Les fausses couches - L'Infirmière Magazine n° 177 du 01/12/2002 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 177 du 01/12/2002

 

Cours

Les fausses couches avérées représentent environ 15 % des grossesses. Mais il convient de différencier les fausses couches précoces, tardives, à répétition et la grossesse môlaire. Le soignant doit prodiguer un soutien psychologique à la patiente victime d'une fausse couche.

Une fausse couche est l'avortement spontané d'un embryon ou d'un foetus, avant la limite de viabilité de celui-ci. Cette définition s'est appliquée fort longtemps à toute expulsion située entre la conception et la fin du sixième mois de grossesse, soit 28 semaines d'aménorrhée (en calculant donc à partir du premier jour des dernières règles de la parturiente), ou encore 180 jours de grossesse. Les auteurs aujourd'hui tiennent compte des nouvelles données de prise en charge et de réanimation néonatale, qui font généralement reculer les limites de la viabilité à la fin de la 20e semaine de grossesse, soit environ cinq mois, ou à un accouchement de nouveau-né d'un poids supérieur ou égal à 500 grammes. Au-delà de ce terme ou de ce poids, on parle d'accouchement prématuré et non plus de fausse couche.

Avant cette limite de viabilité, il faut distinguer les fausses couches précoces du premier trimestre, des fausses couches tardives du second trimestre, qui se différencient tant par leur cause que par leur prise en charge.

LES FAUSSES COUCHES PRÉCOCES

Les fausses couches précoces sont celles qui surviennent entre le moment de la fécondation, et la fin du premier trimestre de grossesse. Ce sont de loin les plus nombreuses. L'arrêt de la grossesse, asymptomatique, peut précéder de plusieurs jours l'expulsion spontanée. Les fausses couches se traduisent alors cliniquement par :

- des contractions parfois assez marquées, rappelant des règles douloureuses, ou encore décrites comme des sensations de pincements désagréables au niveau du bas ventre ;

- des hémorragies d'importance variable, pouvant être des pertes rosées ou rouges, parfois aussi des sécrétions sanguinolentes et noirâtres, visqueuses, avec présence de particules compactes ;

- les signes classiques d'accompagnement du premier trimestre, appelés aussi signes sympathiques de grossesse, comme les nausées, les vomissements, la tension mammaire, vont progressivement s'atténuer jusqu'à disparaître ;

- lors du toucher vaginal, le col est ouvert et perméable aux deux orifices. Des débris placentaires sont parfois mêlés aux saignements et ramenés sur le doigtier d'examen. La palpation révèle un utérus souvent contracté, parfois de taille légèrement inférieure au terme présumé. L'échographie met en évidence un utérus gravide, mais une grossesse arrêtée, la plupart du temps, et visualise éventuellement un embryon inerte sans activité cardiaque. Parfois, l'oeuf a cessé son développement avant que l'embryon ne soit visualisable : on parle alors « d'oeuf clair ». Le sac ovulaire peut être partiellement décollé, laissant apparaître un hématome décidual, ou encore dans certains cas, être déjà en partie évacué. Lorsque l'oeuf n'est pas présent avec certitude dans l'utérus, ou en train d'être expulsé dans la cavité vaginale, il faut s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une grossesse extra-utérine. L'existence d'une échographie précédente est capitale lorsqu'elle existe, confirmant alors que la grossesse était bien intra-utérine.

Les examens complémentaires sont essentiellement les dosages hormonaux, et plus particulièrement le taux sanguin de bHCG, sécrétées par le trophoblaste. Une diminution ou une stagnation de ces taux à 48 heures d'intervalle signe l'arrêt de la grossesse. Les causes de ces avortements spontanés du premier trimestre sont multiples, et souvent difficiles à déterminer. Dans au moins 50 % des cas tout de même, c'est une anomalie directement liée à la nature de l'oeuf qui est mise en cause.

Les anomalies génétiques retrouvées sont notamment des monosomies (en particulier du chromosome X), des trisomies, des triploïdies, des mosaïques chromosomiques. Elles peuvent être conséquentes à une erreur au cours des divisions méiotiques, ou pendant la gamétogenèse, ou au moment de la fécondation, ou encore lors des premières divisions de l'oeuf. Les fausses couches spontanées en cas d'aberration chromosomique correspondent ainsi à un phénomène naturel d'élimination des embryons anormaux, non viables ou porteur de malformations majeures.

