« Les coûts de la formation ont été multipliés par deux... » - L'Infirmière Magazine n° 178 du 01/01/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 178 du 01/01/2003

 

Didier Turrini

Questions à

Depuis le 18 décembre 2002, Didier Turrini est pour un an le président de l'Agence nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH). L'occasion d'évoquer avec lui la situation de la formation dans les établissements sur fond de pénurie...

Quel est votre parcours professionnel ?

Je suis éducateur. Mon parcours a commencé dans des centres socioéducatifs du secteur sportif, puis j'ai intégré le secteur social en exerçant dans des foyers de l'enfance. En 1995, le CHU de Nice m'a recruté pour travailler à la crèche. C'est durant cette période qu'a débuté mon engagement syndical, à la CGT. J'ai participé aux comités techniques de l'établissement. En 1996, j'ai intégré la délégation régionale de l'ANFH à Marseille. À partir de décembre 2001, je suis arrivé au conseil d'administration national de l'association. Et aujourd'hui, je succède à Serge Bernard, représentant la FHF et directeur du centre hospitalier de Mâcon, à la présidence de l'ANFH.

À quoi sert l'ANFH ?

L'ANFH est une association paritaire qui assure la gestion et la mutualisation des fonds versés au titre de la formation continue par les établissements. L'ANFH participe au développement de la formation professionnelle continue au bénéfice des établissements de santé, sociaux et médicosociaux (du secteur public). Nous ne sommes pas un organisme de formation, mais principalement un collecteur de fonds.

Quelques chiffres ?

Nous comptons aujourd'hui 2 201 établissements. En 2001, nous avons comptabilisé 521 097 départs en formation. Je précise que ce nombre ne correspond pas au nombre de personnes parties en formation car une personne peut partir deux fois. La grande majorité des formations suivies sont des actions d'adaptation à l'emploi.

Plus précisément, quelles sont vos missions ?

Nous assurons la collecte, la gestion et la mutualisation des fonds versés à titre de cotisations par les établissements adhérents, pour la mise en oeuvre des actions figurant dans leurs plans de formation au profit des personnes titulaires et non titulaires. Nous assurons aussi la collecte et la gestion des fonds versés par les établissements assujettis pour le financement du congé de formation professionnelle (CFP).

Pour le CFP, la personne intéressée s'adresse directement à l'ANFH ?

Elle demande le dossier directement à la délégation ANFH de sa région, mais elle doit s'adresser à la direction de son établissement pour obtenir l'autorisation d'absence. La direction a un délai d'un mois pour rendre sa décision.

Les autres missions...

L'ANFH concourt au développement de la formation en organisant des actions de formation nationales et régionales. Nous dispensons des aides et des conseils aux établissements et à leurs salariés, nous proposons aux services de formation des outils méthodologiques, dans le domaine de l'ingénierie pédagogique et de la gestion de la formation. Nous menons des réflexions et des études sur les questions touchant à la formation. Le 17 décembre dernier à Paris, à la Maison de la mutualité, l'ANFH a organisé un colloque sur l'amélioration de l'égalité d'accès à la formation permanente des agents de la fonction publique hospitalière.

Quels sont les facteurs principaux d'inégalité que vous avez relevés ?

Les niveaux de qualification et les conditions familiales sont des facteurs importants qui facilitent ou empêchent la formation professionnelle permanente. Pour caricaturer, la formation est plus accessible pour un homme célibataire, cadre, âgé de 40 ans, que pour une femme, agent de service, divorcée avec trois enfants. D'autres facteurs comptent, comme la situation géographique, les transports. Les établissements situés dans les grandes villes ont à proximité un choix d'organismes formateurs.

Quelles pistes pour réduire l'inégalité d'accès ?

En premier lieu, continuer notre travail d'information auprès des personnels, rappeler que la formation promotionnelle est un droit. Pour les personnes les plus démunies, qui ne se sentent pas capables de se lancer dans une formation, je rappelle l'existence d'un outil : le bilan de compétences. C'est une véritable opportunité qui permet de poser un regard rétrospectif sur sa carrière et d'établir un plan de formation promotionnelle ambitieux et réalisable. Le bilan de compétences facilite les vocations à la formation.

Autre piste, la mutualisation des moyens va nous permettre de réduire les inégalités d'accès entre les établissements. D'autre part, nous invitons aussi les organismes de formation à utiliser de nouveaux outils cognitifs, afin que les candidats à la formation qui ont connu un échec scolaire ne retrouvent pas les méthodes d'apprentissage qui les ont mis dans cette situation.

La réduction des inégalités passe aussi par des actions d'évaluation. À l'ANFH, nous devons évaluer nos stratégies, aider les établissements à mesurer la pertinence des formations données par les organismes. D'autre part, un grand chantier se prépare en ce moment : la validation des acquis professionnels. C'est un dossier délicat, car les métiers du soin sont réglementés.

La pénurie a-t-elle joué en défaveur des départs à la formation ?

La situation actuelle de pénurie constitue un frein à la politique de formation continue. Et la mise en place de la RTT a aussi bloqué dans beaucoup d'établissements les plans de formation. Ceci dit, il faut absolument que les établissements les maintiennent. La formation professionnelle permet de qualifier les personnels et contribue à réduire la pénurie de personnel qualifié, notamment dans la filière du soin.

Quel regard portez-vous sur la situation de la formation professionnelle ?

La part consacrée à la formation professionnelle n'est pas suffisante. La somme d'argent qui permet de financer les formations est établie au prorata des salaires. Or, les coûts de la formation ont été multipliés par deux ces dernières années. Et pas les salaires... Nous nous trouvons dans une situation de décalage entre les formations qui augmentent, notamment les formations spécialisées en soin, et les salaires qui n'évoluent pas beaucoup.