Prévenir les infections après chirurgie de la cataracte - L'Infirmière Magazine n° 170 du 01/04/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 170 du 01/04/2002

 

OPHTALMOLOGIE

Actualités

Malgré une incidence faible (3 pour 1 000), les infections nosocomiales (IN) compliquant la chirurgie de la cataracte sont préoccupantes car leur pronostic est souvent grave. Le 12 mars dernier, la séance de l'Académie de médecine leur était consacrée. Elle a réaffirmé le rôle prépondérant des infirmières en matière de prévention, dans la mise en place des mesures d'hygiène générales et spécifiques.

Aujourd'hui, les interventions chirurgicales pour cataracte se font par phaco-émulsification. Cette intervention consiste à extraire par aspiration le cristallin endommagé, à l'aide d'un appareil appelé phaco- émulsificateur. Un implant est ensuite introduit.

Pas de risque zéro

Lors de l'intervention, beaucoup d'éléments transitent par la petite incision réalisée. Ainsi, un produit viscoélastique est injecté dans la chambre antérieure de l'oeil et de fins instruments réalisent un capsulorhexis, ablation d'un petit disque de capsule antérieure de cristallin. Une fine canule injecte le liquide dit BSS (solution salée basale) sous la périphérie de la capsule antérieure. L'extrémité de la pièce à main émet des ultrasons qui fragmentent le cristallin et aspire les masses par l'intermédiaire d'une tubulure pendant que du BSS est injecté par l'intermédiaire de la tubulure d'infusion et enfin, l'implant remplaçant le cristallin enlevé est mis en place. Toutes ces manoeuvres entraînent quasi inévitablement l'introduction de germes dans l'oeil, même si l'antisepsie cutanée péri-oculaire a été correctement réalisée. Les prélèvements réalisés dans la chambre antérieure de l'oeil en fin d'intervention ont permis dans certaines études d'identifier des germes dont la moitié étaient des Staphylococcus epidermidis. Cependant, une infection ne touche que 0,2 % des yeux opérés. Il faut pour cela un inoculum important, un germe virulent ou des sujets immunodéficients ou à risques. On retrouve ici la notion de dose infectieuse et d'hôte réceptif.

Endophtalmies endogènes et exogènes

Malgré des mesures de prévention d'hygiène et d'asepsie rigoureuses avant, pendant, après l'opération, deux formes cliniques d'endophtalmie menacent la vision de l'oeil opéré. Les plus fréquentes sont les endophtalmies endogènes, dues à l'auto-infestation du patient par ses propres germes, à la faveur de l'acte invasif et/ou en raison d'une fragilité particulière. On retrouve aussi des endophtalmies exogènes (infections croisées transmissibles d'un malade à l'autre, par les mains ou les instruments de travail du personnel médical ou paramédical, infections provoquées par les germes de personnels porteurs ou liées à la contamination de l'environnement hospitalier).

Attention à certains bacilles à gram positif. Ce sont Staphylococcus epidermidis, mais aussi Staphyloccus aureus et Streptococcus pneumoniae (en raison d'un portage oropharyngé physiologique du pneumocoque), dont la responsabilité sera possible en cas d'imperméabilité des voies lacrymales, chez des sujets fragiles, susceptibles de présenter une bactériémie transitoire ou lors d'une mauvaise asepsie locale pré-opératoire. On rencontre aussi des germes à Gram négatif tels les bacilles pyocyaniques (Pseudomonas aeruginosa) germes redoutables, qui, contrairement aux précédents, n'appartiennent pas à la flore commensale de l'oeil. Ils prolifèrent dans les milieux humides, comme les bacs des blocs opératoires, les collyres et solutions utilisés en préopératoire, l'humeur aqueuse, le vitré et les résidus qui risquent de persister en cas de mauvais rinçage des pièces à main et des tubulures des phaco-émulsificateurs. Les endophtalmies dues au bacille pyocyanique sont foudroyantes : les toxines et enzymes élaborées par ce germe altèrent rapidement les milieux oculaires et la choriorétine. Elles sont consécutives à une faute d'hygiène et sont dites exogènes.

Ces bactéries synthétisent un biofilm où elles sont à l'abri des fluctuations du milieu extérieur. Certaines sont d'emblée résistantes aux antibiotiques, en particulier en milieu hospitalier. L'adhésion des micro-organismes aux biomatériaux intervient largement dans le processus infectieux.

Sources à haut risque

La contamination bactérienne peut se faire à partir de l'environnement (une infection du voisin de chambre est transmise par voie aérienne ou cutanée ; les mêmes collyres sont utilisés pour plusieurs opérés et pendant plus de quinze jours parfois ; en salle d'opération, la contamination d'origine aérienne peut provenir de l'air conditionné ou d'infections respiratoires du personnel soignant ; des objets, porteurs de germes, encombrent parfois les blocs opératoires ; les pansements postopératoires sont faits sans respecter les règles d'asepsie ; le microscope opératoire est mal aseptisé ; des solutions contaminées irriguent l'oeil pendant l'opération ; des tubulures des phaco-émulsificateurs restérilisables et les pièces à mains sont mal stérilisées).

La contamination peut aussi provenir du patient dont la flore microbienne commensale est très abondante au niveau des paupières de l'oeil opéré et de sa conjonctive ou porteur d'une infection des voies lacrymales, de la sphère ORL, de la cavité orbitaire, voire d'une méningite. La contamination peut aussi être du fait de l'opérateur : défaut d'application des règles d'hygiène et d'asepsie, absence d'antibioprophylaxie lors d'opération chez des sujets à risque tels les diabétiques, plus fréquemment porteurs de germes pathogènes, comme le staphylocoque doré.

Rôle infirmier prépondérant

La prévention des IN repose en ophtalmologie, comme dans les autres spécialités, sur quatre grands types de mesures. Le rôle infirmier est prépondérant dans leur mise en place : mesures d'hygiène de base, mesures d'hygiène spécifiques au type d'activité, prévention de la sélection de bactéries multirésistantes (BMR) par une politique rationnelle d'utilisation des antibiotiques, probabiliste et curative, prévention de la diffusion des BMR le plus souvent impliquées dans les infections nosocomiales.

Les missions du Clin

Le Clin doit mettre en oeuvre les textes en matière de risque infectieux en ophtalmologie : entre autres, la circulaire de la direction des hôpitaux n° 971770 sur « la sécurité d'utilisation des dispositifs médicaux : risques potentiels de contamination de l'oeil par certains phaco-émulsificateurs lors d'opérations de la cataracte », le « traitement des dispositifs médicaux en ophtalmologie(1) ».

1- « Guide de bonnes pratiques ». Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, secrétariat d'État à la Santé, 1998, pp. 111-117.