La rééducation périnéosphinctérienne - L'Infirmière Magazine n° 173 du 01/07/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 173 du 01/07/2002

 

Cours

Prescrite dans le traitement de l'incontinence urinaire non neurologique de la femme, la rééducation périnéosphinctérienne est plus efficace lorsqu'elle est précédée d'un bilan urodynamique. Il permet de poser un diagnostic sur le mécanisme du trouble mictionnel.

L'incontinence urinaire féminine est un trouble fréquent, même chez la femme jeune : il concerne plus d'une femme sur trois et survient dans 12 % des cas avant 30 ans (cf. encadré p. IV), avec une grande fréquence dans le post-partum. 80 % des femmes concernées par un problème d'incontinence présentent une incontinence d'effort ou par impériosité, voire mixte (cf. encadré p. V). Lorsque les données cliniques suggèrent ce type d'incontinence, un bilan urodynamique est généralement prescrit, pour déterminer les mécanismes en cause et orienter avec précision la prise en charge rééducative.

Définition

L'exploration ou bilan urodynamique (BUD) consiste à réaliser différents examens manométriques (mesure des pressions) au niveau du bas appareil urinaire (vessie, urètre). L'étude de ces mesures permet de comprendre le mécanisme physiopathologique des troubles vésicosphinctériens et de disposer d'un faisceau d'arguments étiopathogéniques, pronostiques, évolutifs et thérapeutiques. « Toutefois, précise le Dr Gérard Amarenco, service de rééducation neurologique et d'explorations périnéales (hôpital Rothschild, Paris), ces investigations ne peuvent jamais se substituer à l'examen clinique pour la détermination diagnostique et thérapeutique. » En présence d'une IUE, il est généralement pratiqué avant la mise en oeuvre d'une rééducation périnéosphinctérienne, car il apporte des éléments de compréhension permettant de cibler le schéma de la rééducation. Plus rarement pratiqué après la rééducation, il peut être utile pour en mesurer les effets, et envisager d'autres solutions thérapeutiques.

Conditions de réalisation

L'exploration se pratique à tout âge, chez l'enfant comme chez le sujet âgé des deux sexes. Elle nécessite l'introduction d'une sonde vésicale équipée de capteurs de pression par l'intermédiaire desquels sont effectuées les différentes mesures. Cette sonde est reliée à un ordinateur qui enregistre les informations et permet de visualiser les résultats en temps réel. L'examen est peu ou pas douloureux et dure environ une heure. Acte médical, le BUD peut, dans certains cas, être délégué à l'infirmière sous la responsabilité du médecin. « Certains examens tels que ceux réalisés dans le cadre d'une incontinence urinaire d'effort du post-partum par exemple, sont parfaitement protocolisés et peuvent être conduits, en présence du médecin, par une infirmière préalablement formée, indique le Dr Amarenco. Mais l'établissement de procédures "stéréotypées" n'est pas toujours possible et en fonction des cas, on peut être amené à hiérarchiser différemment les examens, voire les modifier "sur l'instant" ou les approfondir, ce qui relève uniquement du médecin. » Cela dit, si la délégation de l'acte aux infirmières est circonscrite à des cas précis, leur participation active est sollicitée dans tous les cas, comme en témoigne Marie-Josée Poulain, infirmière depuis 15 ans dans le service de consultation urologique et de bilan urodynamique du CHR d'Orléans. « Lorsqu'un bilan urodynamique est prescrit, explique-t-elle, le médecin me présente le patient à l'issue de sa consultation et me charge de programmer le rendez-vous et de m'assurer que tous les éléments d'information éthiquement et "médicolégalement" indispensables lui ont été apportés et ont été compris(1). Je reviens sur les raisons qui amènent le médecin à prescrire cet examen (préciser le mécanisme des troubles urinaires) et sur le déroulement de l'examen, les précautions à observer et les risques (essentiellement infectieux) encourus au décours de l'examen. Je lui indique, entre autres, qu'il doit avoir envie d'uriner à son arrivée mais ne doit pas avoir la vessie pleine au risque de distendre excessivement la fibre musculaire du détrusor (2), d'empêcher sa contraction et de fausser les résultats. Je lui recommande de boire préalablement à l'examen deux verres d'eau et surtout de ne pas uriner dans l'heure qui précède sa réalisation. Un ECBU est prescrit par le médecin afin d'écarter la présence d'une infection urinaire contre-indiquant temporairement l'examen(3).

