La convention enfin signée - L'Infirmière Magazine n° 172 du 01/06/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 172 du 01/06/2002

 

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Depuis le 18 avril, l'hospitalisation privée a une convention collective unique, destinée notamment à revaloriser les salaires. Mais l'alignement des salaires des infirmières du privé sur ceux du public, tant attendu, n'est pas encore pour aujourd'hui.

On l'attendait depuis longtemps... La voici fraîchement signée. La nouvelle convention collective unique (CCU) a déjà fait couler beaucoup d'encre, et risque d'en faire couler encore énormément. La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) a signé le 18 avril la nouvelle convention avec deux syndicats de salariés, la CFDT et la CFTC. Après la fusion des deux fédérations patronales UHP et Fiehp en la FHP (juillet 2001), une CCU était plus que nécessaire afin de mettre un peu d'ordre dans la diversité sévissant entre les cinq conventions collectives de ce secteur. Pour Alain Coulomb, délégué général de la FHP, « cet accord a déjà le mérite, par son caractère unique, de faciliter la fluidité du personnel et de développer une identité dans un secteur fort morcelé ». Cet accord va-t-il parvenir à endiguer le flot de personnel soignant qui semble de plus en plus bouder le privé pour s'orienter vers le public ? Concrètement, la CCU apporte des avantages nouveaux aux salariés du privé, mais ne permettra pas d'être au même niveau que le public cette année. « Ce n'est pas avec 1,7 milliard de francs que nous pourrons nous aligner, c'est avec le double. D'ailleurs, nous n'avons jamais dit que nous pourrions nous aligner d'un coup avec le public », lance Alain Coulomb. Comme ça c'est clair, pas d'ambiguïté. Infirmières du privé, patience ! Cet accord est pluriannuel, il s'engage donc sur trois ans à aligner les salaires du privé sur ceux du public. La première phase, celle de la signature, amène déjà des changements.

Effet d'annonce.

La CCU s'organise autour de plusieurs axes. À un niveau salarial, la FHP s'est engagée à revaloriser les salaires de 8 % au total, se répartissant entre le salaire mensuel conventionnel (3 %) et la rémunération annuelle garantie (5 %). À vue de nez, cela paraît fort raisonnable. Mais ceux qui en profiteront cette année sont les plus bas salaires des conventions existantes. En un mot, toutes celles qui ont négocié certains acquis (primes diverses) auront au minimum le même salaire mais pas forcément plus (cf. rémunération annuelle minimale garantie, art. 74 de la CCU). Pour Martine Polin, déléguée du privé chez FO, c'est encore une fois un formidable effet d'annonce. FO et la CGT font grise mine. Car avec la CCU, « tous les acquis négociés par les syndicats sont balayés ».

Marie-Cécile Rivalland, secrétaire générale de l'Union fédérale de la santé privée CGT, ajoute que cette nouvelle convention est un nivellement par le bas et, de plus, truffée de discriminations, ce qui est inacceptable. S'il est tout à fait justifié que les plus bas salaires bénéficient d'une sensible hausse, rappelons que les infirmières du privé ont, en début de carrière, un salaire inférieur de 20 % en moyenne (primes incluses) à celles du public, et de 45 % au bout de 25 ans de métier(1).

Discrimination.

L'ancienneté est un des axes forts de la convention. Anciennement bloquée à + 15 % obtenus en 20 ans de carrière minimum (pour la convention de l'UHP), elle est déplafonnée à 19 % pour tous les salariés du privé sauf pour les soignants non cadres. Ces derniers bénéficient d'un statut spécial : avec un plafond à + 30 %, acquis en 30 ans de service. Pourquoi cette disparité ? Alain Coulomb ne le cache pas, « on ne peut pas discriminer et être égalitaire, c'est comme ça ». Autrement dit, le personnel soignant réclamait des avantages, il en a, mais les cadres n'en bénéficieront pas. Félix Ajenjo (CGC) considère cette mesure comme une nouvelle discrimination au sein même du privé, venant renforcer celle existant entre le privé et le public. Martine Polin (FO) est indignée : « Tant qu'on fera du corporatisme, ça ne fonctionnera jamais. Dans un contexte de pénurie de personnel, la dernière chose à faire est bien de semer la discorde dans les équipes. » Marie-Cécile Rivalland (CGT) va plus loin : « Pourquoi plafonner l'ancienneté à 30 ans quand la durée d'une carrière est en moyenne de 40 ans ? » Cependant, comme le dit Félix Ajenjo, rien n'est définitif puisque c'est un accord pluriannuel.

