Les fibromes utérins - L'Infirmière Magazine n° 179 du 01/02/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 179 du 01/02/2003

 

Cours

D'étiologie incertaine, les fibromes utérins sont des tumeurs bénignes et fréquentes, qui touchent plus d'une femme sur trois en phase de pré-ménopause. Si les traitements évoluent, l'hystérectomie reste encore, dans certains cas, la seule alternative thérapeutique possible.

DÉFINITION ET ÉTIO-PATHOGÉNIE

Un fibrome utérin est une tumeur bénigne hormonodépendante qui se développe à partir du muscle de l'utérus, qu'on appelle le myomètre. L'étiologie et le mécanisme engendrant cette prolifération cellulaire anormale sont actuellement assez mal connus : ils sont probablement en rapport avec une dérégulation locale hormonale.

Cette tumeur, encore appelée fibromyome ou léiomyome, correspond à un remaniement de fibres musculaires lisses hypertrophiées qu'entourent quelques fibres conjonctives. On sait que les fibromes sont sensibles aux variations du climat hormonal, qu'ils sont évolutifs tout au cours de la vie génitale, et qu'il n'y en a jamais avant l'âge de la puberté. Cette pathologie est très fréquente, puisqu'on estime qu'elle touche plus de 20 % des femmes après 30 ans, et jusqu'à 40 % des femmes après 50 ans.

La période préménopausique, marquée par une dérégulation souvent importante de l'équilibre hormonal, correspond à la période de recrudescence maximale des fibromes.

L'apparition d'un fibrome utérin est plus fréquente chez les femmes nullipares, c'est-à-dire celles qui n'ont jamais eu d'enfant au cours de leur vie, ainsi que chez les femmes de peau noire. Parfois, on retrouve également un terrain familial favorisant : des antécédents de fibromes chez les autres femmes de la famille (mère, tantes, grands-mères...), par exemple.

La plupart de ces fibromes sont souvent bien tolérés, et involuent généralement spontanément après la ménopause, en cas d'absence de traitement hormonal substitutif.

RAPPELS ANATOMIQUES

L'utérus est un organe médian, en forme de poire « renversée ». La partie supérieure comporte le corps utérin qui est la partie la plus grande, la plus épaisse, de forme arrondie, d'où partent les trompes de Fallope. C'est dans le corps utérin qu'a lieu la nidation et que se développent les grossesses normalement implantées.

La partie inférieure comporte le col de l'utérus, parcouru par le canal cervical qui débouche au fond du vagin, sur sa paroi antérieure.

Entre le corps et le col se trouve la zone de jonction, là où « la poire se rétrécit », que l'on appelle l'isthme.

La « lumière utérine » est la zone de vacuité virtuelle, qui correspond à l'intérieur de la cavité utérine.

Composé d'un puissant muscle lisse appelé le myomètre, l'utérus est délimité à l'extérieur en sous-péritonéal par une séreuse, puis vient l'épaisseur même du muscle, comportant du tissu interstitiel, et enfin la muqueuse utérine d'où prolifère l'endomètre lors des variations hormonales liées au cycle menstruel.

Les fibromes se développent principalement (dans 96 % des cas) au dépens du corps utérin et bien plus rarement au niveau de l'isthme ou du col de l'utérus.

Un fibromyome est généralement une tumeur dure, lisse, quelque peu élastique, bien limitée par une pseudo-capsule qui l'entoure et l'englobe. Sa taille est très variable, puisque son diamètre peut osciller entre celui d'un grain de blé et celui d'une grosse balle. Dans ce dernier cas, son poids peut alors peser plus d'un kilo. Des variations importantes de son volume peuvent accompagner les modifications hormonales physiologiques chez la femme au cours du cycle menstruel, et celles plus importantes encore survenant au cours d'une grossesse. Enfin, une prise d'oestroprogestatifs ou une modification du traitement hormonal peuvent également influer sur le volume tumoral.

DESCRIPTION

Une des caractéristiques macroscopiques d'un fibrome est d'être ou non pédiculé. Lorsqu'il est pédiculé, sa masse dure et ronde est individualisée, rattachée à la masse utérine par un cordon pédiculaire, un peu comme un ballon de baudruche pendant au bout de son fil. Il peut s'extérioriser vers le péritoine, ou encore vers l'intérieur de la cavité utérine. Dans ce cordon fibreux passent également des vaisseaux sanguins, propres à vasculariser la tumeur.

