Que faire en cas de conflits ? - L'Infirmière Magazine n° 171 du 01/05/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 171 du 01/05/2002

 

Formation

Sous-effectifs, tensions avec les patients, luttes de pouvoir... les sources de conflits sont nombreuses à l'hôpital. Mais certaines formations aident à prévenir et combattre les facteurs de crise, qui nuisent à la qualité des soins.

• Thème régulier des plans annuels de formation, la gestion des conflits institutionnels s'est longtemps limitée à la méthodologie de résolution de conflits d'équipes. Il n'était pas envisagé à l'époque d'employer la même démarche pour gérer des dysfonctionnements avec les patients. Pourtant, de nombreuses plaintes et réclamations dans les unités de soins proviennent des patients, et des professionnels se plaignent parfois aussi de violences verbales ou physiques de la part des patients ou de leur entourage.

Crise brutale et violente.

Le conflit est habituellement défini comme un affrontement des intérêts, des actes ou des valeurs entre, au minimum, deux parties. Il existe des conflits fonctionnels, naturels, révélateurs d'une ambiance tendue mais dynamique entre les individus et des conflits dysfonctionnels plus graves et laborieux à résoudre.

Indépendamment de son origine ou de sa dimension culturelle, le conflit apparaît toujours sous la forme d'une crise brutale, violente et déstabilisante pour les individus pris dans sa tension dynamique. Progressivement, le facteur à l'origine de la crise s'atténue mais il est responsable de la constitution de nombreux sous-groupes différenciés par leurs motivations pour poursuivre ou combattre le conflit.

La phase d'élaboration du processus conflictuel s'élabore alors en respectant des étapes très structurées, comme la recherche d'un sujet porteur de toutes les récriminations. Ce responsable potentiel a la fonction indispensable d'empêcher une confrontation directe entre les individus. Perçu comme l'initiateur et le responsable du conflit, il permet de rationaliser et légitimer une situation souvent très douloureuse pour la majorité des protagonistes. La décision de fuir ou de lutter se joue rapidement lors de la confrontation et entraîne soit une résolution, souvent transitoire, de la crise, ou au contraire un durcissement catégorique des points de vue et des représentations.

Une grande quantité d'énergie pulsionnelle circule dans la dynamique du conflit. Les tensions sont extrêmes et le désir se mêle à la répulsion, la peur et la souffrance. Tous les individus entraînés dans la crise sont des acteurs à part entière. Ils ne restent jamais, même en se protégeant, de simples observateurs. Chacun doit choisir sa place, son rôle et surtout son camp. Il occupe une fonction précise : faire circuler la rumeur, attiser la défiance ou partager la souffrance. Les enjeux de chacun des individus sont validés inconsciemment par tous. Les personnes concernées sortiront toutes meurtries et garderont longtemps, si la situation n'a pas été analysée avec distance, une trace psychique douloureuse.

Rivalités et anxiété.

Dans les structures de santé, le conflit est habituellement réservé aux professionnels. Il est structuré autour des thématiques de crise de valeur ou de pouvoir au travail. Les alliances vite déliées, les rivalités entre équipes de jour et de nuit, les récriminations diffuses contre l'encadrement, les désaccords lors de prises de décision du corps médical sont autant de facteurs latents de crise institutionnelle.

Les réglementations en matière de vigilance et de gestion des risques ainsi que le nombre croissant de plaintes, de réclamations des malades et de leurs proches instaurent un véritable climat d'anxiété dans les unités de soins. Les soignants, en anticipant constamment le risque potentiel de l'accident chez le patient, sont en position de tension maximale. Cette tension est propice à l'apparition d'un conflit. Quel que soit le domaine de spécialités (urgences, hôpitaux psychiatriques, soins à domicile), les patients réclament et contestent plus facilement les actes effectués par les professionnels. Partout, vigilance et transparence sont de rigueur.

Rationaliser les émotions.

À l'étranger (USA, Canada, Liban...), dans certaines structures hospitalières, il est habituel de rencontrer des gardes en uniforme attachés aux unités de soins et chargés d'une surveillance très active, afin d'éviter les vols ou les agressions perpétrés par des patients désorientés ou violents.

Cette violence est difficile à comprendre et à gérer dans le quotidien des soins, surtout lorsque la charge de travail est de plus en plus lourde.

Les formations à la gestion des conflits sont des supports à l'expression et à la mise à distance des événements conflictuels. Elles rationalisent les émotions et les tensions dans la crise conflictuelle.

