La revanche du malade - L'Infirmière Magazine n° 170 du 01/04/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 170 du 01/04/2002

 

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La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé est parue au Journal officiel. Elle donne des armes au patient, réorganise le secteur libéral et insiste sur la formation continue des professionnels de santé.

La loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, marquera-t-elle l'histoire ? Le principe de « démocratie sanitaire », fondement de cette loi, ouvre une nouvelle conception du système de santé. Les années passant, les relations médecin/patient ont évolué. Le rapport de force naguère favorable au praticien a progressivement penché au profit du patient. De passif, le patient est devenu acteur du système. Par démocratie sanitaire, il faut comprendre une nouvelle démarche où professionnels, citoyens et élus participent à la définition d'une politique de santé publique afin d'améliorer le fonctionnement et l'efficacité du système de soins.

Cette loi est composée de trois grands volets : le respect des droits de la personne malade, les obligations des professionnels pour garantir la qualité de la médecine et la réparation des risques sanitaires en cas de dommages. Selon Bernard Kouchner trois mots caractérisent cette loi : « transparence, responsabilité et confiance ».

Dans cette démocratie sanitaire, l'idée d'égalité de tous devant l'accès aux soins est renforcée. Cette égalité repose en partie sur les professionnels de santé qui doivent « garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé » (art. 3), veiller à ce qu'aucune personne ne fasse l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins (ibid.), et avoir toujours conscience du fait que chacun a droit au respect de sa dignité (ibid.).

Transparence.

Ce premier mot-clé implique une information accessible et claire entre patients et soignants. « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé [...] » (art.11) et « toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues par les professionnels et établissements de santé [...]. Elle peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne, et en obtenir communication » (art. 11). Cette notion est une révolution car elle donne l'accès direct, ou par une tierce personne, au dossier médical et abolit la tradition du médecin seul détenteur de l'information et des décisions médicales qui s'ensuivent(1).

Cette avancée est néanmoins délicate. Selon le Pr Emmanuel Hirsch, directeur de l'Espace éthique AP-HP, certains médecins pourraient s'appuyer sur cette nouvelle obligation pour se désengager davantage au motif de la responsabilisation intégrale de la personne malade dans les décisions qui la concernent. De plus, la libre circulation d'informations très souvent sensibles pourrait décourager les patients, et des dérives par rapport à une « surjudiciarisation » de la santé sont à prévoir. La communication du dossier médical comporte aussi un éventuel effet pervers : la pression d'un tiers mal intentionné (entourage, milieu professionnel ou assureur) pour y avoir accès est un risque nouveau par rapport à la protection de la vie privée.

Une nouvelle pierre est aussi posée en ce qui concerne la place des associations de malades et d'usagers. Ces associations agréées devraient bénéficier d'une véritable position au sein des établissements de santé (art. 20).

Enfin, la transparence est aussi valable pour la déontologie des professionnels de santé. Ces derniers ne peuvent recevoir de « cadeaux », d'avantages directs ou indirects de la part d'entreprises fabriquant des produits de santé. Les professionnels de santé sont aussi tenus de mentionner les liens qu'ils entretiennent avec ces entreprises (art. 26), au risque de sanctions pénales.

Après la démocratie sanitaire, la loi est animée d'une deuxième ambition : renforcer la qualité du système de santé. Cette volonté s'illustre dans tous les articles (45 à 97) du titre III. La réforme s'organise autour de six grands axes : la compétence professionnelle, la formation médicale et pharmaceutique continue, la déontologie des professions et l'information des usagers du système de santé, la politique de prévention et les réseaux de soins.

Nouveauté pour les libéraux.

