Études de santé : la réforme est en marche ! - L'Infirmière Magazine n° 178 du 01/01/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 178 du 01/01/2003

 

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Première année commune : les étudiants des professions de santé sont prêts à franchir le pas. Et le prouvent en proposant un projet collectif de première année commune à la commission pédagogique nationale chargée du dossier.

Tout le monde se lève pour... la première année commune aux étudiants de santé. Médecine, pharmacie, sage-femme, dentaire, orthophonie, kinésithérapie, soins infirmiers, diététique, etc. : la première année commune devrait réunir toutes ces disciplines.

Objectifs : ne pas allonger des études professionnelles dont certaines sont déjà très longues ; gérer les contraintes des numerus clausus ; valoriser les étudiants qui s'engagent dans ces études ; faire partager à l'ensemble des étudiants une année durant laquelle ils auront accès à une culture commune et qui permettra une meilleure compréhension et une meilleure coopération lorsqu'ils exerceront plus tard les différents métiers de santé. Utopie ou réalité ? Les étudiants se sont mobilisés et ils y croient. Enfin, ils espèrent que les ministères de la Santé et de l'Éducation soutiendront le travail qu'ils ont fourni au sein de la commission nationale pédagogique. Laquelle devrait rendre ses propositions finales en mars prochain à Jean-François Mattei et Luc Ferry. « Ça fait quinze ans qu'on en parle de cette année commune... », lance Marie Costes, présidente de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF).

Pas de hiérarchie.

En effet, l'idée d'une année commune n'est pas franchement nouvelle : Jean-François Mattei faisait déjà partie d'une mission sur la formation commune des professionnels de santé en 1996. Cet élément laisse d'ailleurs espérer que la nouvelle mission ne sera pas laissée pour compte. Notre ministre a d'ailleurs estimé que la réforme de la première année rend « indispensable une refonte du premier cycle » des études médicales. Un nouveau pas a été franchi avec l'arrêté du 10 avril 2002 créant la commission pédagogique nationale de la première année des études de santé (J. O. du 14 avril). Ses missions, telles qu'elles ont été définies par Jack Lang et Bernard Kouchner, sont les suivantes : rechercher les dénominateurs communs aux métiers de santé, définir des enseignements communs aux différentes filières, notamment en santé publique et en économie de la santé ; définir également les enseignements optionnels propres à chaque filière et éclairer ces choix en faisant connaître aux étudiants les différents métiers de la santé. Enfin, fixer les modalités d'évaluation des étudiants par des concours propres à chaque filière professionnelle sans hiérarchie entre les différents concours. Qu'en est-il à ce jour ?

Deux quadrimestres.

Du côté des étudiants, le projet avance. Selon Amélie Haupais, représentante des étudiants de santé à la commission, les différentes associations d'étudiants en santé ont décidé de réfléchir à un projet commun « car on a senti que pour aller plus loin, il fallait se fédérer et réussir à lutter contre les clivages ». C'est chose faite, les étudiants ont présenté le projet commun. Les grandes lignes de ce projet, qui n'est pas encore définitif, sont de diviser l'année commune en deux quadrimestres. Le premier serait consacré à l'enseignement de matières communes à toutes les professions de santé comme les bases d'anatomie, de physiologie, la santé publique, l'économie de la santé, les sciences humaines, l'hygiène, etc. Des enseignements d'orientations seraient délivrés dans l'optique de connaître les différents métiers de santé et donc de favoriser un choix éclairé des concours pour les étudiants. Des partiels marqueraient la fin de ce premier quadrimestre. Le second comporterait un choix de modules spécifiques fait à partir des connaissances des métiers du premier quadrimestre, ainsi qu'en fonction du niveau de l'étudiant. Il comporterait toujours des cours communs, en vue de créer cette culture santé entre les étudiants.

À la fin de ces deux quadrimestres, l'étudiant pourrait présenter plusieurs concours, à condition qu'ils soient bien différents et spécialisés par modules choisis. « Une année pour partager une culture commune c'est peu, mais c'est déjà ça », estime Amélie Haupais. Marie Costes positive : « C'est une avancée de pouvoir présenter plusieurs concours et de ne pas choisir par dépit. Il faut voir cette réforme comme une amélioration des études de santé. Les étudiants auront le choix entre plusieurs filières tout en ayant une véritable information sur les différents métiers de la santé. »

Une commission contestée.

