Pas d'oncologie sans « psy » - L'Infirmière Magazine n° 176 du 01/11/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 176 du 01/11/2002

 

PRISE EN CHARGE

Actualités

La prise en charge psychologique du cancer semble être devenue indissociable d'une prise en charge thérapeutique. Effet de mode ou réalité de terrain ? La conférence organisée par Aventis le 23 octobre 2002 a été l'occasion d'aborder les enjeux de ce thème central en oncologie.

Les traumatismes du cancer déclenchent des réactions psychologiques d'angoisse, d'incertitude, de déni. Si les patients sont au coeur de cette problématique, les familles, l'entourage et les soignants sont aussi en première ligne. La psycho-oncologie permet d'affronter le traumatisme du diagnostic, les souffrances inhérentes aux traitements, les mutilations, les mécanismes de défense...

23 rechutes en un jour...

Pour Nicole Alby, présidente de l'association Europa Donna France, le « contrat de non-abandon » entre soignants et patients tout comme le soutien psychologique de l'équipe soignante sont des éléments essentiels à la réussite de la prise en charge du cancer. « Quand vous êtes confronté à 23 rechutes en un après-midi dans un service de cancérologie, l'équipe soignante ne va pas bien », précise-t-elle. Tant qu'il n'y aura pas une intégration de la psychologie à l'oncologie, souligne François Morvan (CH René-Dubos, Pontoise), la bonne distance entre patient et soignant sera très difficile à trouver. Or, les soignants ne sont formés, ni initialement, ni en continu, à l'épreuve quotidienne que représente une prise en charge globale des patients atteints de cancer. Une structure type en cancérologie comprend dix à quinze lits d'hospitalisation, quinze malades ambulatoires par jour, une à deux machines de radiothérapie, cinq médecins et environ vingt infirmières et un psychologue à mi-temps (dans le meilleur des cas). Le Dr Morvan démontre que la « productivité » et la qualité d'une structure type sont rentables puisque chaque structure traite entre 500 à 1 000 nouveaux malades par an, du diagnostic au suivi, en passant par la prise en charge. Il va jusqu'à conclure que « la cancérologie ne coûte pas cher en France »...

Les résultats d'une enquête organisée par Epac (Ensemble parlons autrement du cancer), sous l'égide du Dr Vannetzel(1), permettent de dresser un état des lieux de la prise en charge psychologique en oncologie.

Interlocutrices privilégiées

Si 74 % des établissements ont un psychologue/psychiatre sur place, dans près de deux tiers des cas, celui-ci déplore une surcharge de travail, étant seul pour l'ensemble de l'établissement. Du côté des patients, rien de réjouissant : seuls 7 % d'entre eux ont un entretien avec un « psy » et un tiers doivent en supporter le coût. L'infirmière est souvent l'interlocutrice privilégiée du patient. Elles sont 77 % à indiquer au « psy » les malades qu'il devrait voir et 96 % à juger les interventions du « psy » utile. Enfin, 90 % d'entre elles souhaitent rencontrer un « psy » pour participer à des groupes de paroles et savoir parler à l'entourage du patient. Dans la réalité, elles ne sont que 27 % à participer à des groupes de paroles et 5 % à rencontrer un « psy » individuellement. Pourtant, « soutenir les soignants, c'est mieux soigner les malades », estime François Morvan. Le cancer a été annoncé comme l'une des priorités du quinquennat. L'enveloppe financière attribuée à la psycho-oncologie dans le plan cancer (en 2000 : 10 millions de francs) semblerait avoir été sous-évaluée. Selon François Morvan, il faudrait qu'elle soit de trois à cinq fois plus importante...

1- Échantillon de l'enquête : 100 oncologues, 100 infirmières, 100 psychologues/psychiatres, 250 patients, 250 proches dans 43 établissements privés et 45 publics, et 6 centres de lutte contre le cancer.