SIDA : quelle prévention aujourd'hui ? - L'Infirmière Magazine n° 172 du 01/06/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 172 du 01/06/2002

 

Dossier

Dès 1987, l'État a créé deux cellules dédiées à la lutte contre le sida • À l'avant-garde de la prévention, les associations prennent davantage en compte les populations les plus touchées • La banalisation du sida a encouragé un certain relâchement de sa prévention et son dépistage.

« Il faut à la fois répéter des choses basiques dont on peut penser à tort qu'elles sont acquises et s'adresser à des groupes et des populations spécifiques par des messages qui les concernent directement », expliquait René-Paul Leraton (Sida info-service), lors des récentes rencontres interassociatives d'Ensemble contre le sida. C'est selon ces deux axes en effet que s'est organisée la prévention face au VIH en France, répartissant les compétences entre l'État et ses collectivités territoriales, et déléguant crédits et actions spécifiques aux associations.

Structures étatiques

La définition de la politique de lutte contre le VIH appartient à l'État. À partir de 1987, le ministère chargé de la Santé s'est doté de deux cellules chargées exclusivement de cette action : la mission sida de la Direction des hôpitaux et la division sida de la Direction générale de la santé. Cette dernière anime l'action interministérielle et assure le partenariat avec les collectivités locales. Elle est plus particulièrement chargée, entre autres, de la prévention et du dépistage : depuis 1987, la loi spécifie en effet qu'au moins une consultation de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) doit être organisée dans chaque département. Ces consultations, élément clé du dispositif institutionnel de prévention, sont situées dans des centres hospitaliers ou spécialisés. Dans l'Essonne, six CDAG ont ainsi été ouvertes dans les centres départementaux de prévention et de santé. Chargées de l'accueil, de l'information, du dépistage, de l'orientation, et du conseil sur l'infection à VIH, elles assurent dix heures de consultations hebdomadaires (des horaires d'ouverture propres à chaque CDAG, ici définis en fonction des pics de fréquentation) et oeuvrent en coordination avec les Ddass.

Car depuis 1994, un dispositif déconcentré a été mis en place dans les directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales afin de mieux assurer la coordination locale des actions de lutte contre le sida. Ce dispositif a une place essentielle, au vu des variations épidémiologiques d'une région, voire d'un département à l'autre. Des cellules spécifiques de lutte contre le sida ont été instituées au sein des Ddass avec la création de 54 postes de « chargés des actions déconcentrées de lutte contre le sida » (médecins inspecteurs de santé publique, inspecteurs des affaires sanitaires et sociales, infirmières du corps interministériel) venant renforcer le personnel de ces services. Les actions, engagées ou soutenues par les cellules, doivent s'inscrire dans le cadre des orientations de l'État, définies par le plan triennal interministériel de lutte contre le VIH. Jusqu'en 2001, celui-ci mettait l'accent sur la prévention envers les femmes, les usagers de drogues, les migrants et les homosexuels. Les nouvelles orientations prennent également en compte le maintien du dispositif de prévention à l'attention de la population générale.

Il en va ainsi de l'initiative de dépistage hors les murs mise sur pied depuis 1998 par le docteur Collet, du service des actions de santé au conseil général de l'Essonne, qui gère les six CDAG du département. Chaque année, deux journées d'information, sensibilisation et proposition de dépistage sont organisées dans les gares d'implantation des consultations. « Cela nous permet de toucher un public qui ne vient pas dans les CDAG, précise le docteur Collet. On rencontre davantage de personnes d'origine étrangère, des handicapés mentaux, un peu moins de toxicomanes, des populations marginalisées. » L'action bénéficie de la collaboration de l'association Aides qui a été, dès le début de l'épidémie, aux avant-postes de la lutte contre le VIH.