Ce contrôle préalable est important chez les femmes car elles présentent fréquemment des infections urinaires asymptomatiques qui peuvent, lorsqu'elles ne sont pas dépistées, créer une instabilité vésicale artificielle liée à l'infection. Je vérifie par ailleurs que le patient ne présente pas d'allergie aux désinfectants locaux ou au latex (gants). » Une couverture antibactérienne préventive peut être prescrite en raison d'un risque possible mais rare d'infection urinaire consécutif à l'exploration. En l'absence de consensus, elle est laissée à l'appréciation du médecin et peut précéder ou suivre l'examen.

L'exploration urodynamique

L'exploration comprend plusieurs types d'examens manométriques : la cystomanométrie (ou cystométrie), la sphinctérométrie encore appelée urétromanométrie ou profilométrie et la débitmétrie. Ils peuvent être associés à un examen électrophysiologique du périnée chargé d'évaluer l'aspect fonctionnel du sphincter et d'objectiver d'éventuelles composantes neurogènes dans la genèse des troubles.

La débitmétrie. Elle renseigne sur la qualité de la miction en quantifiant le débit urinaire maximal et moyen ainsi que le volume et la durée de la miction. L'emploi d'une chaise de mesure percée (à disque rotatoire ou à pesée électronique) permet de mettre la patiente dans une position physiologique. Dans certaines unités, le débitmètre est isolé, ce qui facilite la miction. Dans d'autres, il est installé dans la salle d'examen et la présence du technicien peut occasionner un blocage et rendre la miction impossible. « J'attache personnellement beaucoup d'attention à cet aspect psychologique, explique Marie-Josée Poulain, et j'essaie dès la consultation pré-bilan de mettre le patient à l'aise. De fait, sachant d'emblée que je vais sortir de la pièce durant la débitmétrie, il parvient à uriner plus facilement, ce qui permet d'obtenir une courbe de débitmétrie de bonne qualité en termes d'exploitation. » Celle-ci doit avoir une forme en cloche avec une pente ascendante importante, une zone maximum brève correspondant au débit maximal et une pente descendante rapide. Pour que la débitmétrie soit interprétable, il faut un volume mictionnel supérieur à 160 ml (il est généralement compris entre 200 et 400 ml) et un débit maximal supérieur à 12 ml/s (il est généralement compris entre 25 et 50 ml/s). La débitmétrie permet d'objectiver la présence d'une dysurie ou d'une baisse du débit urinaire dont le mécanisme physiopathologique ne peut être déterminé que par un monitorage des pressions endovésicales simultané à l'enregistrement débitmétrique. Il peut s'agir d'un défaut de contractilité vésicale, d'une obstruction cervico-urétrale ou encore d'une instabilité vésicale. Une fois la débitmétrie terminée, le patient est installé selon l'opérateur, en décubitus dorsal, en position assise, gynécologique ou debout pour la réalisation de la cystomanométrie.