Sur le plan de leurs localisations, on distingue trois types de fibromes, en fonction de leurs implantations anatomiques.

On parle de fibrome sous-séreux lorsqu'il prolifère à la surface de l'utérus, sur sa face externe. Souvent pédiculé, il fait alors saillie, soulève le péritoine et peut occuper l'abdomen ou le pelvis selon sa taille ou la longueur de son pédicule.

Lorsqu'il se développe dans l'épaisseur du muscle, on parle de fibrome interstitiel ou intra-mural. Rarement isolé, on a très souvent dans ce type de myome un ou plusieurs autres fibromes associés, donnant alors un utérus polymyomateux.

Enfin, si le fibrome est implanté au niveau de la zone sous-muqueuse, il grossira vers la lumière utérine, vers la cavité, repoussant en forme de cloche la muqueuse endométriale et déformant la ligne de vacuité.

Certains fibromes peuvent s'inclure également dans le ligament large de l'utérus, et notamment comprimer, voire léser les voies urinaires supérieures. D'autres peuvent également s'enclaver dans le cul-de-sac de Douglas, vers l'arrière.

SYMPTOMATOLOGIE

Il faut savoir que près de la moitié des fibromes sont asymptomatiques, qu'ils ne nécessitent aucun traitement, et ne sont souvent dépistés que lors d'un examen gynécologique de routine, ou lors d'une échographie pelvienne. Il s'agit alors de rassurer la patiente, et de surveiller de temps à autre l'évolution de la situation.

Lorsque le fibrome devient symptomatique, le signe fonctionnel essentiel, très évocateur, est constitué par des saignements, parfois importants, lors de règles hémorragiques. On appelle ces pertes menstruelles hémorragiques des ménorragies.

Si les menstruations sont plus abondantes en flux, on les appelle aussi des hyperménorrhées . Mais c'est surtout dans la durée qu'elles sont le plus souvent augmentées, se prolongeant parfois pendant plus d'une quinzaine de jours à chaque cycle. Ces règles anormales et hémorragiques ne proviennent pas directement du fibrome lui-même, mais des modifications et des altérations importantes qu'il engendre au sein même du myomètre, là où les masses tumorales entravent la capacité du muscle de l'utérus à se contracter et à se rétracter après l'élimination cyclique de la muqueuse endométriale. Les terminaisons vasculaires, mises alors à nues, ne sont plus fermement comprimées par les fibres musculaires de l'utérus. Les petits vaisseaux sanguins restent béants, et continuent encore longtemps à saignoter, provoquant ce tableau de ménorragies.

Les fibromes sous-muqueux, de par leur proximité avec les zones érodées, sont évidemment les plus hémorragiques, et provoquent une importante réaction inflammatoire locale.

Des hémorragies isolées peuvent dans certains cas s'associer à ces règles anormalement abondantes, donnant un tableau de méno-métrorragies, avec des saignements pratiquement en continu durant tout le cycle menstruel. Ces saignements s'accompagnent même parfois d'expulsions douloureuses de caillots.

D'autres phénomènes associés, tels que le déséquilibre oestroprogestatif, l'hyperplasie glandulaire, ou l'atrophie endométriale, favorisent également cette tendance hémorragique.

La présence de leucorrhées, qui sont des pertes et des sécrétions vaginales, est relativement banale, mais les leucorrhées peuvent être un peu plus abondantes qu'en temps normal.

En dehors de toute complication, les douleurs se limitent plutôt à des sensations de pesanteur pelvienne ou rectale, parfois à des syndromes menstruels un peu plus marqués ou à des règles légèrement plus douloureuses. Si le fibrome est volumineux, il peut y avoir aussi une augmentation de volume de l'abdomen.

Enfin, des signes de compression peuvent être l'expression symptomatique de l'existence du fibrome. Des troubles urinaires, notamment une pollakiurie, peuvent survenir, avec parfois des troubles de l'évacuation, une rétention urinaire ou une incontinence. Des troubles digestifs, comme l'apparition d'une constipation, peuvent également apparaître.

Mais c'est parfois au décours d'un simple bilan sanguin, type NFS (numération formule sanguine) qu'une anémie est décelée. Le fibrome est alors évoqué dans la recherche d'une cause chronique de saignements.

CLINIQUE

Les signes cliniques d'un fibrome dépendent assurément du siège et du volume de la masse tumorale.

