Les Toc - L'Infirmière Magazine n° 178 du 01/01/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 178 du 01/01/2003

 

Cours

Les Toc (troubles obsessionnels compulsifs) sont des troubles anxieux d'évolution chronique et handicapante. Tous les soignants, quelle que soit leur spécialité, doivent les connaître pour optimiser leur repérage, et améliorer le suivi et l'accompagnement des patients et des familles.

Le Toc touche entre 2 et 3 % de la population, soit entre 1 et 1,5 million de personnes (dont 200 000 à 300 000 enfants) en France. Il représente la quatrième pathologie psychiatrique la plus fréquente après les troubles phobiques, les toxicomanies et les troubles dépressifs. C'est une maladie invalidante. Elle se manifeste quotidiennement durant de nombreuses heures, pendant lesquelles les relations avec le monde extérieur sont interrompues. Ce qui perturbe les relations familiales, la scolarité, mais aussi l'insertion des sujets dans le monde professionnel. Elle commence au moins une fois sur deux avant l'âge de 15 ans et touche (à l'exception des formes très précoces, plus masculines) indifféremment les hommes et les femmes. Dans l'enfance, les Toc surviennent principalement vers six/sept ans ou entre 12 et 13 ans. Hormis la particularité des Toc Pandas (Pediatric auto-immune neuro-psychiatric disorders associated with streptoccus, cf. encadré ci-contre) spécifiques aux enfants, la sémiologie des troubles, l'expression symptomatique de la maladie et le mode de prise en charge de l'enfant sont comparables au Toc de l'adulte, indique le Dr Élie Hantouche, psychiatre responsable de la consultation de l'humeur, département de psychiatrie adulte (service du Pr J.-F. Alillaire), hôpital de La Pitié-Salpêtrière.

DÉFINITION

Le Toc fait partie des troubles anxieux mais n'a que la souffrance émotionnelle en commun avec les autres troubles (peur panique, agoraphobie, stress post-traumatique, hypochondrie, phobie sociale). Comme son nom l'indique, cette maladie comporte deux types de symptômes : les obsessions et les compulsions.

Les obsessions sont des pensées, des impulsions ou des représentations conscientes et persistantes qui s'imposent à l'esprit, de façon répétitive, contre la volonté de la personne. Elles sont ressenties comme intrusives et inappropriées, et entraînent une anxiété ou une détresse importante. La majorité des sujets présentent plusieurs obsessions. Les plus fréquemment observées sont les obsessions de saleté et d'erreur (personnes ayant un sentiment de doute et qui passent leur temps à se laver, à nettoyer ou à vérifier le gaz, les robinets, la porte...), de malheur (superstition obsédante associée au 13 par exemple) et d'agressivité (envie d'étrangler son enfant).

Les compulsions, souvent appelées « manies », sont des actes mentaux (compter, prier, répéter des mots silencieusement) ou des comportements (ordonner, vérifier, se laver) répétitifs que le sujet se sent obligé d'accomplir à l'excès selon des règles inflexibles (rituels) en réponse à une obsession. Elles sont destinées à neutraliser, à diminuer le sentiment de détresse, ou à éviter un événement ou une situation redoutés. Les principales compulsions sont par ordre décroissant : le lavage (main, douche, bain, brossage des dents), les répétitions (entrer et sortir, s'asseoir et se lever, répétition de phrases, relectures), les vérifications (fermeture des portes et des fenêtres, appareils électriques débranchés, travail scolaire fait), le comptage, le rangement, le toucher et l'accumulation.

On ne peut parler de maladie que si ces symptômes occupent au moins une heure par jour (cela peut aller jusqu'à six à huit heures par jour), sont source d'angoisse et d'anxiété, et engendrent une grande détresse ou un handicap dans la vie du sujet. Dans le cas contraire, il s'agit de manies, de rituels « subcliniques » ou « infracliniques » liés à des obsessions « normales » (cf. encadré ci-contre).

