Alzheimer sort de l'oubli - L'Infirmière Magazine n° 175 du 01/10/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 175 du 01/10/2002

 

GÉRONTOLOGIE

Actualités

Dépistage tardif, angoisse des proches du malade, prise en charge onéreuse... Le congrès national d'Alzheimer organisé le 19 septembre permit d'aborder tous les problèmes liés à la prise en charge de cette maladie.

Une performance théâtrale, Paroles d'Alzheimer, remarquablement interprétée par Raphaëlle Saudinos, fit office d'ouverture à la journée du congrès national sur l'amélioration de la prise en charge du malade Alzheimer. Huguette Drera, présidente de l'Union nationale des associations Alzheimer, a rappelé que plus de 400 000 personnes souffrent actuellement d'Alzheimer, cause la plus fréquente de démence. Cette dégénérescence irréversible du système nerveux central touche majoritairement les personnes âgées de plus de 80 ans mais aussi des « jeunes » : 5 % des cas ont moins de 50 ans.

Les difficultés relatives à la prise en charge de cette maladie commencent dès la phase du dépistage, puisque aucun gène marqueur n'est identifié à ce jour. Le dépistage passe donc par des examens cognitifs spécifiques, comme des consultations « mémoire », recommandées au patient le plus souvent par son médecin généraliste. Le Pr Bruno Dubois, chef du service de neurologie de La Pitié-Salpêtrière, insiste sur ce point : « Plus le diagnostic est précoce, plus on peut retarder les effets de la maladie. » On évalue à 50 % la part des malades qui sont effectivement diagnostiqués, et seuls 30 % d'entre eux sont traités. Un dépistage précoce est la clef d'accès à une prise en charge médicopsychosociale nécessaire au malade et à sa famille. Culpabilité, dépression, épuisement psychologique et physique sont des syndromes fréquemment développés par l'entourage devant l'avancée de la maladie. Le soutien des aidants est également essentiel, car 80 % des malades continuent à vivre à domicile.

Une maladie ruineuse

Le Pr Jacques Touchon, neurologue, assimile chaque nouvelle étape de l'évolution de la maladie à un nouveau deuil pour la famille. La complexité de la maladie, due aux évolutions différentes qu'elle peut suivre, nécessite, idéalement, la synergie d'une équipe multidisciplinaire (infirmière, kinésithérapeute, psychologue et/ou gériatre) qui garantit le suivi d'un même projet thérapeutique.

Aujourd'hui, la prise en charge est insuffisante à tous les niveaux. Financièrement, l'Apa accuse de sérieux problèmes de fonctionnement - les critères de classification de la grille Aggir laissent à désirer - et de financement. Or « Alzheimer est une maladie qui ruine les familles », souligne Huguette Drera. Il faut compter de 3 000 à 4 600 Euro(s) par mois pour une garde permanente et 60 Euro(s) pour une surveillance de huit heures. Les structures d'accueil sont trop rares, et la pénurie de personnel vient aggraver le problème. Aucun traitement ne peut stopper la maladie. Cependant, la recherche pourrait porter ses fruits si elle était davantage soutenue par les pouvoirs publics.

La maladie d'Alzheimer semble être un révélateur des insuffisances de notre système de santé et les difficultés à prendre des mesures ne trahissent-elles pas au fond le regard négatif que la société porte sur les personnes âgées ?

ILS ONT DIT :

« Alzheimer n'est pas une maladie honteuse, c'est une maladie tout court. Il faut éviter de la marginaliser et ne jamais oublier que le malade a sa liberté d'adulte bien qu'il faille aussi le protéger. L'éthique du malade d'Alzheimer est d'autant plus importante qu'il n'a plus sa raison et sa liberté de choix. »

Christelle Pothier, chargée d'action sociale, Union nationale des associations Alzheimer.

« Préserver la dignité du malade nécessite un référentiel commun à l'ensemble des soignants. »

Marie-Françoise Guérin, directrice de projet au ministère de la Santé (DHOS).