La diphtérie - L'Infirmière Magazine n° 174 du 01/09/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 174 du 01/09/2002

 

Cours

La diphtérie sévit sous deux formes distinctes : l'angine diphtérique et les localisations infectieuses cutanées. Malgré la vaccination large et efficace des populations dans les pays développés, cette pathologie constitue encore une menace potentielle.

DÉFINITION

La diphtérie est une maladie infectieuse causée par un bacille Gram +, le Corynebacterium diphteriæ. Certaines souches de ce bacille aérobie produisent une redoutable toxine, capable de provoquer des formes graves de diphtérie. On appelle alors ces souches Tox +, et ce sont celles que l'on retrouve généralement dans l'angine diphtérique, les atteintes des muqueuses et des voies aériennes. Les atteintes générées par la toxine diphtérique peuvent être neurologique, myocardique. Cette toxine peut aussi avoir des effets toxiques plus généraux. Par opposition, celles qui n'en produisent pas sont nommées Tox -, et sont plus volontiers retrouvées dans les formes cutanées de la maladie.

ÉTIOLOGIE

L'homme est le réservoir du bacille responsable de la diphtérie. Il existe des porteurs asymptomatiques, et des sujets sensibles au germe.

En ce qui concerne l'angine diphtérique, la contamination directe est la plus fréquente. Elle a lieu lors de contacts étroits avec l'individu porteur du bacille. Les gouttelettes de Pflüge, émises par un individu contaminant en parlant, toussant ou éternuant dans l'air environnant, pénètrent les voies aériennes et infectent les muqueuses de l'individu contaminé. Plus rarement, il peut y avoir une contamination indirecte : en effet, le Corynebacterium diphteriæ est un bacille qui peut survivre dans l'environnement durant plusieurs semaines, et être donc transmis par contact avec des objets contaminés (livres, jouets, literie...) ou des poussières colonisées.

La durée de l'incubation de l'angine diphtérique se situe généralement entre deux et cinq jours, rarement plus de huit jours.

La forme cutanée de la maladie apparaît habituellement une semaine après la lésion initiale, mais parfois l'incubation peut être réduite à un ou deux jours, ou être carrément plus longue, jusqu'à trois semaines. Plus fréquentes dans les pays tropicaux que dans les zones tempérées, elle survient généralement comme surinfection d'une lésion cutanée préexistante, principalement d'une dermatose telle que la gale, l'impétigo, l'eczéma... Elle peut également apparaître sur une lésion comme une piqûre d'insecte ou une plaie. Dans les pays industrialisés, on retrouve plus rarement ce type de diphtérie cutanée, si ce n'est dans les milieux précaires ou défavorisés. L'alcoolisme, la mauvaise hygiène, le bas niveau socioéconomique et la promiscuité sont des facteurs favorisant la diffusion et la propagation du bacille.

PHYSIOPATHOLOGIE ET SYMPTOMATOLOGIE

Dans les zones tempérées, le Corynebacterium diphteriæ atteint essentiellement les muqueuses et les voies aériennes. La symptomatologie est variable selon les individus : certains, asymptomatiques, sont des porteurs sains. D'autres ont des atteintes infectieuses localisées au niveau pharyngo-amygdalien, laryngé, nasal ou trachéobronchique. La symptomatologie est habituellement à début progressif : on décrit un mal de gorge, quelques nausées ou vomissements, une fièvre modérée, une pâleur, plus rarement une toux, une voix plus rauque que d'habitude... Rarement, il y a survenue brutale d'une diphtérie maligne associant un oedème très important de la partie antérieure du cou, des amygdales et de la luette (on appelle également cette forme clinique le « cou proconsulaire » à cause des modifications physiques du malade), des difficultés à parler, la présence d'une fausse membrane, une haleine fétide, des adénopathies cervicales, et des signes généraux marqués de toxicité.

Avant l'apparition des fausses membranes, l'angine elle-même est peu caractéristique : le fond de la gorge est rouge, avec quelques points blancs ou gris qui vont confluer en 24 heures pour former les fausses membranes d'abord blanchâtres puis plus foncées, crèmes ou grisâtres, qui s'étendent généralement au-delà des amygdales. Ces membranes, très adhérentes, parfois épaisses, peuvent saignoter à la mobilisation. Lorsqu'elles ont pour siège le nasopharynx, il y a écoulement nasal sérosanglant.