MÉCANISMES

Schématiquement, le Toc résulte d'une aberration de l'activité sérotoninergique, et d'une hyperactivation du circuit striatopréfrontal. La transmission synaptique de l'information entre les neurones se fait par les neuromédiateurs (adrénaline, sérotonine, dopamine).

Dans le Toc, le principal neuromédiateur incriminé est la sérotonine. Tout se passe comme si le circuit des neurones utilisant la sérotonine pour transmettre l'information était ralenti. Cette explication neurochimique est aujourd'hui confirmée par les techniques d'imagerie fonctionnelle cérébrale qui ont permis de mettre en évidence les zones (noyau caudé, cortex orbitofrontal, cortex cingulaire) plus particulièrement concernées dans le Toc.

CAUSE GÉNÉTIQUE

Contrairement à ce que l'on a longtemps cru, le Toc n'est pas une maladie réactionnelle transmise par l'éducation. « Si les arguments neurochimiques militent dans ce sens, fait remarquer le Dr Hantouche, les données familiales (les jumeaux homozygotes présentent dans 80 % des cas le même trouble, alors que la concordance chez les jumeaux dizygotes n'atteint que 40 %) montrent également que la transmission ne se fait ni par imitation, ni via l'éducation. »

De fait, la majorité des études suggèrent l'hypothèse d'une transmission génétique. Le Toc, comme le diabète ou l'HTA, serait une maladie à hérédité complexe impliquant plusieurs gènes. « Un point sur lequel il est important d'insister auprès des familles afin qu'elles puissent se démarquer de l'approche classique psychanalytique, qui laisse croire aux parents que leur éducation et leurs comportements sont en cause alors que personne n'est responsable du Toc. »

MALADIE CACHÉE

S'il est important de déculpabiliser les parents, il est tout aussi capital de comprendre ce que vit et ressent le malade pour l'aider. Conscient de ne pas être comme les autres, celui-ci s'inquiète : « Que m'arrive-t-il, pourquoi dois-je vérifier 50 fois que la porte est fermée avant de partir au travail ? » Ensuite il réalise que ce besoin répétitif est anormal. « Le malade dit souvent "tout se passe comme si mes yeux ne voyaient pas ce que je fais", commente le Dr Hantouche. Lorsqu'il ferme la porte, au lieu de se dire "je suis tranquille, je l'ai fermée", le patient ne reçoit pas de message utile (la porte est fermée) ; il ne peut pas dire "c'est bon, je peux faire autre chose" et le doute s'installe. Ce doute l'angoisse au point qu'il est obligé de reproduire le même rituel 10, 20, 50 fois, jusqu'à ce que son cerveau lui commande enfin d'arrêter. Il en conçoit un sentiment de honte et de peur (peur d'être pris pour un fou) qui le conduit à tenir son Toc secret, à intérioriser la souffrance psychique qu'il engendre, à banaliser le phénomène et à consulter au motif qu'il est anxieux, dépressif ou insomniaque. Jamais il ne divulgue spontanément son Toc. »

SIGNES D'ALERTE

Cette dissimulation associée au fait que les médecins connaissent peu la maladie et se laissent volontiers aiguillés sur un mauvais diagnostic par les comorbidités associées (cf. encadré p. V), concourent à un retard de diagnostic du Toc compris, selon les études, entre 12 et 17 ans. Lorsqu'un patient arrive aux urgences après avoir avalé deux litres d'alcool à 90°, d'emblée, un médecin d'hôpital général pensera à une TS car il n'imaginera pas que ce geste n'avait en fait pour but qu'un grand « nettoyage intérieur ». « Ce ne sont donc pas les symptômes mais leurs conséquences qui doivent alerter les soignants », note le Dr Hantouche. Ainsi, face au patient qui se met en colère pour rien, s'enferme dans sa chambre durant des heures (pour accomplir son rituel), présente des conduites d'évitement (n'ose pas toucher certains objets ou laisse les autres le faire à sa place), répète inlassablement la même question pour être rassuré, présente des changements inexpliqués dans ses habitudes alimentaires (peur d'être contaminé par la nourriture) ou ses horaires de sommeil (éviter d'être dérangé par les autres) ou encore, quand la famille dit qu'avec lui (ou elle), la vie est un véritable enfer..., le soignant doit acquérir le réflexe de poser deux questions clés susceptibles de démasquer un Toc : « Est-ce que vous avez des idées absurdes qui vous viennent à l'esprit ? » et « Vous sentez-vous l'obligation de répéter à l'excès certains actes ? » Si le patient répond par l'affirmative à ces deux questions, il convient d'évoquer un phénomène d'obsession compulsive (OC).