Indispensables associations

Réagissant très précocement, bien avant l'État, et organisant leurs propres réseaux de prévention et de mobilisation, les associations ont en effet développé des savoir-faire spécifiques. C'est notamment le cas du concept de prévention par les pairs. Ainsi, l'Adis (Association pour le développement des initiatives contre le sida) à Dunkerque, a mis en place un programme de prévention sur les lieux de drague homosexuelle qui fait appel aux membres les plus charismatiques de la communauté, formés et sensibilisés par l'association. Autre forme d'action, l'auto-support s'est notamment répandu parmi les usagers de drogues : il s'agit ici de membres d'une communauté ou d'un groupe qui prennent eux-mêmes en charge la prévention, l'échange de seringues, la diffusion des informations sur leur stérilisation ou sur l'accès aux soins de leurs pairs pour finalement se constituer en une association (Asud, auto-support des usagers de drogues) dont les membres sont tous ex-usagers de drogues ou inclus dans un programme de substitution.

Ces dernières années, de plus en plus souvent, des associations dites généralistes oeuvrant dans le domaine de la santé ou des communautés intègrent également dans leurs actions des volets de prévention contre le sida. Tous ces acteurs sont à la recherche de financements. Mais ceux-ci commencent à faire défaut. Depuis 2000, en effet, le budget de l'État alloué à la prévention est en baisse sensible (moins 6,5 % entre 1999 et 2000). « Les politiques ont un peu laissé de côté la question du sida », reconnaissait Mme Chauchon, cadre infirmier chargé de mission sida à la Ddass des Bouches-du-Rhône lors des rencontres interassociatives d'ECS. La division sida est en effet passée de 45 à 15 personnes. Dans les Ddass, qui gèrent 77 % du budget national prévention sida, les chargés de mission sont souvent devenus des chargés de dossiers, qui ne s'occupent plus exclusivement du VIH/sida. Au Comité français d'éducation pour la santé, chargé de la mise en oeuvre des actions de communication sur le sida par le ministère, on souligne aussi un budget en baisse : « Cela dépend de Bercy », confie Catherine Chabas, du Cfes. Il faut dire que le VIH semble s'être banalisé. Depuis 1996 et les progrès que représentent les trithérapies dans la prise en charge des séropositifs et des malades, on meurt moins du sida. Et la population accuse un phénomène de lassitude générale : « C'est peut-être un effet de ras-le-bol, suggère Catherine Chabas. Mais on a du mal aujourd'hui à mobiliser les journalistes autour du thème du sida. »

Relâchement

Même chez les professionnels de santé, le relâchement se fait sentir. « Ceux qui se sont lancés dans la bataille il y a vingt ans ne sont plus là, ou bien ils ont changé de service ou sont en retraite », explique Philippe Bonissone, rédacteur en chef de Transversal, le journal des acteurs de la lutte contre le sida. Les formations sont à refaire, le discours de prévention n'est plus partout d'actualité et les idées reçues sont de retour. Jusque dans certaines consultations de dépistage anonyme et gratuit où les associations attirent l'attention sur le manque de « counseling » prodigué aux consultants qui reçoivent un test négatif. « Le dépistage est un moment clé dans la prévention, explique René-Paul Leraton. Or, on sait que la remise de résultats de séronégativité dans certains centres est parfois donnée à toute vitesse, quasiment sans entretien. » Les textes précisent pourtant que « les résultats, qu'ils soient négatifs ou positifs, sont toujours remis à l'intéressé dans le cadre d'une consultation médicale d'information-conseil personnalisée au cours de laquelle le médecin prodigue les conseils préventifs nécessaires et engage le consultant, en cas de séropositivité, à bénéficier d'une prise en charge précoce, à la fois médicale et psychosociale ».

Dans les associations elles-mêmes, la démobilisation se fait sentir. « Il y a comme une volonté d'oubli de la part des séropositifs qui veulent aujourd'hui réintégrer une vie normale et se désengager du militantisme », résume Philippe Bonissone. Les personnes malades ou concernées par le sida ont beaucoup fait dans les années 80 et 90. Avec leur départ, les associations ont du mal à négocier le virage. « Et puis, les publics les plus touchés aujourd'hui sont morcelés, ce sont parfois des individus qui n'ont pas l'habitude de prendre la parole, ajoute le rédacteur en chef de Transversal : femmes migrantes, populations des Dom-Tom éloignées de la métropole, population carcérale, etc. » Résultat, les contaminations semblent avoir repris leur rythme de 1995, soit environ 5 000 à 6 000 nouvelles contaminations par an. Mais, faute de déclaration obligatoire de la séropositivité, il ne s'agit que d'une estimation, basée sur les statistiques des CDAG, sur les enquêtes comportementales et sur les nouveaux diagnostics d'infections sexuellement transmissibles.