La cystomanométrie. Elle mesure les pressions intravésicales aux différents temps de l'activité vésicale. Si l'examen n'a pas été précédé d'une débitmétrie, il convient, conformément à la méthodologie définie par la Société internationale francophone d'urodynamique (Sifud), de faire uriner le patient et de mesurer le résidu par sondage. L'examen débute par un sondage vésical réalisé avec une sonde jetable à double ou triple canal positionnée par voie transurétrale rétrograde. Selon les cas, une sonde rectale et vaginale peuvent éventuellement être mises en place. Une fois la tubulure de perfusion purgée et les capteurs de la sonde mis à zéro, la tubulure est raccordée à la sonde et le remplissage de la vessie commence. Le débit moyen de remplissage est généralement inférieur ou égal à 50 ml/mn et peut être compris entre 20 ml/mn (vessie neurologique) et jusqu'à 100 ml/mn si tous les paramètres sont normaux. Le liquide de remplissage doit être un produit neutre non irritant (eau stérile, sérum physiologique). Le sérum physiologique encrasse plus volontiers les tubulures mais cela ne présente guère d'inconvénient puisque le matériel est à usage unique. Les pressions vésicales sont mesurées au cours du remplissage puis au repos et à l'effort. « Différents paramètres sont analysés, commente le Dr Amarenco : la sensibilité détrusorienne (perception par le patient de la chronologie normale des différents besoins mictionnels)(4), la compliance vésicale (capacité de la vessie à s'adapter au remplissage)(5), la capacité vésicale fonctionnelle et surtout l'activité du détrusor en situation de remplissage à l'effort et au stress (bruit d'eau) ainsi que l'existence de contraction survenant à faible volume (moins de 200 ml) et supérieure à 15 cm d'eau, définissant l'hyperactivité vésicale. » L'arrêt du remplissage intervient dès l'apparition d'un besoin impérieux, d'une hypertonie vésicale avec ou sans fuite, de douleurs ou des manifestations dysautonomiques. La sonde est fixée à la cuisse et le patient doit uriner. Les pressions s'exerçant alors dans la vessie sont enregistrées, ce qui renseigne sur la contraction vésicale. Plusieurs anomalies peuvent être mises en évidence par la cystomanométrie :

- l'instabilité vésicale : dans ce cas, les variations de pression sont supérieures à 15 cm d'eau lors du remplissage et la première sensation de besoin apparaît précocement (< à 150 ml de remplissage) ;

- l'hypertonie vésicale : la pression de la vessie à vide est élevée et augmente rapidement au remplissage. Elle est associée à une première sensation de besoin précoce ;

- l'atonie vésicale : la pression de la vessie à vide est basse et reste inférieure aux normes au cours du remplissage. La première sensation de besoin est tardive et la capacité vésicale augmentée.

Sphinctérométrie ou profilométrie. Cette étape du bilan a pour but d'évaluer l'efficacité des sphincters urétraux par l'étude des résistances statique et dynamique de l'urètre lors du retrait progressif de la sonde depuis la vessie jusqu'au méat urétral. Elle comprend l'examen sphinctérométrique (profil urétral) et l'urétromanométrie. L'examen sphinctérométrique permet l'évaluation des pressions de clôtures urétrales. « La pression urétrale de clôture est le paramètre fondamental permettant de dépister une insuffisance sphinctérienne, explique le Dr Amarenco. Après avoir mesuré la pression de clôture au repos, les tests dynamiques permettent de chiffrer le ratio de transmission des pressions vésicales à l'urètre lors d'efforts de toux successifs et d'analyser la composante active de la continence urinaire en dépistant notamment une fatigabilité sphinctérienne à l'effort. L'étude de ce ratio est souvent utilisée dans l'expertise diagnostique et thérapeutique des incontinences urinaires à l'effort de la femme. »

