Clone, le monde est clone - L'Infirmière Magazine n° 180 du 01/03/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 180 du 01/03/2003

 

Dossier

- Canular ou réalité, la secte Raël prétend avoir conçu le premier clone humain - Cet événement relance le débat sur le clonage et oblige les États à adapter leur législation - Revue et corrigée par M. Mattei, la loi sur la bioéthique interdit le clonage reproductif et thérapeutique.

En 1997, l'annonce du clonage de la brebis Dolly par des chercheurs de l'Institut Roslin en Écosse génère dans les esprits une onde de choc sans précédent. Peu de temps après, le « papa » de Dolly, Ian Wilmut lui-même, condamne l'application de telles techniques au clonage de l'être humain. Mais, aux yeux du monde, le mal est fait. Bientôt, le clonage humain sera à portée d'éprouvette. Une quasi-certitude renforcée à l'été 2001 par l'audition de scientifiques à l'Académie nationale des sciences de Washington. Cette dernière révèle que plusieurs projets vont être amorcés. En effet, les expériences se multiplient. Le gynécologue italien Severino Antinori, rendu célèbre pour avoir permis à une femme de 62 ans de devenir mère, souhaite grâce à la technique du clonage, donner aux couples stériles une seconde chance de procréer, sans pour autant faire appel à un géniteur extérieur. Selon ce dernier, près de 200 couples se seraient déjà portés volontaires.

ÈVE, LÈVE-TOI !

La Française Brigitte Boisselier, professeur de chimie, adepte de la secte de Raël et présidente de la société Clonaid, cherche, quant à elle, à créer la « vie éternelle ». Prêchant que la vie humaine est apparue il y a 25 000 ans à l'initiative d'extraterrestres experts en manipulation génétique, le mouvement raëlien, qui finance Clonaid, assure que le clonage permettra d'augmenter l'espérance de vie des êtres humains de plusieurs centaines d'années. La secte revendique plus de 55 000 adeptes à travers le monde.

En novembre 2001, nouvel électrochoc. La firme américaine basée dans le Massachusetts, Advanced Cell Technology (ACT), annonce avoir obtenu le premier embryon humain cloné. La communauté scientifique dénonce alors un coup publicitaire. Mais ce blastocyste de six cellules n'a pas été réimplanté chez une femme et a été détruit au bout de quelques jours d'existence in vitro. Un tabou est alors tombé.

LA JUSTICE DES CLONES

Le 26 décembre 2002, la société Clonaid, tentacule pseudoscientifique de la secte des raëliens, assène au monde entier un véritable coup de massue. Le premier clone humain serait né. Une petite fille prénommée Ève ; un bébé en pleine santé pesant près de sept livres. Le torchon médiatique brûle, propulsant les raëliens sur le devant de la scène mondiale. Chef d'orchestre exalté de ce tintamarre médical, Brigitte Boisselier. Selon ses dires, Ève serait le résultat de la même technique utilisée pour la brebis Dolly. La maman, une Américaine âgée de 31 ans, aurait donc accouché par césarienne de son propre clone. La communauté scientifique, plus que sceptique, réclame des preuves. Car, même initiée par des mains expertes, la méthode est loin d'être parfaite. Pour faire naître Dolly, les chercheurs ont procédé à 276 essais. Le clonage des primates s'avère encore plus délicat. Des centaines d'essais sur des singes se sont en effet soldés par un échec. Brigitte Boisselier, elle, prétend avoir implanté seulement dix embryons. Cinq embryons se seraient développés. Cinq autres auraient abouti à des fausses couches. La doctoresse des raëliens déclare d'ailleurs en garder d'autres au « congélateur ». Depuis la très controversée et supposée naissance d'Ève, Clonaid multiplie les faire-part et les effets d'annonce. Le 3 janvier, la présidente de Clonaid révèle au monde la naissance d'un second bébé cloné. Une deuxième petite fille née en Europe. « Le bébé pèse 2,7 kg. Il est venu au monde par les voies naturelles. Ses parents sont deux lesbiennes de Hollande », précise Brigitte Boisselier.