Spot censuré

Pourtant, paradoxalement, à entendre les principaux acteurs de prévention, la population générale a intégré l'idée qu'il faut utiliser un préservatif pour éviter MST et VIH, comme elle avait assimilé auparavant celle de prendre la pilule pour éviter une grossesse non désirée. Ainsi, une analyse des appels passés à la ligne Sida info-service fait état d'une baisse importante du nombre d'appels. Parmi les correspondants, émerge une population masculine de 20-29 ans, dont les demandes d'information concernent désormais les risques de transmission par contacts buccogénitaux et le dépistage. Les risques de la pénétration semblent mieux connus et ne sont évoqués que dans un quart des appels. Selon René-Paul Leraton, « il faudrait donc des messages clairs et précis en direction du grand public sur des pratiques telles que la fellation. Des spots qui parlent de sexualité sans tabou. » Et d'évoquer le spot du Cfes censuré l'année dernière par Matignon et qui utilisait des scènes d'amour issues de différents longs-métrages de cinéma, dont certaines tirées de films pornographiques.

Or, l'un des reproches adressés aux campagnes nationales de lutte contre le sida est le manque de réalisme de ses images. Certaines associations étaient partisanes de messages plus terrifiants, à l'instar d'autres campagnes européennes. Le Cfes s'y est toujours opposé, arguant du risque de stigmatisation des personnes atteintes. « Nous pensons aussi aux personnes qui viennent d'apprendre leur séropositivité et qu'il ne faut pas désespérer », note Catherine Chabas. En outre, des recherches internationales montrent que faire peur n'opère que si la solution offerte est à la hauteur du risque. Or, jusqu'à présent, la maladie sida ne se guérit pas. « Même si les campagnes nous ont semblé prudes, on se rend compte que l'acceptation des personnes séropositives en France est aujourd'hui meilleure que dans d'autres pays, souligne Philippe Bonissone. Néanmoins, on n'y a jamais vu le geste de mettre un préservatif, ce qui me semble regrettable. »

Campagne spécifique aux Dom-Tom

Les campagnes de prévention impulsées par l'État, curieusement, ont d'abord été des campagnes généralistes. On se rappelle du premier message : « Le sida, il ne passera pas par moi . » C'était en 1987. « Pourtant à cette époque, s'étonne Olivier Maguet, responsable de l'action communautaire à Aides, on pouvait encore penser que l'épidémie ne concernerait que des groupes vulnérables. » La première campagne nationale ciblée en direction des populations homosexuelles interviendra en 1989. Autre grief : jusqu'en 1994, on pourra reprocher aux spots radio et télé de n'être diffusés que durant l'été. Progressivement, l'Agence française de lutte contre le sida, puis le Cfes, qui a repris sa mission de communication à la disparition de l'agence en 94, ont développé des actions en direction des publics particulièrement touchés ou isolés, parfois jusqu'à 15 ou 16 segmentations de population. « Mais il a fallu se battre à chaque fois pour que les communautés puissent se reconnaître dans les campagnes, précise Olivier Maguet. Si les usagers de drogue et les homosexuels ont été capables de se prendre en charge, c'est parce qu'on a parlé d'eux. Cela a permis de lever des tabous. »

Aujourd'hui, pour que chacun s'identifie dans les messages de prévention, le Cfes a décidé de lancer une campagne télévisée spécifique aux Dom-Tom. Leurs habitants figurent parmi les populations prioritaires en matière de prévention du plan interministériel de lutte contre le VIH. Il était temps : Guyane et Guadeloupe sont les deux départements français les plus touchés par les nouveaux cas de sida déclarés entre le 1er octobre 2000 et le 30 septembre 2001 avec respectivement 477,1 et 137,3 cas par million d'habitants. La Martinique est le quatrième département le plus touché (devancé par Paris) avec 81,3 cas par million d'habitants. « Auparavant, nous cherchions à décliner la campagne nationale mais cela ne fonctionnait pas, explique Catherine Chabas. Les gens se rendaient compte très vite que cela venait de la métropole et les situations représentées ne collaient pas à leur mode de vie. » Dix courts-métrages de cinq minutes, tournés sur place par des acteurs locaux en français, en créole et même en bushinengé (créole guyanais) permettent d'aborder diverses problématiques liées au VIH telles que l'exclusion des personnes atteintes.

