« Promouvoir le leadership infirmier ! » - L'Infirmière Magazine n° 174 du 01/09/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 174 du 01/09/2002

 

Christophe Debout

Questions à

Le 21 juin dernier, l'Association française des infirmières et infirmiers diplômés d'État (Anfiide) a renouvelé son conseil d'administration. Christophe Debout, 34 ans, succède à Catherine Duboys Fresney, à la tête de la plus ancienne association infirmière.

Vous êtes actuellement cadre au centre hospitalier de Compiègne (Oise), mais quel a été votre parcours ?

Ma motivation est née dès le lycée. Et je suis entré en Ifsi aussitôt après le bac. Une fois diplômé, j'ai eu un parcours volontairement diversifié. Je me suis livré à une exploration de la profession. Médecine, chirurgie, réanimation... J'ai choisi d'avoir un complément de formation en devenant Iade. Puis, après quelques années au bloc opératoire et en salle de réveil, j'ai suivi la formation cadre. Et suite à mon diplôme, j'ai travaillé aux urgences, au Smur.

Le projet de création d'une unité mobile de soins palliatifs m'a permis d'explorer la notion de consultation infirmière et l'activité de réseau à domicile. Et j'ai obtenu un DU douleur soins palliatifs en filière clinique. En parallèle, j'ai aussi exercé une fonction de formateur. J'ajouterai que ma curiosité m'a aussi poussé hors de notre cadre national puisque j'ai travaillé dans l'humanitaire avec l'association Médecins relais. J'ai notamment été chargé d'organiser une mission infirmière dans un hôpital de Saint-Pétersbourg. J'ai aussi suivi une formation aux États-Unis (une licence), et en Angleterre pour parfaire mes connaissances en soins palliatifs. Pour conclure les présentations, je crois que le métier d'infirmier est vraiment très riche.

À ce sujet, comment définiriez-vous la profession infirmière à un jeune bachelier ?

Une profession humaine avec tellement de facettes que chacun peut trouver le domaine où s'épanouir professionnellement. On peut l'exercer dans le secteur privé ou public, dans le domaine de la prévention, dans une démarche curative, ou dans les soins palliatifs. Elle permet aussi d'être au contact de personnes d'âges différents, de milieux différents, de cultures différentes... Cette profession, si on préserve toujours cette vision globale, offre une richesse humaine et des connaissances inestimables. Il faut avoir le courage de bouger, d'évoluer et de participer à son évolution.

C'est ce qui a motivé votre engagement associatif ?

Oui. Il est nécessaire d'avoir cette implication. Il faut développer un leadership infirmier pour que notre profession reste en phase avec la mission sociale qui lui a été confiée, celle de la qualité des soins auprès de la population, et qu'en même temps les conditions de travail évoluent pour que chaque professionnel s'épanouisse. L'engagement associatif est très utile. Mes expériences étrangères m'ont conforté dans cette idée et dans mon action.

Pourquoi l'Anfiide ?

Je crois qu'on construit l'avenir sur l'histoire, sur des fondations anciennes. L'Anfiide est la plus ancienne association infirmière française, et elle a contribué au développement de notre métier. Et d'ailleurs, je tiens à remercier Catherine Duboys Fresney pour son action. Elle a su garder le cap dans les moments difficiles.

Quels sont vos projets à l'Anfiide ?

Cet été, nous avons été très actifs. Nous avons dressé un bilan de la profession et fixé les priorités. Et à partir de cette analyse, nous avons élaboré un plan stratégique pour 2002-2006.

Votre bilan de la profession ?

La profession est la plus importante dans le secteur de la santé. Elle bénéficie d'une excellente image auprès de la population, même si sa représentation est parfois erronée. Et elle peut s'appuyer sur une formation et une réglementation solides. La pénurie est là. C'est un problème de santé publique mais ce peut être aussi l'occasion de faire encore plus avancer la profession ! Et d'éviter le danger de la déqualification...

Quels sont les axes de votre plan ?

L'Anfiide en a défini trois. Mais avant, je précise que ce plan se veut participatif. Nous souhaitons collaborer avec les autres associations infirmières, échanger avec le public et les autres professionnels soignants.

Premier axe ?

L'Anfiide va continuer à contribuer à la santé de la population. Nous souhaitons traduire les besoins de la population et garder un droit à l'indignation.

Indignation ?

Oui, notamment quand les infirmières sont placées face à un dilemme éthique. Par exemple, dans le cadre des réseaux de cancérologie et de soins palliatifs, de l'ouverture ville hôpital, les infirmières hospitalières et libérales se rendent compte des difficultés à mettre en oeuvre les réglementations ! Problème de surcharge de travail, de cloisonnement, problème de rémunération !

Deuxième axe du plan ?

Promouvoir le leadership infirmier ! La profession est riche d'idées, d'expériences et de projets. Nous devons les mettre en valeur et cesser d'être dans une situation d'oppression. Afin que les infirmières exercent un leadership dans leur pratique, nous devons leur donner un savoir sur les processus décisionnels, sur la gestion et l'organisation du système, et les armer pour le débat éthique. Et nous devons insuffler cette dynamique dès l'Ifsi.

Troisième axe ?

Encourager la discipline infirmière. Nous devons combler l'écart entre notre immense expérience pratique et la construction d'un savoir écrit ! Nous devons aussi réfléchir aux besoins de l'avenir. De quelles infirmières aura besoin la société ? De quelles spécialités ? À ce titre, nous souhaitons nous associer au débat sur la première année de formation unique destinée aux futurs étudiants médecins et paramédicaux.

Quelle est l'envergure internationale de l'Anfiide ?

Nous exerçons une influence à trois niveaux, au Conseil international des infirmières, au niveau européen, au comité permanent des infirmières (PCN). Et à l'OMS, l'Anfiide est présente au forum en soins infirmiers et en soins obstétricaux. -