L'insuffisance cardiaque - L'Infirmière Magazine n° 180 du 01/03/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 180 du 01/03/2003

 

Cours

L'insuffisance cardiaque (IC) est l'aboutissement de la plupart des maladies cardiaques. Il s'agit d'un syndrome dont la fréquence va croître dans les années à venir, et dont il convient d'optimiser la prise en charge. L'éducation thérapeutique du patient atteint d'IC, en France, est lacunaire.

Le coût de l'insuffisance cardiaque (IC) est considérable et représente 1 à 2 % du budget de soins dans notre pays. Ce poids économique est dû essentiellement aux hospitalisations nombreuses et répétées : l'insuffisance cardiaque est la première cause d'hospitalisation après 65 ans.

Compte tenu du vieillissement de la population, il est urgent de respecter les recommandations pratiques de sa prise en charge, d'évaluer les nouvelles thérapeutiques, d'appliquer un programme de prévention primaire des maladies cardiovasculaires, de développer une véritable éducation thérapeutique, de coordonner le système de soins entre la ville et l'hôpital. Tels sont les principaux défis à relever pour abaisser le nombre des candidats à l'IC, et améliorer son pronostic.

DÉFINITION

L'insuffisance cardiaque est définie comme l'incapacité du coeur à assurer un débit sanguin en rapport avec les besoins métaboliques et fonctionnels des autres organes.

On décrit les insuffisances cardiaques gauches, droites et globales. À droite comme à gauche, ce sont le plus souvent des insuffisances ventriculaires. L'IC chronique, souvent émaillée d'épisodes aigus, est la forme habituelle de l'insuffisance cardiaque.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La prévalence de l'IC dans la population générale en Europe varie de 0,4 à 2 %. Ce taux croît rapidement avec la vieillesse : l'âge moyen de la population de patients insuffisants cardiaques est de 74 ans. À la différence des autres affections cardiovasculaires, la mortalité de l'IC, ajustée pour l'âge, semble être en augmentation. Le pronostic de l'IC est constamment mauvais si l'affection sous-jacente n'est pas corrigée. La moitié des patients présentant un diagnostic d'IC décèdent dans les quatre ans et les patients avec une IC sévère décèdent pour plus de 50 % d'entre eux dans l'intervalle d'un an.

En France, la prévalence des insuffisants cardiaques est estimée à 500 000. Les séjours hospitaliers pour IC sont de l'ordre de 150 000 avec une durée moyenne de séjour de 10,7 jours. La dépense annuelle pour IC représenterait 1 % des dépenses de santé. Dans cette enveloppe, 15 % seraient dédiés aux dépenses ambulatoires telles que les consultations, examens et médicaments, et 85 % aux dépenses hospitalières. La réduction des séjours hospitaliers pour IC est l'objectif à atteindre et l'accent doit être mis sur la prise en charge ambulatoire.

ÉTIOLOGIE-PHYSIOPATHOLOGIE

Les causes de l'insuffisance cardiaque ont changé depuis 50 ans. La maladie coronaire qui n'était à l'origine que de 22 % des insuffisances cardiaques en 1950 intervient aujourd'hui dans près de 70 % des cas. La part de l'hypertension artérielle, souvent associée à la cardiomyopathie ischémique, et celle incombant aux valvulopathies, ont diminué dans les pays dits développés. En France, l'insuffisance coronaire, connue ou méconnue, qu'il y ait ou non infarctus du myocarde, est la cause la plus fréquente de l'insuffisance cardiaque.

L'hypertrophie et la dysfonction ventriculaire gauche. Le plus souvent systolique, l'hypertrophie et la dysfonction ventriculaire gauche jouent un rôle majeur dans l'évolution de la maladie. On parle d'IC gauche, plus précisément d'insuffisance ventriculaire gauche. La dysfonction ventriculaire gauche peut être :

- systolique, correspondant à une diminution de la contractilité myocardique (lors d'une cardiomyopathie ou après un infarctus du myocarde) et caractérisée par une incapacité du ventricule à se vider correctement ;

- diastolique, en particulier chez le sujet âgé, souvent secondaire à une hypertrophie ventriculaire gauche (surcharge mécanique du ventricule) ou à une coronaropathie entraînant une gêne au remplissage (le ventricule ne se remplit qu'au prorata d'une augmentation importante des pressions ventriculaires gauches avec, en corollaire, une augmentation des pressions pulmonaires, des troubles potentiels de l'hémostase, un essoufflement à l'effort et des signes de congestion pulmonaire).

L'IC gauche est donc caractérisée par l'accroissement des pressions en amont du ventricule insuffisant et/ou la réduction du volume d'éjection systolique, voire du débit destiné aux circulations périphériques à l'origine des signes d'insuffisance circulatoire périphérique.

