Soins aux grands brûlés - L'Infirmière Magazine n° 172 du 01/06/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 172 du 01/06/2002

 

Cours

La grande brûlure constitue la deuxième cause d'accidents mortels en France. Sa prise en charge est particulièrement lourde, nécessitant le recours à des traitements spécifiques (réanimation, chirurgie, rééducation) et un accompagnement psychologique délicat.

Le pronostic vital immédiat des brûlés graves s'est considérablement amélioré grâce à une réanimation précoce intense. La brûlure grave n'en est pas moins un traumatisme majeur, dont la mortalité diminue mais qui reste marquée par la gravité des séquelles.

DÉFINITIONS

Une brûlure est une lésion cutanée provoquée par un agent (thermique, électrique, physique ou chimique). Tout ou partie du revêtement cutané (derme et épiderme) est détruit sur une étendue variable. La profondeur des brûlures se réfère à un classement selon trois degrés de gravité.

La brûlure du premier degré n'atteint que l'épiderme superficiel et respecte la membrane basale. La peau est rouge et sans phlyctène. La victime ressent une impression de chaleur au niveau de la brûlure qui peut être aussi légèrement douloureuse. La cicatrisation s'effectue en trois ou quatre jours sans séquelles. Un coup de soleil classique constitue un exemple bien connu de ce type de brûlure.

La brûlure du second degré superficiel correspond à une destruction totale de l'épiderme. La lésion est rouge, très sensible et s'accompagne de phlyctènes. La cicatrisation, plus ou moins bonne, s'effectue, en général, en une à deux semaines.

La brûlure du second degré profond est définie par la destruction de l'épiderme basal et d'une partie du derme. Son aspect est blanc, rosé avec phlyctènes, et elle est moins douloureuse que la précédente. La cicatrisation se déroule en deux à quatre semaines, toujours avec une cicatrice. Le risque infectieux avec destruction des cellules souches existe (et dans ce cas pas de cicatrisation).

La brûlure de troisième degré, ou brûlure profonde, atteint la totalité de l'épaisseur cutanée (destruction de l'épiderme, du derme et des dérivés épidermiques), ce qui a pour conséquence la perte des fonctions cutanées et interdit toute épidermisation spontanée. La couleur varie du blanc au noir marron, et il n'y a pas de phlyctènes. L'aspect est cartonné. Les vaisseaux sanguins sont coagulés. L'oedème est prononcé et le site est indolore au toucher, car les terminaisons nerveuses ont été détruites. La régénération est lente, la nécrose adhérente est source d'infection. L'évolution est marquée par une guérison lente avec cicatrice visible.

ÉTIOLOGIE ET FACTEURS DE GRAVITÉ

Les brûlures thermiques. Elles peuvent être occasionnées par des appareils de chauffage, la vapeur de la cocotte minute, l'eau trop chaude qui jaillit du robinet, la casserole d'eau bouillante qu'on renverse, l'alcool, l'essence ou les produits détachants qui s'enflamment au contact d'une simple étincelle, l'appareil à souder mal utilisé... L'agression thermique dépasse 60 °C pendant un temps d'exposition de quelques secondes.

Les brûlures électriques. Elles surviennent à l'occasion d'accidents électriques aux causes multiples : utilisation d'appareils électriques en mauvais état (fils dénudés), installation électrique défaillante (absence de prise de terre), gestes imprudents (changement d'une ampoule électrique sur une installation en service, nettoyage d'un appareil branché avec une éponge humide), accumulation de prises multiples, utilisation de prises électriques non adaptées et trop proches d'un point d'eau, accident avec un arc électrique. Ces brûlures, profondes, d'aspect sec et grisâtre, sont visibles aux points d'entrée et de sortie du courant, « cachant » la brûlure interne qui s'étend sur tout le trajet du courant électrique et peut aboutir à des destructions très importantes.

Les brûlures chimiques. Elles sont dues à des produits corrosifs (acide chlorhydrique, acide sulfurique, potasse, soude caustique, peroxydes...). Elles se produisent souvent à la suite d'une projection des liquides en cause, lors de leur manipulation (renversement ou rupture de récipient, éclaboussures lors d'un transvasement, chauffage provoquant la casse du récipient). Les produits corrosifs attaquent et endommagent l'épiderme, provoquant des brûlures à aspect coloré ou rougi, avec parfois des cloques.