Le troisième axe est celui de la prévoyance collective (complément de la Sécurité sociale), anciennement limitée à 75 % du salaire net. Le maintien du salaire net à 100 % est garanti pendant les premiers 90 jours de l'arrêt de travail. Les syndicats revendiquent à l'unisson depuis toujours de faire appel à un organisme de prévoyance paritaire et non à des assurances privées. Sur ce point, le débat n'est pas réglé, mais il semble peu probable que les cliniques remettent en question les accords passés avec les assurances privées. Quatrième axe, la formation professionnelle. Bonne nouvelle, son financement est augmenté de 0,22 % de la masse salariale brute, ce qui la porte à 1,12 % (contre 0,9 %). Martine Polin espère que ce point sera renégocié afin d'obtenir un taux minimum garanti de formations « diplômantes » permettant une réelle évolution de carrière en clinique. Marie-Cécile Rivalland approuve cette mesure bien qu'elle la juge « un peu légère ».

Représentation syndicale.

Dernier axe, la représentation syndicale est améliorée. Soupir de soulagement de la part des syndicats pour qui la mise en place d'une représentation des sections syndicales en cliniques relève parfois du parcours du combattant. Le crédit d'heures accordé aux salariés désignés comme délégués syndicaux a augmenté.

Il faut aussi noter un point d'achoppement spécifique : les primes de nuit et les astreintes. La rémunération des primes de nuit est revue... « Alors qu'elles étaient calculées de manière identique pour tous, note Marie-Cécile Rivalland, elles sont maintenant calculées selon le taux horaire, ce qui favorise les cadres. » Au niveau des astreintes, il serait question de supprimer toute indemnité de rémunération des heures d'astreintes pour les cadres. La CGC, sur le point de signer l'accord, refuse de céder tant qu'un avenant n'aura pas modifié cette mesure. « On ne peut revenir sur des acquis comme celui-là », estime Félix Ajenjo. Cela constitue à la fois une perte de droits pour certains et une discrimination entre cadres et non-cadres. Pour Martine Polin (FO), les astreintes sont déjà trop souvent comptabilisées comme primes lorsque les salariés enchaînent une garde puis une astreinte (ce qui est illégal puisque toute garde est suivie d'un repos). Ajouter en plus une différenciation entre cadre et non-cadre est inacceptable. Alain Coulomb est d'ailleurs a priori favorable à un avenant : « Ce point amené fort tardivement dans les négociations relève plus d'un malentendu qu'autre chose. » L'accord va vraisemblablement être amendé...

1- Source : CFDT santé, conférence de presse du 28 mai 2001.

Autour de la CCU

→ Les astreintes devraient être renégociées.

La CGC et la FHP se sont rencontrées une nouvelle fois le 22 mai dernier. L'avenant semble en bonne route. La CGC devrait donc signer l'accord dans un futur proche. Selon Félix Ajenjo, la FHP est prête à revoir sa position sur les astreintes « pour garantir le déblocage des fonds de modernisation (deux enveloppes de 600 millions de francs) des cliniques privées voté par le gouvernement, car il faut qu'au moins trois syndicats aient signé l'accord. Pour l'instant, seuls deux syndicats ont signé. »

→ Le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) est aussi signataire de la nouvelle convention, mais attend qu'une annexe médicosociale soit rédigée et signée. Les syndicats et la FHP se sont rencontrés le 22 mai à ce propos.

→ Le protocole d'accord entre l'État et l'hospitalisation privée a été signé le 24 avril dernier. Celui-ci fixe l'augmentation moyenne des tarifs à 3,93 % pour 2002 dont 1,86 % pour les mesures salariales. Le forfait annuel d'urgence augmentera en moyenne de 11,28 % tandis que le tarif du forfait de prise en charge du nouveau-né est fixé à 100,62 €.

RÉACTIONS

Brigitte Boissineau, surveillante générale de la polyclinique des Longues-Allées, Saint-Jean-de-Braye (45)

« On s'est battus énormément pour pas grand-chose. Notre but était d'aligner les salaires du privé sur ceux du public, or cela n'aura pas lieu. De plus, du fait des modifications apportées par la CCU (comme l'intégration des primes de veille aux salaires), tous les contrats vont être revus, ce qui représente une masse de travail considérable. En bref, la situation est grave. »

Véronique Wuillemain, IDE à la polyclinique des Longues-Allées

« On espérait beaucoup et nous sommes finalement assez satisfaites. J'attends de voir concrètement ce qui va être attribué à notre clinique car les enveloppes données à chaque établissement n'ont pas encore été attribuées. La répercussion de l'accord sur les salaires sera visible sur notre feuille de salaire de juillet. »

Élizabeth Desjardins, surveillante générale de la clinique Guillaume-Devarye, Saint-Doulchard (18)

« Pour l'instant, on ne peut pas se rendre compte de l'impact de l'accord sur les salaires car ils sont renégociés au cas par cas. Comme notre établissement bénéficiait de la convention de la Fiehp, l'une des meilleures, je ne pense pas que la CCU change énormément les choses. Le plus important pour moi serait que mes collègues soient augmentées afin qu'elles restent ici. J'espère qu'on ne s'est pas battus pour rien. »