Les douleurs chez le sujet âgé - L'Infirmière Magazine n° 177 du 01/12/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 177 du 01/12/2002

 

Gérontologie

Conduites a tenir

Les personnes âgées ressentent les douleurs comme les adultes plus jeunes mais elles sont trop souvent considérées comme une fatalité. En outre, l'expression verbale de la douleur peut être rendue impossible en raison de troubles cognitifs ou de pathologies neurologiques multiples créant des aphasies ou des dysarthries.

DÉFINITION

Les douleurs par excès de nociception sont liées à la stimulation des récepteurs de la douleur appelés nocicepteurs : ceux-ci sont présents dans tous les tissus sauf le cerveau lui-même. Ces douleurs surviennent lorsqu'il y a destruction, compression, inflammation des tissus (arthrose, rhumatisme, tassement vertébral, escarre, artérite par exemple).

Les douleurs neurogènes sont dues à des lésions par compression, envahissement ou section du système nerveux périphérique ou central altérant les mécanismes inhibiteurs de la douleur. Ce sont des douleurs particulières par leur symptomatologie, faites de décharges électriques, de brûlures, de paresthésies. On les retrouve par exemple dans les amputations, cicatrices, neuropathies, cancers, zonas, chimiothérapie.

Les douleurs psychogènes existent dans certaines pathologies psychiatriques telles que l'hypocondrie ou l'hystérie. C'est souvent un diagnostic d'élimination.

MANIFESTATIONS

Environ 60 % des personnes âgées ont des douleurs chroniques, dont un tiers des douleurs sévères. En fin de vie, la prévalence peut atteindre 80 %.

Il s'agit de douleurs souvent sous-estimées et sous-traitées dans un cadre de polypathologies ou de dépression masquée. Dans le cas de troubles cognitifs, il est souvent difficile de repérer la douleur dans le cortège des troubles comportementaux. Si elles ne sont pas prises en charge ou mal traitées, les douleurs du sujet âgé sont sources de risques accrus de perte d'autonomie, de refus alimentaire, de non- coopération aux soins, de repli ou d'agitation inhabituels, de complications du décubitus.

ÉTIOLOGIES

Les plus fréquentes sont : les affections ostéo-articulaires ; les affections vasculaires ; le syndrome d'immobilisation : rétraction, escarres, fécalome, rétention urinaire, crampes...) ; le zona ; les neuropathies; les algies postzostériennes ; les douleurs psychogènes ; les douleurs induites par les soins, les transferts ; les douleurs cancéreuses.

Les pertes d'autonomie, les troubles de l'humeur, les troubles de la communication, peuvent rendre difficile la reconnaissance de la douleur.

OBJECTIFS

Il faut soulager le plus efficacement possible la douleur en tenant compte des modifications de la biodisponibilité des médicaments liées au vieillissement, de la polypathologie habituelle, des interactions médicamenteuses (sujet souvent polymédicamenté), du risque accru d'effets secondaires et de surdosage et tout en préservant une autonomie et une qualité de vie maximales.

ACTIONS

On évalue la douleur par les outils habituels d'autoévaluation les plus adaptés aux possibilités de compréhension des malades. Lorsque la personne âgée est non communicante, on utilise l'échelle Doloplus-2 ou l'échelle ECPA.

On choisit des antalgiques d'élimination rapide, utilisés à posologie minimale efficace, on adapte les intervalles de prise et la dose unitaire selon les résultats de la réévaluation de la douleur, en tenant compte de la durée d'efficacité du médicament et de l'évolution nycthémérale de la douleur. Par prudence, on peut diviser par deux les posologies initiales par rapport à celles utilisées chez un adulte jeune.

On préférera la voie d'administration la plus simple, qui est le plus souvent la voie orale. Si celle-ci est impossible (vomissements, troubles de la déglutition, obstacle sur la voie digestive, coma), l'utilisation d'opiacés par voie sous-cutanée est une alternative efficace. La puissance des antalgiques utilisés est fonction du niveau de douleur et les paliers 1 et 2 suffisent souvent. Pour les douleurs sévères, on peut avoir recours aux morphiniques, en respectant les précautions liées à leur utilisation.

On surveille l'apparition d'effets secondaires : constipation avec les opiacés (peut être prévenue et/ou traitée), rétention urinaire (trop souvent méconnue, voire confondue avec une incontinence : un change mouillé chez un patient dément n'exclut en rien la rétention vésicale), somnolence et confusion(1).

Outre la bonne installation des patients, l'explication de ce qui va être fait et l'instauration d'un climat rassurant, on peut prévenir les douleurs induites par les soins en administrant des bolus antalgiques ou des inter-doses d'antalgiques à demi-vie courte prévus en prescription anticipée, en appliquant des anesthésiques locaux (gel de xylocaïne, crème Emla®) par exemple, avant une injection ou la pose de cathéter. D'autres mesures simples ne devraient pas être oubliées : bien connaître les zones douloureuses du patient (afin d'éviter toute manipulation intempestive), ne pas tirer un patient par les épaules pour l'asseoir, utiliser la technique du drap pour le mobiliser...

Le recours à des techniques locales permet de limiter l'utilisation d'AINS ou de réduire les posologies d'antalgiques. Outre les infiltrations locales, les blocs anesthésiques régionaux peuvent être utiles dans certains contextes hyperalgiques : artérite stade 4 inopérable, pancréatite aiguë, cancers de la région pelvienne, compression nerveuse (sur arthrose par exemple), névralgie.

Les thérapies non médicamenteuses sont indispensables : massokinésithérapie, ergothérapie (installation au lit et au fauteuil, orthèses, prothèses, aides techniques), podologie (soins d'hygiène, traitements unguéaux, orthèses, semelles, chaussage...), musicothérapie.

1- Il est rare que la morphine bien utilisée soit à elle seule responsable de confusion : il faut toujours rechercher une autre cause (troubles hydroélectrolytiques ou métaboliques notamment).

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