De même que ces anomalies sont plus fréquentes à mesure que la femme vieillit, de même le pourcentage de fausses couches est un peu plus élevé en ce qui concerne les grossesses des femmes de plus de 40 ans. Dans les autres étiologies fréquentes incriminées au premier trimestre, il y a notamment les causes infectieuses, immunitaires ou hormonales, ainsi que les malformations utérines.

Il est important de comprendre que la plupart de ces fausses couches du premier trimestre sont inévitables, et finalement salutaires, puisqu'elles évitent l'évolution d'embryons porteurs de graves aberrations. Il faut accepter ces arrêts précoces, même si c'est parfois douloureux à vivre pour les parents. Le soignant, en pareil cas, devra faire preuve de psychologie.

LES FAUSSES COUCHES TARDIVES

Ce sont les expulsions spontanées du deuxième trimestre, avant le terme de viabilité de l'enfant. Le foetus peut-être encore vivant au moment de l'expulsion, et l'on envisage alors plutôt une cause mécanique à la fausse couche, comme la béance du col ou les malformations utérines. Dans d'autres cas, le décès foetal précède de quelques jours l'avortement. Les signes cliniques sont à peu près les mêmes que pour les fausses couches précoces, avec parfois la notion de l'arrêt de perception des mouvements actifs de l'enfant, précédant la phase de contractions et de saignements, et amenant la patiente à consulter. Les étiologies, multiples, sont celles détaillées un peu plus loin à propos des fausses couches à répétition.

Selon le terme et l'étiologie, le tableau sera différent. Plus la grossesse est avancée, plus l'expulsion peut être difficile, tant physiquement que moralement, et plus les risques hémorragiques seront importants. L'hospitalisation est systématique. Si le foetus est mort, sans qu'il y ait de signe d'activité utérine, on peut maturer le col, et tenter de déclencher les contractions afin de hâter l'expulsion, de limiter les saignements et les risques septiques.

LA MÔLE HYDATIFORME OU GROSSESSE MÔLAIRE

Cette pathologie très singulière a pour cause les aberrations de l'oeuf et de ses annexes. Relativement rare, elle correspond à une anomalie du développement du trophoblaste, qui est le tissu appelé à devenir le placenta. Cela peut être une môle complète, et alors l'ensemble du contenu utérin est constitué de ce tissu pathologique proliférant, ou bien une môle partielle, avec cohabitation du trophoblaste anormal, et d'un embryon reconnaissable, mais le plus souvent porteur d'anomalies majeures. Le tableau clinique initial de la grossesse molaire est souvent proche de celui d'une fausse couche, d'où l'importance de connaître cette pathologie afin de pouvoir faire le diagnostic différentiel. Les premiers signes sont des douleurs, des saignements, une anémie, des vomissements chez une patiente enceinte. En revanche, le volume utérin est souvent supérieur à ce qu'il devrait être au regard du terme. Les bHCG sont excessivement élevées, et continuent d'augmenter. L'aspect échographique est en général caractéristique, donnant des images typiques en flocons de neige. Lorsqu'une grossesse molaire est dépistée, il faut rapidement évacuer le contenu utérin par aspiration sous perfusion d'ocytocique, et assurer une surveillance de la patiente durant des mois. Un bilan complet dans un milieu très spécialisé est nécessaire, ainsi que des dosages sanguins, vérifiant la décroissance du taux de bHCG. En effet, 15 % de ces patientes vont développer une extension tumorale utérine localisée, et 4 % une pathologie métastatique, fréquemment associée à un choriocarcinome invasif. De plus, en cas de grossesse ultérieure, il faudra surveiller tout particulièrement, car le risque de récidive reste important.

