Une réforme contestée - L'Infirmière Magazine n° 178 du 01/01/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 178 du 01/01/2003

 

AIDE MÉDICALE

Actualités

Des textes de lois votés en décembre dernier remettent en cause la gratuité de l'Aide médicale d'État (AME) destinée aux étrangers sans-papiers, ainsi que les modalités d'attribution de la CMU. De nombreuses associations et syndicats les ont dénoncés, car ils menacent l'accès aux soins pour les plus démunis.

En décembre, le Parlement a adopté la loi rectificative des finances 2002 et la loi des finances 2003. Entre le 11 et le 19 décembre, l'amendement de la députée Anne-Marie Montchamp concernant l'AME était adopté par les deux chambres parlementaires : la « modération des dépenses » et la « responsabilisation des bénéficiaires » furent les deux motifs évoqués. L'AME impliquera dorénavant une participation financière des patients, sauf pour les mineurs, les femmes enceintes et les personnes atteintes de pathologie grave. « De plus, ce nouveau dispositif exclut totalement la prise en charge par l'AME des vaccins remboursés par la Sécurité sociale et celle des examens de dépistage effectués dans le cadre des programmes de santé publique concernant les maladies mortelles évitables », souligne la Mutualité française.

Grave impact

Le 18 décembre enfin, dans le cadre de la discussion de la loi des finances 2003, l'article 78 fut adopté, différant, au mois suivant l'affiliation, l'ouverture des droits à la CMU en accord avec la décision d'attribution. « Cette mesure, qui allonge les délais d'ouverture des droits, générera des délais de carence inutiles et dangereux pour l'accès aux soins des personnes malades, s'inquiète Médecins sans frontières. Il est prévu de se référer désormais pour l'attribution de la CMU, non aux ressources des deux derniers mois, mais à celles de l'année antérieure. » L'amendement concernant l'AME aura un impact très grave, explique l'Observatoire du droit à la santé des étrangers : il dissuadera « les étrangers de se soigner en rendant la santé coûteuse et l'accès au droit compliqué ». Grâce à l'article 31-A, pour la première fois depuis 1893, les soins médicaux pour certaines personnes insolvables ne seront plus gratuits en France : les bénéficiaires de l'AME et de la CMU gagnent en effet moins de 562 euros par mois. 10 % de la population est actuellement concernée par ces couvertures sociales. Une fois remplie cette condition de revenus, la CMU s'adresse à tous, excepté aux sans-papiers, aux personnes résidant sur le sol français depuis moins de trois mois et à leurs enfants : ceux-là ont accès à l'AME.

Concrètement, avec ces nouvelles mesures, la Mutualité française estime que cette réforme est « incohérente d'un point de vue de santé publique, car elle ne peut avoir comme conséquence que d'interdire l'accès des personnes les plus démunies aux soins de base et de prévention. Elle est inconséquente d'un point de vue économique car, exclus de l'accès aux soins primaires pour insolvabilité, les personnes tenteront d'être prises en charge en milieu hospitalier, où elles se verront également refuser l'accès pour insolvabilité ; si elles sont admises, la situation antérieure à la réforme de l'aide médicale (1992) se reproduira inévitablement : les hôpitaux devront supporter des créances irrécouvrables importantes. »

Deux pétitions circulent pour combattre cette réforme : celle de MSF, du SNG (Syndicat de la médecine générale) et de la coordination nationale des réseaux et celle de Médecins du monde. Quant au Gisti, à la Mutualité française, et nombre d'associations et syndicats, ils dénoncent ces nouvelles modalités et demandent leur retrait. Act Up Paris et la Ligue des droits de l'homme pressent le Parti socialiste de faire un recours auprès du Conseil constitutionnel. Pour sa part, la vice-présidente de la FNI, Nadine Savier, infirmière dans les quartiers difficiles de Montpellier, considère que « ce type de loi, au lieu de responsabiliser les personnes, incite à les mettre en porte-à-faux avec nous : les personnes qui sont sous CMU et à qui nous allons demander de payer vont être furieuses contre nous ».

Dominique Versini, secrétaire d'État chargée de la lutte contre la précarité et l'exclusion, a promis que ces mesures ne seraient l'objet d'un décret d'application qu'après discussion avec les associations.