Deux semaines plus tard, la porte-parole des raëliens revient à la charge et annonce la naissance au Japon d'un troisième bébé - un garçon cette fois-ci - cloné à partir de cellules d'un enfant de deux ans décédé dans un accident un an plus tôt. Les parents japonais auraient versé 200 000 dollars à Clonaid pour l'opération. Depuis peu, la firme propose en effet, via son site Internet, un service de clonage humain tarifé entre 100 000 et 200 000 dollars. Aujourd'hui, la société affirme disposer d'une liste d'attente de 2 000 personnes prêtes à payer leur propre clonage ou celui d'un proche. De plus, les clients potentiels ont la possibilité de cloner leur animal de compagnie, vivant ou décédé. À ce jour, aucune preuve scientifique n'est venue attester de la réalité de ces naissances.

Aujourd'hui, les raëliens protègent l'anonymat des parents et promettent régulièrement les preuves scientifiques de leurs dires. Une vérité qu'un simple test génétique, similaire aux tests de recherche de paternité ou de ceux d'ADN réalisés par la police, permettrait d'établir. Le journaliste scientifique indépendant, Michael Guillen, désigné par Clonaid pour vérifier la naissance présumée du premier bébé cloné a, quant à lui, annoncé qu'il renonçait à sa mission, soulignant au passage que les affirmations de Clonaid pouvaient être une « supercherie ». En effet, la société avait, dans un premier temps, accepté de faire procéder à des tests d'ADN. Leur présidente y a pour l'instant renoncé. Pour la petite fille née en Hollande, en revanche, les tests devraient avoir lieu, car un engagement contractuel a été signé en ce sens par les parents. Cependant, la justice de l'État de Floride a programmé une audience pour étudier une demande réclamant la désignation d'un tuteur légal de l'hypothétique Ève. Un juge a en effet décidé qu'un responsable de Clonaid devrait témoigner lors d'une audition pour donner des explications sur la naissance du premier bébé cloné. Les représentants de l'entreprise prétendent n'avoir pas connaissance de l'endroit où se trouveraient l'enfant et ses parents. Supercherie ou coup médiatique, Brigitte Boisselier, elle, prévoit déjà une vingtaine d'autres implantations d'embryons et envisage la création d'une clinique spécialisée sur chaque continent.

PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES

Néanmoins, plus encore que le scepticisme, l'annonce de la société Clonaid a soulevé l'inquiétude de la communauté scientifique mondiale. En effet, la naissance d'Ève et de ses « semblables » pourrait stopper net les projets de thérapies cellulaires menés dans le monde entier. Les techniques utilisées pour le clonage thérapeutique et reproductif étant identiques, la confusion règne. Le potentiel curatif de ces cellules s'avère pourtant immense. Une dégénérescence cellulaire engendre de nombreuses maladies dont les seuls traitements consistent en une greffe. Surviennent alors les problèmes de manque d'organes et de compatibilité. Ces cellules seraient, elles, capables de donner naissance à l'ensemble des cellules spécialisées du corps humain : neurones, cellules du foie, cellules de la peau, cellules musculaires, sanguines, nerveuses... Des lignées susceptibles de guérir une multitude d'affections : leucémie, Parkinson, Alzheimer, diabète ou encore nombre de pathologies cardiovasculaires.

Techniquement, la manipulation est simple. Prélevé chez une femme, l'ovule est vidé de son contenu génétique : le noyau. Il s'agit alors d'un ovule dit énucléé. Parallèlement, une cellule somatique (non sexuelle, comme une cellule de peau par exemple) est prélevée sur un homme ou une femme, puis mise en culture. L'ADN de cette cellule somatique se voit implanté dans l'ovule vide. Ce nouvel oeuf contient désormais le matériel génétique du donneur. On procède alors à sa division et à son développement par des chocs électriques et des réactions chimiques jusqu'à obtenir plus de 100 cellules (blastocyste ou embryon pré-implantatoire). La couche externe constituera le placenta, la partie interne (futur embryon) contiendra, elle, les fameuses cellules souches. Ces dernières sont alors prélevées et mises en culture dans un milieu afin d'obtenir le type de cellules souhaitées. Ainsi, lors du traitement médical, le noyau transféré proviendrait d'une des propres cellules du malade. Les cellules souches curatives s'avéreraient alors compatibles avec celles du receveur et écarteraient les problèmes d'implants et de greffes. À ce jour, les expériences menées sur les animaux laissent entrevoir des résultats prometteurs. Cependant, depuis 1999, des chercheurs ont découvert des cellules souches non embryonnaires dans la moelle osseuse, la rétine et des organes comme le foie, le cerveau et la peau. Aujourd'hui, les chercheurs tentent de les programmer afin qu'elles se différencient à volonté. Néanmoins, ces cellules souches adultes ne possèdent pas autant de potentialité que celles issues de l'embryon. En effet, dans sa première semaine d'existence, l'embryon humain se compose uniquement de cellules souches, toutes identiques. Par la suite, les cellules se spécialisent et deviennent des cellules du foie, de l'estomac, des yeux, de la peau, du sang, etc.

