Entre vérité et savoir - L'Infirmière Magazine n° 173 du 01/07/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 173 du 01/07/2002

 

CANCER

Actualités

Les notions de « vérité » et de « savoir » à l'égard des soignants en cancérologie furent l'objet d'une conférence d'Eurocancer en juin dernier. La « vérité » est définie par Le Petit Robert comme « ce à quoi l'esprit peut et doit donner son assentiment, par suite d'un rapport de conformité avec l'objet de pensée. » Cette définition souligne une nuance essentielle : une vérité (l'idée de ce qui est vrai) n'a de sens que par rapport à son objet. Le cancérologue est souvent torturé par la question suivante : « Dois-je dire mon diagnostic au patient ou dois-je le lui cacher ? » Ainsi, Marc Espié (oncologue, directeur du Centre des maladies du sein à l'hôpital Saint-Louis, Paris) est confronté quotidiennement à des questions du type : « Docteur, quelles sont mes chances ? » Sa réponse est invariablement la même : les réponses statistiques sont fausses à un niveau individuel.

Cas par cas.

La volonté de savoir des patients fluctue avec la maladie et son déroulement, la meilleure solution est donc de s'adapter au cas par cas. Anne Joos, psychanalyste, se réfère à Jacques Lacan. Comment savoir sans tout savoir, et un « savoir tout » qui agit comme une clôture plutôt qu'une ouverture est-il envisageable ? Un diagnostic n'est jamais un « savoir tout » ou un « tout savoir ». Un savoir d'expert ne peut apporter une réponse sur la fin de l'existence qui pourrait aider le sujet malade. Emmanuel Hirsch, philosophe et directeur de l'espace éthique de l'AP-HP, soulève une multitude de questions sur ces deux notions. L'annonce d'un diagnostic doit-elle être accueillie telle quelle ? La part de savoir que détiennent les soignants n'est-elle pas une vérité factuelle sur la maladie, souvent incertaine et abstraite a priori ? Pour lui, le débat ne porte pas sur la transmission du savoir mais sur les modalités et les objectifs en fonction desquels il faut transmettre le savoir. Marie-Josée Del Volgo, psychanalyste, rejoint Emmanuel Hirsch sur ce point en citant l'expression fameuse du chirurgien René Leriche : « La maladie du médecin n'est pas la maladie du malade. » Il ne s'agit donc pas de délivrer un savoir exact sur la maladie mais de permettre l'émergence d'une vérité subjective du malade sur sa maladie.