Comment répondre à l'attente ? - L'Infirmière Magazine n° 172 du 01/06/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 172 du 01/06/2002

 

URGENCES

Actualités

« Il y a un hooliganisme permanent dans notre service d'urgences, et quand rien ne va plus, on appelle les flics ! » Extraits de propos échangés lors du dernier congrès Urgences 2002 qui s'est tenu à Paris du 17 au 19 avril. Parmi les conférences quelque peu explosives : l'atelier infirmier consacré aux pistes pour la gestion de l'attente au SAU. Une équipe de professionnels d'un hôpital de Bruxelles (cadre infirmier, psychologue) a été chargée d'animer l'atelier. Réunies en petits groupes, les infirmières présentes devaient se pencher sur des études de cas visant à réfléchir à l'organisation de cette attente.

« Au supermarché... »

Très vite, une infirmière de Lyon prend la parole : « Votre étude de cas, c'est ce qui nous arrive tous les jours ! Dans mon service, nous avons plus de 60 000 patients annuels et plus de 220 passages quotidiens. Il y a quatre jours, une de mes collègues est morte poignardée. Ce genre de conférence ne sert véritablement à rien ! » Et une autre infirmière d'ajouter, plus calmement : « Nous sommes pris dans un flot et l'on n'avance pas du tout. Cela fait 31 ans que je travaille aux urgences et je ne vois pas les choses s'améliorer. » La psychologue chargée d'animer l'atelier essaie de recentrer la salle sur le but de l'exercice. En vain. « Les gens se croient au supermarché quand ils arrivent chez nous ! Ils ne supportent pas de perdre leur place même si le cas qui arrive est plus grave que le leur. »

Une infirmière raconte son service où il y a séparation des patients entre adultes et enfants. Une autre explique que, dans son SAU, le personnel annonce lui-même aux patients le niveau de passage et le tour de chacun. « Mais c'est impossible quand un Samu débarque », remarque une intervenante. Et la psychologue d'ajouter que l'idéal serait une salle d'attente avec des paravents de séparation et, pour plus de qualité, une télévision, des magazines et des distributeurs.

Le débat se poursuit sur le personnel d'accueil. « Je suis contre les "rmistes", les emplois-jeunes et autres secrétaires à l'accueil, il faut que ce soit une infirmière ou un soignant sinon ce n'est pas possible », poursuit une femme. L'histoire du patient arrivé le matin et qui, installé dans le couloir, attend encore une chambre à 20 heures, apparaît comme un grand classique... Beaucoup de questions abordées et seulement une heure de débat, l'attente aux urgences méritait une conférence de fond. « Nous avons un vécu tragique dans notre secteur », résume une infirmière en quittant la salle.

Code de priorité à Lyon

« Dans notre service d'urgences à Lyon, on a mis en place un "code de priorité" pour gérer l'attente. Il est simple et cela se passe très bien. Les malades qui arrivent sont classifiés de un à quatre (un pour une nécrose et quatre pour une entorse à la cheville par exemple). Cela nous permet d'organiser l'attente en fonction de la gravité du malade. Ensuite, quelqu'un se charge d'en faire part aux patients. Sur le mur, nous avons affiché cette "codification" des traumas pour que tous ceux qui voient l'heure tourner comprennent mieux pourquoi certaines personnes arrivées plus tard qu'eux passent en premier. On peut dire que jusqu'à maintenant, cette initiative a bien fonctionné. »

Support multimédia à Poitiers

Le CHU de Poitiers a mis en place un outil multimédia pour l'enseignement de la confection de contentions en urgence. C'est un CD-Rom qui présente tous les protocoles de soins contenus dans les boîtes de chirurgie. « Il est peu onéreux, peu encombrant, inaltérable et fiable. En plus, il est évolutif. L'idée, à terme, est que tout le service en possède un dans sa poche », observe une infirmière du service. Réactions dans la salle : « Mais vous trouvez vraiment le temps de visionner ce CD sur ordinateur en temps réel ? » « Et si, à ce moment précis, l'ordinateur n'est pas disponible ? »

Les infirmières préparent le matériel mais les contentions sont effectuées par le médecin. Le service attend avec impatience les remplaçants de l'été pour tester leurs réactions. Le chef de ce service, présent dans la salle, ajoute pour conclure : « Sur ce point, l'infirmière va travailler en parfaite corrélation avec le médecin. »

