Le CSPP, un bon conseil pas toujours suivi - L'Infirmière Magazine n° 175 du 01/10/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 175 du 01/10/2002

 

Enquête

- Le CSPP réunit les représentants des professions paramédicales, pour débattre de questions socioprofessionnelles - Organe consultatif, le CSPP influe peu sur les décisions prises par le gouvernement - Certains de ces membres proposent de le réformer, pour le tirer de sa torpeur.

- Le CSPP, qu'est-ce que c'est ? Quand on pose la question dans les établissements, on peut être surpris par la réponse... Bon, d'accord, notre système de santé regorge de sigles et d'abréviations. Et puis au cours d'une journée ultra-active, il ne paraît pas essentiel de le savoir. Sans compter qu'on peut confondre avec le CPP, le Conseil des professions paramédicales, la nouvelle structure mise en place pour les libérales, instituée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Quand donc le CPP sera-t-il opérationnel ? C'est un mystère pour les professions concernées et le ministère lui-même. Mais ce n'est pas l'objet de cette enquête. Nous nous penchons aujourd'hui sur la santé du Conseil supérieur des professions paramédicales, en abrégé le CSPP. Car ces derniers temps, il a montré des signes inquiétants de faiblesse.

Dysfonctionnements

Le 20 mars dernier, les membres de la commission infirmière n'ont pas siégé en signe de protestation contre les dysfonctionnements d'organisation. Certains avaient été oubliés lors des convocations. Par ailleurs, lors de la sortie du décret relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession (décret n° 2002-194 du 11 février 2002), les associations infirmières, membres du CSPP, s'étonnaient de ne pas voir pris en compte leurs amendements pourtant adoptés à la majorité lors de la présentation du texte en 2001. Pourquoi ? Parce que le Conseil supérieur des professions paramédicales est une instance consultative ! Et elle est, à ce jour, la seule qui regroupe toutes les professions paramédicales : infirmières et aides-soignantes, puéricultrices, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures podologues, orthophonistes, orthoptistes, opticiens lunetiers, audioprothésistes, ergothérapeutes, psychomotriciens, manipulateurs d'électroradiologie médicale, techniciens de laboratoire, diététiciens.

Elle est aussi la seule qui rassemble syndicats et associations professionnelles, employeurs et employés, médecins et paramédicaux, auprès du ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées. Elle est composée de commissions propres à chacune des professions, et d'une commission interprofessionnelle. Sa mission : donner son avis sur les questions intéressant la formation initiale et continue, les agréments d'écoles, les quotas d'élèves, les autorisations d'exercice... Bref, donner son avis sur tout ce qui touche l'essence même d'une profession ! « Mais donner son avis ne signifie pas qu'il est toujours suivi », explique-t-on à la Direction générale de la santé.

Consultatif, on vous dit... De ce dernier mot, le CSPP tire toute sa force ou sa faiblesse. Car si la consultation peut être un excellent moyen d'influence, elle peut, quand le demandeur ne tient plus compte ni dans le fond ni dans la forme des avis des professionnels, être un bon moyen de découragement. Et si on sonde les différents participants des commissions du CSPP, infirmière et interprofessionnelle, le résultat est inquiétant. Lors de leur première conférence de presse, le 9 septembre dernier, les membres du Groupement interprofessionnel en soins infirmiers (Gipsi) déclaraient prudemment au sujet du CSPP : « C'est un organe très, très consultatif... D'ailleurs, la commission infirmière n'a à ce jour pas été convoquée depuis le mois de mars dernier. » Pourtant, les sujets ne manquent pas : validation des acquis, situation des aides instrumentistes qui exercent dans les blocs opératoires... Et certains se traitent en dehors du CSPP, comme le dossier de la première année de formation commune aux étudiants médecins et paramédicaux, qui est débattu à la commission nationale pédagogique présentée le 11 avril dernier. Jean-Marie Bellot, secrétaire général à la fédération santé de FO, ancien membre du CSPP, s'étonnait que le décret instaurant le diplôme d'auxiliaire de vie sociale n'ait pas été étudié au CSPP (décret n° 2002-410 du 26 mars 2002).

Des réformes ?

Les employeurs (Fehap, FHF et FHP) siègent aux différentes commissions du CSPP. S'ils défendent l'intérêt de rencontrer toutes les composantes des professions, ils soulignent que les commissions réunissent des partenaires dont les objectifs peuvent être très différents. « Ce n'est d'ailleurs pas dépourvu d'intérêt en soi, mais cela ne facilite pas la synthèse... », ironise une représentante de la FHF.