Par ailleurs, lorsqu'un soignant est confronté à un malade dont l'anxiété ne cède pas, voire s'aggrave suite à une escalade de prescription d'anxiolytiques (Xanax®, Témesta®, Lexomil®) ordinairement efficaces pour n'importe quel type d'anxiété, il convient de suspecter un Toc, car cette maladie ne répond pas aux anxiolytiques. De même, une dépression que le traitement ne soulage pas doit faire évoquer un Toc, et poursuivre l'investigation diagnostique. Car si les traitements sont identiques dans les deux cas, le Toc réclame des doses beaucoup plus importantes et une durée de traitement beaucoup plus longue (quatre à huit semaines) que la dépression.

DIAGNOSTIC

Face à un Toc présumé, il convient dans un premier temps d'écarter les diagnostics différentiels tels que la dépression (les Toc ne sont pas des ruminations focalisées sur le passé, l'échec, l'abandon), les autres anxiétés, certaines formes de tics complexes (syndrome de Gilles de la Tourette(1) notamment), voire certaines formes de schizophrénie ou de psychose. Ensuite, le diagnostic se fonde sur la présence objective des symptômes spécifiques. Il existe un catalogue des thèmes d'obsessions-compulsions(2) permettant d'objectiver ceux dont le patient souffre, de les hiérarchiser et d'en suivre à distance l'évolution.

À partir des trois symptômes dominants, il convient ensuite d'évaluer l'intensité et la sévérité du trouble. Actuellement, Y-BOCS (Yale Brown Obsessive-Compulsive Scale) est l'échelle de référence. Cet instrument global spécifique présente l'intérêt de séparer l'évaluation des obsessions de celle des compulsions, chacune comportant cinq items :

- la perte de temps occasionnée par les symptômes ;

- l'angoisse associée à ces phénomènes ;

- la gêne, voire le handicap occasionné dans la vie sociale et professionnelle ;

- la résistance opposée aux symptômes (un sujet qui cède systématiquement aux OC = mauvais signe) ;

- le degré de contrôle exercé par le patient sur les OC.

Pour chaque symptôme, on obtient un score de 0 à 4, donc un score global maximum de 40 :

- score compris entre 0-10 : le sujet n'est pas ou très peu gêné par le Toc. Il s'agit probablement de Toc subclinique ou Soc ;

- score > ou = 16/18 : Toc clinique = > indication au traitement ;

- score > 25-28 : Toc sévère.

Cette échelle est surtout utilisée pour évaluer l'évolution de la maladie sous traitement. Une baisse de 25 à 35 % du score total par rapport aux valeurs initiales traduit une amélioration significative des symptômes.

PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

Traitements spécifiques. Les traitements spécifiques ayant l'AMM pour le Toc sont des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) : Anafranil® (clomipramine) et des IRS sélectifs (ISRS) : Prozac® (fluoxétine), Deroxat® (paroxétine), Zoloft® (sertraline). Utilisés initialement pour traiter la dépression, ces antidépresseurs ont obtenu l'AMM dans l'indication Toc. Actuellement, seul le Zoloft® dispose de l'AMM pour les enfants à partir de six ans.

Le Toc est d'ailleurs la première maladie bénéficiant d'un traitement psychotrope avant 15 ans. Ces traitements agissent dans la durée. « Il faut attendre quatre à huit semaines pour obtenir un début d'efficacité de la première dose optimale et au moins 12 à 20 semaines pour juger l'effet complet de l'IRS, indique le Dr Hantouche. L'augmentation des doses se fera progressivement jusqu'à la dose maximale, sachant qu'il faut six mois de recul pour optimiser la différence par rapport à un placebo. » Cela signifie que la réponse au traitement peut prendre du temps et qu'il ne sert à rien de changer les doses ou le médicament, tant que le schéma thérapeutique initial n'est pas respecté.