PRISE EN CHARGE

Généralement, pour les fausses couches précoces d'avant 10-12 semaines, il convient d'être assez peu invasif, et de surveiller. Les risques hémorragiques sont très limités, car à ce terme, l'utérus est petit, et tonique. Il faut s'assurer néanmoins qu'il s'agit bien d'une grossesse intra-utérine, et éliminer une grossesse molaire, ou extra-utérine. À un terme plus avancé, il est souvent nécessaire d'intervenir. La surveillance clinique, les dosages de bHCG, et les contrôles échographiques de vacuité utérine permettent de bien cerner le problème. Si l'expulsion est complète, il faut s'abstenir de tout autre geste. Si ce n'est pas le cas, on peut avoir recours à une aide médicamenteuse, ou chirurgicale. Les médicaments communément employés sont le Syntocinon® en perfusion ou en IM, ocytocique de synthèse qui permet d'augmenter les contractions utérines et de lutter contre l'atonie et l'hémorragie. Il y a aussi les prostaglandines, comme la Prostine® E2, qui aide à l'évacuation de l'utérus en cas d'avortement incomplet. Le Méthergin®, longtemps médicament de choix contre les suites hémorragiques de l'expulsion, est à utiliser avec précaution et sous contrôle tensionnel strict, à cause du risque d'hypertension. Une aspiration simple, ou un curetage hémostatique, sous anesthésie locale ou générale, peut être nécessaire. Les fausses couches tardives s'apparentent parfois à un accouchement, avec plusieurs heures de contractions, une expulsion, une délivrance placentaire, des risques hémorragiques.

Dans tous les cas, il est particulièrement conseillé de procéder à un examen anatomopathologique de l'embryon, ou du foetus, ainsi que du placenta. Une mise en culture pourra mettre en évidence une éventuelle cause infectieuse. Les sérologies sont également indispensables, ainsi que la prévention rhésus lorsqu'elle est requise.

CONSEILS AUX PATIENTES

Les précautions à respecter sont surtout liées aux risques hémorragiques et infectieux : si les saignements sont trop importants, sentent mauvais, ou se poursuivent au-delà d'une semaine après la fausse couche, il faut revenir consulter. Bien qu'il soit naturel de ressentir des contractions durant quelques jours, cela ne doit pas se prolonger. Il ne doit pas apparaître non plus de fièvre, et, si la température s'élève au delà de 38 °C, il faut également consulter.

Tant qu'il y a des saignements, c'est que le col utérin est encore ouvert : le risque de remontée des germes du vagin vers l'utérus existe alors, et la patiente devra s'abstenir de prendre des bains ou d'utiliser des tampons vaginaux. Après un curetage, il est fréquent de prescrire une pilule contraceptive fortement dosée. En effet, l'endomètre a besoin d'être régénéré avant d'accueillir une nouvelle grossesse. De plus, les saignements qui suivent l'intervention vont durer moins longtemps. Ce cycle d'attente est aussi important car il permet de prendre un peu de recul, d'accepter les choses avant de remettre en route une nouvelle grossesse. Il ne faut jamais vouloir remplacer ce que l'on a perdu, mais au contraire admettre la perte, avant de désirer un autre enfant.

En cas de prise de contraceptifs, les règles suivantes reviendront deux à trois jours après la fin de la plaquette. Si ce n'est pas le cas, cela peut être dû à l'accolement des parois utérines, suite au curetage, et il faudra alors consulter afin de permettre au praticien d'agir rapidement, avant qu'une fibrose n'apparaisse. S'il n'y a eu ni curetage, ni prise de pilule, les règles surviennent généralement au bout de quatre à six semaines après l'expulsion.

LES FAUSSES COUCHES À RÉPÉTITION

Si, dans la vie d'une femme, il est normal et finalement assez fréquent d'avoir eu une ou parfois deux fausses couches, il convient de faire un bilan approfondi à partir de trois avortements spontanés. En regard des étiologies possibles et multiples, les investigations seront menées soigneusement.

Les causes utérines. L'examen clinique sera complété d'une échographie et d'une hystérographie. En ce qui concerne le col de l'utérus, la pathologie la plus fréquente est la béance, c'est-à-dire que le col est soit ouvert à l'état de base, soit fragile et déformable. Or, une fois implantée dans l'utérus, la grossesse se développe, et pèse sur le col, qui n'assure plus alors son rôle de fermeture hermétique. Ces béances sont soient constitutives, soient acquises, secondaires à un curetage traumatique par exemple. Un cerclage du col peut être proposé : il s'agit, en début de grossesse, de fermer mécaniquement le col de l'utérus avec un fil noué. On déconseille à la patiente la station prolongée debout qui augmente la pesanteur pelvienne, et la pression sur le col.