L'expression clinique congestive et/ou circulatoire de la maladie sera d'autant plus patente que les besoins de l'organisme sont accrus (effort, infections, en particulier bronchopulmonaires, fièvre, grossesse) et que les moyens de transport systémiques en oxygène sont défaillants (anémie, hypoxémie).

Les autres étiologies. L'IC peut être provoquée par des valvulopathies, une cardiomyopathie hypertrophique, des troubles du rythme, des maladies pulmonaires ou, plus rarement, par une maladie augmentant le débit cardiaque comme l'hyperthyroïdie.

Les facteurs aggravants. Ce sont essentiellement l'hypertension artérielle (HTA), l'excès pondéral, le diabète et le tabagisme, l'insuffisance rénale, les infections, parfois certains traitements médicamenteux.

Les mécanismes d'adaptation. Au cours de l'évolution d'une insuffisance ventriculaire gauche, toute une série de mécanismes compensateurs, artériels et périphériques, neuro-hormonaux (activation du système rénine-angiotensine-aldostérone et du système sympathique) et périphériques vont intervenir. Il sont responsables de l'expression clinique de la maladie.

SYMPTÔMES

L'IC chronique est un syndrome où la dysfonction du ventricule gauche entraîne de multiples modifications au niveau des autres organes. La dyspnée et la fatigabilité d'effort ainsi que l'oedème périphérique sont des symptômes caractéristiques d'IC mais parfois difficiles à interpréter, surtout chez les sujets âgés, les patients obèses et les femmes.

La meilleure connaissance de l'IC a conduit à la décrire non seulement par la gêne fonctionnelle (dyspnée) qu'elle induit au cours de son évolution, mais aussi en tenant compte des signes de rétention hydrosodée (oedème périphérique), des résultats des examens complémentaires et de l'évolution sous traitement. On distingue ainsi :

- l'IC asymptomatique : présence d'une cardiopathie (altération de la contractilité myocardique, dysfonction diastolique) sans conséquence perceptible (pas de dyspnée, pas d'oedème périphérique) ;

- l'IC symptomatique modérée : absence de gêne au repos et dyspnée d'effort non invalidante ou régressive sous traitement, ou premier épisode de dyspnée de repos, d'oedème périphérique ou d'oedème pulmonaire, avec évolution régressive sous traitement ;

- l'IC évolutive : persistance ou récidive sous traitement d'une dyspnée d'effort invalidante ou d'une dyspnée de repos ou d'oedèmes périphériques ;

- l'IC aiguë : oedème aigu du poumon (OAP) cardiogénique, choc cardiogénique.

Différentes classifications officielles sont proposées pour décrire la gravité d'une IC. La plus connue est celle de la New York Heart Association (NYHA), qui détermine quatre classes en fonction de la gêne fonctionnelle, et qui permet de quantifier la dyspnée :

- classe I, pas de limitation : l'activité physique ordinaire n'entraîne pas de fatigue anormale, de dyspnée ou de palpitations ;

- classe II, limitation modeste de l'activité physique : à l'aise au repos mais l'activité ordinaire entraîne une fatigue, des palpitations ou une dyspnée ;

- classe III, réduction marquée de l'activité physique : patient à l'aise au repos, mais une activité moindre qu'à l'accoutumée provoque des symptômes ;

- classe IV, impossibilité de poursuivre une activité physique sans gêne : les symptômes de l'IC sont présents, même au repos, et la gêne est accrue par toute activité physique.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic repose sur des données subjectives, et les erreurs chez le sujet âgé atteint de maladies multiples sont fréquentes. Le diagnostic est souvent facile lors d'une décompensation, qu'il s'agisse d'un OAP typique ou d'une IC globale survenant dans un contexte évocateur, ou chez un patient présentant une cardiopathie connue. Il est plus difficile quand les symptômes sont modérés, car la dyspnée d'effort et les oedèmes des membres inférieurs ne sont pas des signes spécifiques, et sont parfois difficiles à interpréter.

Les signes cliniques évocateurs. Ce sont la tachycardie constante lors des poussées, le bruit du galop à l'auscultation cardiaque (parfois le seul signe clinique des dysfonctions ventriculaires gauches asymptomatiques), les signes congestifs pulmonaires (râles crépitants et sibilants), les signes congestifs périphériques (turgescence jugulaire, oedèmes périphériques, épanchement pleural, voire ascite présente dans l'IC globale), les signes de bas débit (hypotension artérielle inhabituelle, troubles du sommeil, confusion, altération de l'état général (observée dans les IC sévères et décompensées).