Seule une intolérance majeure au traitement (notamment liée à l'Anafranil®) justifie l'arrêt prématuré ou le changement de médicament. Lorsque le patient ne répond pas au médicament, y compris aux plus fortes doses, il est conseillé soit de le changer contre un autre de la même famille, (substitution) soit d'ajouter un médicament (Risperdal® par exemple) susceptible d'en potentialiser l'effet (combinaison). Lorsqu'au terme des six premiers mois, l'état du patient est stabilisé, il est recommandé de poursuivre le traitement durant encore un an, et de procéder ensuite à un arrêt progressif à raison de 25 % tous les deux à trois mois. En cas de rechute, le patient reprendra la dose antérieure ; lorsque la baisse ou l'arrêt du traitement sont suivis de plusieurs échecs, un traitement au long cours s'impose. Plus de la moitié des Toc ont besoin d'un traitement permanent.

TCC. La thérapie cognitive et comportementale (TCC), individuelle ou collective, peut être mise en oeuvre, parallèlement aux médicaments, afin d'amener le patient à changer ses habitudes et à surmonter les situations pénibles. C'est une thérapie active. Elle peut être commencée d'emblée dans les Toc légers à modérés, mais doit être différée de quelques mois en cas de dépression associée ou de Toc sévère, car il est indispensable que le patient adhère au traitement, et soit dans un état d'esprit volontaire pour participer à sa mise en oeuvre.

Elle repose sur deux techniques complémentaires : l'exposition graduée et la prévention de la réponse. Il s'agit pour le patient de réaliser plusieurs fois par jour des exercices consistant à affronter progressivement les situations qui déclenchent ses obsessions et ses rituels. Par exemple, on lui demande de s'exposer à quelque chose de sale (serpillière, poussières, cuvette des WC...) et de résister à l'envie de ritualiser durant 30 minutes. Il doit pouvoir progressivement parvenir à gérer son anxiété par l'affrontement et non par la fuite, qui consisterait soit à éviter la situation anxiogène, soit à répondre immédiatement par le rituel. Cette technique conduit à un processus d'amélioration dit « d'habituation ». Ensuite, il est demandé au patient de limiter en durée (passer de deux heures à une heure puis à 30 minutes) ou en fréquence (ne vérifier que 30, puis 20, puis 10 fois au lieu de 50 initialement) les rituels liés à ces situations : c'est la prévention de la réponse qui doit l'amener à terme à ne plus ritualiser. Partant de ce principe, la TCC peut être mise en oeuvre selon différentes modalités (cf. encadré P. VII). Associée à des médicaments bien ajustés, elle donne de très bons résultats, sachant que la prise en charge thérapeutique n'a pas pour but d'éradiquer les obsessions, mais d'en limiter la survenue, de maîtriser l'anxiété et de contrôler la ritualisation de manière à ce que le patient puisse vivre correctement. Quand les handicaps et la détresse reculent et que le patient dit « je peux tout faire maintenant malgré mes obsessions », on peut considérer qu'il est guéri, indique le Dr Hantouche. D'où l'intérêt d'évaluer la sévérité des troubles avant d'engager le traitement.

Psychochirurgie et neurostimulation. Certaines formes de Toc peuvent aujourd'hui être traitées chirurgicalement. En France, le Conseil national d'éthique a récemment autorisé des interventions chirurgicales de deux types pour les Toc : la neurostimulation et la cingulectomie. La neurostimulation est une technique de stimulation cérébrale profonde déjà utilisée dans le traitement de la maladie de Parkinson. Opérationnelle en Belgique, son indication en France reste assujettie au consentement éclairé du patient et à plusieurs prérequis médicaux : la maladie doit être déclarée depuis plus de cinq ans, être résistante aux médicaments conventionnels essayés aux doses maximales avec deux ou trois techniques de combinaison, et ne pas être associée à des comorbidités.