Si la Fnesi est satisfaite des démarches en cours, ce n'est pas le cas de la Cesif (Corporation des étudiants en soins infirmiers et infirmiers de France). Marco Sirot, son président, dénonce la mise en place précipitée de la commission pédagogique des études de santé. « Des associations d'étudiants ont été oubliées. La Cesif qui représente pourtant 23 000 étudiants en soins infirmiers en fait partie. Nous attendons que le ministère réagisse et nous intègre dans cette commission. »

Favorable à un grand nombre de points du projet présenté par les étudiants de santé à la commission, la Cesif insiste toutefois sur la nécessité de « profiter de cette réforme pour mettre l'accent sur un enseignement de qualité. Former des professeurs de qualité ayant un bagage théorique et pratique vrai et validé est indispensable. » L'association veut aussi mettre l'accent sur les qualités humaines nécessaires à toutes les professions de santé. « Il faut absolument remettre le patient au centre des études de santé. Ce n'est pas qu'avec des mathématiques et des sciences physiques que le médecin de demain sera plus humain. » La Cesif voudrait aussi s'intéresser à l'après première année commune. « Nous proposons la mise en place d'un IUP (institut universitaire professionnalisé) en soins infirmiers qui dépendrait du ministère de l'Éducation nationale, puisque nous sommes des étudiants. »

Si la commission pédagogique s'est réunie le 6 décembre, il reste encore beaucoup d'éléments inconnus. Le calendrier, les moyens et le déroulement de la mise en place de cette année commune ne seront définis au mieux qu'au printemps prochain par les ministères concernés. Le contenu des modules communs et spécifiques, ainsi que la nature des concours restent aussi à valider. Le dernier mot appartient bien sûr aux ministères. Bien que... Michaël Deroche, nouveau président de la Fnesi, ne compte pas se laisser faire. « Le pavé parisien nous attend si notre projet ne passait pas. »

Questions soulevées par la réforme

- La formation infirmière va-t-elle devenir universitaire ?

- Certaines formations paramédicales sont payantes, d'autres non. Que va-t-il advenir de ce melting-pot de formations ? Vont-elles toutes devenir publiques ?

- Quid des moyens financiers (locaux adaptés, logement et restauration universitaires pour les nouveaux étudiants) ?

- Le nouveau système s'établira-t-il par étapes (spécialité par spécialité, sur plusieurs années) ?

- La mise en place de passerelles universitaires reste à définir entre les différentes formations de santé, mais aussi entre les autres secteurs et le secteur de la santé.

- La question du redoublement de la première année reste en suspens. Va-t-on retomber dans le cercle vicieux du redoublement de la première année qui favoriserait les redoublants par rapport aux nouveaux entrants et qui engendrerait un goulot d'étranglement en première année universitaire commune ?

- Modalités de concours et d'examens : les coefficients des matières communes seront-ils différents selon la filière choisie ?

3 Questions à Martine Perrasse présidente du Cefiec (Comité d'entente des formations infirmières et cadres). Présente à la commission pédagogique nationale de la première année d'étude.

Que pensez-vous de la première année commune ?

Je ne suis pas hostile à ce que les professions médicales et paramédicales se rencontrent pendant un an. Mais il me semble ambitieux de parler d'une « culture commune » acquise en une année lors de laquelle seule une partie des cours seraient en commun.

Et le projet étudiant présenté à la commission pédagogique ?

Les étudiants ont vraiment le souci de travailler ensemble sur ce projet. J'ai noté une bonne homogénéité dans leur discours. Il n'y a pas de cloisonnement figé entre les disciplines paramédicales et de médecine, ou entre les étudiants et les formateurs, ce qui est positif.

Cette réforme aura-t-elle des conséquences sur la formation des enseignants en Ifsi ?

Je ne pense pas que cela aura une répercussion directe sur les formateurs des étudiants infirmiers, si ce n'est qu'ils dispenseront les cours dans un autre lieu. Les formateurs d'Ifsi interviendront dans les compétences proprement infirmières. Dans les matières comme la psychologie ou la sociologie, ce seront des professionnels de ces domaines qui donneront les cours, ce qui est déjà le cas aujourd'hui. Ces enseignants seront vacataires et non pas titulaires.