Chez une femme de 35 ans par exemple, la pression de clôture normale théorique est de 68 cm d'eau. Des mesures nettement en deçà (35 cm d'eau par exemple) témoigneront d'une insuffisance sphinctérienne : le sphincter ne se contracte pas suffisamment pour opposer une résistance en cas d'efforts musculaires augmentant la pression intra-abdominale. Reproduites à l'effort, ces mesures permettent d'évaluer le degré de transmission entre vessie et urètre proximal. En situation normale, la transmission est parfaite et le rapport des pressions vésicale et urétrale ne varie pas. Des variations importantes signifient qu'il existe un défaut de transmission, le plus souvent lié à une incontinence urinaire d'effort, d'origine mécanique. Toutefois, si la reproductibilité de l'examen, sur plusieurs mesures, effectuées dans une même séance, est bonne, en revanche, les études portant sur la reproductibilité de cette technique en fonction de l'intensité de la toux, du lieu de calcul (urètre proximal ou distal) et des profils successifs, mettent le plus souvent en évidence une mauvaise reproductibilité à distance de cette technique pour un même examinateur et entre examinateurs différents. Raison pour laquelle de nombreuses équipes, notamment anglo-saxonnes, lui préfèrent l'étude quantitative fonctionnelle des résistances sphinctériennes urétrales par l'analyse du Leak Point Pressure lors de la manoeuvre de Vasalva (cf. encadré ci-contre). L'urétromanométrie permet d'étudier en continu les résistances urétrales au cours du retrait progressif de la sonde depuis la vessie jusqu'au méat urétral et de dépister une instabilité urétrale. La pression urétrale maximale constitue le paramètre essentiel. Toute élévation supérieure à la valeur de référence (PU = (106 - âge) +/- 20 %) définit l'hypertonie urétrale, toute diminution, l'hypotonie urétrale ou insuffisance sphinctérienne.

L'exploration électrophysiologique du périnée. « Cet examen permet d'explorer les différentes voies neurologiques végétatives et somatiques, motrices et sensitives, proximales et distales, impliquées dans le contrôle des fonctions vésicosphinctériennes, anorectales et génitosexuelles, note le Dr Amarenco. Il constitue un examen complémentaire important dans la mise en évidence d'une atteinte neurologique au cours des troubles urinaires, anorectaux et sexuels. » Il comprend trois explorations d'usage courant : l'électromyogramme des sphincters et des différents muscles périnéaux, l'étude des latences distales du nerf pudendal, la mesure de la latence des potentiels sacrés. Des travaux récents montrent que l'exploration électromyographique des muscles périnéaux permet de mettre en évidence des anomalies de type neurogène périphérique responsables d'une diminution des résistances du sphincter urétral lui-même en cause dans l'incontinence urinaire d'effort féminine.

Les résultats obtenus à l'issue de ces différentes mesures permettent de mieux comprendre le mécanisme des troubles urinaires, de situer le niveau de l'atteinte et d'établir une stratégie de prise en charge : rééducation et/ou médicaments et/ou chirurgie. « Qui plus est, observent Catherine Imerglik et Danièle Beladen, sages-femmes à Rambouillet, lorsqu'un travail de rééducation périnéosphinctérien s'impose, le fait de disposer d'un BUD nous permet de cerner la problématique (défaut de transmission, faiblesse sphinctérienne, instabilité vésicale, troubles mixtes...) et de cibler plus précisément le schéma de la rééducation. »

La rééducation périnéo-sphinctérienne

La rééducation périnéosphinctérienne est proposée en première intention aux femmes présentant une incontinence d'effort ou mixte. En moyenne, 15 à 20 séances sont prescrites et peuvent être reconduites si l'amélioration constatée par la patiente et le thérapeute justifie de poursuivre le traitement. La rééducation présente l'intérêt d'être dépourvue d'effets secondaires et de ne recourir aux techniques plus invasives qu'en cas d'échec. L'adhésion de la patiente est indispensable car ce type de traitement réclame sa participation active et parce qu'elle devra à plus long terme entretenir seule le travail et les résultats obtenus. Il est donc très important de rassurer les patientes et de dédramatiser les situations pour les mettre en confiance. « Mais surtout, précise Danièle Beladen, il faut insister sur l'information pédagogique de la patiente qui doit s'attacher à décrire l'anatomie de l'appareil périnéo-sphinctérien afin que la femme visualise et comprenne le fonctionnement de son anatomie qu'elle connaît généralement très mal. » Cette approche anatomique est importante pour aider la patiente à agir volontairement sur les zones défaillantes dont elle est en mesure de contrôler le fonctionnement avec l'aide du thérapeute ou de la sonde en fonction des différentes techniques de rééducation employées.