L'intervention consiste à implanter une électrode au niveau de la capsule interne du cerveau. Le sujet provoque la stimulation par l'intermédiaire d'un boîtier externe. Apparemment spectaculaire dans des formes résistantes, cette technique présente l'avantage d'être réversible. En cas d'échec, une cingulectomie (coagulation d'une partie du cortex cingulaire) peut être proposée. Irréversible, cette technique délicate mais sans effets secondaires majeurs reste pour l'heure exceptionnelle.

Psychanalyse. La psychanalyse n'a pas d'intérêt spécifique dans les Toc. Cela dit, les sujets peuvent, dans certains cas (problème de personnalité, de confiance en soi...), trouver un bénéfice à suivre simultanément une psychothérapie de soutien ou psychodynamique. Il convient de la suggérer, d'évaluer les capacités et les ressources du sujet, mais de se limiter à ses attentes et de ne jamais l'imposer comme le remède radical des Toc.

Un accompagnement familial indispensable. Parce que la famille et l'entourage du patient obsessionnel sont impliqués dans la maladie et dans son traitement, il est indispensable de les faire participer à la prise en charge du Toc. Très souvent, la famille subit le Toc, se décourage, culpabilise, se replie sur elle-même et adopte des comportements nuisibles. L'attitude des proches, qu'elle soit « antagoniste de rejet » (parent qui agresse, s'oppose aux rituels) ou de « complicité » (parent qui accomplit les rituels avec le patient) peut avoir des conséquences péjoratives sur l'évolution du Toc et les relations familiales (tensions entre les parents, souffrance de la fratrie). Il est donc nécessaire d'impliquer la famille dès le début de la prise en charge ; d'une part, pour l'aider à comprendre et à vivre avec un Toc et si possible, pour en faire un allié thérapeutique. C'est tout un travail auquel participent activement les associations de malades comme l'Aftoc (cf. encadré p. VI) en organisant des réunions permettant aux malades et à leurs familles de se rencontrer. Il consiste à informer sur la maladie et les traitements disponibles, à discuter des difficultés à vivre au quotidien avec un Toc, à déculpabiliser les parents, à les rassurer sur le devenir du malade et à fournir des conseils permettant à l'entourage d'aider le malade, tout en se préservant.

CONSEILS PRATIQUES

Pour s'aider en aidant le malade, l'entourage doit, dans sa relation quotidienne au Toc, intégrer un certain nombre de règles :

- extérioriser le Toc pour en faire l'ennemi commun contre lequel malade et entourage doivent se battre ensemble ;

- ne pas aider le malade à accomplir ses rituels et ne pas apporter trop de réassurance aux obsessions. Le parent ne doit répondre qu'une fois à la question, et ensuite dire gentiment mais avec fermeté « tu connais la réponse, nous en avons déjà parlé », puis ignorer toute demande de réassurance en changeant de sujet. Il peut s'appuyer sur ce qu'a dit le médecin et expliquer : « si je réponds à ton Toc, je t'enferme dans ton Toc » ;

- encourager les efforts réalisés et ne pas se décourager s'ils sont inconstants ou irréguliers. Les malades sont conscients de leur trouble et de ce qu'ils infligent à leur entourage. Les encourager évite qu'ils ne culpabilisent, dépriment et voient leur état s'aggraver. La reconnaissance du moindre petit progrès est un outil puissant pour les aider à persévérer ;

- éviter les comparaisons au jour le jour. Lorsque le malade va moins bien, mieux vaut lui rappeler les progrès déjà réalisés et positiver : « demain sera un autre jour pour réessayer ». Ainsi, il n'interprète pas sa rechute comme un échec. Se sentir en état d'échec peut créer un stress susceptible d'intensifier les symptômes ;

- éviter les discussions et explications sans fin car le malade aura toujours le dernier mot ;

- utiliser l'humour pour prendre des distances vis-à-vis des peurs irrationnelles mais veiller à ce que le malade n'ait pas le sentiment qu'on se moque de lui ;

- avoir une attitude de soutien, non de critique, car le malade consent des efforts importants pour résister aux obsessions et aux rituels ;

- laisser l'enfant autogérer ses médicaments. Plus il se prendra en charge, meilleurs seront les résultats ;

- rester attentif aux autres membres de la famille et prendre du temps pour soi.