FORME CUTANÉE

La forme cutanée de la diphtérie correspond à la surinfection d'une dermatose, d'une piqûre ou d'une plaie. Il y a oedème, inflammation locale, parfois suivie d'une nécrose épithéliale. Un exsudat dense, purulent et fibreux suinte de la lésion et peut, en coagulant, former une sorte de fausse membrane au niveau de la plaie. L'action de la redoutable toxine diphtérique, émise par les souches de bacille Tox +, est double. Localement, elle engendre une nécrose dermique. Sur le plan général, elle peut être responsable d'une myocardite avec destruction tissulaire des fibres musculaires du myocarde, d'une atteinte neurologique par destruction des gaines de myéline entourant les nerfs périphériques ou au niveau du système nerveux végétatif. Elle peut atteindre enfin des organes cibles, et provoquer une nécrose du rein, du foie, des surrénales.

DIAGNOSTIC

La clinique est souvent évocatrice : la présence d'une fausse membrane caractéristique, plus ou moins épaisse, est retrouvée au niveau du pharynx, du palais, du nez ou du larynx. Mais elle est inconstante, et peut être confondue avec une infection virale ou bactérienne à streptocoque du groupe A, avec une mononucléose infectieuse, ou une candidose buccale ou laryngée. Selon le contexte (un séjour en zone d'endémie par exemple) il faut songer à la diphtérie devant des signes tels qu'une dysphagie, un oedème du cou, des adénopathies cervicales, surtout s'il existe des signes toxiques associés, comme une paralysie du voile du palais, un stridor, une modification de la voix.

La confirmation du diagnostic repose sur la mise en évidence du Corynebacterium diphteriæ sur des prélèvements rhinopharyngés, ou au niveau des lésions cutanées. La mise en culture permettra également d'effectuer un antibiogramme systématique. Les examens seront à réaliser sur milieu spécifique, et le laboratoire bactériologique spécialisé devra être informé de la suspicion diagnostique de diphtérie, et recevoir simultanément les signes cliniques, et les données épidémiologiques. Bien que constituant une urgence pour le laboratoire, cette confirmation du diagnostic de diphtérie peut nécessiter plusieurs jours. La souche de bacille sera testée sur sa capacité ou non à produire la toxine. Enfin, tout patient présentant une diphtérie cutanée doit aussi avoir un prélèvement de gorge sur milieu approprié.

ENTOURAGE

L'entourage d'un malade (tous ceux ayant été en contact avec lui dans les sept jours qui ont précédé l'apparition de la maladie) atteint par une souche Tox + devra également être testé afin de prévenir l'apparition d'autres cas parmi les proches, et de dépister les porteurs sains risquant de contaminer d'autres personnes. On effectue alors, outre une surveillance clinique visant à mettre en évidence des signes cliniques, un écouvillonnage nasal et pharyngé.

Il est souvent préconisé de conserver un échantillon du sérum congelé du patient avant toute sérothérapie, afin de pouvoir retrouver si besoin les seuils et les dosages sérologiques de référence, ce qui peut s'avérer utile dans certains cas.

TRAITEMENT

Deux axes thérapeutiques sont utilisés dans le traitement de la diphtérie : la sérothérapie et les antibiotiques.

La sérothérapie. Pour l'administration de sérum antidiphtérique, il est capital d'agir rapidement pour réduire au maximum le taux de mortalité. La décision est parfois prise avant même la confirmation bactériologique, si le diagnostic clinique est posé, tant il est important d'agir au plus vite afin de neutraliser la toxine. En effet, une fois que la toxine diphtérique a atteint ces cibles et s'y est fixée, la sérothérapie devient inefficace.

Le risque anaphylactique est important, et l'on doit s'entourer de toutes les précautions nécessaires lors des injections.