S'il est vraiment volumineux, on peut l'observer dès l'inspection de la patiente, mais c'est plutôt lors de la palpation abdominale qu'on le sent.

La palpation sus-pubienne, si elle s'associe à un toucher vaginal conjoint, permet à l'examinateur de mobiliser légèrement l'utérus par l'intermédiaire du col, et d'en sentir ainsi les contours. Il est possible alors de dépister un fibrome abdominopelvien, ou de percevoir un utérus fibromateux, dur et recelant de nombreux nodules dans la masse même du muscle qui semble alors « bosselé ». Parfois, la masse refoule le col, le déplace de côté, modifie les repères classiques d'un toucher vaginal normal, comble les culs-de-sac latéraux ou postérieurs. La mobilisation de l'utérus peut être entravée par l'enclavement du fibrome dans le cul-de-sac de Douglas.

Enfin, lors de l'inspection du col sous spéculum, on peut parfois visualiser le fibrome ou ses répercussions. Une déviation du col importante peut être mise en évidence.

L'examen s'attardera également sur les annexes, particulièrement les ovaires, dont les pathologies peuvent être parfois très similaires cliniquement au tableau d'un fibrome utérin.

En cas de fibrome intracavitaire, les données de l'examen clinique sont infimes, sauf s'il y a extériorisation de la tumeur vers le vagin. On dit alors que le fibrome est « accouché par le col ». On observera dans ce cas, lors de l'examen sous spéculum, une masse violacée ou noirâtre, voire nécrotique, qui dilate le canal cervical. Enfin, très rarement, on retrouvera un exceptionnel fibrome du col, celui-ci se développant au dépens du col utérin. Il se présente comme une masse arrondie et régulière pouvant empêcher l'accès au canal cervical et au cul-de-sac vaginal postérieur.

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

Parmi les principaux diagnostics différentiels d'un fibrome, on retrouve la grossesse, qu'accompagnent parfois des saignements lors d'une menace de fausse couche. L'augmentation du volume utérin, associée à des modifications physiologiques, s'accompagne d'un changement d'aspect du col qui devient violacé. Mais à l'échographie abdominopelvienne, on visualise un sac ovulaire, avec selon le terme et l'évolutivité de la grossesse, un embryon mobile.

Une tumeur ovarienne peut être évoquée, qu'elle soit de type kystique bénigne, ou qu'elle s'avère être un cancer de l'ovaire, pathologie redoutable. En général, la mobilisation clinique de l'utérus lors de sa palpation n'entraîne pas la mobilisation de la tumeur si elle est d'origine ovarienne, mais en cas d'adhérence ou de fibrome sous-séreux pédiculé, la clinique seule s'avère peu pertinente pour les dissocier.

L'adénomyose utérine, inclusion dans le myomètre de tissu endométrial, peut s'accompagner également de douleurs et de ménorragies, ainsi que d'une légère augmentation du volume utérin.

Chez certaines patientes, particulièrement chez les grandes multipares, c'est-à-dire les femmes ayant eu de nombreux enfants, on peut aussi retrouver un utérus plus gros que la moyenne, que l'on qualifie d'« hypertrophie utérine idiopathique ».

Les autres causes de saignements à type de ménorragies peuvent être fonctionnelles, ou liées à la présence de polypes de l'endomètre ou d'hyperplasie.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Si l'essentiel du diagnostic repose en premier lieu sur la clinique, la confirmation est apportée le plus souvent par l'échographie, qui constitue l'examen complémentaire clé dans cette pathologie. Elle est réalisée par voie abdominale, avec une sonde placée en sus-pubien, et surtout complétée par voie transvaginale, à l'aide d'une petite sonde à ultrasons placée dans le vagin.

L'échographie permet la plupart du temps une très bonne visualisation du fibrome. On peut surveiller son évolution et sa structure (zone liquidienne, zone de calcification...). La masse tumorale peut être localisée, décrite, mesurée et surveillée grâce à l'innocuité de cette technique reproductible non invasive. En outre, l'immense avantage de l'échographie est son absence de contre-indication.

Selon le siège de la tumeur, une échographie rénale pourra également être demandée, afin de rechercher une dilatation des cavités rénales due à une compression, la plus grave étant la compression urétérale risquant d'engendrer à bas bruit des lésions graves et irréversibles. En cas de fibrome inclus dans le ligament large, on n'hésitera pas à faire également pratiquer un bilan rénal sanguin (créatinine, urée...), et même une UIV (urographie intraveineuse).