Techniques de rééducation

La rééducation périnéosphinctérienne fait appel à plusieurs techniques généralement associées au cours du traitement.

Le travail manuel intravaginal des muscles du plancher pelvien. Cette technique permet au rééducateur de localiser la zone de contraction des faisceaux musculaires et d'évaluer la qualité de la contraction. Elle repose sur un travail manuel intravaginal et constitue une méthode de rééducation en soi. « Personnellement formée à la rééducation CMP (connaissance et maîtrise du périnée)(6), je commence toujours ce travail par une étape de connaissance théorique de l'anatomie suivie d'une connaissance par le toucher vaginal, explique Danièle Beladen. À l'aide d'un bassin reconstitué en résine, je situe tout d'abord les différentes parties osseuses (pubis, ischions, coccyx, sacrum), l'urètre, l'anus, la vessie et l'utérus, puis les différents faisceaux musculaires du périnée afin que la patiente prenne conscience qu'il s'agit non pas d'un muscle mais d'un ensemble de plusieurs muscles qui seront sensibles à des actions différentes. Une fois la patiente installée sur la table de travail, je resitue par le toucher ces différents muscles superficiels et profonds du périnée ainsi que les petites "anomalies" que je trouve (fibrosité liée à une épisiotomie, induration, béance vulvaire, par exemple). J'évalue ensuite selon une cotation CMP de un à cinq, le bilan anatomique (tonus, tenue et fatigabilité des muscles) et les pressions à l'effort (toux) au niveau de mes doigts placés successivement à hauteur des différentes zones périnéales (urètre, vessie...). J'évalue également la perception sensitive de la patiente en lui demandant de m'indiquer si mes doigts se trouvent sur les faisceaux musculaires droits ou gauches. J'arrive ainsi à différencier les zones du périnée qui répondent bien de celles qui répondent moins ou peu, ce qui permet de cibler le travail sur les zones les plus faibles. » Ensuite, il est demandé à la patiente de « serrer l'ensemble du vagin » (certains emploient le terme « verrouiller ») sur les doigts du rééducateur placés à différents niveaux du vagin. Ce travail manuel, réalisé au repos et à l'effort, dans le cadre de la prévention des prolapsus et des pressions thoraco- abdominales à l'effort (PTAE), est particulièrement important pour s'assurer, en cours de rééducation, que la patiente, lorsqu'elle travaille seule, n'inverse pas les commandes en contractant ses muscles abdominaux au lieu des muscles périnéaux. Cette inversion de commande n'est en effet repérable que par le travail manuel. Parallèlement, il est important de veiller à l'éducation posturale (apprendre à s'asseoir et à se lever par l'intermédiaire des quadriceps et non en se penchant, ce qui provoque une poussée sur le périnée) et respiratoire des patientes (apprendre à ne pas pousser sur son périnée en expirant). Base essentielle de la rééducation périnéo-sphinctérienne, le travail manuel est généralement complété par une phase d'électrostimulation ciblée suivie d'une phase de biofeedback.

L'électrostimulation fonctionnelle. Cette technique nécessite l'emploi d'une sonde (achetée par la patiente) placée dans le vagin et chargée de transmettre des courants électriques de faible intensité ayant pour effet de provoquer des contractions musculaires (fréquence 50 Hz) ou une inhibition vésicale (fréquence 5 à 25 Hz) selon que l'on est en présence d'une insuffisance sphinctérienne ou d'une instabilité vésicale. La patiente est passive. C'est la sonde qui travaille. « En cas d'incontinence mixte, précise Catherine Imerglik, on travaille en deux temps en privilégiant au cours des premières séances la rééducation de l'instabilité vésicale en basse fréquence, la prise en charge de l'IUE intervenant dans un deuxième temps. » L'électrostimulation ne peut être utilisée en cours de grossesse, si la patiente est porteuse d'un pacemaker ou en cas d'hypoesthésie(7) périnéale.

