L'anesthésie en pédiatrie - L'Infirmière Magazine n° 179 du 01/02/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 179 du 01/02/2003

 

Pédiatrie

Conduites a tenir

Les techniques d'anesthésie utilisées chez l'adulte sont applicables à l'enfant. Cependant, il convient de tenir compte des particularités liées à sa taille, à son anatomie et à sa physiologie. L'idéal étant de l'anesthésier dans un bloc opératoire pédiatrique.

SPÉCIFICITÉS

La plupart des différences entre l'adulte et l'enfant concernent surtout le nouveau-né et le nourrisson de moins d'un an. Au-delà, le processus valable chez l'adulte est transposable chez l'enfant. Il faut cependant fournir un environnement répondant aux spécificités du jeune opéré au niveau de l'équipement, du matériel et du personnel (sensibilisé à ses problèmes). L'idéal est de disposer d'un bloc opératoire et d'une salle de réveil spécifiquement pédiatriques.

Le matériel d'assistance respiratoire (masques faciaux, canules oropharyngées, sondes d'intubation, lames de laryngoscope, ballons, sonde d'intubation, masque laryngé), les cathéters pour l'abord vasculaire, les électrodes pour surveillance de l'ECG doivent être adaptés à la taille de l'enfant. Le respirateur d'anesthésie doit permettre de délivrer un volume courant adapté à l'âge et au poids de l'enfant. Un défibrillateur avec palettes pédiatriques et réglage de l'intensité doit être disponible.

ACTIONS

Consultation d'anesthésie. Elle permet d'évaluer l'anxiété de l'enfant et de sa famille, de les informer, de créer un lien de confiance et de recueillir les renseignements utiles pour évaluer les risques : habitudes de vie de l'enfant (tabagisme parental), état du réseau veineux (pour éviter de prévoir une perfusion à proximité d'un doigt sucé régulièrement), état de la denture (pour éviter une inhalation de dent de lait instable, à l'intubation, à la pose d'un masque laryngé ou à la ventilation au masque facial).

Un questionnaire spécifique validé permet de dépister une éventuelle coagulopathie. La possibilité d'une intubation difficile doit être évaluée à l'observation de la distance thyromentonnière. Les traitements en cours doivent être connus : les anticomitiaux ne doivent pas être interrompus, les salicylés doivent être évités dans les sept jours préopératoires, les imipraminiques contre l'énurésie doivent impérativement être arrêtés trois jours avant l'intervention.

La tactique anesthésique est fonction du geste chirurgical, mais aussi des voeux de l'enfant après explication des différentes techniques. L'analgésie postopératoire doit être envisagée avec l'enfant et - ou - ses parents, prévenus des modalités et des inconvénients possibles. Il faut informer de l'éventualité de la pose d'une voie veineuse centrale jugulaire ou sous-clavière et la dédramatiser.

Certaines affections peuvent amener à surseoir l'intervention : hyperthermie, infection des voies aériennes supérieures

Jeûne et prémédication. L'enfant doit rester à jeun pour les aliments solides (pendant huit heures). En revanche, l'absorption de liquides clairs est possible jusqu'à trois heures avant l'induction (quantité maximale : 10 ml/kg). Cependant, on préconise un jeûne strict chez les enfants avec diminution de la vidange gastrique. En cas de prémédication contenant un morphinique, il faut respecter un délai d'une heure entre la prise de liquide et celle-ci.

La prémédication médicamenteuse n'est pas indispensable. Schématiquement, avant six mois, un vagolytique est parfois administré ; après six mois, une sédation par benzodiazépine permet d'éviter une induction « orageuse ».

À noter, la prescription de vitamine K1 est systématique en période néonatale.

Induction. L'induction par inhalation (halogéné associé à du protoxyde d'azote) est la technique de choix chez l'enfant à jeun de moins de huit ans ; la prise préalable de voie veineuse étant souvent délicate ou redoutée par l'enfant réveillé. Les signes de l'anesthésie permettent de suivre la progression de l'induction.

L'induction intraveineuse est possible avec des doses adaptées d'anesthésiques. L'application de crème Emla® permet la mise en place d'une voie veineuse de manière indolore.

À ce stade, il faut faire attention au risque de laryngospasme suite à un niveau d'anesthésie trop léger lors des tentatives d'intubation, ou à un encombrement du carrefour laryngé supérieur. Il faut alors rapidement administrer de l'oxygène et aspirer les voies aériennes. Une nouvelle tentative d'intubation est possible après approfondissement de l'anesthésie.

SURVEILLANCE

Les recommandations concernant la surveillance des patients en cours d'anesthésie s'appliquent au champ de la pédiatrie.

Une attention particulière doit être portée au risque d'hypothermie (surveillance d'autant plus impérative que l'enfant est petit) : port de bonnet et de manchons de jersey sur les membres, utilisation d'un matelas chauffant avec alarmes, de couvertures ventilées par un système d'air pulsé, réchauffement et humidification des gaz de ventilation, réchauffement des apports, des solutions antiseptiques avant application sur le champ opératoire, des champs opératoires, des solutions pour les cystoscopies, du sérum destiné à imbiber les compresses péritonéales de sérum chaud.

RÉVEIL

C'est un moment particulièrement sensible chez l'enfant, certaines complications respiratoires pouvant avoir des conséquences dramatiques. L'agitation de l'enfant doit faire éliminer une hypoxie avant d'évoquer d'autres diagnostics. L'oxygénothérapie en postopératoire doit être largement utilisée. Parmi les autres complications, citons l'hypotension, la rétention urinaire, les nausées et vomissements, l'hypothermie, l'hyperthermie en cas de processus infectieux débutant, une agitation. La douleur ne devrait plus faire partie des complications postopératoires dans la mesure où elle est convenablement prise en charge dès la phase opératoire.