Il faut interroger le patient sur la notion de réaction allergique précédente, d'hypersensibilité connue au sérum, et effectuer un test préalable en sous-cutané ou au niveau des conjonctives de sérum dilué pour dépister toute réaction anormale. Les injections doivent être effectuées bien évidemment avec le matériel et l'infrastructure adéquate afin de pallier à un éventuel choc anaphylactique. Il est indispensable de disposer de noradrénaline en cas de réaction majeure. En France, la voie d'administration du sérum antidiphtérique est principalement sous-cutanée, mais d'autres voies, IM et IV, sont possibles selon le cas et la gravité. La posologie correspond à une dose unique quel que soit l'âge du patient, mais le nombre d'unités internationales de sérum dépend du type d'atteinte et de son siège : nasale, amygdalienne, pharyngo-laryngée. En cas de diphtérie extensive sévère, évolutive et accompagnée d'oedème important au niveau du cou, la dose de sérum nécessaire sera très importante. En ce qui concerne la forme cutanée de la maladie, les autorités médicales ne sont pas toutes unanimes sur l'utilisation du sérum antidiphtérique, car les risques de complications, plus rares dans cette forme de la maladie, sont alors comparables aux risques liés au traitement sérothérapique. Il est parfois recommandé d'attendre alors la confirmation de la souche, pour n'injecter le sérum que si le Corynebacterium diphteriæ est Tox +.

Les antibiotiques. Les antibiotiques ont un effet limité sur l'amélioration clinique du patient, mais sont essentiels pour limiter la propagation de cette maladie contagieuse. Le Corynebacterium diphteriæ est généralement sensible à la pénicilline G, à l'érythromycine, à la rifampicine (Rifadine® ou Rimactan®) ou à la clindamycine (Dalacine®), et les résistances sont très rares. `

Il est tout de même capital d'effectuer un antibiogramme. Il faut aussi s'assurer que le prélèvement de gorge se négative au cours du traitement. Les posologies sont fonction de l'âge et de la forme de diphtérie. Classiquement, chez un adulte porteur d'une angine diphtérique, la dose requise de pénicilline G (Pénicilline G Diamant® ou Pénicilline G Panpharma® par exemple) est de 3 m d'unités par jour, en IM ou en IV, à débuter immédiatement après avoir effectué les prélèvements adéquats.

Certaines équipes préconisent ensuite un relais oral, mais le traitement total devra être de 14 jours. En cas d'allergie aux bêtalactamines, on peut utiliser l'érythromycine 2 à 3 g par jour en quatre prises, par voie parentérale (Érythromycine Dakota Pharm®, Érythrocine®) ou per os (Éry® 500 Gé, Egéry® gel, Erythrogram® Gé...).

À noter qu'environ 10 % des souches de Corynebacterium diphteriæ sont résistantes à l'érythromycine. Enfin, la troisième mesure thérapeutique essentielle est l'isolement de tout patient présentant une angine diphtérique, ainsi qu'une diphtérie cutanée, tout au moins dans l'attente des résultats des études bactériologiques précisant la présence éventuelle d'une souche de Corynebacterium diphteriæ Tox +.

L'hospitalisation systématique permettra au patient de demeurer alité, au moins dans un premier temps, de recevoir un traitement efficace adapté, et enfin d'être maintenu dans un isolement strict adéquat pendant l'intégralité de son antibiothérapie.

Au décours de celle-ci, on réalisera deux prélèvements à 24 heures d'intervalle, qui devront s'avérer négatifs. Des règles drastiques de désinfection devront s'appliquer également aux objets en contact avec le patient atteint de diphtérie, pour éviter tout risque de contamination indirecte.

SURVEILLANCE

Une surveillance, notamment sur le plan cardiaque et respiratoire, doit être effectuée et un traitement symptomatique peut être nécessaire.

Lorsqu'il existe une gêne respiratoire majeure, ou une atteinte laryngée sévère, on peut être amené à pratiquer rapidement une intubation ou une trachéotomie.

On surveillera et traitera une pneumopathie associée. Les lésions cutanées ulcérées seront soigneusement désinfectées, les zones nécrotiques excisées, et les dermatoses associées seront traitées.

COMPLICATIONS ET ÉVOLUTION

Le risque occlusif des voies aériennes supérieures est la première complication de l'angine diphtérique. Cet obstacle mécanique est lié aux fausses membranes et à l'oedème, notamment en cas d'atteinte laryngée, ou chez le jeune enfant. L'obstruction se manifeste par une polypnée, une dyspnée, une cyanose, un stridor qui est un sifflement caractéristique de la gêne respiratoire. Un balancement abdomino-thoracique peut également apparaître, qui correspond à la mise en oeuvre des muscles respiratoires accessoires pour compenser l'insuffisance et l'inefficacité de la respiration.