Le biofeedback instrumental (rétrocontrôle du travail). Grâce à la sonde, la patiente visualise sur un écran d'ordinateur le travail qu'elle effectue avec son périnée. La sonde produit une microrésistance réglable que le thérapeute augmente progressivement en intensité et durée et contre laquelle la patiente doit fournir une contraction visualisée sur écran, ce qui lui permet de vérifier en temps réel les résultats (bons ou mauvais) qu'elle obtient. Une technique très efficace dans les IUE ou mixte qui, en cas de contre-indication de la sonde, peut être réalisée en feedback verbal, le rééducateur remplaçant la sonde par deux doigts intravaginaux. « En général, commente Catherine Imerglik, plus on avance dans la rééducation, plus on privilégie le travail manuel et le biofeedback. En moyenne, 15 à 20 séances sont nécessaires pour obtenir des résultats tangibles. Il est important de préciser qu'elles doivent être suivies et rapprochées (deux séances par semaine minimum) et que les règles ne justifient pas d'interrompre le travail. »

La rééducation comportementale. Elle est basée sur une prise de conscience des délais et des fréquences des mictions mis en évidence notamment par la tenue d'un calendrier mictionnel. Elle peut être associée à des exercices du plancher pelvien et elle est particulièrement utilisée chez les femmes de plus de 55 ans.

Les cônes. Cette technique consiste à utiliser des « cônes vaginaux » (sortes de gros tampons anatomiques) de taille et de poids différents, le cône le plus fin et le plus lourdement lesté étant le plus difficile à retenir. La patiente doit contracter les muscles du plancher pelvien pour maintenir le cône en place durant une vingtaine de minutes par jour dans toutes les situations de la vie courante. Au regard des études fournies par la littérature, des réserves sont émises quant à l'efficacité de cette technique qui peut être utilisée en complément de la rééducation mais ne doit pas s'y substituer car elle nécessite un apprentissage préalable. En tout état de cause, si la rééducation périnéosphinctérienne améliore, voire guérit l'incontinence urinaire, le terrain reste fragile et il est important que les patientes prennent conscience qu'il faut entretenir les résultats obtenus par une autoprise en charge consistant à reproduire régulièrement de façon spontanée les exercices de contraction des muscles du plancher pelvien.

1- La Société internationale francophone d'urodynamique propose un exemple de notice d'information validée par son comité scientifique. Renseignements auprès du Dr Amarenco (gerard.amarenco@rth.ap-hop-paris.fr).

2- Ensemble de la musculature de la calotte vésicale.

3- Les autres contre-indications, plus rares, sont les impossibilités techniques, telles que l'obstacle intravésical (obstacle prostatique notamment).

4- En principe, la première sensation de besoin apparaît après 150 à 200 ml de remplissage sans augmentation de la pression intravésicale. Le besoin pressant apparaît vers 300 ml et le besoin urgent (capacité maximale de la vessie) entre 400 et 500 ml.

5- La compliance vésicale est définie par le rapport entre la variation du volume vésical et la variation de la pression intravésicale. Elle est comprise entre 30 et 50 ml/cm d'eau.

6- Méthode de rééducation du périnée mise au point par une sage-femme, Dominique Trinh Dinh.

7- Diminution de la sensibilité due à un trouble de l'innervation sensitive.

Prévalence de l'IU chez la femme

Selon une étude conduite en France en 1992(1) par des médecins généralistes, sur un total de 2 911 femmes, 37 % d'entre elles présentent des troubles urinaires. Parmi ces femmes, 77 % ont des fuites à l'effort, 57 % des fuites par impériosité et 35 % des fuites spontanées. Une femme sur cinq présente les trois troubles associés. 12 % des femmes ont moins de 30 ans, 31 % entre 31 et 50 ans, 36,6 % entre 51 et 70 ans et 20,4 % plus de 70 ans. Alors que 13 % des patientes sont gênées en permanence, 34 % dans les activités de la vie quotidienne, 12 % dans la vie professionnelle et 11 % dans la pratique d'un sport, seulement 1,6 % des femmes interrogées consultaient déjà pour leur incontinence au moment de l'étude.