Un problème éthique majeur se pose : l'utilisation des cellules provenant d'avortement ou encore celles des embryons surnuméraires congelés suite à l'abandon d'un projet parental. Récemment, une nouvelle perspective s'est offerte aux scientifiques : l'obtention de cellules souches à partir du sang du cordon ombilical. Mais les recherches restent à être menées. Aujourd'hui, de nombreux laboratoires pratiquent la technique du transfert de noyau. Cette dernière a permis de cloner différents mammifères : souris, moutons, porcs, lapins, chats... Le clonage animal, lui aussi, offre des perspectives thérapeutiques intéressantes dans la constitution de banques d'organes et de tissus servant à des xénogreffes. Mais nous ne sommes aujourd'hui qu'aux balbutiements de cette médecine « régénératrice ».

MERCANTILISME

Néanmoins, les enjeux éthiques mais aussi économiques sont bien réels. Certaines dérives peuvent être aisément envisagées à court terme. Le pire étant clairement illustré par la démarche mercantile de la société raëlienne Clonaid qui entretient ouvertement le fantasme de l'immortalité. De même, les progrès médicaux espérés par l'utilisation des cellules souches associées au clonage thérapeutique suscitent nombre de dépôts de brevets et alliances stratégiques entre les sociétés start-up spécialisées dans ces techniques. Selon l'OMS, 135 millions d'adultes étaient atteints du diabète en 1995, dont 33 millions en Europe et 31 millions sur le continent américain. Cette population s'élèverait à 300 millions en 2025, dont 80 millions dans le Sud-Est asiatique. Actuellement, 20 millions de personnes souffrent de la maladie d'Alzheimer et quatre millions de celle de Parkinson. Aux États-Unis, ce sont 128 millions de personnes qui souffrent de maladies chroniques aiguës (diabète, maladie de Parkinson, hémiplégie, immunodéficience, arthrite, etc.). Compte tenu du stade de développement très précoce des thérapies cellulaires, il est encore difficile de chiffrer ce marché potentiel. Selon Simon Best, directeur de Geron Bio-Med, la médecine régénératrice pourrait accroître de 25 % la valeur du marché mondial pharmaceutique d'ici 25 ans.

LÉGISLATION ET BIOÉTHIQUE

En matière de reproduction, une femme pourrait décider d'enfanter, ou encore de faire porter un clone d'elle-même ou de son conjoint, homme ou femme. De plus, le clonage permet de passer outre les problèmes de stérilité sans pour autant perdre le lien génétique unissant les parents au bébé en demandant la participation d'un géniteur extérieur au couple. À craindre également, les pratiques eugéniques tendant à la sélection des individus.

Autre cas de figure, celui de parents souhaitant cloner un enfant décédé, comme en témoigne la supposée naissance d'un troisième bébé clone au Japon. Reste aussi à découvrir les conséquences psychologiques pour l'enfant qui prend conscience de son statut de clone. De plus, la communauté scientifique envisage sérieusement que les enfants clonés puissent encourir des problèmes de santé plus ou moins sérieux, à court ou moyen terme. À la lumière des expérimentations sur l'animal, certains envisagent la mort du nourrisson dans les semaines qui suivent la naissance, ou des malformations, ou encore de graves anomalies cardiaques, neurologiques et immunitaires. En effet, dans une étude publiée par The Lancet du 1er mai 1999, le laboratoire de biologie cellulaire et moléculaire, département de physiologie animale de l'Inra, rapporte le cas d'un veau, né d'un clonage à partir d'une cellule adulte. Après six semaines de développement normal, il a perdu ses globules rouges et ses lymphocytes. Il est décédé au bout de dix jours d'anémie sévère. De même, Dolly souffrait d'arthrite très prématurée et vient de mourir à six ans alors qu'une brebis vit généralement deux fois plus longtemps.

