L'appétit vient en mangeant mieux... - L'Infirmière Magazine n° 180 du 01/03/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 180 du 01/03/2003

 

NUTRITION

Actualités

Le 7 février était organisée à Paris une conférence consacrée à l'alimentation et la nutrition dans les établissements de santé. Occasion d'un premier bilan et de recommandations en vue d'une nouvelle politique de nutrition et de restauration, cette manifestation clôt la première étape d'un plan élaboré en 2001 : le Plan national nutrition santé. Malgré le changement de majorité gouvernementale, le PNNS ne semble pas devoir tomber aux oubliettes. Dans son discours inaugural, Jean-François Mattei en a annoncé la continuité.

Les rapports se suivent...

Cela fait déjà vingt ans que les premières études ont montré combien, en France, l'alimentation à l'hôpital posait de graves problèmes en matière de santé. Mais ce n'est que depuis une petite dizaine d'années que les choses évoluent. En 1997, un rapport du Pr Guy-Grand sur « l'alimentation en milieu hospitalier » était remis au ministre de la Santé. Une première réglementation concernant la sécurité alimentaire à l'hôpital vit ainsi le jour dans l'année. En 1998, un guide intitulé La Fonction de restauration dans les établissements de santé fut largement diffusé.

Suivit en 1999 une expertise collective de l'Inserm concernant les carences de l'alimentation à l'hôpital. Le verdict était de vigueur : la dénutrition était un phénomène extrêmement fréquent à l'hôpital, qu'elle soit cause ou conséquence pathologique.

Le rapport présenté en décembre 2002 par le Pr Claude Ricour le confirme : « 25 à 45 % des patients hospitalisés présentent à ce jour une dénutrition. » Mais cette fois, cette évaluation entre dans le cadre du Programme national nutrition santé présenté en janvier 2001, dont le deuxième axe concerne très spécifiquement le système de soins et les problèmes liés à la nutrition et la restauration. Loin d'être un constat de plus, c'est une méthode d'action censée poser les jalons efficients d'une politique nutritionnelle dans les établissements de santé. M. Mattei a en effet rappelé que « la mise en place d'une politique nutritionnelle » était « une priorité de santé publique en France » et que « la place de l'alimentation [apparaissait] comme déterminante pour un certain nombre de pathologies ayant un poids considérable en termes de morbidité et de mortalité ».

Recommandations

En janvier 2001, la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins confie à Claude Ricour la présidence d'un comité d'orientation pour la mise en place d'une politique nutritionnelle dans les établissements de santé.

Créé en mars 2001, ce comité est composé de « représentants institutionnels et de personnalités qualifiées ».

Après 18 mois de travail, le comité d'orientation, en étroite collaboration avec la DHOS, a formulé une série de mesures concrètes.

Trois axes majeurs

Trois axes majeurs de recommandations ont été donnés par le comité : le contrôle maximal des risques alimentaires en s'appuyant sur la réglementation, les connaissances scientifiques, donc sur « une formation transversale destinée à l'ensemble des personnels » ; une qualité alimentaire identique aux critères en vigueur dans la restauration qui tienne compte des désirs et insatisfactions des usagers dans les évolutions des pratiques ; un dépistage des risques de dénutrition par le biais d'outils simples et fiables (cf. encadré p. 13).

Cadre réglementaire

« Les établissements de santé doivent disposer d'un cadre pour organiser leur politique en matière d'alimentation et de nutrition. » Le 29 mars 2002 ont été promulgués à cet effet arrêté et circulaire. Le premier a créé le Comité national de l'alimentation et de la nutrition des établissements de santé (CNANES) chargé de coordonner et d'évaluer les politiques nutritionnelles des établissements de santé au niveau national et d'inciter à leur développement, y compris par une mission d'interface avec la ville.

La circulaire incitait à la mise en place de Clan (Comités de liaison alimentation-nutrition) dans chaque établissement de santé. Ce type de structure, bien qu'ayant vu le jour après le rapport du Pr Guy-Grand, s'est peu développé : 26,8 % seulement des établissements en avaient mis en place, principalement dans les grands établissements publics. Leur rôle est de permettre l'amélioration du trio alimentation-restauration-nutrition dans les établissements de soins par le biais d'une meilleure coordination et une formation des personnels. Même si les médecins restent majoritairement représentés, d'autres professionnels sont pressentis, qu'ils soient soignants, formateurs, de restauration ou administratifs. Un représentant d'usagers peut également être membre du Clan. Les Clan devront enfin aider à la mise en place de « l'activité de nutrition clinique dans les centres hospitaliers régionaux », qui restera « sous la responsabilité d'un médecin nutritionniste reconnu ».

Enfin, « la constitution d'équipes mobiles de nutrition est apparue comme un élément essentiel pour assurer une meilleure prise en charge du patient durant son hospitalisation et son décours [...]. De grands centres hospitaliers pourraient [en] être les pôles de référence [...] ».

Le nutrimètre

La dénutrition « reste un problème le plus souvent méconnu et négligé de la part de l'équipe soignante ». Or, elle peut avoir des « conséquences importantes : recours à une nutrition thérapeutique lourde, allongement de la durée d'hospitalisation, complications en termes de morbidité et de mortalité, augmentation des coûts et impact sur la qualité de la vie ». La difficulté pour les personnels de soins est « d'intégrer cette nouvelle tâche parmi d'autres tâches de soins incontournables, et son maintien à long terme ». L'une des clefs est de comprendre et de faire comprendre, selon le rapport, « l'impact de la prise en compte des besoins nutritionnels sur l'apparition de nouvelles maladies ». Pour cela, soulignait-on pendant la conférence, il faudrait déjà avoir des « pèse-personnes », ce qui ne serait pas le cas pour la majorité des hôpitaux... mais il s'agit également d'apprendre à dépister facilement les risques de dénutrition. À cet effet, des kits ont été présentés pendant la conférence, notamment le « nutrimètre », outil novateur qui permet un dépistage de l'adulte. En effet, ce kit permet de croiser des critères qui, seuls, ne sont pas significatifs, comme le soulignait le Pr Michel Hasselmann, du CHU de Strasbourg. « Interrogatoire, évaluation des ingesta, mesures anthropométriques, données biologiques » sont autant d'informations à prendre en compte pour prévenir la dénutrition ou la soigner.

Rétablir la proximité

La qualité médiocre des repas semble être une image définitivement collée à l'institution de soins. Le malade souvent n'ose pas se plaindre, de crainte d'être moins bien soigné. Mais s'il ne mange pas, du coup, il ne se sent pas non plus responsable. Et le fait est que personne ne se sent responsable : du cuisinier qui estime que tout sort en parfait état de sa cuisine, aux équipes qui s'abritent derrière un « voilà ce qu'on nous envoie de la cuisine ».

Face à ce constat, les propositions du rapport sont simples : il s'agit de rétablir une certaine proximité : « Prendre en compte les particularismes alimentaires, qu'ils soient culturels, régionaux, sociaux ou religieux, est une forme de respect de l'identité du malade qui participe de la dimension thérapeutique. » Certaines mesures permettraient également d'améliorer considérablement l'appétit du patient : offrir le choix - ce qui responsabiliserait le patient -, mais aussi ramener les horaires du dîner à 19 heures pour réduire le décalage avec la vie quotidienne et favoriser les repas collectifs et conviviaux. Enfin, « une véritable politique de communication doit pouvoir réduire ou endiguer les représentations subjectives que le malade construit autour du repas ». À cet effet, le rapport préconise l'information des malades, mais aussi une formation initiale continue pour le personnel, notamment les assistantes sociales, les infirmières et les médecins hospitaliers.