Pour les personnes migrantes vivant en France, autre groupe prioritaire en matière de prévention du plan interministériel, les discours semblent un peu plus balbutiants. De plus en plus, les dépliants et autres documents de communication sont traduits en arabe, anglais, espagnol et portugais. Côté télé et radio, il y a bien Moussa le Taximan, un autre héros des courts-métrages du Cfes. Mais ce film campe des situations mises en scène en Afrique et non dans une population installée en France. Des messages radios ont été également développés en partenariat avec les radios communautaires africaines, caribéennes et maghrébines. Olivier Maguet est partisan d'un discours plus direct. Là où ethnopsychiatres et tenants d'une approche culturaliste hésitent à parler de sexe, par crainte de s'opposer à des représentations sexuelles spécifiques, il préfère replacer les personnes dans leur contexte. « Quand ces gens vivent en France, explique Olivier Maguet, ils regardent la télé comme nous. Donc, il faut faire en sorte qu'ils se reconnaissent dans les messages qui y sont diffusés. »

Vulnérabilité sociale

Plus souvent, le premier obstacle à la prévention pour ces populations, c'est plutôt leur vulnérabilité sociale. Les associations ont développé de nombreuses actions de préventions s'adressant notamment aux femmes migrantes. « Souvent, on s'aperçoit que le VIH n'est pas le souci premier pour des femmes dont le mari est au chômage, explique Carine Favier du planning familial des Bouches-du-Rhône, ou qui n'ont pas de papiers, des revenus précaires et des enfants à nourrir. » Difficile d'amener les femmes à parler préservatif et vie sexuelle dans ces circonstances : « Il faut travailler en amont, sur ce qui amène les personnes à être vulnérables, insiste Olivier Maguet. Aider les personnes à trouver un statut dans la société même si cela ne semble pas efficace immédiatement par rapport au VIH. »

Chez Sida info-service, cette réflexion a conduit à la création d'une autre ligne téléphonique à destination de jeunes ayant des pratiques homosexuelles mais qui ne se reconnaissent pas comme tels, la ligne Azur. « Très vite on a constaté que les jeunes qui nous appelaient parlaient très peu de sida, souligne René-Paul Leraton, mais de toutes leurs difficultés : honte, culpabilité, douleur, questionnements, etc. » Et quand ces jeunes se reconnaissent comme homosexuels, la moitié de leurs appels concernent ce mal-être. « J'ai l'habitude de considérer tout cela comme une belle fabrique à prise de risques. Car quand ces jeunes qui ont si mal vécu leur adolescence s'apercevront qu'ils ne sont pas l'espèce de monstre taré, vicieux, malade qu'on leur a laissé croire pendant des années et qu'ils auront accès à des formes de consommation sexuelle, ils essaieront de se rattraper. » La ligne Azur est un exemple d'actions à mettre en place en direction d'une population spécifique, donnant la possibilité de s'exprimer, de parler de soi, d'être écouté.

Réduire les risques

Car pour l'ensemble des jeunes, la prise de risque la plus importante et immédiate n'est pas forcément l'exposition au VIH, qui reste rare. Les acteurs de prévention qui s'adressent aujourd'hui aux 15-16 ans l'ont bien compris. Ils envisagent d'abord avec eux l'ensemble des risques liés à la sexualité : grossesse non désirée, MST, puis VIH. « C'est davantage d'éducation sexuelle qu'ils ont besoin, précise Nathalie Truchet, infirmière et coordinatrice du pôle accueil et interventions du Crips d'Île-de-France. Et le préservatif est d'abord présenté comme un moyen de contraception. » Si les jeunes et en particulier les filles, pour qui le risque premier d'un rapport non protégé reste la grossesse, maîtrisent le sujet de la contraception, ils sauront imposer le préservatif. Différents moyens sont employés pour faire passer le message, depuis les scènes de théâtre interactif jusqu'à la construction de projets d'établissement (création de sets de table sensibilisant au VIH), en passant par de plus sobres séances d'intervention en classe de deux heures. « Nous ne sommes plus dans l'urgence du début des années quatre-vingt-dix, ajoute Nathalie Truchet. Il faut s'adapter aux "ados". La sexualité au sens large, c'est une préoccupation des "ados", le sida c'est un risque associé. »