Les malformations possibles du corps utérin sont multiples. Certaines, incompatibles avec un bon développement foetal, provoquent des avortements spontanés. L'utérus peut être cloisonné, unicorne, bicorne, double ou hypoplasique. Il peut aussi s'agir d'une pathologie acquise, secondaire à une infection (endométrite, tuberculose génitale, etc.) ou à des suites compliquées de curetages ou de manoeuvres intra-utérines. Il existe alors des accolements de parois utérines, appelées synéchies, ou des zones de rétractions formant des brides fibreuses. La présence de fibromes importants ou de polypes intra-cavitaires peuvent également provoquer une gêne mécanique. Enfin, la position de l'utérus est parfois mise en cause : en effet, un utérus trop rétroversé n'est pas capable de basculer vers l'avant pour offrir toute la place nécessaire à l'augmentation de volume foetal.

Dans un certain nombre de cas, la chirurgie permet de traiter ces patientes, afin qu'elle puisse mener ultérieurement une grossesse à terme. L'autre aspect essentiel est l'importance de la prévention dans les gestes gynécologiques : il faut prévenir les infections génitales, être le moins traumatique possible lors des IVG ou autres curetages, préférer les médicaments pour maturer le col en préopératoire à la dilatation mécanique avec des bougies ou des laminaires, geste souvent délabrant, et s'assurer de la bonne évolution des suites opératoires.

Les causes infectieuses. De très nombreuses infections peuvent être à l'origine de fausses couches, soit par les malformations majeures ou le décès de l'embryon qu'elles provoquent, soit par l'action de la fièvre ou de l'inflammation qui occasionne l'expulsion de l'oeuf. Dans le bilan maternel et paternel, on citera les sérologies suivantes : HIV, rubéole, syphilis, toxoplasmose, cytomégalovirus, hépatites B et C, herpès simplex virus, Chlamydiae, ainsi que les mises en cultures des prélèvements cervicaux, endométriaux, urétraux, et une spermoculture. Si un agent pathogène est retrouvé, il sera alors traité avant d'entamer une nouvelle grossesse.

Les anomalies chromosomiques. Il faut distinguer les anomalies chromosomiques de nombre, des anomalies de structure. Les premières sont les plus fréquentes, mais restent isolées car dues au hasard. Les secondes résultent d'anomalies provenant des parents, et peuvent donc se répéter. Le bilan comprend un entretien avec un généticien, ainsi que le caryotype du couple, et peut être suivi d'un diagnostic prénatal pour les grossesses ultérieures.

Les causes immunitaires, auto-immunes ou allo-immunes. De nombreuses étiologies sont alors évoquées. Cela peut être le rejet de l'embryon par la mère, dû à une incompatibilité foeto-maternelle, ou la présence d'une maladie auto-immune comme le lupus, générant des anticorps à l'origine de micro-thrombus vasculaires délabrants pour la grossesse. On retrouvera, dans le bilan : crase sanguine, anticorps antinucléaires, antiphospholipides, anticardiolipide, anti-HLA, lymphocytotoxiques, facteur rhumatoïde. Selon les cas, des traitements peuvent être proposés, comme par exemple de l'aspirine, des corticoïdes ou de l'héparine.

Les causes hormonales. On peut retrouver des dérèglements hormonaux, comme une insuffisance lutéale, une hyperandrogénie, une hypothyroïdie, une hyperprolactinémie. Le bilan comprend une courbe thermique avec dosages hormonaux, notamment de progestérone en phase lutéale, un dosage de prolactinémie, et de TSH (T3 et T4). En cas d'insuffisance lutéale avérée, on peut alors prescrire des progestatifs au cours d'une grossesse ultérieure.

Les maladies systémiques. Des pathologies comme un diabète, une anémie sévère, une hypertension peuvent également être mises en cause. L'interrogatoire et l'examen clinique sont bien sûr capitaux, de même qu'une formule sanguine complète, et un bilan glycémique. D'autres explorations peuvent venir compléter ce bilan, en fonction du contexte.