1- Source : Anaes, février 2000.

Les différentes formes d'incontinence

Il existe cliniquement trois formes d'incontinence :

- l'incontinence urinaire d'effort : elle se manifeste par la perte involontaire des urines à l'effort. Elle est liée à une insuffisance de la force de fermeture du sphincter externe qui, sous l'effet de certains efforts (toux, rire, éternuement, pratique d'un sport, saut, course, marche, port d'un enfant...) n'est pas en mesure de compenser la pression abdominale exercée par cet effort. La sévérité de l'incontinence reflète la gravité de l'insuffisance sphinctérienne. La déficience sphinctérienne est généralement associée à un affaiblissement fonctionnel des muscles du plancher pelvien (périnée) principalement dû aux traumatismes occasionnés par les accouchements. Environ une femme sur cinq est atteinte d'incontinence d'effort dès son premier accouchement. Lorsqu'il n'est pas pris en charge précocement, le relâchement du plancher pelvien peut engendrer des changements anatomiques de l'urètre, de la vessie ou de l'utérus (prolapsus ou descente d'organes) également impliqués dans la survenue de l'incontinence d'effort. Plus tard, la chute des estrogènes liée à la ménopause provoque une diminution de l'irrigation sanguine et de la tonicité des muqueuses responsable d'une perte d'élasticité et de fonction du périnée et du système sphinctérien. Ces dernières, associées à l'atrophie musculaire qui accompagne le vieillissement, sont susceptibles de majorer les troubles à l'effort ;

- l'incontinence par impériosité : elle se manifeste par la perte involontaire d'urine précédée par un besoin impérieux impossible à inhiber. Elle est consécutive à une instabilité vésicale liée à une hyperactivité ou une hypersensibilité de la vessie. Ces dysfonctionnements peuvent être déclenchés soit par des situations de stress psychique ou des maladies dégénératives du système nerveux central (forme motrice), soit par des irritations pathologiques de la vessie (forme sensorielle) attribuable à des infections de la vessie, des calculs rénaux ou des tumeurs ;

- l'incontinence mixte : elle associe une insuffisance sphinctérienne et une instabilité vésicale.

Méthodologie du Vasalva Leak Point Pressure

• Contre-indication : antécédent de pneumothorax.

• Non-indication : prolapsus à la vulve ou extériorisé.

• Déroulement du test :

- position : demi-assise, sur table gynécologique ;

- site du capteur : intrarectal ;

- déroulement du test : indépendant et au décours de la cystomanométrie ;

- volume de remplissage vésical : 200 ml ;

- type d'effort : poussée abdominale ;

- visualisation de la fuite : directe au méat, sondes ôtées ;

- interprétation : trois mesures (par palier).

Test positif = fuite (donner la valeur la plus basse des trois).

Test négatif = pas de fuite (donner la valeur maximale de poussée abdominale atteinte).

La formation au BUD

Indispensable, la formation au BUD peut se faire sur le terrain, dans le cadre d'un stage de 15 jours dans un service où des infirmières expérimentées pratiquent ce type d'examen (service du Pr Buzlain, CHU de Nantes, service du Pr Amarenco, hôpital Rothschild à Paris, entre autres). Il existe également un diplôme universitaire en exploration fonctionnelle urogynécologique et rééducation pelvi-périnéale ouvert aux infirmières, sages-femmes, kinésithérapeutes. Ce diplôme, dirigé par le Pr Perrigot (La Pitié-Salpêtrière à Paris) se prépare sur un an à raison de six cours d'une journée et de deux semaines de stage pratique. À l'issue de la formation, l'étudiant se présente à un examen (écrit, oral et soutenance de mémoire). Les admissions se font sur dossier (CV et lettre de motivation) à adresser au Pr Perrigot en mai/juin. La formation débute en octobre.