Pratiquer la « réa » sans tracas

• La réanimation, quelle que soit sa spécialité (cardiovasculaire, neurologique ou polyvalente), reste un service où il faut faire ses preuves en peu de temps, apprendre à réagir vite, acquérir les réflexes nécessaires pour faire face aux situations aiguës ou d'urgence. La prise en charge de patients ventilés, intubés, aspirés, transfusés, parfois tout juste opérés, et surtout profondément angoissés, est une exigence quotidienne pour les infirmières de « réa ».

Dans ce contexte, la formation initiale ne permet pas l'adaptation rapide du professionnel en réanimation. Les jeunes en sont conscients et s'inquiètent de ne pas disposer de toutes les compétences nécessaires.

Cette formation initiale insiste sur les principes transfusionnels, la surveillance des chocs, la vigilance du matériel, et reste très généraliste. Elle ne permet pas d'être à l'aise dans un service spécialisé mais elle offre un minimum d'assurance et de sécurité face à des patients aux situations cliniques dramatiques.

Exposé au regard.

Au fil de son expérience dans un service de réanimation, l'infirmière acquiert progressivement des gestuelles plus ciblées et la maîtrise de conduites appropriées à une situation de risque.

Les sessions de formation continue permettent, par une actualisation régulière des connaissances, de compléter et de parfaire la formation de base reçue dans les Ifsi. Souvent organisées à la demande des établissements hospitaliers, ces formations sont liées à des thèmes d'actualité ou des préoccupations institutionnelles : transmissions ciblées, informatisation du dossier de soins, protocoles et procédures de vigilance, lutte contre les infections nosocomiales.

L'actualisation et le perfectionnement des connaissances restent les principes de base. La formation dans ce type d'unités spécialisées porte aussi bien sur le respect des procédures de sécurité spécifiques que sur la gestion et la maintenance de matériels divers (respirateur, perfuseur, chariot d'urgence, sonde de Swan-Ganz). Ces actualisations sont généralement effectuées dans les services par les entreprises ou laboratoires concernés.

Le travail infirmier dans les services de réanimation reste un travail particulier, très cadré, défini dans l'espace et le temps. Il est organisé sans grande liberté. La prise en charge des patients est attribuée dès le début du poste, les actes sont ensuite planifiés, prescrits et re-prescrits en permanence, ils sont souvent modifiés et influent constamment sur le rapport au travail.

Gestion des conflits.

Le travail de chacun est exposé au regard de l'ensemble de l'équipe. Définie par des actes de haute technicité, la compétence technique est évaluée en permanence par l'ensemble des acteurs présents. C'est un regard généralement bénéfique et sécurisant, mais qui n'offre pas de possibilité de retrait et de récupération en cas de fatigue. L'implication de tous les sens, le bruit, les odeurs, la vue, et la promiscuité avec les box contigus sont souvent perçus comme une contrainte par le soignant débutant.

L'organisation du travail est ordonnée et méthodique. De ce fait, les formations à l'organisation du travail sont exceptionnelles dans ce type de service. Réorganiser un modèle dominé par le prescriptif et la rationalisation exigerait une réflexion collective aboutissant à un remaniement beaucoup trop directif des différents corps de métier. Dans ce contexte, l'intimité relationnelle avec le patient et sa famille, lorsqu'elle celle-ci est envisageable, est elle-même exposée et jugée. Peu d'unités possèdent de grandes salles d'accueil des familles, où soignants et familles de patients peuvent se rencontrer. Les situations cliniques variant sans cesse, la tension et l'anxiété sont constamment présentes et laissent peu d'opportunités au soignant pour sortir de l'unité afin de rencontrer une famille. Cette relation est cependant nécessaire pour atténuer l'émotion consécutive à l'annonce d'un séjour, même bref, dans une unité de réanimation.

La gestion des situations relationnelles, conflictuelles ou non, est un domaine encore peu développé dans les demandes de formation. Régulièrement effectués, les actes éducatifs et relationnels sont indispensables à la gestion de ces unités, mais les formations à l'éducation ou à la gestion des conflits sont peu représentées dans le plan de formation institutionnel.

Cependant, en réanimation pédiatrique, l'accompagnement des parents confrontés à leur enfant en incubateur est un acte profondément « impliquant » et bouleversant pour l'ensemble des acteurs. Il entraîne des demandes de la part des soignants pour améliorer leur capacité à accueillir des familles en difficulté.

Dans ces unités spécialisées, après avoir organisé, réajusté et effectué les actes prescrits par le médecin, il reste peu de temps pour participer à des groupes d'expression ou de supervision avec un psychologue. L'infirmière peut rendre compte à ses propres collègues des difficultés avec un patient ou une famille mais trouve rarement une disponibilité suffisante pour s'investir dans un suivi et une exploitation de situations difficiles.

Réciprocité.

Actuellement, la majorité des demandes en formation reposent sur le développement de compétences très ciblées (matériovigilance, hémovigilance) ou sont directement en lien avec des préoccupations institutionnelles, comme la mise aux normes et l'auto-évaluation. L'écriture professionnelle, l'accueil, l'évaluation de la douleur sont aussi très actuels et suivis par de nombreux professionnels. En service de réanimation, les formations, souvent très pointues, portent sur des thématiques directement liées à la spécificité de l'unité (pédiatrique, digestive, urologique ou cardiovasculaire). Les sessions sont généralement organisées autour de contenus d'approfondissement de connaissances et de perfectionnement de techniques. Elles peuvent aussi concerner des approches plus générales où le soin, le rapport à l'autre, l'accompagnement des mourants, l'éthique et l'accueil des familles sont autant de thèmes présents dans le quotidien du travail d'un soignant de réanimation. Les services de réanimation sont des univers où se joue pleinement « l'acte de réciprocité qu'on est amené à donner à toute personne qui, temporairement ou définitivement, a besoin d'aide pour assumer ses besoins vitaux »(1). En ce sens, ce sont des univers où les circonstances, les activités, les variétés de situations rencontrées construisent un formidable espace de formation et de professionnalisation du métier d'infirmière.