Les brûlures par frottement. Elles se rencontrent, par exemple, chez un motard qui a glissé sur la chaussée, suite à un accident de la circulation.

Les critères de gravité. La morbidité et la mortalité liées aux brûlures dépendent de six paramètres :

- la superficie, exprimée en pourcentage de la surface corporelle totale (SCT) ;

- la profondeur exprimée selon le classement en degrés de gravité ;

- la localisation des lésions : une brûlure de la région cervicofaciale, par exemple, aggrave le pronostic, car l'oedème immédiat risque de compromettre la perméabilité des voies aériennes supérieures, et cette localisation est fréquemment associée à une incidence élevée de lésions respiratoires primitives ;

- la présence de traumatismes ou d'intoxications associés : les traumatismes orthopédiques et viscéraux, les atteintes respiratoires et les intoxications oxycarbonées ou cyanhydriques sont reconnues comme facteurs aggravants de la morbidité et de la mortalité ;

- le terrain du patient : le pronostic aux âges extrêmes de la vie ou chez un sujet présentant une affection grave préexistante est toujours plus réservé ;

- les circonstances de survenue : nature de l'agent brûlant, temps de contact, existence d'une explosion (risque de blast), notion d'atmosphère confinée favorisant l'inhalation de vapeurs brûlantes ou toxiques, traumatisme (crânien ou viscéral) associé.

Selon la Société française d'étude et de traitement de la brûlure (SFETB), la brûlure grave se définit soit par une atteinte supérieure à 10 % de la surface corporelle totale (SCT), soit par une atteinte inférieure à 10 % de la SCT, mais associée à un ou plusieurs des paramètres suivants : âge inférieur à trois ans ou supérieur à 60 ans, affection associée grave, existence de lésions de troisième degré (destruction totale du derme et de l'épiderme), localisation sur le visage, le cou, les mains, le périnée, circonstances liées à une explosion, un incendie en milieu clos ou à un accident sur la voie publique, agents vulnérants électriques ou chimiques. Mais il ne faut pas oublier qu'il n'existe pas de brûlure sans risques. Des lésions même superficielles et peu étendues peuvent, si elles se compliquent, mal cicatriser.

ÉVALUATION D'UNE BRÛLURE

L'examen clinique recherche de façon systématique les critères de gravité évoqués plus haut et apprécie la profondeur de la brûlure.

La détermination du pourcentage de surface corporelle (SC) atteinte. Une technique très utilisée dans le contexte de l'urgence est la règle des neuf (règle de Wallace). Elle divise le corps de l'adulte en multiples de 9 % SC. Ainsi, les parties antérieure et postérieure de la tête et du cou représentent 9 % de la surface corporelle totale (SCT) ; celles de chaque membre supérieur 9 % ; celles de chaque membre inférieur 18 % ; celles du tronc 36 %, la région périnéale 1 %. Pour un patient donné, la face palmaire de la main représente 1 % de la SCT et peut être utilisée comme un instrument approximatif de mesure. La règle des neuf s'applique uniquement aux adultes. Les brûlures de deuxième degré qui atteignent moins de 15 % de la SCT et épargnent le visage, les mains, les pieds et le périnée ainsi que les brûlures de troisième degré qui atteignent moins de 2 % de la SCT sont considérées comme mineures et peuvent presque toujours être traitées en ambulatoire. Les brûlures moins étendues chez les sujets à risque (enfants et personnes âgées) sont en revanche plus graves et nécessitent une évaluation individuelle. Dans les centres hospitaliers spécialisés, le recours aux tables de Lund et Browder permet une évaluation plus précise, et adaptée aussi aux enfants, en prenant en compte les différences de proportions anatomiques entre l'adulte et l'enfant. Ces tables énoncent les mesures des régions affectées par rapport au pourcentage de la surface totale du corps, en fonction de l'âge. Ainsi, on peut mesurer de façon assez précise l'étendue d'une brûlure pour chacun des groupes d'âge. On voit par exemple que l'atteinte de la tête et du cou qui représente 9 % chez un adulte en représente 19 % chez un enfant de moins d'un an. L'approximation de l'étendue des brûlures par ces différentes règles suffit pour guider la réanimation hydroélectrolytique initiale.

Le siège de la brûlure. Il doit être décrit avec soin : les brûlures de la face, la présence de suies dans les narines et la bouche, la disparition des poils du nez doivent faire suspecter une atteinte respiratoire dont la décompensation peut être brutale. Les brûlures proches des orifices naturels font craindre des complications infectieuses...