TÉMOIGNAGE

Du SAU au Smur

« Un projet qui n'a pas été facile à mener, confesse avec franchise Carine Barré, du CHU de Nancy. Infirmières en SAU, nous voulions apporter nos compétences techniques, logistiques et relationnelles au Smur. Et on a été confrontées à quelques problèmes. On avait la crainte de ne pas être assez compétentes alors on s'est formées. En termes de bénéfice, cette action a permis une meilleure cohésion dans la prise en charge du patient. Aujourd'hui et depuis avril 2001, le projet est en cours de finalisation. Les médecins ont vite intégré les infirmières comme leurs collaboratrices mais ce projet a été mené à bien car les infirmières ont su s'investir. »

Du rôle des infirmières au Smur

« Plus de 21 % des médecins ne veulent pas voir d'infirmières au Smur, soit presque un sur quatre ! » Émilie Yegikyan, infirmière au Smur de Longjumeau, en rirait presque. À l'origine de cette constatation : une étude menée en novembre 2001 sur « l'opinion des médecins sur le rôle des infirmières au Smur ». « En plus, précise-t-elle, ils sont 43 % à préférer être aidés par une IDE sans spécialité. Dans le cas où une infirmière est déjà présente dans le service, 48 % ne la jugent nécessaire que pour certaines interventions ! » Cinq ans après le décret du 30 mai 1997 autorisant l'accès des infirmières au Smur, il y a comme un malaise dans l'air. Pourtant, dans ce service, l'infirmière a un vrai rôle de surveillance, de gestion de la pharmacie et du matériel, de mise en place des protocoles... Lors de la conférence, un médecin intervient dans la salle et demande quels sont les gestes techniques effectués par l'infirmière. « Les mêmes qu'en service de réanimation. Il n'y a pas d'intubation donc. Je reste sur la prescription d'un médecin et ne dépasse jamais le cadre de mes compétences », note Émilie Yegikyan. Même son de cloche dans l'assistance concernant l'importance de l'association « médecin, ambulancier et infirmière » qualifiée de « trio idéal ». Pourtant, le chemin est encore long pour faciliter l'accès infirmier au Smur.

Quels outils pour améliorer l'accueil aux urgences ?

« Le patient estime que les soins techniques sont de qualité. En revanche, l'insatisfaction porte sur l'accueil, la communication, l'information et le confort. » Voilà ce que révèle l'enquête menée en 1998 sur 1 071 patients par le Service permanent infirmier de recherche en organisation des urgences (Spirou). Le bilan de cette étude se poursuit ainsi : « Un des éléments explicatifs de cette insatisfaction du patient repose sur le fait que l'infirmier(e) d'urgences ne dispose pas d'outils pour évaluer sa communication avec le patient et identifier ses besoins (formation, organisation, recherche), pour l'aider à répondre à la demande d'un patient en situation d'urgence. » Pour changer cette donne, d'avril à juin 1999, le Spirou a établi des questionnaires distribués aux patients. Sur 3 000 grilles, 55 % ont pu être exploitées. 24 % se sont révélées très utiles et 50 % utiles. L'outil a donc été jugé très utile pour favoriser la relation au malade. Mais, comme le souligne Michèle Bovin, cadre infirmier, « dommage que cette démarche ne soit que purement infirmière, le médecin ne s'en est pas du tout soucié. »

Micro-trottoir

Smur

« En Smur, il faudrait une infirmière sur chaque intervention, plus on sort, plus on est compétente. »

« On ne fait pas un boulot en Smur pour se faire plaisir mais pour être efficace, c'est tout. »

Formation

« , on nous parle de se former et de s'améliorer dans tel ou tel domaine pour être plus performant aux urgences. Problème : ou l'on travaille comme des mulets ou alors on est toujours en formation. Dans une petite équipe comme la nôtre, la formation, ce n'est pas encore pour demain. Si l'un d'entre nous part en formation, il faut faire un travail de longue haleine pour s'organiser. »

Un infirmier de Nancy

Belgique

« Ça nous surprend qu'en France vous en soyez encore là par rapport aux infirmières au Smur. Pour nous, il ne fait aucun doute que leur rôle est primordial. »

« Concernant la pénurie à laquelle nous devons aussi faire face dans notre pays, aux urgences comme ailleurs, on s'organise. »

Deux infirmiers de Bruxelles

Évolution du nombre de passages aux urgences

1996 : 2,1 millions

1997 : 2,3 millions

1998 : 2,5 millions

1999 : 2,6 millions

2000 : 2,8 millions

Source: Agence régionale de l'hospitalisation d'Île-de-France