Les autres causes. Des causes professionnelles, iatrogènes, spermatiques, psychologiques sont parfois évoquées, de même que certaines carences vitaminiques. Certains facteurs socioéconomiques de conditions de vie engendrent une augmentation du risque d'avortement spontané : la précarité, l'alcoolisme, le tabagisme, les longs transports quotidiens (la voiture étant plus « à risque » que le train), la station debout prolongée, habiter un appartement aux étages supérieurs sans ascenseur, le portage répété de charges lourdes, le stress, etc.

Mais avouons qu'il n'est pas toujours facile de mettre en évidence l'étiologie de nombreux avortements spontanés. Dans près de la moitié des cas, l'exploration minutieuse ne permettra pas de conclure. Dans d'autres situations, ce n'est pas une seule cause, mais une cohorte de facteurs de risque qu'il faut essayer de gérer.

Les menaces de fausse couche. Dans certains cas, il est possible d'agir avant que la situation ne soit trop avancée : c'est ce qu'on appelle la menace de fausse couche. Elle ne concerne pas a priori les fausses couches précoces, sauf étiologie évidente non chromosomique. En effet, lutter contre un avortement spontané précoce, c'est risquer de maintenir en place un oeuf porteur d'anomalies majeures. Les signes cliniques sont des douleurs pelviennes, éventuellement des métrorragies modérées, un col fermé ou peu modifié, et, à l'échographie, un foetus vivant malgré un éventuel décollement limité de la zone placentaire. Si une cause est retrouvée (fièvre, béance, insuffisance lutéale, etc.), elle doit être traitée. Les conditions de vie doivent être évoquées : fatigue, transport, station prolongée debout par exemple. Le repos est le premier, et le plus efficace aspect de la prise en charge.

Pour celles qui ont une activité professionnelle, il sera prescrit un arrêt de travail. Certains médicaments, comme les myorelaxants, les antispasmodiques et les béta-mimétiques, peuvent être également utilisés, en perfusion, en intramusculaires ou en comprimés selon le terme et la gravité de la situation. Si elle s'avère nécessaire, une hospitalisation peut être envisagée.

ACCOMPAGNER ET AIDER

Probablement parce qu'il s'agit d'un événement intime et éprouvant, les gens parlent peu de leur expérience à leur entourage. Malgré la fréquence élevée des fausses couches, bien peu de femmes enceintes se sentent concernées.

Le couple qui subit ce genre d'épreuve a besoin d'aide et de soutien. Faire une fausse couche, c'est perdre un enfant à venir, sur lequel on avait bien souvent déjà projeté un désir, une identification, une réelle existence...

Et que dire des situations encore plus dramatiques que constituent les fausses couches à répétition, où tant et tant d'échecs se succèdent, sans qu'on puisse être certain de parvenir un jour à mener une grossesse à terme... L'environnement familial, mais aussi médical, doit être disponible pour écouter et aider le couple à faire face : lui permettre de parler, de pleurer, de faire le deuil de cette grossesse arrêtée.

Quand la blessure est trop vive, la douleur insurmontable, il ne faut pas hésiter à les diriger vers un psychologue ou un psychiatre qui les aidera à passer ce cap difficile.

Étymologie

Le terme de fausse couche est toujours très employé aujourd'hui. Il provient du verbe « coucher », qui intègre la langue française vers le XIIe siècle. Mais c'est vers l'an 1500 que l'on commence à utiliser le mot « couche » pour désigner l'alitement de la femme qui enfante. D'autres dérivés apparaissent, comme « être en couches », « des couches laborieuses », ou encore « les suites de couche ». Le temps de « la fausse couche » était donc celui où la femme subissait un « faux » accouchement, semblable pourtant à celui-ci en de nombreux points, notamment en ce qui concernait les risques élevés de morbi-mortalité en ces temps reculés...

Les dangers du Distilbène®

Il y a quelques décennies, il a été prescrit à des femmes enceintes du diéthylstilboestrol, plus connu sous le nom de Distilbène®. Les conséquences tératogènes se sont avérées majeures, et aujourd'hui, les filles, nées de ces grossesses et devenues femmes en âge de procréer, en subissent les conséquences. Elles ont un risque extrêmement élevé de fausses couches, surtout tardives, de stérilité ou de grossesses extra-utérines, et sont porteuses de malformations utérines, ainsi que d'adénoses et adénocarcinomes cervicovaginaux...

