Pour un « usager citoyen » - L'Infirmière Magazine n° 172 du 01/06/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 172 du 01/06/2002

 

Juridique

Depuis quelques décennies, on assiste à la reconnaissance d'un véritable « usager citoyen ». De passif, le patient est devenu acteur de sa prise en charge médicale. Ce statut trouve sa consécration dans la loi du 4 mars 2002.

• Le malade à l'hôpital est lui-même un acteur de soins dont la compétence doit être identifiée et reconnue. Il est seul en mesure de fournir des informations susceptibles d'affiner le diagnostic. Son rôle est essentiel dans l'auto-observation des symptômes. Cette reconnaissance de l'usager a de surcroît des vertus thérapeutiques par l'action psychosomatique qu'elle induit. Enfin, elle donne un sens au droit à la dignité de l'individu hospitalisé, principe largement consacré par la loi du 4 mars 2002.

La démocratisation du pouvoir médical a beaucoup progressé au cours de ces dix dernières années et les droits des malades ont été consacrés en 1995 par la « charte du patient hospitalisé ». La loi de mars 2002 va encore plus loin en intitulant son titre II « Démocratie sanitaire » : elle confère ainsi aux malades un rôle actif en leur donnant des droits et responsabilités et en les faisant participer au fonctionnement du système de santé. Par ailleurs, la dignité de la personne humaine est désormais inscrite dans le Code de la santé publique comme l'un des droits fondamentaux de la personne humaine. Ainsi, la dignité de la personne humaine, et notamment de la personne malade, passe inévitablement par la dignité reconnue à son corps, et ce jusqu'à la mort. En ce sens, le nouvel article L. 1110-5 du Code de la santé publique dispose : « Les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort. » Dans le cadre de la loi du 9 juin 1999 sur les soins palliatifs, ces derniers sont précisément destinés à sauvegarder la dignité de la personne malade.

Information et consentement

Le secret médical n'est plus, depuis plusieurs décennies, considéré comme la propriété du médecin, mais bien comme un des droits les plus sacrés de la personne malade. Le secret médical s'impose au professionnel, même à l'égard de ses collègues et la notion de « secret partagé » ne concerne que les échanges d'informations nécessités par des réseaux de soins ou des modalités de prise en charge collective induites par la pluridisciplinarité des équipes soignantes. Le partage du secret n'est donc autorisé que si l'échange d'informations est nécessaire à l'efficacité et à la continuité de la prise en charge, et c'est l'ensemble des professionnels en contact avec le patient qui sont concernés par la règle du secret, et non pas les seuls professionnels de santé. Conforme à la jurisprudence ancienne en matière d'information médicale, le nouvel article L. 1111-2 du Code de la santé publique affirme : « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus [...] ». Enfin et conformément à la doctrine, la volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un pronostic ou d'un diagnostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de contamination ou de transmission. Ce principe est à rapprocher de la nouvelle notion de « coopération » du malade à la décision médicale. Ainsi, « toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé ». Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut ainsi être pratiqué sans le consentement « libre et éclairé » de la personne, et ce consentement peut être retiré à tout moment. La loi rappelle ainsi la prééminence du refus du patient sur la proposition de décision thérapeutique du médecin : le médecin doit respecter la volonté de la personne, après avoir tenté de la convaincre de l'utilité du geste thérapeutique. Ce principe respectueux des droits et de la liberté de choix du malade devra encore affronter certains conseils de l'Ordre pour qui l'obligation de soins et de continuité des soins qui pèsent sur le professionnel l'emportent face au refus du malade, majeur, capable et pourtant dûment informé des conséquences de son refus.

Que signifient les nouvelles dispositions de la loi quant au principe de non-discrimination dans l'accès à la prévention et aux soins ?

C'est une référence directe aux règles en matière de non-discrimination posées par le Code pénal qui dispose : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques en raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs moeurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. » Ce principe d'interdiction de toute forme de discrimination doit être complété par la prohibition de toute discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques, principe rappelé par les codes civil et pénal et par la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine.

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