Il faut donc adapter les discours aux personnes et à l'évolution du contexte. Ainsi, depuis le début des années 1990 est apparu un nouveau et timide discours sur la réduction des risques, d'abord employé dans le domaine de l'usage de drogue par voie intraveineuse. L'idée, c'est que tout en prenant un risque tel que celui de consommer des stupéfiants, on peut quand même tenter de se protéger du pire. Par exemple, en utilisant une seringue stérile à chaque injection, en la nettoyant à l'eau de javel ou en intégrant un programme de substitution.

Vivre comme les autres

Mais réduire les risques peut aussi concerner d'autres pratiques. « Pourquoi ne pas en parler à propos des risques de transmission sexuelle ? questionne Olivier Maguet. Il y a des moments dans la vie où on est amené à prendre des risques. » Aujourd'hui, un certain nombre de personnes séropositives vivent avec le virus, sous traitement et avec une charge virale indétectable. « Ces gens ont envie de vivre comme les autres, on ne peut pas leur tenir le même discours en 2002 qu'en 1992 », ajoute-t-il. On sait en effet que les risques de transmission du virus sont extrêmement faibles à charge virale indétectable. C'est d'ailleurs à ce moment que des couples sérodifférents choisissent généralement de faire un enfant. On sait aussi qu'utiliser un gel lors d'une pénétration anale sans préservatif permet de réduire les risques.

« Il faut développer les messages de prévention à l'intention des personnes séropositives », soutient René-Paul Leraton. Or cela n'a pas été fait jusqu'à présent, et pour cause. « Dans ce domaine, qui ne peut être pris en charge que par les associations, nous ne bénéficions d'aucun budget », souligne Olivier Maguet. Aider les personnes séropositives figure pourtant au chapitre « améliorer la qualité de vie des personnes atteintes » du plan interministériel de lutte contre le VIH. Ce document semble à beaucoup presque trop complet pour être vrai. En 2001 déjà, on lui reprochait d'avoir failli à ses objectifs concernant la prévention à l'égard des femmes (toujours de plus en plus nombreuses dans les nouvelles contaminations), des homosexuels et des migrants. Il reste encore beaucoup à faire pour redéfinir la politique de prévention en France.

Un lieu de mémoire

Ensemble contre le sida, association de collecte et de répartition de fonds destinés au financement de la recherche et des activités de prévention, d'entraide et d'amélioration de la qualité de vie, projette la création d'un lieu de mémoire et de connaissance du sida dans le parc de la Villette. L'oeuvre, imaginée par le peintre Fabrice Hybert, s'étalera sur 1 000 à 1 500 m2 et reproduira plusieurs centaines de dessins de l'artiste ainsi que des mots, chiffres, symboles, repères de la lutte contre le sida depuis l'apparition de la maladie. L'association est encore à la recherche de financements.

Le préservatif féminin

En 1998 est apparu en France le premier préservatif féminin, le Fémidom®. Conçu en polyuréthane, il présente moins de risques allergènes que le préservatif masculin en latex. Surtout, il répond aux besoins spécifiques des femmes, plus exposées physiologiquement à la contamination par le VIH. Fémidom® est aujourd'hui vendu à 500 000 exemplaires par an (contre 76 millions de préservatifs masculins). Le problème, outre une acceptation encore très moyenne dans la population féminine, c'est son coût : 2 à 3 euros pièce. Ce qui a incité le conseil général de l'Essonne a lancer en 2001 une campagne préservatif féminin à 0,15 euros. Un second préservatif féminin a depuis fait son apparition, la Présinette®. En latex, il ne bénéficie pas du même soutien de la part des pouvoirs publics.