Un taux très élevé de fausses couches

Il est toujours très difficile de chiffrer avec exactitude l'impact des fausses couches. La mortalité embryonnaire précoce, c'est-à-dire la perte de l'embryon au tout début de la grossesse, au moment de l'implantation de l'oeuf ou immédiatement après, est parfois ignorée par la patiente. Elle constate un léger retard dans la date de l'arrivée de ses règles, ou des saignements juste un peu plus abondants. Si l'on prend donc l'intégralité des avortements spontanés, y compris les très précoces, on estime qu'ils représenteraient 60 % des grossesses, soit donc plus de la moitié des fécondations. Le taux de fausses couches cliniquement décelables est, lui, plus modeste, bien qu'encore fort élevé, puisqu'il représente tout de même 10 à 15 % des grossesses. Cela veut dire qu'au moins une grossesse sur huit évoluera vers un avortement spontané.

La prévention rhésus

Tout comme après une interruption volontaire de grossesse ou un accouchement, il est indispensable d'avoir les bons réflexes de prévention rhésus après une fausse couche spontanée : toute patiente rhésus négatif recevra une injection de gammaglobulines anti-D, afin qu'elle ne fabrique pas d'anticorps contre une nouvelle grossesse à venir. L'injection se fera en IV lente, dans les 72 heures qui suivent l'expulsion.

Ni bain ni tampon

Lors d'une FCS, le col s'ouvre d'autant plus que la grossesse était avancée et volumineuse. Tant que les saignements durent, il existe alors une voie de contamination possible par remontée des germes vers l'utérus, contre-indiquant l'utilisation de tampons hygiéniques à cause du risque septique de stase et la prise de bains avec présence d'eau risquant de refluer du vagin vers l'utérus.

Gestation et parité

La gestation, mot d'origine latine qui signifie « porter », désigne l'état de grossesse. Le mot parité vient également du latin, et évoque la notion de similitude, d'égalité. En gynécologie-obstétrique, il signifie «avoir donné naissance à un enfant viable» (et non pas d'ailleurs forcément vivant), un être humain alors considéré comme un « pair ». Il est important de connaître le nombre de grossesse et d'accouchement d'une patiente. Grâce à l'interrogatoire, on apprend combien de fois elle a été enceinte : elle est nulligeste avant toute grossesse, puis primigeste, seconde geste, etc. Ensuite, on identifie le nombre de ses accouchements, c'est-à-dire le nombre des expulsions d'enfants viables : elle est nullipare avant d'avoir accouché, puis primipare, secondipare, etc. Ces informations capitales sont simplifiées de cette manière : Mme X., IVe geste, IIe pare, par exemple. Une patiente qui a subi trois fausses couches, mais n'a jamais mené de grossesse au-delà de 20 semaines d'aménorrhée, est IIIe geste, mais toujours nullipare. Une autre, qui aura eu des triplés, mais n'aura été enceinte que pour cette unique grossesse, sera primigeste, car elle n'a été enceinte qu'une seule fois, mais IIIe pare, car elle a accouché de trois enfants.

Témoignage

« C'est comme faire un deuil »

Liliane, aujourd'hui mère de trois enfants, nous livre son témoignage sur une fausse couche qu'elle a subie.

« Deux ans après la naissance de notre premier enfant, nous avons décidé d'en faire un second. Rapidement, j'ai été enceinte, tout se passait bien, aucun saignement, pas de douleur, juste les quelques signes normaux de début de grossesse : mes seins étaient tendus et douloureux, j'étais fatiguée, et un peu nauséeuse... Vers neuf semaines, j'allais, heureuse, à ma première échographie. Là, le couperet est tombé : grossesse arrêtée, pas de mouvement foetaux ni d'activité cardiaque... Comme l'arrêt de la grossesse était récent, l'oeuf ne s'était pas encore décollé, et c'est pour cela que je n'avais eu aucun des signes classiques de la fausse couche... J'avais beau savoir que cela pouvait arriver, c'est quelque chose de douloureux à vivre... C'est comme faire un deuil... L'idée d'avoir en soi un embryon mort était difficile à supporter... Il a fallu ensuite attendre un peu avant d'être enceinte de nouveau... Lors de mes grossesses ultérieures, j'ai appris à attendre davantage avant de trop me réjouir... »