Généralement, les complications surviennent plus volontiers au cours d'une angine diphtérique que lors de la forme cutanée de la maladie, mais pas exclusivement. Les souches de Corynebacterium diphteriæ qui sécrètent la toxine induisent des atteintes toxiques, tandis que les souches Tox - sont plutôt responsables d'atteintes systémiques.

Une atteinte neurologique peut survenir, particulièrement en cas d'atteinte grave de diphtérie. Elle est liée à l'action de la toxine diphtérique. Les signes d'atteinte bulbaire apparaissent principalement durant les deux premières semaines, de manière progressive.

On observe une gêne à la déglutition, parfois associée à une régurgitation nasale lors de l'absorption de liquide, à une modification de la voix qui devient alors nasonnée. Une paralysie du voile du palais et du pharynx sont les premiers signes de cette atteinte neurologique. Des paralysies au niveau de l'oeil peuvent ensuite apparaître (trouble oculomoteur et de l'accommodation), puis des paralysies faciales et laryngées. Une atteinte neurologique périphérique risque de débuter après trois mois.

Les premiers signes de cette atteinte sont des faiblesses au niveau des membres. Son évolution est de sévérité variable, allant du simple déficit moteur modéré à la véritable paralysie complète avec insuffisance respiratoire. Elle peut être associée à des paresthésies, c'est-à-dire des troubles de la sensibilité, au niveau des mains et des pieds. En règle générale, ces atteintes neurologiques sont spontanément régressives sans séquelles sur plusieurs semaines, mais peuvent transitoirement nécessiter une assistance respiratoire.

Autre complication parmi les plus graves de la diphtérie : une manifestation toxique au niveau du muscle cardiaque, entraînant une myocardite, qui peut aussi bien survenir au cours de la phase aiguë de la maladie, ou quelques semaines plus tard. Des destructions irréversibles des fibres musculaires cardiaques peuvent laisser de graves séquelles. D'autres dysfonctionnements cardiaques sont parfois observés, comme par exemple des troubles du rythme ou de la conduction, une endocardite, voire une insuffisance ventriculaire gauche.

Une pneumopathie est retrouvée dans la moitié des décès dus à la diphtérie. Plus rarement, il peut y avoir une encéphalite, un infarctus cérébral, une insuffisance rénale, une embolie pulmonaire, ou une septicémie.

La sévérité de la maladie dépend du statut immunologique du patient atteint. Des formes mineures, et très peu de complications s'observent chez les individus précédemment vaccinés. Les formes majeures et sévères de la maladie se retrouvent principalement chez les jeunes enfants non protégés, ainsi que chez les adultes non immunisés des zones tempérées. En l'absence de tout traitement, le taux de mortalité était en moyenne d'un tiers des malades. Grâce aux traitements, il est aujourd'hui d'environ 5 %, mais l'atout majeur pour protéger les populations reste la prévention et les mesures vaccinales.

PRÉVENTION

La prévention contre la diphtérie repose essentiellement sur la vaccination efficace des populations. En France, la vaccination antidiphtérique est obligatoire depuis 1938, mais n'a été effectivement appliquée qu'après la seconde guerre mondiale, en 1945.

Le schéma vaccinal aujourd'hui est le suivant : la vaccination antidiphtérique par l'anatoxine est obligatoire chez tous les enfants de moins de 18 mois (article L.6 du Code de santé publique). Elle s'effectue par trois injections à un mois d'intervalle, à débuter à partir de deux mois de vie. Elle est complétée par un rappel entre 16 et 18 mois. Il est recommandé ensuite d'effectuer les rappels à six ans, onze ans, puis entre 16 et 18 ans.

Passé cet âge, les rappels ultérieurs sont à effectuer avec une anatoxine de faible concentration, tous les dix ans. En cas de séjour prévu en zone d'endémie, par exemple dans les pays d'Europe de l'Est, il est recommandé au voyageur de faire une injection de rappel si la précédente a eu lieu entre cinq à dix ans, deux injections si elle date de 10 à 20 ans, et une complète revaccination si elle remonte à plus de 20 ans.