L'hystérosalpingographie, qui fut longtemps l'examen de référence, peut également aider au diagnostic, mais elle est formellement contre-indiquée en cas de grossesse, d'hémorragie importante ou d'infection pelvienne associée.

Le doppler, le scanner et l'IRM (image à résonance magnétique) ne sont guère indiqués dans cette pathologie.

L'hystéroscopie peut être utile en cas de petit fibrome sous-muqueux, ou de doute avec un polype intracavitaire ou une adénomyose associée.

Selon le contexte et la clinique, il pourra être prescrit une numération formule sanguine, recherchant une fréquente anémie ferriprive associée. On pourra aussi effectuer un dosage de bêta-HCG en cas de doute quant à une éventuelle grossesse évolutive.

Il est important d'effectuer conjointement, lors de l'examen gynécologique initial, un frottis cervicovaginal, à la recherche d'une éventuelle dysplasie.

ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS

Le plus souvent, le fibrome est stable. Éventuellement, il augmente de volume au cours de la vie génitale, avant d'involuer spontanément après la ménopause. La prise prolongée de traitements hormonaux substitutifs peut néanmoins contrebalancer cette involution naturelle.

Parfois, des complications, dont certaines graves, peuvent survenir et amener une prise en charge thérapeutique spécifique.

La torsion aiguë ou subaiguë est une complication possible des fibromes utérins pédiculés. Le cordon du pédicule, suite à des mobilisations de la masse tumorale, finit par se vriller, et provoque un tableau aigu : douleur abdominale brutale, état de choc, masse latéro-utérine hyperalgique au toucher, nausées, vomissements, bref un tableau chirurgical imposant l'exérèse du fibrome en urgence.

La nécrobiose aseptique est un accident vasculaire ischémique, provoquant l'arrêt du flux sanguin dans l'artère nourricière et la nécrose aiguë de la tumeur. Elle s'accompagne généralement d'une fièvre à 38-38,5 °C, d'un début d'ictère, de douleurs aiguës paroxystiques, de pertes noirâtres inconstantes. Sur le plan clinique, le fibrome devient mou et très douloureux. L'échographie montre une image typique dite « en cocarde », qui correspond à une zone centrale nécrotique qu'entoure une couronne oedémateuse hypoéchogène. Le diagnostic différentiel de cette complication est l'infection utérine, ou endométrite. Le traitement associera une cure d'antibiotiques et de corticoïdes, et parfois un geste chirurgical secondaire sera décidé.

Des hémorragies utérines massives peuvent survenir soudainement, et être cataclysmiques. Elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital immédiat de la patiente. Réagissant parfois à une oestrogénothérapie parentérale, elles nécessitent souvent une intervention chirurgicale d'hémostase, voire une hystérectomie en urgence afin d'endiguer le flux hémorragique massif.

Mais c'est le plus souvent la chronicité des pertes hémorragiques modérées mais répétées qui s'exprime, engendrant une anémie hypochrome parfois sévère.

Enfin, il peut survenir la rupture d'une veine superficielle d'un myome sous-séreux. L'hémorragie interne peut provoquer un hémopéritoine, évocateur d'une grossesse extra-utérine. La coelioscopie en urgence amènera la certitude diagnostique, et permettra l'hémostase.

Les compressions constituent une des complications possibles des fibromes. Les compressions vasculaires, veineuses ou lymphatiques peuvent provoquer des varices, des hémorroïdes ainsi que des oedèmes parfois importants des membres inférieurs. Elles favorisent la survenue de phlébites, voire d'embolie pulmonaire, tout particulièrement s'il existe un terrain favorisant ou des antécédents. La compression vésicale induira une dysurie, une cystalgie, une pollakiurie, voire dans les cas extrêmes une rétention aiguë, tandis qu'une compression urétérale se fera le plus souvent en silence, mais pourra évoluer jusqu'à la destruction du tissu rénal, avec l'apparition d'une hydronéphrose. Elle constitue une urgence chirurgicale formelle afin de lever l'obstacle. Certaines compressions de nerfs sont décrites, induisant des névralgies ou une sciatique obturatrice. Enfin, les compressions rectales et digestives provoquent des ténesmes, des sensations de faux besoins et des troubles du transit.