Ainsi, au lieu de fonder la relation sur les émotions, le parent adopte un comportement de cothérapeute qui lui permet d'appréhender les Toc plus sereinement, et de gérer les situations de crise avec plus de détachement.

Parce qu'il n'y a pas de place dans notre société pour les individus (adultes ou enfants) systématiquement en retard au travail ou à l'école (à cause des rituels), il est essentiel que les soignants, quel que soit leur mode d'exercice, soient sensibilisés à cette maladie. Ils aident ainsi au repérage des troubles, participent au suivi et à l'accompagnement des malades, voire, dès lors qu'ils sont formés à la thérapie cognitive et comportementale(3), dirigent les exercices de prévention de la réponse et assurent la continuité des soins.

1- Le syndrome de Gilles de la Tourette débute dans l'enfance et se manifeste par des tics moteurs (mouvements incontrôlés dus à la contraction rapide et répétée d'un ou plusieurs muscles) associés à un ou plusieurs tics vocaux : claquement de langue, grognement, aboiement, reniflement, mot grossier. 7 % des personnes atteintes de Toc souffrent de ce syndrome. 2- Ce catalogue figure dans l'ouvrage du Dr Sauteraud. 3- Les infirmières peuvent se former à la TCC, soit par le biais de formations universitaires en deux ans (DU à Paris V notamment), soit par le biais d'organismes tels que l'AFTCC ou l'Afforthecc (cf. encadré p. VI) délivrant un certificat après trois années d'études.

Les Pandas

Les Pandas (Pediatric auto-immune neuro-psychiatric disorders associated with streptoccus) seraient à l'origine de 10 % des Toc de l'enfant. Ils correspondent à une réaction dysimmunitaire suite à une angine à streptocoques. Ils doivent être évoqués lorsque des enfants présentent, dans les quinze jours qui suivent une infection des Toc associés à une nervosité inhabituelle. Le traitement repose sur une antibiothérapie et des immunoglobulines à large spectre.

Les obsessions normales

80 à 99 % des individus présentent des obsessions et des rituels. Le rituel est un mode spontané pour « gérer » les obsessions(1). Les rituels « normaux » sont rares, brefs et peu pénibles, à la différence de ceux du Toc.

Ils sont aussi moins intenses et rapidement maîtrisés par des stratégies consistant à réaliser un acte stéréotypé (chercher à se distraire, se concentrer sur quelque chose d'autre...).

1- Mieux vivre avec un Toc, guide pour s'aider soi-même. Alain Sauteraud. Éditions Odile Jacob. 21,34 euros.

Les comorbidités associées

Un Toc est rarement isolé. Dans deux tiers des cas, il existe une comorbidité associée. Chez l'enfant, le Toc est souvent associé à des tics moteurs, des phobies, des attaques de panique, des troubles de l'attention, du langage et du développement. Chez l'adulte, la comorbidité la plus fréquente est la dépression. Les patients les plus inquiétants sont ceux qui présentent une dépression bipolaire associée, car les troubles de l'humeur conduisent au suicide dans 20 % des cas. On parle dans ce cas de Toc cyclothymique (Tocc). 50 % des malades atteints de Toc sont cyclothymiques. Par rapport aux formes classiques (troubles permanents), le Tocc se manifeste par épisode, donnant un tableau d'hystérie trompeur avec un Toc épisodique à dominance obsessionnelle, associé à des attaques de panique et/ou un abus de drogues. Il est particulièrement difficile à traiter, car les médicaments normalement efficaces sur le Toc aggravent les troubles des Tocc (agressivité, risque d'homicide, suicides).