Aujourd'hui, le seul traité international interdisant le clonage reproductif émane du Conseil de l'Europe. Sous son impulsion, un protocole a été conclu en 1998. Ce dernier condamne « toute intervention ayant pour but de créer un être humain génétiquement identique à un autre être humain vivant ou mort ». Seule l'Onu peut décider d'une interdiction à l'échelle mondiale. En août 2001, bien que la France et l'Allemagne aient proposé l'adoption d'une Convention internationale contre le clonage d'êtres humains à des fins de reproduction, aucun compromis n'a été trouvé entre les pays partisans de l'interdiction du seul clonage reproductif et ceux qui refusent aussi le clonage thérapeutique.

Seules quelques nations à l'instar de la Grande-Bretagne, d'Israël ou encore de la Suède ont autorisé la recherche sur le clonage thérapeutique. Dans la plupart des pays, le clonage bénéficie d'un vide juridique. Car les États n'étaient pas préparés à devoir légiférer aussi rapidement. Le président George Bush s'est déclaré « opposé à 100 % à tout type de clonage humain ». Pourtant, aux États-Unis, bien qu'aucun fonds public ne finance de recherches sur le clonage thérapeutique ou reproductif, aucune loi n'empêche des établissements privés de procéder à des clonages humains. Pour Jacques Chirac, « le clonage représente une monstruosité ». En Italie, le ministre de la Santé, lui, a qualifié l'expérience « d'inacceptable ». Et le Vatican profite de l'occasion pour réaffirmer ses positions sur le statut de l'embryon. Le gynécologue italien Severino Antinori, militant actif du clonage reproductif, doublé par les raëliens dans la course aux clones, a entamé de son côté une grève de la faim afin de dénoncer « la censure que lui imposent pouvoir et opposition à travers les médias qu'ils contrôlent ». Le médecin souhaite « offrir une chance aux 120 millions d'hommes stériles dans le monde ».

CRIME CONTRE L'ESPÈCE HUMAINE ?

En Europe, le législateur doit donc sortir brusquement de sa torpeur. En Allemagne, le Comité d'éthique s'est prononcé fin janvier à Berlin en faveur de certains tests génétiques sur des embryons, jusqu'à présent interdits et limités à des cas d'insémination artificielle. Un tel diagnostic préimplantatoire est réservé aux parents dont les enfants pourraient hériter de graves maladies génétiques. Malgré un vote unanime, Hans-Jochen Vogel, membre du Comité d'éthique, a estimé sur les ondes de la station Deutschlandradio Berlin que cette décision était un « pas en avant vers le clonage humain ». Après leurs homologues français, les députés allemands planchent à leur tour sur un projet de loi interdisant le clonage humain. Berlin prévoit d'ailleurs de tenir en mai une conférence internationale sur le sujet.

En France, le 22 janvier dernier, à l'occasion de la présentation du nouveau projet de loi de bioéthique mis en veille depuis 1994, le ministre de la Santé Jean-François Mattei a proposé la création d'une nouvelle incrimination : « Le crime contre l'espèce humaine ». La position du gouvernement français sur le clonage reproductif est donc claire. Et les sénateurs sont en accord avec lui : ils ont entériné le 30 janvier dernier les amendements de Jean-François Mattei sur la loi de bioéthique. Pour le ministre de la Santé, le clonage reproductif équivaut « à une reproduction asexuée de l'homme, une négation de la différence et de l'altérité ».

RECHERCHE SOUS CONTROLE

Dans la législation, le crime de clonage se placera juste après le crime contre l'humanité. Ainsi, les amendements proposés par le gouvernement visent à « interdire toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne humaine vivante ou décédée ». L'incrimination regrouperait « l'ensemble des actes préparant l'implantation d'un embryon issu de la technique du clonage, l'implantation elle-même et tout acte ultérieur répondant à l'intention de faire naître un enfant génétiquement identique ». Sont concernés comme auteurs du crime : les scientifiques, les chercheurs, les opérateurs ou les organisateurs. Quant aux « clients », ils seront passibles d'un « délit », de même que les auteurs d'actes médicaux (qu'ils soient obstétriques ou chirurgicaux) effectués après l'implantation pour protéger la santé de la mère et de l'enfant, ou encore lors de la mise au monde. Ce crime de clonage reproductif sera puni de vingt ans de réclusion criminelle et prendra une dimension d'extraterritorialité. La prescription de 30 ans courra dès la majorité de l'enfant cloné.