L'évaluation des autres critères de gravité. La brûlure thermique est une plaie aiguë particulière qui entraîne une série de réactions locales dont la caractéristique est de cicatriser en laissant, comme les brûlures chimiques, des complications secondaires spécifiques : hypertrophie cicatricielle et congestion (accumulation sanguine dans la région cicatricielle). La détermination exacte de l'agent causal d'une brûlure chimique est fondamentale. Le caractère acide ou basique de l'agent causal, son degré de corrosion (concentration et masse molaire), sa nature, la longueur du temps d'exposition doivent être déterminés dès l'arrivée du patient. Dans le cas des brûlures électriques, les caractéristiques du courant sont à prendre en considération.

L'un des problèmes essentiels reste l'appréciation de la profondeur de la brûlure lors de l'examen initial. S'il est facile d'affirmer les caractéristiques d'une brûlure du premier degré (érythème, absence de phlyctènes), ou encore la carbonisation d'une brûlure du troisième degré, il est plus difficile de distinguer le deuxième degré profond du deuxième degré superficiel. On retient qu'une lésion rouge vif, très douloureuse au contact avec la compresse, se recolorant après pression au doigt et peu cartonnée témoigne d'un deuxième degré superficiel. Une lésion plus infiltrée, d'aspect rouge moins uniforme, sans décoloration à la vitropression, parsemée de zones blanchâtres, moins douloureuses au toucher, témoigne d'un deuxième degré profond. Enfin, le troisième degré se présente comme une zone cutanée intégralement blanche, dure, cartonnée et insensible.

Différents paramètres ont une valeur pronostique fiable. L'indice de Baux se calcule en additionnant l'âge de la victime et le pourcentage de surface corporelle brûlée. L'unité de brûlure standard (USB) prend en compte la profondeur des lésions. Décrit par Sachs et Watson, il se calcule en additionnant le pourcentage de superficie corporelle brûlée à trois fois celui atteint au troisième degré. Mais le diagnostic initial de profondeur étant malaisé, cet indice est surtout fiable pour une évaluation rétrospective de la gravité. Le thermal injury organ failure score (TIOFS) de Saffle est un score prédictif de survenue de défaillances multiviscérales (atteintes d'organes). L'indice le plus utilisé est l'abbreviation burn severity index (ABSI) de Tobiasen, qui tient compte de l'âge, du sexe, de la superficie et de la profondeur des lésions ainsi que de l'atteinte pulmonaire éventuelle.

PRISE EN CHARGE DU BRÛLÉ

Un brûlé est une victime qui a perdu tout ou partie de sa peau, ce qui l'expose à un état inflammatoire aigu ou choc, et à une situation d'écorché vif. Les problèmes généraux qui dominent sont ceux de thermorégulation, d'hypermétabolisme avec dénutrition, d'immunodépression. Ils seront résolus dès lors que la couverture du brûlé se sera faite, soit par cicatrisation, soit chirurgicalement (greffes). Le malade doit être placé dans un environnement de réanimation polyvalente pour que soient assurés une prise en charge respiratoire, métabolique, infectieuse et nutritionnelle et un environnement de chirurgie pour les interventions et les pansements.

Premiers soins. Ils visent à prévenir les complications immédiates et à préserver le pronostic vital à court et à moyen terme. Le patient souffre d'un choc hypovolémique, d'une dette en oxygène majorée par une éventuelle lésion respiratoire associée, d'hypothermie, de douleurs intenses, voire d'une détresse respiratoire. Chacun de ces paramètres impose des soins de réanimation, le traitement local de la brûlure demeurant alors au second plan. Les premiers secours visent à interrompre l'exposition de la victime à l'agent brûlant. Localement, il faut refroidir la brûlure avec de l'eau (15 minutes à 15 °C environ) afin de prévenir l'aggravation des lésions en profondeur. La température de l'eau lors des manoeuvres de refroidissement doit être bien contrôlée, surtout en cas de brûlures étendues chez l'enfant ou le sujet âgé afin d'éviter tout risque d'hypothermie iatrogène secondaire. En effet, l'hypothermie est redoutable chez un grand brûlé. Il faut enlever les vêtements imprégnés de liquides brûlants ou d'agents chimiques acides ou caustiques. Il n'est pas indiqué d'ôter les vêtements brûlés, surtout s'ils adhèrent aux lésions. L'enveloppement de la victime par des champs stériles, puis dans une couverture d'isolation thermique, ne s'accompagne d'aucune application de topique. Cependant, l'application de pansement hydrogels ou de compresses de « cooling » (type Brulstop) ont un effet rafraîchissant pouvant être apprécié.