Un médecin libéral qui siège à la commission interprofessionnelle souligne franchement les dysfonctionnements : « Le ministère nous demande d'abord de voter à l'unanimité pour le texte qu'il présente, puis ensuite de proposer des amendements ! Et très souvent, les textes sont déjà ficelés à l'avance, et la possibilité de discussion est plutôt fermée. Ce qui fait que les réunions sont d'un ennui incroyable. Le CSPP sert en ce moment de consultation alibi. Ce n'est ni constructif, ni positif. Parfois, les différents membres font de la surenchère entre eux et, bien sûr, le ministère joue sur les intérêts contradictoires des uns et des autres. Puis, nous avons les comptes rendus de séance six ou sept mois après. Le CSPP devrait constituer des groupes de réflexions thématiques, avoir un règlement intérieur. » Règlement intérieur ! Telle serait la recette pour redonner un peu de punch aux différentes commissions. À la CGT, les représentants ont proposé un règlement intérieur. « Notre document prévoit l'organisation d'un secrétariat propre au CSPP, qui pourrait rédiger des comptes rendus à usage interne mais aussi à l'attention de toute la profession. Il fixe un délai minimum entre l'envoi de la convocation et la date de réunion. Nous insistons aussi sur la nécessité d'octroyer un budget de fonctionnement au CSPP. Nous avons aussi proposé que le CSPP élise les représentants de la profession dans les structures européennes et internationales. Et nous faisons une proposition de décret qui rendrait les avis du CSPP obligatoires. » Jean-Louis Sergent, infirmier, représentant de la CGT, membre des commissions infirmière et interprofessionnelle, était à l'origine de la protestation du 20 mars, et avait proposé la rédaction d'une motion signée par la majorité des membres de la commission infirmière. Cette motion réclamait un délai minimum de quinze jours pour toute convocation au CSPP.

Les soucis de la commission infirmière concernent aussi les autres professions. Ainsi, la commission des diététiciens ne s'était pas réunie pendant au moins deux ans. « Il faut réguler l'activité du CSPP, estime Marie-Christine Jannin, représentante CFDT. Il faut que le CSPP puisse faire l'évaluation et le suivi des textes réglementaires mis en place. De plus, il faudrait qu'il puisse s'auto-saisir sur des sujets primordiaux alors que jusqu'à présent l'ordre du jour est fixé uniquement par la DGS. »

Volonté politique

Les idées de réforme ne manquent pas ! Et si le CSPP paraît un peu anémié, ce n'est pas par manque de sang frais, mais plutôt par manque de volonté politique. « Le ministère de la Santé a toujours été un parent pauvre, quelle que soit la couleur du gouvernement, explique Jean-Marie Bellot. Lorsqu'on compare le CSPP avec d'autre instances consultatives de l'État ou des collectivités locales, on s'aperçoit tout de suite qu'on ne lui donne pas les moyens de fonctionner. Il ne faut pas jeter la pierre à la DGS pour le CSPP, ou à la DHOS pour le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, car ils manquent de moyens humains et budgétaires. Ils courent toujours au plus pressé. Ce qu'il faut pour relancer le CSPP, c'est une réelle volonté politique. Mais c'est toujours la contradiction entre le discours officiel prônant le dialogue et la concertation, et la réalité. »

La faiblesse actuelle du CSPP met en relief le manque d'organe à même de structurer la profession. Et cela dure depuis un demi-siècle. Le 15 juillet 1943, une loi créait une « Union nationale des infirmières et infirmiers hospitaliers reconnue d'utilité publique, qui assure la défense des intérêts de la profession ». Le décret d'application n'a jamais été pris. Une nouvelle loi datée du 12 juillet 1980 prévoyait, à défaut de la création d'un ordre, la mise en place de commissions de discipline qui n'auront, non plus, jamais vu le jour. L'Office des professions paramédicales, issu du rapport Nauche en août 2000, a seulement été décliné en Conseil des professions paramédicales par la loi du 4 mars, et il ne concerne que les libérales. Encore faut-il qu'il soit mis en place...

Un collège infirmier ?

Quel mode d'organisation au service de la déontologie pour défendre dans la durée la qualité du soin infirmier ? Gilles Devers propose « un collège infirmier »(1) qui aurait une fonction d'administration et de gestion courante au niveau départemental, une fonction de représentation au niveau national, et une fonction disciplinaire au niveau régional. Autre point de vue, celui de Philippe Nauche, ancien député qui avait rendu en août 2000 un rapport pour la création d'un Office des professions paramédicales englobant notamment l'ensemble du corps infirmier, hospitalier et libéral. Cette idée a été reprise par la loi sur les droits des malades, pour les libérales.

1- Le Collège infirmier, une organisation de la profession infirmière. Gilles Devers. Medica éditions. 13,50 Euro(s).

Le CSPP en questions

-> Comment connaître les noms des personnes qui siègent au CSPP ?

La liste des titulaires et suppléants est publiée au J. O. Le renouvellement a lieu tous les quatre ans. La dernière composition a été entérinée par l'arrêté du 9 mars 2000, publié au J. O. du 2 avril 2000.

-> Qui les nomme ?

Le ministère, qui fixe la composition du CSPP, nomme les personnes à partir des propositions des organisations concernées.

-> Comment se forme la commission interprofessionnelle ?

La commission interprofessionnelle est constituée de membres des 12 commissions professionnelles, élus par leurs pairs.

-> Qui s'occupe des aides-soignantes ?

La commission infirmière du CSPP prend en charge les questions relatives aux aides-soignantes. Elle modifie alors sa composition en incluant des aides-soignantes et des auxiliaires de puériculture.