Le sevrage des toxicomanes dépendants aux opiacés - L'Infirmière Magazine n° 179 du 01/02/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 179 du 01/02/2003

 

Addiction

Conduites a tenir

La cure de sevrage vise la diminution, voire la suppression de la consommation de la substance addictive par le toxicomane. Les infirmières, dans le cadre de cette cure, veillent à la prise en charge sociale du patient, mais aussi au dépistage de ses infections.

DÉFINITIONS

La dépendance psychique se caractérise par la recherche contraignante de la satisfaction, et le désir de répéter ou de prolonger la prise d'opiacés afin de provoquer un plaisir ou d'éviter un déplaisir.

La dépendance physique est un état d'adaptation aux opiacés qui s'accompagne d'une tolérance et s'exprime par l'apparition d'un syndrome de manque.

La cure de sevrage vise non seulement la diminution de la consommation de la substance psycho-active, voire l'abstinence, mais aussi la prise de conscience de la dépendance, le désir pour le sujet d'intégrer le système de soin médical et médicosocial, l'amélioration de la qualité du suivi et des aides.

Il ne faut pas confondre la cure de sevrage avec la substitution qui est seulement un outil de régulation de l'addiction mais en rien un sevrage. La mise en oeuvre d'un traitement de substitution est un acte thérapeutique au même titre que le sevrage et ne doit pas être considéré comme un accompagnement de titre palliatif.

MANIFESTATIONS

Le sevrage a pour effet immédiat un syndrome de manque apparaissant plus ou moins tôt selon la demi-vie d'élimination de la substance consommée : agitation, lombalgies, hyperalgie, larmoiement, rhinorrhée, augmentation de la transpiration, accélération du transit intestinal, diarrhées, vomissements, tachycardie, hypotension, mydriase bilatérale, anxiété, irritabilité, recherche compulsive de produits, troubles du sommeil, dépression.

Les douleurs liées à un mauvais état de santé dû à la précarité peuvent se révéler ou être aggravées pendant le sevrage : algies dentaires liées à des caries non soignées, douleurs ulcéreuses, traumatismes, par exemple.

ÉTIOLOGIE

Le responsable spécifique des symptômes de sevrage est l'hyperfonctionnement adrénergique du système nerveux qui fait suite au manque de drogue chez le toxicomane.

OBJECTIFS

Traiter la dépendance vise à obtenir l'arrêt total de la substance à laquelle le sujet est dépendant, à traiter les symptômes des douleurs liées au manquement et à soigner les maladies adjacentes souvent associées.

ACTIONS

Elles se situent au cours d'un parcours souvent très long, en milieu hospitalier (service de médecine ou de psychiatrie) ou en institution spécialisée. En milieu carcéral, le sevrage est un acte peu médicalisé, souvent imposé de manière forcée, avec un accompagnement insuffisant.

Les infirmières jouent un rôle très important au coeur d'une équipe multiprofessionnelle de soins formée, disponible et présentant une cohésion de qualité. Ils participent avec le corps médical :

- à la prise de contact avec le sujet (nouer une relation dès la première rencontre) ;

- à l'exploration de l'histoire de la relation du patient au produit (circonstances de première utilisation, doses, voies d'administration, produits de remplacement, polytoxicomanie, existence d'overdoses ou d'accidents) ;

- à l'évaluation sociale (couverture sociale, mode de subsistance, situation financière, insertion professionnelle) ;

- à la recherche d'infections (VIH, VHB, VHC) et d'affections liées à la précarité ;

- à la négociation du projet de soins.

Les médicaments du sevrage comprennent :

- les médicaments spécifiques qui tentent de s'opposer à l'hyperfonctionnement adrénergique lié au manque : clonidine (Catapressan®), administrée per os, en prises espacées de deux à trois heures, et en augmentant progressivement la dose. La clonidine agit sur l'instabilité, l'agitation, la lacrimation, la rhinorrhée et la transpiration. Il faut surveiller la tension artérielle du sujet (qui doit être de préférence alité) pendant le traitement, et interrompre ce dernier si la tension systolique est inférieure à 100 mm Hg. Autre médicament : la guanfacine qui nécessite moins l'alitement. Elle s'administre en trois prises par jour, puis la posologie est diminuée progressivement à partir du quatrième ou cinquième jour, jusqu'à l'arrêt au bout d'environ huit jours;

- les médicaments symptomatiques destinés à faire disparaître les manifestations du manque (antalgiques, spasmolytiques, antinauséeux, antidiarrhéiques, sédatifs, hypnotiques). À l'instar des benzodiazépines, certains peuvent induire une pharmacodépendance et il faut limiter leur utilisation.

Le suivi après sevrage se définit sur le long terme par la prise en charge du sujet dans sa globalité, tant au niveau psychologique qu'au niveau médical et social, pour lui permettre de trouver ou de retrouver une autonomie et une liberté psychique.

RECHUTES

Elles sont fréquentes, multiples, survenant dans la majorité des cas dans les six mois : reprise plus ou moins importante de la consommation de toxiques, réponse que trouve le sujet pour faire face à ses difficultés. Il convient de diminuer la culpabilité et la dramatisation de ses rechutes. En effet, ces accidents de parcours n'excluent pas l'obtention à la longue d'une abstinence totale si l'on parvient à aider le sujet à garder le contact avec son soignant référent.