Infirmière salariée dans une association depuis plusieurs dizaines d'années, je dirige un service de soins à domicile. Mon employeur me demande, afin de pallier la carence de personnel en aides-soignantes, d'effectuer les soins d'hygiène, ce qui n'est pas prévu dans mon contrat de travail. Puis-je refuser ? Et quels sont alors les risques encourus ? - L'Infirmière Magazine n° 175 du 01/10/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 175 du 01/10/2002

 

Notre expert vous répond...

Juridique

En principe, les clauses d'un contrat de travail ne peuvent être modifiées unilatéralement. Cependant, en vertu de son pouvoir de direction, l'employeur peut être amené, pour assurer la bonne gestion de son entreprise, à modifier les conditions de travail et, par conséquent, les contrats de travail de ses salariés.

Il convient de distinguer la décision de modification non pas du contrat, mais des conditions de travail, que le salarié doit accepter (modification mineure), de la proposition de modification du contrat, que le salarié peut refuser (modification essentielle).

MODIFICATIONS ESSENTIELLES

Une modification est substantielle si elle porte sur un élément substantiel du contrat. Pour cela, il faut que celui-ci ait été considéré comme essentiel par le salarié au moment de la conclusion du contrat ou que la modification aggrave considérablement ses conditions de travail. Peuvent être considérées comme des modifications essentielles, par exemple, une réduction du salaire ou une nouvelle fonction aboutissant pour le salarié à la perte de son statut antérieur.

Ainsi, par exemple, un changement d'affectation (mutation, changement de poste, etc.) à l'initiative de l'employeur ne peut être considéré comme une modification essentielle, s'il est assorti du maintien de la qualification ainsi que des conditions de rémunération et de travail. En revanche, si ce changement aboutit à un déclassement, il y a modification essentielle (ou substantielle).

Si, en vertu du décret de compétence de février 2002, une infirmière peut exercer des actes normalement réservés aux aides-soignantes, cet exercice doit rester exceptionnel, c'est-à-dire ne pas devenir une de ses tâches quotidiennes ou essentielles. Si tel était le cas, il y a bien alors modification essentielle du contrat de travail, puisque vous avez été embauchée par cette association en qualité d'infirmière.

Par ailleurs, le fait qu'une modification soit décidée à titre provisoire ne lui enlève rien de son caractère essentiel, si celui-ci existe. Si le salarié accepte la modification, il y a changement dans le contrat de travail. Mais l'accord ne peut résulter de la simple poursuite du contrat, il doit être explicite et non équivoque. Normalement, un avenant au contrat doit être établi.

Si, au contraire, le salarié refuse la modification, il y a rupture du contrat de travail imputable à l'employeur, donc licenciement, à moins que l'employeur n'accepte de maintenir les conditions antérieures du contrat. Cependant, si un salarié, après avoir accepté la modification, la refuse, la rupture n'est plus alors imputable à l'employeur et le salarié sera considéré comme démissionnaire.

MODIFICATIONS MINEURES

En vertu de son pouvoir de direction et d'organisation, l'employeur, pour le bon fonctionnement de l'entreprise, peut imposer au salarié toutes modifications ne remettant pas en cause un élément substantiel du contrat. Ces modifications mineures seront considérées comme non essentielles. Dans le cas présent, si les actes (normalement réservés aux aides-soignantes) aujourd'hui imposés par l'employeur, s'inscrivent dans le cadre d'un exercice tout à fait exceptionnel, on peut alors considérer qu'il s'agit d'une modification mineure du contrat de travail.

Ainsi, lorsque le salarié accepte la modification mineure (ou les modifications), le contrat de travail se poursuit aux nouvelles conditions. Si le salarié n'accepte pas la modification (ou les modifications), son refus, à défaut de démission claire et non équivoque, n'entraîne pas à lui seul la rupture du contrat, même en cas de départ du salarié. Ce refus constitue un manquement aux obligations contractuelles, que l'employeur peut sanctionner au besoin en procédant au licenciement du salarié pour faute.