Il n'existe pas en France de vaccin uniquement dédié à la diphtérie. Tous sont associés, au minimum, à un autre vaccin. Les associations à d'autres vaccins permettent d'éviter les injections multiples, tout en respectant le calendrier vaccinal. Certaines associent quatre vaccins contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite.

Elles sont commercialisées en suspension injectable, sous les noms de Tétracoq®, Tétravac-acellulaire®, Vaccin DTP Pasteur® et Vaccin Infanrix-polio® enfant. Le Vaccin Infanrix-polio-Hib® nourrisson associe la vaccination contre l'Hæmophilus influenza. On trouve également les associations diphtérie/tétanos/coqueluche, avec le DTCoq® à injecter en intramusculaire, et les associations diphtérie/tétanos/poliomyélite avec le DTPolio® et le DTP Pasteur®, en sous-cutané ou intramusculaire.

Enfin, une association de vaccin diphtérique et tétanique réservée à l'adulte à partir de 18 ans, Diftavax® adulte, peut être utilisée comme rappel mais aussi lors de primo-vaccination. Il s'agit du seul vaccin antidiphtérique à faible concentration d'anatoxine (1/10 de la dose classique), sans adjuvant, commercialisé en France, et il est donc mieux adapté et toléré chez l'adulte.

Les effets indésirables du vaccin antidiphtérique sont en général mineurs : une hyper- réaction locale, avec rougeur et oedème, un malaise, une légère fièvre transitoire, une céphalée. Des allergies peuvent survenir, en particulier chez l'adulte. Pour cette raison il est préférable d'utiliser une forme à faible concentration en anatoxine afin d'éviter des réactions anaphylactiques graves.

Très rarement, des réactions neurologiques ont aussi été décrites. La survenue de tout effet indésirable grave faisant suite à une injection de vaccin antidiphtérique doit être déclarée au centre régional de pharmacovigilance par les professionnels de santé s'occupant du patient (article R.5144-1 du Code de santé publique).

Au fil des décennies, les pouvoirs publiques ont pu apprécier l'efficacité de ces mesures de prévention. La diphtérie étant une maladie à déclaration obligatoire auprès des autorités de santé, il est aisé d'en surveiller l'évolution.

Tout cas suspecté est à signaler à la Ddass qui avertira ensuite le RNSP (Réseau national de santé publique), et la DGS (Direction générale de la santé). Le dernier cas déclaré de diphtérie en France date de 1989.

La diphtérie est néanmoins une maladie peu immunisante. Si la vaccination est très efficace (pratiquement à 100 %), il est important de continuer les rappels à l'âge adulte pour assurer une immunité suffisante et efficace.

Diphtérie et croup

La diphtérie vient du grec « diphtera » signifiant membrane, lésion caractéristique de la maladie. Par le passé, on a également utilisé le nom de « croup », qui désigne davantage la symptomatologie de l'angine diphtérique. En effet, d'autres agents causals peuvent être responsables de la laryngite obstructive qu'est le croup : affection virale, allergique, bactérienne... Mais ce n'est que depuis un peu plus de cent ans que la médecine a les connaissances diagnostiques pour identifier clairement l'étiologie de ces pathologies et en faire le diagnostic différentiel.

Émile Roux, un scientifique en lutte contre la diphtérie

Né en France en 1853, ce médecin devint un des plus fameux bactériologistes français. Il travailla avec Louis Pasteur, et consacra toute sa vie à l'Institut. Précurseur et chercheur illustre, il mit au point de multiples traitements et vaccins contre de nombreuses maladies infectieuses. La diphtérie, dont le bacille avait été découvert en 1883, faisait alors des ravages, puisqu'en l'absence de traitement, le taux de mortalité était en moyenne de 35 %. En collaboration avec Alexandre Yersin, il découvrit la toxine diphtérique, et mit au point la sérothérapie antidiphtérique. Ce traitement permit de faire chuter le taux de mortalité à 5 %... et d'ouvrir la voie à des recherches ultérieures.