Pour la profession infirmière, la loi apporte des nouveautés à ceux qui exercent en secteur libéral (soit 57 493 personnes d'après le répertoire Adeli 2001). Dans le chapitre consacré à la déontologie des professions, l'article 71 crée le Conseil des professions paramédicales (cf. encadré). Le conseil doit participer à l'évaluation des pratiques professionnelles, à l'élaboration, à la diffusion, au respect des règles des bonnes pratiques paramédicales et veille au maintien des connaissances professionnelles. À travers cette organisation, on retrouve le principe de transparence, puisque le conseil doit assurer l'information des infirmières et des usagers du système de santé. La liste des personnes inscrites au tableau professionnel sera tenue à jour et mise à la disposition du public. Elle sera publiée une fois par an. Le conseil devra veiller au respect « des principes de moralité, de probité et de compétences indispensables à l'exercice de la profession ». Reste à savoir quand cette organisation sera mise en place et quand se tiendront les premières élections... À noter : ne pourront être élus présidents des collèges et assemblées qui composent le conseil aux niveaux régional et national, les présidents des syndicats ou associations professionnels.

En matière de formation continue, quand on connaît les difficultés des infirmières à accéder à des formations, on peut regretter que la loi ne fixe pas d'objectifs clairs. Pour le secteur libéral, c'est le conseil, par le biais de son assemblée interprofessionnelle nationale, qui doit rédiger un rapport sur les conditions de formation continue des infirmières. Pour la sécurité des patients, l'article L.4311-26 du Code de la santé publique a été modifié par l'article 72 de la loi. Ainsi, l'employeur qui est amené à prendre « une mesure de licenciement, révocation ou suspension d'activité d'une infirmière ou d'un infirmier salarié, dont l'exercice professionnel expose les patients à un danger grave », doit en informer sans délai le représentant de l'État dans le département. En cas d'urgence, ce dernier peut prononcer la suspension immédiate du droit d'exercer pour une durée maximale de cinq mois. Et il entend l'intéressé au plus tard dans un délai de trois jours suivant la décision de suspension.

Prévention.

Pour améliorer le système de santé, l'accent est aussi mis sur la prévention. La loi institue au niveau des ministères de l'État un comité technique national de prévention, présidé par le ministre délégué à la Santé, qui assurera la coordination des actions de prévention et leur financement. D'autre part, un Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, est créé sous forme d'établissement public d'État. Cet institut a pour missions d'exercer « une fonction d'expertise et de conseil en matière de prévention et de promotion de la santé, et d'assurer le développement de l'éducation pour la santé, y compris l'éducation thérapeutique, sur l'ensemble du territoire ». Les normes qualitative et quantitative de ses missions seront fixées par décret

(1) Cf. L'accès au dossier médical, p. 42 de ce même numéro.

Un Conseil des professions paramédicales

La loi (art. 71) institue un conseil groupant obligatoirement les personnes exerçant en France, à titre libéral, les professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste. Ce conseil est doté de la personnalité morale. L'organisation a deux échelons, un régional et un national. Le conseil est composé, au niveau régional, de collèges professionnels, d'une assemblée interprofessionnelle et d'une chambre disciplinaire de première instance. Au niveau national, on retrouve la même composition mais la chambre disciplinaire est une chambre d'appel. Les membres des instances régionales et nationales sont élus pour cinq ans, par collège électoral défini par profession. Le président des collèges (régionaux et nationaux) est élu pour cinq ans. Le président de l'assemblée interprofessionnelle (régionales et nationale) est élu pour un an, de manière à ce que chacune des professions accède à la présidence.

Pour les élections nécessaires à la mise en place de ce conseil, sont électeurs et éligibles les infirmières inscrites sur les listes départementales. Les élections seront organisées par le représentant de l'État dans la région.

Indemnisation de l'aléa thérapeutique

Une nouvelle procédure de règlement à l'amiable des litiges est mise en place, en cas d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes et d'infections nosocomiales (art. 98). Des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation sont créées dans cette perspective, afin de simplifier les procédures. Elles sont présidées par un magistrat de l'ordre administratif ou de l'ordre judiciaire. L'avis de la commission est émis dans un délai de six mois à partir de la saisine. Les causes de l'accident, la nature et l'étendue du dommage sont déterminées. La commission informe alors l'office national d'indemnisation. L'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d'assurance. L'acceptation par la victime de l'offre valide la transaction. L'assureur doit alors s'acquitter de l'indemnité dans un délai d'un mois.