Soins et liberté individuelle - L'Infirmière Magazine n° 178 du 01/01/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 178 du 01/01/2003

 

Juridique

Le respect de la volonté du patient, imposé par la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades, implique-t-il l'obligation de laisser mourir celui qui refuse les soins ? Plusieurs juridictions ont dû répondre à cette grave question.

Hospitalisée au CHU de Saint-Étienne, Valérie F., témoin de Jéhovah, y avait subi, en dépit de son refus oral et écrit, une transfusion sanguine, jugée par les médecins indispensable à sa survie. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Lyon en arguant d'une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont le principe du consentement aux soins et la liberté de conscience et de religion. Le tribunal administratif enjoindra alors aux médecins de ne pas pratiquer d'autre transfusion sur la personne de Valérie F., tout en précisant que cette injonction cesserait de s'appliquer si la patiente « venait à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un pronostic vital ». Les médias, dans le traitement de ce jugement, ont souvent oublié cette réserve exprimée par les juges, présentant cette décision juridictionnelle comme un véritable revirement, alors qu'elle s'inspire en réalité des décisions déjà rendues par les juges sur ce sujet.

Valérie F. a alors saisi le Conseil d'État afin qu'il annule la réserve concernant le risque vital pour la patiente. Dans un arrêt du 16 août 2002, la plus haute juridiction approuvera finalement le tribunal de Lyon d'avoir mis fin à l'effet de son ordonnance au cas où la patiente serait en danger de mort, tout en précisant que les soins doivent alors « être indispensables à la survie et proportionnés à l'état du patient ». Ainsi, et sans véritablement admettre que l'obligation de soins l'emporte d'une façon générale sur la volonté du patient, le Conseil d'État a ouvert une brèche dans la sacro-sainte règle du consentement. Dans tous les cas, il incombera aux médecins de tout mettre en oeuvre pour convaincre leur patient d'accepter les soins indispensables et de s'assurer par ailleurs que le recours à une transfusion est indispensable à la survie de l'intéressé et proportionné à son état.

RESPECT DE LA VOLONTÉ ?

Cette jurisprudence rendue après la promulgation de la loi « Kouchner » sur le droit des malades, n'est néanmoins pas tout à fait conforme à notre nouvelle législation. En effet (cf. encadré ci-dessous), la loi du 4 mars 2002 ne semble pas du tout prévoir le cas où il y aurait un danger vital immédiat pour le patient. Le nouvel article L. 1111-4 du Code de la santé publique dit bien que, si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables, mais il doit aussi respecter la volonté de la personne. Et, à aucun moment, la loi ne dispose que le médecin pourrait, en cas de danger immédiat, aller à l'encontre de la volonté du patient. Au contraire, l'article L. 1111-4, dans son alinéa 3, dispose qu'aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, consentement qui peut être retiré à tout moment. Mais peut-on imaginer un médecin laisser mourir un patient parce qu'il refuserait une transfusion sanguine, ou encore imaginer un juge condamner un médecin qui aurait au contraire privilégié son obligation de soins sur le respect de la volonté de son patient ?

Peut-on désigner quelqu'un préalablement à la dispense d'un soin ou d'une intervention chargé de prendre toute décision à sa place ?

Oui. Selon la loi du 4 mars 2002, toute personne majeure peut désigner une personne de confiance. Cette désignation doit être faite par écrit et reste révocable. Cette personne de confiance pourra aussi accompagner le malade dans ses démarches.

Hors le cas d'urgence, peut-on dispenser des soins à un mineur sans le consentement de ses parents ?

En cas de refus de signer une autorisation d'opérer et de pratiquer tous les actes liés à cette opération ou si le consentement des parents ne peut être recueilli, il ne peut être procédé à aucune intervention chirurgicale hors les cas d'urgence. Le médecin ou l'infirmière en charge du mineur peuvent toutefois, si la santé du mineur risque d'être compromise par l'absence de consentement, saisir le ministère public pour donner les soins qui s'imposent.

Ce que prévoit la loi

- Article L. 16-3 du Code civil :

« Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité thérapeutique pour la personne.

Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir. »

- Article L. 1111-4 du Code de la santé publique :

« [...] Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de son choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables.

Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, et ce consentement peut être retiré à tout moment [...]. »