Certains fibromes sous-muqueux intracavitaires peuvent engendrer des complications spécifiques : endométrite, nécrobiose septique, particulièrement lorsque le myome s'extériorise vers le vagin. Le tableau clinique évoque un accouchement ou une fausse couche tardive, avec des spasmes, des contractions douloureuses, voire des coliques expulsives associées à des pertes sanguines noirâtres.

Le fibrome, enfin, peut se modifier et se remanier. Des calcifications sans grande conséquence sont susceptibles d'apparaître. Le fibrome peut aussi évoluer vers une dégénérescence oedémateuse, avec une augmentation de la tumeur, mais celle-ci reste alors non douloureuse.

TRAITEMENTS

Selon le volume du fibrome et l'apparition éventuelle de complications, la démarche thérapeutique sera prise au cas par cas, et réévaluée en fonction de son évolution.

Dans la majorité des cas, l'abstinence thérapeutique sera de mise : rappelons que 50 % des fibromes sont asymptomatiques, et ne nécessitent pas de traitement particulier. Une surveillance sera alors mise en place, tant sur le plan clinique qu'échographique, afin de surveiller l'apparition à long terme d'une augmentation trop importante du volume du fibrome qui amènerait à reconsidérer la situation.

Les traitements médicamenteux sont parfois utilisés, notamment la prise de progestérone en deuxième partie de cycle, pour réduire les signes fonctionnels (ménorragies). Les agonistes de la LH-RH peuvent être prescrits afin de tenter de diminuer le volume du fibrome, particulièrement en préopératoire, avant son exérèse. Néanmoins, tant que l'étiologie et les mécanismes d'évolution du fibrome restent incertains, il apparaît délicat de trop intervenir sur le climat hormonal de la patiente. Le Conseil national des gynécologues et obstétriciens français a rappelé, lors de recommandations à ce propos (novembre 2000), qu'à l'inverse des notions admises, la prise de progestatifs augmentait la taille des fibromes, et ne devait être indiquée qu'éventuellement dans la prise en charge des troubles fonctionnels endométriaux associés. Les oestrogènes sont plutôt à éviter.

Un geste chirurgical est parfois envisagé. Les petits fibromes sous-muqueux intracavitaires pourront être réséqués par voie endoscopique si leur taille le permet.

Dans certains cas, il sera proposé une myomectomie, c'est-à-dire l'ablation de la tumeur. La laparotomie reste la voie d'abord de référence dans ce traitement chirurgical conservateur qui préserve l'utérus, et par là-même, la possibilité de fertilité future. Le myome sera alors ôté soigneusement, en essayant d'éviter les accolements et les risques d'adhérences postopératoires. Le taux de récidives après myomectomie est important, puisqu'il s'élève à un tiers des cas, mais c'est la seule solution pour conserver la possibilité de procréer chez les femmes jeunes. La myomectomie par voie coelioscopique reste réservée à des cas bien précis.

L'hystérectomie, c'est-à-dire l'ablation définitive de l'utérus, peut être effectuée le plus souvent par voie basse, diminuant ainsi les douleurs postopératoires et le temps de convalescence. Traitement radical certes, et efficace, il est néanmoins lourd de conséquences sur de nombreux plans.

L'embolisation du fibrome par cathétérisation de l'artère utérine est une technique prometteuse, mais réservée à des équipes multidisciplinaires bien spécifiques. Elle semble très efficace, sans trop de récidive, et de suites simples.

De nombreuses équipes de recherche travaillent aujourd'hui à mieux comprendre l'étiologie et les facteurs influençant l'augmentation du volume de ces tumeurs bénignes. De nouvelles pistes génétiques et hormonales restent encore à explorer, et l'on espère pouvoir proposer un jour une solution médicamenteuse efficace pour les traiter.

Origines

Le mot « fibrome », apparu en France en 1856, a pour racine le mot latin fibra désignant une « fibre », et se réfère à l'aspect macroscopique fibreux de cette tumeur. Le terme d'« utérus » est retrouvé, lui, dès 1560, et dérive du latin uterus signifiant « ventre », et plus spécifiquement « l'endroit où se trouve le foetus ». Terme à l'origine purement médical, il a remplacé peu à peu dans le langage courant le mot à l'origine plus usité de « matrice », mot très ancien (XIIe siècle). Venant du latin matrix, il est composé de mater, « mère », et de nutrix, « qui nourrit ».

Fibrome et stérilité ?