La réanimation hydroélectrolytique doit être précoce. Deux voies veineuses périphériques sont posées, en zone saine de préférence. La pose d'une voie veineuse centrale est réalisée en cas d'échec de l'abord périphérique, la fémorale étant alors la veine profonde la plus accessible. Le prélèvement sanguin pour doser l'oxyde de carbone précède l'oxygénothérapie. L'apport électrolytique est effectué avec des cristalloïdes de type Ringer lactate. Il doit être constant. Un état de choc persistant malgré un apport en cristalloïdes adéquat justifie l'administration de colloïdes non protéiques de type hydroxyéthylamidon. La réanimation respiratoire réside dans l'oxygénothérapie par masque à haute concentration, le traitement d'une intoxication oxycarbonée éventuelle. En cas de détresse respiratoire clinique, de brûlures graves du visage et du cou et de troubles de la conscience, on procède à une intubation endotrachéale.

En ce qui concerne la douleur, les antalgiques de niveaux 1 et 2 sont le plus souvent insuffisants et on a recours aux morphinomimétiques, auxquels on ajoute parfois de faibles doses de benzodiazépines à visée anxiolytique.

Le transport du patient (en centre spécialisé dès lors qu'il présente des brûlures profondes sur plus de 10 % SC, des lésions respiratoires suspectées, des brûlures au visage, aux mains, au regard des articulations), s'effectue dans un habitacle sanitaire chauffé entre 25 et 33 °C. Le brûlé est immobilisé en prévenant les compressions prolongées. Les soins visent à maintenir les apports hydroélectrolytiques et entretenir la sédation et le contrôle de la douleur. Le monitorage comprend l'électrocardioscope, l'oxymétrie pulsée, la pression artérielle non invasive et la température centrale.

Conditions de prise en charge au centre. La qualité de la prise en charge des brûlés, c'est-à-dire la prévention de leurs séquelles passe par la mise en commun, dès la phase aiguë, de compétences cliniques complémentaires extrêmement spécifiques de la part de réanimateurs, de chirurgiens, de dermatologues, d'infirmières, de rééducateurs, d'ergothérapeutes, de nutritionnistes, de psychiatres, de psychologues, d'assistantes sociales, tous spécialisés ou sensibilisés à ce traumatisme particulier qu'est la brûlure. Les centres de traitement de brûlés constituent des lieux où sont concentrés les moyens matériels et humains indispensables à une prise en charge bien spécifique. Le patient est hospitalisé dans une chambre dont il ne sortira que rarement : pour aller au bloc opératoire, en radiologie, en balnéothérapie, pour changer d'unités de soins ou pour sortir. Tous les moyens sont déployés pour prévenir les infections nosocomiales. Tous ceux d'un service de réanimation sont mis en oeuvre dans cette chambre où le patient est anesthésié et pansé plusieurs fois par semaine. L'équipement du patient comprend l'oxygénothérapie, la pose d'une voie veineuse centrale à double lumière, un cathéter artériel pour le monitorage de la pression artérielle sanglante et les prélèvements pour examens biologiques, un sondage urinaire, un oxymètre de pouls, un électrocardioscope, deux capteurs de température, une sonde gastrique à double courant.

Remplissage vasculaire. Différents protocoles sont disponibles, basés sur les perfusions de Ringer lactate ou de colloïdes. Si l'état de choc perdure, les catécholamines (dobutamine, voire adrénaline) sont administrées. L'élimination de la surcharge hydride est assurée par des injections de diurétiques thiazidiques.

Réanimation respiratoire. En cas de survenue ou de contexte évocateur de lésions respiratoires primitives, une fibroscopie bronchique précoce est réalisée. Si ces lésions sont modérées, des aérosols et des soins de kinésithérapie peuvent être proposés. S'il faut envisager une ventilation mécanique de longue durée, on réalise parfois une trachéotomie percutanée.

