respect des valeurs de chacun.

L'enfant et les soins palliatifs

La Fondation de France lance chaque année depuis 1996 un appel à projet concernant l'accompagnement de l'enfant en fin de vie. Il s'agit notamment d'encourager l'accueil et le soutien des familles, la formation et le soutien des équipes soignantes, le développement de l'accompagnement à domicile et l'appui méthodologique aux projets (aide à la réflexion, formations-actions...). Les mises en place de groupes de paroles, de formations, de supervision des pratiques professionnelles peuvent ainsi être cofinancées s'il s'agit de dispositifs nouveaux. « Nous apportons une aide financière mais il s'agit aussi d'aider à bâtir une véritable réflexion, des projets d'équipe », précise Thérèse Dossin, chargée de mission. Ainsi la Fondation a-t-elle notamment soutenu le projet Apprivoiser l'absence, mis en place par l'association Choisir l'espoir : des petits groupes de paroles réunissent des parents une fois par mois afin qu'ils puissent confronter leurs expériences du deuil. Quatre actions exemplaires sont également distinguées chaque année par un prix Fondation de France assorti d'une prime de 4 573,47 €, comme la création de la pièce réservée aux parents endeuillés en réanimation pédiatrique au CHU de Montpellier. L'appel est lancé chaque année au printemps pour une date limite de dépôt des dossiers en novembre suivant.

- Fondation de France - Tél. : 01 44 21 31 00.