Le lien reliant la présence d'un fibrome et d'une infertilité n'a pas été formellement établi, même s'il est évoqué depuis fort longtemps. Ce qui est certain, c'est que l'on dépiste parfois son existence lors d'un bilan gynécologique dans le cadre d'une stérilité. Bien évidemment, la thérapie dépendra de la taille et de la localisation de la tumeur, mais l'attitude consensuelle qui prévaut aujourd'hui est de ne pas l'opérer sauf si aucun autre facteur d'infertilité ne peut être retrouvé au cours de ce bilan.

Voie d'abord et hystérectomie

Pendant fort longtemps, la voie d'abord chirurgicale classique d'une intervention lourde du petit bassin, comme une hystérectomie, était essentiellement la voie haute. On pratiquait alors une incision médiane, allant de l'ombilic jusqu'au pubis, ou une incision de Pfannenstiel, parallèlement à l'implantation supérieure des poils pubiens. Cette dernière technique, aussi utilisée lors des césariennes, présente l'avantage d'être moins délabrante sur le plan esthétique, et de prévenir le risque ultérieur d'éventration.

Depuis quelques décennies se développe une alternative : la voie basse, ou voie d'abord vaginale. L'incision se pratique au niveau des culs-de-sac vaginaux. Grâce à des suites opératoires bien plus simples, et à une nette réduction de la morbidité, de la douleur et du temps d'hospitalisation postopératoires, cette voie d'abord devrait très massivement devenir la technique de prédilection dans ce type d'intervention. Elle nécessite au départ une certaine pratique chirurgicale, mais représente aujourd'hui le choix d'excellence.

Une nouvelle voie thérapeutique

Une nouvelle technique prometteuse est l'embolisation artérielle du fibrome à l'aide d'un cathéter introduit sous anesthésie locale. Par l'intermédiaire de l'artère utérine, des micro-particules viennent obturer les vaisseaux qui irriguent la tumeur, entraînant sa nécrose et son involution. L'approche thérapeutique est pluridisciplinaire, mettant à contribution conjointement radiologue et gynécologue. Elle nécessite des équipes spécialisées et bien rodées à la technique. Une démarche pleine d'avenir, qui semble associer efficacité et relative innocuité...

Et pendant la grossesse ?

La coexistence d'un fibrome et d'une grossesse peut entraîner, rarement il est vrai, certaines difficultés. Généralement, tout se passe sans encombre. Mais certaines localisations spécifiques peuvent entraver la bonne marche de la grossesse. Responsables parfois de fausses couches précoces, les fibromes peuvent aussi, en fonction de leurs lieux, de leurs nombres et de leurs volumes, être mis en cause lors de présentations foetales anormales, d'accouchements dystociques, de gêne mécanique, ou de délivrances hémorragiques. Une révision utérine semble tout à fait indiquée pour prévenir les risques de rétention placentaire, et effectuer un « état des lieux ». Le risque de complications telles qu'une nécrobiose aseptique est également accru pendant la grossesse, et favorisé par celle-ci. Enfin, il faudra être particulièrement vigilant en suites de couches et surveiller de près la survenue de possibles accidents thromboemboliques, notamment d'une phlébite ou d'une embolie pulmonaire.

Malgré cela, il existe un consensus contre-indiquant a priori toute myomectomie pendant la grossesse ou l'accouchement, dû au risque majeur que représenterait alors une telle intervention, tant pour la mère que pour l'enfant.

L'hystérectomie et ses traumatismes

L'indication d'une hystérectomie n'est pas une décision à prendre à la légère. Elle doit tenir compte de la taille et du nombre des fibromes, de leurs répercussions, mais aussi de l'âge et de la parité de la femme, de son éventuel désir de grossesse. Si l'intervention s'avère parfois inévitable, elle doit être expliquée consciencieusement à la patiente, et recueillir son consentement avisé. Un temps de réflexion, et d'acceptation, peut être nécessaire.

Ne plus avoir d'utérus signifie bien sûr ne plus avoir de règles et ne plus être à même de procréer. Mais au-delà, certaines patientes doivent affronter des difficultés d'ordre psychologique en rapport avec une forte symbolique liée à l'utérus. Elles ont parfois du mal à se sentir féminines, et à vivre une sexualité pleinement épanouie. Problème d'image de soi, problème d'atteinte à son intégrité physique, impression de mutilation, de perte... Pouvoir en parler, avant et après l'intervention, permet souvent de passer ce cap plus sereinement. Le traumatisme est parfois difficile à surmonter, et une aide psychologique spécifique doit être alors envisagée.