Quant à la recherche, le nouveau gouvernement a tranché. La conception d'embryons in vitro ou la constitution par clonage d'embryons humains à des fins de recherche se trouve explicitement interdite par l'amendement. Selon le ministre, le clonage thérapeutique induirait en effet des risques majeurs : « Celui de l'organisation d'un marché d'ovules, contraire au principe de non-commercialisation du corps humain. » Le clonage thérapeutique suppose en effet de disposer d'ovules en grande quantité pour réaliser nombre d'essais. Pour Jean-François Mattei, le clonage thérapeutique, issu des mêmes techniques, est la porte ouverte au clonage reproductif. « S'il est mis en culture, le transfert d'un noyau dans un ovule constitue le clonage thérapeutique. Mais s'il est transféré dans un utérus, il s'agit d'un clonage reproductif. »

À titre exceptionnel, des recherches ne portant pas atteinte à l'embryon peuvent être autorisées par dérogation et pour une période limitée à cinq ans, lorsqu'elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être suivies par une méthode alternative d'une efficacité comparable en l'état des connaissances scientifiques. Six mois avant l'issue de ces cinq ans, l'Office parlementaire d'évaluation pour les choix scientifiques et technologiques, ainsi que la nouvelle Agence de biomédecine établiront chacun un rapport d'évaluation. Toutefois, le ministre reste conscient que la médecine régénératrice fondée sur l'utilisation de cellules souches ouvre des perspectives importantes et que nul ne sait si le recours aux cellules souches adultes sera suffisant. Ainsi, il ne veut pas « priver la médecine des recherches sur les cellules souches embryonnaires. L'embryon doit rester dans le champ de la médecine, qui progresse et en est déjà au stade de la médecine foetale. »

PRÉVENIR LES DÉRIVES

La recherche sur l'embryon est autorisée mais limitée aux embryons surnuméraires, c'est-à-dire conçus in vitro dans le cas d'une AMP et en dehors de tout projet parental (comme le précise le texte de loi issu de l'Assemblée nationale). Cependant, le projet de loi exclut et sanctionne la création d'embryons pour la recherche. Aussi, le ministre s'oppose à la possibilité introduite par l'Assemblée nationale par voie d'amendement que des embryons soient créés pour l'évaluation des nouvelles techniques d'AMP. Un acte qui serait contraire à l'article 18 de la convention d'Oviedo que la France souhaite ratifier. Le gouvernement envisage donc de proposer un amendement de suppression.

Ainsi, si la plupart des scientifiques prédisent le potentiel extraordinaire des applications du clonage thérapeutique, la majorité des gouvernements tentent de prévenir à la va-vite les dérives « reproductives » tant redoutées. Pourtant, il aura suffi de quelques heures, la machine médiatique aidant, pour que le clonage humain s'échappe de la littérature fantastique et s'inscrive dans une réalité politique, économique, mais avant tout éthique. La polémique, elle, ne fait que commencer. Reste à savoir si la petite Ève nous a menti...

Qu'est-ce qu'un clone ?

En biologie, le terme clone désigne un individu ou une population provenant de la reproduction végétative ou asexuée d'un individu unique. C'est aussi un ensemble de cellules résultant des divisions successives d'une cellule unique sans aucune différenciation. « Le cancer est par ailleurs considéré comme un clone résultant de la division d'une cellule devenue maligne », dixit Le Larousse.