Europe de l'Est, une zone à risques

Grâce à la couverture vaccinale de la population dans la plupart des pays développés, la diphtérie était pratiquement tombée dans l'oubli en Europe. Elle resurgit de manière dramatique sous forme épidémique depuis plus d'une dizaine d'années dans les pays de l'ex-URSS. Faute de moyens, de fournitures médicales et de vaccins antidiphtériques, la vaccination y est très incomplète. On estime que moins de la moitié des enfants ont accès aux vaccins. D'autre part, la baisse de l'immunité chez les adultes, qui ne bénéficient pas de rappels, associée à la précarité et aux mouvements importants des populations ces dernières années, ont grandement favorisé la propagation des épidémies en Europe de l'Est. L'OMS a dénombré près de 50 000 cas de diphtérie dans cette zone en 1994. Il est indispensable aujourd'hui, avant tout voyage dans ces pays où le risque de contage est bien réel, d'être certain de la validité de la couverture vaccinale, et de conseiller au voyageur d'effectuer les rappels vaccinaux nécessaires. Si le dernier rappel date de plus de 20 ans, il est même préconisé de revacciner, soit trois injections à un mois d'intervalle, suivi d'un rappel un an après.

Les professionnels de santé, une population exposée

La diphtérie fait partie des vaccinations obligatoires pour tous les professionnels de santé (article L.10 du Code de la santé publique, loi du 18 janvier 1991). En effet, même si cette pathologie n'a pas été rencontrée en France depuis plus de dix ans, la menace de cas d'importation est bien réelle. Il est donc fortement recommandé aux sujets exposés que constitue le corps de santé d'avoir une injection de rappel tous les dix ans, si possible par un vaccin antidiphtérique à dose réduite d'anatoxine, comme le Diftavax® adulte.

Répartition géographique mondiale

Dans les pays tropicaux et subtropicaux en voie de développement, des programmes de vaccination sont parfois mis en place chez les nourrissons, et l'immunité acquise est alors souvent entretenue par des contacts répétés avec le Corynebacterium diphteriæ dont la prévalence est généralement élevée. Les formes cutanées de la maladie y sont les plus fréquentes, mais des cas de diphtérie respiratoire, souvent compliqués, parfois létaux, sont loin d'être exceptionnels. En 1996, l'OMS signalait par exemple 2 000 cas de diphtérie au Nigeria, 154 à Madagascar, 2 500 en Inde, 1 500 au Népal, 300 au Laos, 108 au Brésil... De récentes épidémies ont sévi en Algérie en 1993-1994, en Équateur en 1994, et en Thaïlande en 1994.

Aux États-Unis, la vaccination systématique a permis de diminuer considérablement le nombre de cas : en 1921, 206 000 cas avaient été observés, contre seulement 22 entre 1980 et 1987, et 5 en 1991. Une épidémie de diphtérie cutanée avait néanmoins contaminé 1 100 personnes entre 1972 et 1982 à Seattle, dans l'État de Washington.

Si l'Europe de l'Est est malheureusement en proie à des vagues épidémiques successives ces dernières années, l'Europe de l'Ouest n'enregistre plus que quelques cas sporadiques actuellement, mais la faible immunité dans la population adulte, notamment par négligence des rappels tous les dix ans, constitue une menace potentielle.

La diphtérie en France

La diphtérie fait partie des maladies à déclaration obligatoire sur notre territoire. Ainsi, il est possible de surveiller son évolution au cours des dernières décennies. La dernière grande épidémie de diphtérie en France date des années quarante, avant l'instauration à l'échelle nationale de mesures vaccinales. Dans l'immédiat après-guerre, la généralisation de la vaccination a permis de lutter efficacement contre cette maladie, et de protéger la population française. On comptabilisait, pour la seule année 1945, 45 000 cas déclarés de diphtérie, dont 3 000 décès, alors que quinze années plus tard, en 1960, on n'en dénombrait plus que 1 000, dont 36 décès, et en 1970, seulement 50 cas dont 3 décès. Le dernier cas de diphtérie déclaré en France date de 1989. Néanmoins, aujourd'hui, si la couverture vaccinale des enfants en France est tout à fait satisfaisante, la faible immunité de la population adulte, due à la négligence des rappels antidiphtériques, fait craindre l'éventualité de nouvelles épidémies... d'autant plus que des cas de diphtérie d'importation, notamment d'Europe de l'Est, ont été notifiés dans de nombreux autres pays européens. Un centre national de référence pour le Corynebacterium diphteriæ a été créé récemment en France afin de surveiller dans notre pays les souches de la bactérie, d'en faire un typage moléculaire ainsi qu'une identification biochimique, en cas d'éventuelle épidémie.