Prise en charge de la douleur. Elle concerne les douleurs de fond et les douleurs dues aux gestes ponctuels, comme ceux de la réfection d'un pansement. La morphine est l'antalgique opiacé de référence. L'administration continue concomitante de midazolam et de fentanyl permet de soulager douleur et anxiété. Un accompagnement psychologique est nécessaire pendant toute la durée des soins.

Nutrition artificielle. Elle revêt toute son importance puisque le métabolisme du brûlé grave peut augmenter de 100 à 150 % de sa valeur de base. Pour les patients les plus sévèrement atteints, on recommande la mesure régulière de la dépense énergétique de repos par calorimétrie indirecte et un apport nutritionnel correspondant à 1,2 à 1,3 fois la dépense mesurée. En l'absence de mesure, on utilise la formule de Curreri qui préconise un apport de [(40 x % SC brûlée) + 25 x poids (kg)]. L'apport nutritionnel adapté est justifié tout au long de la réanimation d'un brûlé grave : elle permet de prévenir la dépression immunitaire, de faciliter la cicatrisation.

Prévention de l'infection. Sur le plan infectieux, il faut tenir compte d'une évolution en deux phases : le malade est tout d'abord stérile (stérilisé par le feu), puis il est colonisé par voie exogène et par voie endogène à partir de sa peau non brûlée, de ses orifices et de son tube digestif. La lutte contre les infections nosocomiales prend ici toute son importance. Le pansement inclut des topiques antimicrobiens qui visent à limiter la prolifération bactérienne locale. Toute antibiothérapie systématique est proscrite afin de limiter l'incidence secondaire des infections nosocomiales par bactéries multirésistantes.

Traitements locaux. L'atteinte cutanée pose des problèmes spécifiques : celui de la couverture qui doit être réalisée rapidement afin de reconstruire une barrière cutanée, celui du contrôle de la rétraction de la peau qui peut sur de grandes surfaces atteignant les mains, le visage, les articulations, avoir des conséquences fonctionnelles graves et celui de la prévention de l'hypertrophie de la cicatrice (évolution cicatricielle anormale avec peau épaissie, rouge et contractée). En phase aiguë, la rétractation est traitée par immobilisation en extension cutanée maximale par des orthèses statiques n'induisant aucun mouvement et par alternance de postures et de mobilisation douces. L'hypertrophie cicatricielle est prévenue par la compression précoce à l'aide de bandages légèrement serrés, ne compromettant pas l'épidermisation. L'excision-greffe est le traitement de choix des brûlures profondes étendues. L'autogreffe conventionnelle consiste à prélever superficiellement en zone saine, une ou plusieurs bandes de peau et à en recouvrir les brûlures profondes après ablation des tissus nécrotiques. Enfin, le prélèvement précoce d'une biopsie cutanée permet de débuter dans les meilleures délais des cultures d'épiderme autologues. Les progrès des traitements ne garantissent pas la disparition de toute trace de la brûlure initiale. Outre la chirurgie réparatrice, la prise en charge des séquelles se fait par des traitements dermatologiques, la kinésithérapie, l'ergothérapie, les traitements de compression, les cures thermales, le suivi et l'aide psychologique.

À la phase de rééducation (récupération de la fonction et du mouvement), succède celle de réadaptation à la sortie du centre, le malade étant alors suivi en externe. Il sort avec des vêtements compressifs qu'il doit porter 23 heures sur 24, pendant 14 à 24 mois, ce qui est une lourde contrainte, indispensable pour contenir l'hypertrophie de la cicatrice. Les patients atteints au visage portent un conformateur facial, sorte de masque destiné à comprimer l'hypertrophie et à assurer l'étirement de la peau.

Le grand brûlé est donc un patient lourd qu'il faut maintenir dans un état physique et moral lui permettant de supporter une longue prise en charge et des séquelles esthétiques et fonctionnelles parfois pénibles. Tout ceci plaide en faveur de l'intensification des campagnes de prévention.

Chiffres

On dénombre 400 000 à 500 000 brûlures en France chaque année, parmi lesquelles 150 000 à 200 000 sont invalidantes. 15 000 à 20 000 nécessitent une hospitalisation (2 500 dans des centres de grands brûlés). Les brûlures sont responsables de 1 000 décès par an. Les brûlures sont d'origine thermique dans 93, 7 % des cas (origine domestique pour la moitié d'entre elles chez l'adulte) ; électrique dans 2, 3 % de cas ; chimique dans 2, 5 % des cas, par irradiation ou mécanique dans 1, 5 % des cas.

