La chambre d'isolement - L'Infirmière Magazine n° 179 du 01/02/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 179 du 01/02/2003

 

Juridique

En France, on peut isoler et attacher un patient sans aucun contrôle, ni a priori, ni a posteriori. Espace de non-droit, l'hospitalisation sous contrainte résulte des autorités administratives et médicales plutôt que judiciaires.

L'isolement est une thérapeutique ancienne indiquée essentiellement dans les états d'agitation. Elle reste d'actualité dans les établissements psychiatriques et dans les services d'urgence. Bien que son acceptabilité pour les patients et son caractère approprié soient souvent remis en cause, ce soin reste fréquent, avec plus de 1 500 chambres dédiées à cette fonction dans les établissements de santé. D'un point de vue médical, on définit la chambre d'isolement comme « une chambre fermée à clé, conçue pour contenir les pulsions auto ou hétéro- destructrices de personnes souffrant de troubles mentaux hospitalisées en psychiatrie ».

CONTRÔLE OBLIGATOIRE EN EUROPE

Dans l'ensemble des États de la Communauté européenne, à l'exception de la France, l'hospitalisation sous contrainte constitue, dans tous les cas, une décision judiciaire et, dans bon nombre d'États, la mise en chambre d'isolement implique que l'avocat du malade soit prévenu. Ainsi, en Allemagne, chaque malade hospitalisé sous contrainte se voit attribuer un avocat. En Grande-Bretagne, la « Commission de santé mentale », qui équivaut à notre Commission départementale des hospitalisations psychiatriques, doit être prévenue à chaque hospitalisation sous contrainte. Plusieurs directives européennes ont condamné la France et recommandé qu'un placement sans consentement ne puisse être que le fait d'un juge. Car, avant d'être un soin, l'isolement est avant tout un enfermement. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 prévoit en son article 7 que « nul ne peut être détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites ». Or, la loi originelle de 1990 sur les malades atteints de troubles mentaux n'a rien prévu sur les chambres d'isolement, ce qui les rend en théorie complètement illégales.

ABUS

En outre, la pratique française de la mise en chambre d'isolement laisse souvent apparaître une démarche punitive plutôt que thérapeutique : un malade, ne présentant a priori aucun état d'agitation, est placé en chambre d'isolement pour le punir d'une fugue ou d'une simple tentative. Cette pratique est souvent dénoncée par le corps infirmier. Un contrôle a posteriori du placement en chambre d'isolement pourrait être institué pour réduire les dérives. Ainsi, tout placement d'une durée supérieure à 48 heures serait signalé à la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques. Dans un Guide d'évaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé, l'Anaes a proposé un référentiel de pratiques composé de 23 critères de qualité (cf. encadré ci-dessous). Ce référentiel, fondé sur l'analyse de la littérature médicale et l'avis d'experts, a été expérimenté, de manière tout à fait positive, dans plusieurs dizaines d'établissements volontaires, ayant permis d'élaborer de véritables protocoles de mise en chambre d'isolement.

Le référentiel de la chambre d'isolement et ses 23 critères : extraits

« 3. La mise en chambre d'isolement est réalisée sur prescription médicale, d'emblée ou secondairement. Dans ce dernier cas, la prescription doit être réalisée dans l'heure qui suit le début de l'isolement.

4. L'isolement initial et chaque renouvellement éventuel sont prescrits pour une période maximale de 24 heures.

5. Le trouble présenté par le patient correspond aux indications de mise en chambre d'isolement et il n'y a pas d'utilisation à titre non thérapeutique. [...]

12. Le patient reçoit les explications nécessaires sur les raisons, les buts et les modalités de mise en oeuvre de l'isolement. La nécessité d'informer l'entourage est examinée.

13. En cas de recours à la contention physique, celle-ci est réalisée avec les matériels adéquats, en toute sécurité pour le patient et en tenant compte de son confort.

14. Une visite médicale est assurée dans les deux heures qui suivent le début de l'isolement.

15. Le patient bénéficie d'au moins deux visites médicales par jour. »

Peut-on placer en chambre d'isolement une personne en hospitalisation libre ?

En principe non, car l'hospitalisation libre a été librement consentie par le malade, lequel peut circuler librement dans l'établissement et ne peut en aucun cas être placé dans des services verrouillés. On peut néanmoins, en cas d'urgence, isoler pour des raisons tenant à sa sécurité, un malade. Dans le cas contraire, une procédure d'hospitalisation d'office ou à la demande d'un tiers doit être mise en place afin d'autoriser le placement en chambre d'isolement.

Et si, dans le cadre d'une hospitalisation libre, le malade demande son isolement ?

Dans ce cas, le consentement du malade est obtenu et sa liberté individuelle sauvegardée. Reste que l'indication thérapeutique doit être posée, et le malade doit pouvoir quitter l'isolement à tout moment. Mieux vaut enfin avoir recueilli par écrit le consentement du malade.

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