Les Français et le clonage

Un sondage publié par Le Parisien révèle que 77 % des Français sont « scandalisés » ou « choqués » par le clonage reproductif. Mais 69 % d'entre eux sont favorables au clonage thérapeutique. 40 % estiment le clonage « dangereux » et craignent un commerce des êtres humains. 30 % le jugent « immoral » et 25 % s'inquiètent de la technique et de ses conséquences à long terme. Parmi les « pro-clonage », 43 % évoquent la possibilité « de disposer d'une réserve d'organes humains », 39 % disent y être favorables pour lutter contre la stérilité. 11 % souhaitent « avoir un enfant parfait », 9 % aimeraient « choisir le sexe des enfants » et 8 % rêvent d'immortalité.

CLONAGE REPRODUCTIF

Comment ça marche ?

Deux techniques permettent de réaliser une duplication génétique. Mise au point en 1984, la scission d'embryon consiste à reproduire artificiellement le phénomène donnant naissance à des jumeaux monozygotes. L'embryon est divisé aux premiers stades de son développement. Les deux embryons obtenus sont implantés dans l'utérus de la mère porteuse. Chez la vache ou le mouton, on obtient ainsi des taux de gestation gémellaire de 60 %.

Le clonage peut s'effectuer par transfert nucléaire. Là, on transfère le matériel génétique contenu dans le noyau d'une cellule dans un ovule vide. Premier procédé : le clonage par transfert de noyau de cellule d'embryon. Une cellule embryonnaire prélevée dans un embryon de moins d'une semaine fusionne avec un ovule vidé de son noyau. La nouvelle cellule est implantée dans l'utérus d'une mère porteuse.

Procédé plus récent, le clonage par transfert de noyau de cellule déjà différenciée dans un ovule. Utilisé pour créer Dolly, il aurait donné naissance à Ève, le premier clone humain. Une cellule adulte différenciée est prélevée (exemple : une cellule de peau). Le matériel génétique isolé est implanté dans un ovule vide. Après des sollicitations électriques et chimiques, la nouvelle cellule se divise. L'embryon obtenu peut être implanté dans l'utérus de la mère.

Moments clés

> 1979 : premiers clones par scission d'embryon sur des moutons

> 1986 : premiers clones d'agneau par transfert de cellule embryonnaire dans un ovule énucléé

> 1993 : débuts de clones humains par scission d'un embryon

> 1996 : premiers clones de brebis issus de la culture de cellules d'embryon

> Février 1997 : naissance de Dolly, premier clone d'adulte

> Mars 1998 : premiers singes clonés par transfert de cellules embryonnaires

> Février 1998 : naissance du veau Marguerite, cloné par l'Inra à partir d'une cellule musculaire embryonnaire

> 1998 : deux veaux clonés transgéniques, porteurs d'un gène marqueur de résistance aux antibiotiques

> 2001 : création du premier clone d'embryon humain en vue d'obtenir des cellules souches potentiellement thérapeutiques.

> 2002 : premier chat « CC » (copie conforme) créé à partir d'une cellule transférée dans un ovule énucléé

> Décembre 2002 : naissance supposée d'Ève, premier clone humain

SEP et cellules souches

Des chercheurs australiens ont annoncé le 20 janvier dernier avoir utilisé, sur des souris, des cellules souches afin de traiter des cellules du cerveau atteintes par la sclérose en plaques (SEP). Maladie chronique et handicapante, la SEP s'attaque au système nerveux. « Nous sommes encore loin d'une application à l'homme mais le fait d'avoir réussi à utiliser des cellules souches adultes représente un développement extrêmement important pour des thérapies efficaces contre une série de maladies cérébrales », déclare l'Australien Bruce Brew, chef du département de neurologie de l'hôpital Saint- Vincent (Sydney).

Source : AFP.

LIVRE

« Au bazar du vivant »

Sur des questions d'actualité, un biologiste et un philosophe se livrent à un dialogue ponctué d'exemples concrets : clonage, décryptage du génome humain, assistance médicale à la procréation, thérapie génique.

Par cet ouvrage, les deux coauteurs souhaitent lancer « un appel à la raison éthique contre la tyrannie économique, un cri d'alarme à l'adresse des citoyens... »

Jacques Testart est biologiste et auteur d'ouvrages de réflexion et de vulgarisation parmi lesquels Des grenouilles et des hommes et Procréation et manipulation du vivant. Christian Godin est philosophe et a notamment publié La Totalité.

Au bazar du vivant. Jacques Testart et Christian Godin. Éditions du Seuil. Points virgule. 4,28 Euro(s).