En cas d'accouchement simple réalisé par une sage-femme hors la présence d'un médecin obstétricien, l'aide-soignante présente peut-elle procéder elle-même à une injection de Syntocinon® ? Que prévoit la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 en la matière ? - L'Infirmière Magazine n° 170 du 01/04/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 170 du 01/04/2002

 

Notre expert vous répond...

Juridique

La loi 83-634 du 13 juillet 1983 se rattache directement aux dispositions du Code pénal relatives aux règles de responsabilité pénale. En effet, selon l'article L. 121-3 du Code pénal, il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui. Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou les règlements sauf si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. En outre, l'article 11 de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 « portant droits et obligations des fonctionnaires », directement rattaché à l'article L. 121-3 du Code pénal dispose, quant à lui, que :

- la collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle (art. 11, al. 4) ;

- les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public ne peuvent être condamnés sur le fondement du troisième alinéa de l'article 121-3 du Code pénal pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de leurs fonctions que s'il est établi qu'ils n'ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie (art. 11 bis). Ainsi, ces deux textes signifient que le fonctionnaire hospitalier (ou l'agent public hospitalier) ne pourra être condamné, d'un point de vue pénal, pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de ses fonctions sauf s'il n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens mis à sa disposition, ainsi que des difficultés propres à ses missions. Dans ces conditions, l'agent ne pourra bénéficier de la protection offerte par la loi et être dégagé de toute responsabilité pénale que si les conditions suivantes sont remplies :

- le fait reproché ne doit pas avoir été intentionnel ;

- l'agent doit avoir accompli tous les gestes requis dans une telle situation ;

- l'agent doit avoir agi dans le cadre et la limite de ses compétences. Cette dernière condition n'est pas remplie si le geste accompli par l'aide-soignante dépasse ses compétences.

Or, à partir du moment où l'injection de Syntocinon® ne relève pas de la compétence de l'aide-soignante, la protection offerte par la loi ne saurait s'appliquer, ce qui signifie que la responsabilité pénale de l'aide-soignante pourrait alors être retenue par les tribunaux.

S'il est vrai qu'une telle pratique peut se révéler fréquente dans les services d'obstétrique, elle reste tout à fait illicite. Les tribunaux se montrent néanmoins souvent bienveillants à l'égard des auxiliaires médicaux et réticents à prononcer leur mise en examen, prenant en compte les conditions d'organisation souvent difficiles et la pénurie de personnel dans ces services.

Il convient de préciser, d'autre part, qu'en cas de « faute personnelle » du fonctionnaire ou de l'agent hospitalier, c'est-à-dire lorsque la faute se révèle d'une particulière gravité (intention frauduleuse de l'agent, grave imprudence ou négligence dans l'accomplissement d'un acte, violation flagrante des obligations professionnelles ou légales, etc.), les tribunaux répressifs n'hésiteront pas à retenir la responsabilité pénale de l'agent fautif. Enfin, être dégagé d'une éventuelle responsabilité pénale ne signifie pas être dégagé de toute responsabilité, notamment sur le plan disciplinaire ou civil. S'il est vrai que sur le plan civil, c'est la responsabilité de l'établissement hospitalier qui sera retenue, l'établissement étant responsable des « fautes de service » de ses agents, une action récursoire (l'établissement se retourne contre l'agent à l'origine du dommage) reste toujours possible. En outre, le directeur d'établissement pourra toujours prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de l'agent fautif, sanction qui peut aller du simple avertissement ou blâme jusqu'au licenciement (ou à la radiation) sans indemnité pour faute grave.