Les contaminations professionnelles en chiffres

La surveillance des contaminations professionnelles par le VIH chez le personnel de santé en France a été mise en place en 1991. Au 30 juin 2001, elle fait état de 13 séroconversions professionnelles documentées et 29 infections présumées(1) (définies par la découverte d'une séropositivité VIH chez un professionnel de santé au contact de patients infectés et n'ayant pas d'autre mode de contamination retrouvé). Aucune séroconversion VIH n'est intervenue depuis 1997. Les 13 cas documentés concernent 12 infirmières et un interne en médecine. Les contaminations se sont produites notamment dans des services de maladies infectieuses (cinq cas), de médecine (trois cas), de réanimation (deux cas) ou d'urgences (deux cas). Toutes sont consécutives à une blessure par piqûre, la plupart du temps lors d'un prélèvement veineux (dix cas). La séropositivité du patient source était connue dans les treize cas ; neuf d'entre eux étaient au stade sida. Six de ces séroconversions professionnelles se sont produites en Île-de-France, où se regroupe une grande partie des cas de séropositivité de la population générale. Au moins sept de ces accidents étaient évitables par l'application de précautions générales d'hygiène (aiguilles traînantes, recapuchonnage de l'aiguille ou rangement du matériel après le geste).

1- Source : Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 12/2002.

La recherche sur les microbicides piétine

Les microbicides tuent microbes et bactéries pathogènes véhiculés par les sécrétions sexuelles. Pour l'instant, ils sont inefficaces contre le VIH. Mais quelques pistes sont explorées par la recherche. Les détergents (nonoxynol-9) semblent dangereux à haute dose chez l'humain. Les régulateurs de PH qui permettent de maintenir le PH du vagin suffisamment bas pour que le virus n'y puisse survivre présentent une tolérance limitée. Mais les lactobacilles, qui permettraient de renforcer les défenses naturelles, apparaissent comme une piste prometteuse. Et les antirétroviraux qui empêchent la réplication du virus sont à l'étude. Pourtant, l'industrie pharmaceutique manque d'entrain dans la mise au point d'un produit qui annonce de faibles marges bénéficiaires, surtout destiné aux pays en voie de développement ou à l'automédication dans les pays industrialisés.

Déclaration obligatoire de séropositivité

L'arrêté relatif à la déclaration obligatoire de séropositivité (DOS) a été publié dans le Journal officiel du 3 mai 2002. Attendue depuis trois ans, la DOS permettra de suivre au plus près la diffusion du virus, comme dans nombre de pays d'Europe de l'Ouest. À l'origine de ce retard : les difficultés pour garantir l'anonymat des déclarations, établies par les médecins. D'ailleurs, cette nouvelle mesure ne sera opérationnelle qu'à la fin de l'année 2002, une fois que le système de codage informatique spécifique aura été mis en place.

Plan interministériel de lutte contre le VIH

En matière de prévention, le plan s'est fixé sept priorités. La première consiste à accentuer et adapter la prévention parmi les homosexuels masculins. La seconde projette de mettre en oeuvre un plan global et spécifique dès 2002 en Guyane et en Guadeloupe, puis l'année suivante en Martinique. Un troisième objectif prioritaire est d'améliorer l'accès à la prévention et aux soins précoces des personnes étrangères vivant en France afin de réduire les écarts existant avec la population française. La politique de réduction des risques en direction des usagers de drogue devra être renforcée, ainsi que l'information des usagers et l'accès au matériel d'injection stérile. Le plan s'engage dans l'action directe dans les situations de pratiques sexuelles anonymes ou de groupes auprès des multipartenaires (échangisme mais aussi prostitution...) en consolidant notamment l'action communautaire des pairs. Par ailleurs, l'effort préventif à l'égard de la population générale devra être maintenu. Enfin, la dernière priorité concerne le soutien à un dispositif de prévention compréhensible, fort et ouvert à tous, garantissant la diversité des moyens préventifs, leur accessibilité, l'accessibilité au dépistage et au conseil préventif, au traitement post-exposition, l'appropriation de l'information, l'usage des ressources par tous, la lutte contre les stigmatisations. Le plan comprend aussi un volet sur l'amélioration de la prise en charge globale des personnes atteintes, et un autre sur l'accès aux traitements dans les pays en voie de développement.