Trouver les mots pour expliquer simplement ce qui crée une souffrance, comprendre les enjeux inconscients et conscients pour chaque protagoniste du conflit et apprendre une méthodologie claire de résolution de crise sont les objectifs principaux des sessions de gestion de conflits.

L'aspect juridique et réglementaire constitue un préalable indispensable à toute session de ce type. La connaissance de leurs droits et devoirs appuyée par les règles professionnelles permet aux soignants de connaître leur cadre de travail et de se protéger plus efficacement en cas de litige.

Les formations donnent des méthodologies pour conserver son calme face à toute agression et distancier le sentiment d'injustice provoqué par le ressentiment. Le droit des malades est respecté à l'hôpital, la charte du patient est mise en oeuvre dans l'ensemble des structures hospitalières, les professionnels de la santé sont respectueux de ses clauses et adaptent les soins aux spécificités culturelles et communautaires. Les facteurs conflictuels de cette nature diminuent dans les structures de soins et, mis à part quelques services extrêmes, peu de plaintes sont enregistrées en termes de maltraitance et de violence de la part des équipes soignantes. Mais le droit des soignants doit aussi être respecté, afin qu'ils conservent des conditions de travail propices à l'exercice de métiers dangereux et difficiles. Les responsables d'encadrement doivent savoir analyser les pratiques professionnelles, les observer directement dans le travail et dépister rapidement les éléments les plus fragiles dans l'équipe afin de rendre le contexte d'exercice moins difficile et tendu.

Épanouissement.

Le conflit apparaît parce que les conditions s'y prêtent. La fatigue, la lassitude, les soins répétitifs, une absence de gratification de la part des malades, de leur famille et de l'encadrement sont des facteurs reconnus de crise. Et même si l'homme a une facilité incroyable pour générer un climat d'hostilité, comme le note Simmel, sociologue allemand, à la fin du XIXe siècle, il est plus confortable d'exercer son métier dans un contexte propice à l'épanouissement personnel et professionnel. Les formations sont en ce sens de véritables aides à la médiatisation.

TÉMOIGNAGE

« La formation ne résout pas les conflits de valeurs... »

Brigitte Bonin est consultante-formatrice dans le secteur santé. Elle a une formation clinicienne, spécialisée en psychodynamique du travail, obtenue au Conservatoire des arts et métiers à Paris.

« Les formations en matière de gestion de conflits ne sont pas inutiles. Elles peuvent aider à comprendre les conflits que chacun possède à l'intérieur de soi. On peut ainsi apprendre à identifier nos propres conflits mais ces formations sont souvent conçues ou perçues comme des formations-alibis par les établissements et les soignants. Souvent, les cadres partent en formation "gestion de conflits" pour mieux gérer les équipes alors que leurs conflits sont souvent des conflits de valeurs. Et la formation ne leur permet pas complètement de les vaincre, puisque dans un conflit de valeurs, tous les interlocuteurs doivent être concernés et s'engager ensemble à mettre en place des moyens pour résoudre ces situations. Mais se former à la gestion des conflits peut aider, c'est la première étape pour entreprendre une résolution de conflits institutionnels. »

Formations

-> Gérer les conflits au quotidien

Sciences politiques- Formation

Sabine Oganessian, chargée de mission

Michèle Fioux, assistante

215, bd Saint-Germain

75007 Paris

Tél. : 01 44 39 40 80/75

Fax : 01 44 39 07 61

-> Gestion des conflits interindividuels en entreprise

Université Pasteur

21, rue du Maréchal-Lefebvre

67100 Strasbourg

Tél. : 03 90 24 49 30

-> Gestion des conflits

MMO Conseil

62, rue Montmartre

75002 Paris

Tél. : 01 40 28 46 08

-> Gestion conflits familiaux

Université Paris-Vincennes

Bâtiment A, salle 2267

Tél. : 01 49 40 65 59

-> Gérer les conflits et développer les relations positives

Christiane Perez - Samia Zitouni

18, rue des Frères-Lumière

68093 Mulhouse cedex

Tél. : 03 89 33 65 00

Fax 03 89 33 65 33

mail : s.zitouni@uha.fr

-> Gestion des conflits et négociation

Cnam

2, rue Conté

75003 Paris

Tél. : 01 40 27 25 52

-> DU Gestion de conflits

Hubert Touzard et Christine Roland-Levy

Centre de formation continue

Centre universitaire des Saints-Pères

45, rue des Saints-Pères

75006 Paris

Tél. : 01 42 86 22 48

-> Gestion des conflits d'équipes

Comenius formation

14, rue des Minimes

75003 Paris

Tél. : 01 42 77 39 10