Brûlures chez l'enfant

Il s'agit d'un véritable problème de santé publique. 70 % des brûlures chez l'enfant sont des accidents domestiques par ébouillantement. La mortalité est d'environ 1 %, essentiellement due aux infections et complications métaboliques externes. Les brûlures électriques sont de surface réduite mais profondes, à indication chirurgicale le plus souvent : leur indolence ne doit pas rassurer. Toute brûlure dépassant 5 % de la surface corporelle totale relève du milieu hospitalier.

La peau est un organe

La peau est plus qu'un mince revêtement qui maintient l'organisme. C'est une structure qui accomplit des tâches essentielles à la survie : maintien de la température corporelle ; protection contre l'abrasion, les invasions bactériennes, la déshydratation, les rayons UV ; perception, excrétion, immunité, réservoir sanguin, synthèse de vitamine D. La peau est l'un des organes les plus importants du corps, couvrant chez l'adulte environ deux mètres carrés. Sur le plan structural, elle comprend deux parties principales. La partie superficielle, l'épiderme, est mince et composée d'un épithélium, dont 90 % des cellules sont des kératinocytes aidant à imperméabiliser et à protéger la peau et les tissus sous-jacents. L'épiderme est attaché à une partie interne, le derme, tissu conjonctif qui contient des fibres collagènes et élastiques et des cellules telles que les fibroblastes, les macrophages et les adipocytes. Sous le derme, se trouve le tissu sous-cutané ou hypoderme.

Trois problèmes majeurs

L'organisme d'un sujet atteint de brûlure grave se trouve confronté à un triple problème : la fuite massive de plasma qui apparaît dès les premières minutes après la brûlure étendue, secondaire à une augmentation de la perméabilité des vaisseaux dans les territoires brûlés, la dénutrition due à l'augmentation considérable du métabolisme (emballement du moteur cellulaire) et l'infection en raison de l'absence de barrière cutanée et de la dépression immunitaire qui l'accompagne.

Les centres de brûlés en France

La France jouit d'une très bonne réputation internationale en matière de prise en charge des brûlés. Ce pays fut le premier à se doter, dans les années 1950, de centres de traitements des brûlés, répartis sur l'ensemble du territoire.

Bordeaux : hôpital Pellerin

Clamart : hôpital d'instruction des armées Percy

Freyming-Merlebach : centre hospitalier

Lille : hôpital Roger-Salengro

Lyon : hôpital Édouard-Herriot, CH Saint-Joseph-Saint-Luc

Marseille : hôpital Nord, hôpital de la Conception

Metz : hôpital du Bon-Secours

Montpellier : hôpital La Peyronie

Nancy : centre hospitalier de Vandoeuvre-lès-Nancy

Nantes : CHU Jean-Monnet

Paris : hôpital Cochin, hôpital Saint-Antoine, hôpital Trousseau

Poitiers : CHU Jean-Bernard

Suresnes : hôpital Foch

Toulon : hôpital des armées Sainte-Anne

Toulouse : CHU Rangueil, hôpital Purpan

Tours : hôpital Trousseau (Chambray-lès-Tours), hôpital Gatien-de-Clocheville

DOM : CH de Saint-Denis-de-la-Réunion

CHRU de Pointe-à-Pitre

CHU Le Meynard de Fort-de-France

La baignoire du brûlé

L'hygiène de la baignoire doit tenir compte d'un risque très particulier de contamination sanguine d'un malade à l'autre. Une gestion rigoureuse s'impose : nettoyage interne et externe, rinçage et utilisation d'une solution désinfectante virucide. Non utilisée, la baignoire reste remplie d'une solution désinfectante, elle est vidée et rincée avant tout usage. Une baignoire de brûlé contient entre 500 et 700 litres d'eau. Plusieurs remplissages sont nécessaires lors d'un seul pansement au cours duquel le malade est rincé et douché. Souvent, c'est l'eau de ville qui est utilisée sans aucun stockage intermédiaire, réchauffée à 35-37 °C juste avant son émission par un système d'échangeur thermique. L'adjonction d'antiseptiques lors des bains est systématique (chlorhexidine, eau de Javel ou produits iodés). Les flexibles et pommeaux de douche doivent être autoclavés, les lavabos chirurgicaux pourvus de filtres à 20 µm et parfois de préfiltres et équipés de commande à pied.