Coordonnées utiles

- Aftoc :

Association française de personnes souffrant de troubles obsessionnels compulsifs

2, rue Alfred-Lasson

78250 Mezy-sur-Seine

Tél./fax : 01 30 99 14 08

Tél. : 01 39 56 67 22

E-mail : aftoc@fr.st

ou

eode@club-internet.fr

Site Internet : http://www.aftoc.fr.st

- Afforthecc :

Association francophone de formation et de recherche en thérapie comportementale et cognitive

10, avenue Gantin

74150 Rumilly

Tél. : 04 50 01 49 80

E-mail : afforthecc@aol.com

- AFTCC :

Association française de thérapie comportementale et cognitive

100, rue de la Santé

75674 Paris cedex 14

Tél. : 01 45 88 35 28

Site Internet : http://www.aftcc.org

E-mail : afttc@wanadoo.fr

TCC : les différentes modalités

La TCC (thérapie cognitive et comportementale) peut être individuelle ou collective, ambulatoire et étalée dans le temps ou intensive en hospitalisation de jour ou temps plein. Lorsque la prise en charge est individuelle et ambulatoire, le thérapeute voit régulièrement le patient en consultation, établit un programme progressif d'exercices d'exposition et de prévention de la réponse à réaliser à domicile, et suit l'évolution des troubles. La thérapie s'échelonne sur 15 à 20 séances réparties sur six mois en moyenne. En ambulatoire, certains services ont également mis en place des traitements en groupe réunissant autour du thérapeute huit à dix malades. « En groupe, l'impact de la TCC est beaucoup plus important, indique le Dr Christine Mirabel-Sarron, psychiatre comportementaliste (CMME du centre hospitalier Sainte-Anne à Paris). On observe un effet d'entraide et d'émulation qui accélère les progrès individuels de façon surprenante puisqu'en dix séances, les patients se sont nettement améliorés. » Ce travail en groupe Toc peut aussi s'appliquer lorsque la TCC est réalisée en hospitalisation. En témoigne l'expérience menée durant trois ans à la clinique de cure psychiatrique Ker Yonnec (Yonne) par le Dr Leveau, psychiatre à Fontainebleau. « Mettre en place une TCC intensive en hospitalisation pour les Toc, présente de nombreux avantages, indique-t-il. Cela permet de mettre en place un projet de soin personnalisé au jour le jour et d'assurer, grâce à la permanence infirmière, une continuité des soins permettant d'obtenir des progrès significatifs. De plus, en ambulatoire, le thérapeute n'a aucune maîtrise sur les exercices qu'il donne au patient, alors qu'ils peuvent être reproduits sous contrôle infirmier autant de fois que nécessaire lorsque celui-ci est hospitalisé. Enfin, l'hospitalisation facilite le travail en groupe matin et soir, permet d'adapter les traitements sous contrôle médical et d'enclencher un processus thérapeutique en cas de blocage vis-à-vis du traitement. »

Cela permet aussi à la famille de souffler et de se ressourcer. Facile à mettre en place dans n'importe quelle unité, la TCC réclame, néanmoins, une équipe formée, motivée et disponible. Et c'est bien là que le bât blesse, car si la motivation est toujours au rendez-vous, le manque de moyens humains reste le principal facteur limitant le développement de cette activité.

Bibliographie

- Je ne peux pas m'arrêter de laver, vérifier, compter. Mieux vivre avec un Toc. 2000. Alain Sauteraud. Odile Jacob.

- Les Ennemis intérieurs. Jean Cotteraux. Odile Jacob.

- Manies, peurs et idées fixes. Franck Lamagnère. Retz.

- Obsessions et compulsions. Jean Cotteraux. Puf. 1989.

- Les Thérapies comportementales. J. Van Rillaer. Bernet-Danilo. Essentialis. 1995.

- Les Thérapies cognitives. Christophe André. Bernet-Danilo, Essentialis. 1995.

- Les Troubles obsessionnels et compulsifs. Élie Hantouche. EMC-Psychiatrie. 1995.