Les examens complémentaires. Ils sont indispensables devant un tableau clinique évocateur d'IC. L'échocardiographie couplée au doppler, examen clé dans l'IC, doit être systématique. Cet examen simple et non invasif permet de confirmer l'existence d'une cardiopathie et d'orienter le diagnostic étiologique ; il donne une vision objective de la dysfonction ventriculaire. Les autres examens les plus courants sont : la radiographie thoracique qui étudie le volume cardiaque et le rapport cardiothoracique, l'électrocardiogramme, examen de base (grande valeur pour le diagnostic étiologique : séquelle de nécrose, hypertrophie auriculaire et ventriculaire, troubles du rythme et de la conduction) et les examens biologiques : hémogramme, ionogramme, bilan métabolique à la recherche de facteurs de risque athéromateux (glycémie à jeun, cholestérol, triglycérides) et en fonction du contexte, dosage des TSH, enzymes hépatiques et urémie chez les patients âgés.

Lorsque l'échographie au repos n'a pas fourni assez de renseignements, ou lorsque les patients souffrent de maladie coronaire sévère, on pratique une échographie d'effort, une angiographie isotopique qui renseigne sur la fraction d'éjection du ventricule gauche, voire un examen IRM qui permet, entre autres, d'avoir une idée précise de la masse ventriculaire gauche. Les mesures de la fonction pulmonaire ont peu d'intérêt dans le diagnostic de l'IC, sauf pour exclure une cause respiratoire de la dyspnée.

Les épreuves invasives (cathétérisme cardiaque, coronarographie...) ne sont habituellement pas demandées pour affirmer une IC chronique, mais peuvent être utiles pour éclairer la cause ou le pronostic.

Enfin, connaître les concentrations plasmatiques de certains peptides peut aider au processus diagnostique, surtout chez les patients non traités. C'est ainsi que le dosage rapide du Brain Natiruretic Peptide (BNP) devrait bientôt être le marqueur biologique de l'insuffisance cardiaque.

PRISE EN CHARGE ET TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX

L'éducation thérapeutique du patient insuffisant cardiaque est balbutiante en France et mérite d'être reconnue et développée. Le rôle important de l'infirmière doit être valorisé. L'éducation doit être personnalisée et étendue à l'entourage familial lorsque le patient est âgé, poursuivie à un rythme adapté à chaque personne, abordant des conseils généraux : explication simple sur l'insuffisance cardiaque et ses symptômes, les signes prémonitoires d'une rechute, les causes de l'insuffisance cardiaque ; conseils diététiques (régime sans sel strict réservé au cas d'IC, sinon régime modérément salé et attention aux sels relativement riches en potassium) ; conseils sur l'activité (activité physique douce et régulière quand le patient est stabilisé, repos en décubitus, pour améliorer la perfusion rénale, lors des poussées aiguës), séjours en altitude (> 2 000 m) et lointains déconseillés ainsi que les longs trajets (consultation indispensable avant le départ) ; explications simples sur le mode d'action des médicaments, l'adaptation des posologies, le risque de l'arrêt hors prescription, les bénéfices attendus et les effets adverses possibles.

Le traitement classique de l'IC par l'association digitalodiurétique a évolué en moins d'un demi-siècle, grâce à l'apparition successive des diurétiques de l'anse de Henlé (furosémide en particulier), au début des années 60, qui ont amélioré le confort de vie des patients. Puis vint celle des inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) au début des années 80, qui ont amélioré la survie à tous les stades de l'insuffisance cardiaque. En 1996, certains bêtabloquants à faibles doses augmentées très progressivement, ont pris place dans l'arsenal thérapeutique. En 1999, l'étude Rales a démontré l'intérêt de l'addition à un IEC et à un diurétique de l'anse de Henlé d'une faible dose de spironolactone.

L'optimisation du traitement médicamenteux est un objectif essentiel pour améliorer le confort et la durée de vie de l'insuffisant cardiaque. Les recommandations de bonnes pratiques récemment mises à jour par la Société européenne de cardiologie sont encore insuffisamment suivies. Les diffusions de documents, la FMC, le dialogue entre cardiologues médecins généralistes, pharmaciens et infirmières, le rapprochement de la pratique de ville et de celle de l'hôpital doivent conduire à une amélioration de la prise en charge et à une diminution des hospitalisations.

Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC). Seuls ou en association, ils constituent la base du traitement de l'IC. Ils améliorent le pronostic et la morbidité des patients, leurs symptômes (tolérance à l'effort) et leur qualité de vie. L'effet bénéfique se maintient au cours de plusieurs années de traitement. Les principaux IEC utilisés sont : l'énalapril (Renitec®), le cilazapril (Justor®), le lisinopril (Prinivil®, Zestril®), le ramipril (Triatec®), le quinapril (Acuitel®, Korec®), le bénazépril (Briem®, Cibacène®), le fosinopril (Fozitec®), le perindopril (Coversyl®), le trandolapril (Gopten®, Odrik®), le moexipril (Moex®), l'imidapril (Tanatril®), le captopril (Lopril®, Captolane®, Oltens®, Captirex®). Les principaux effets indésirables sont : l'hypotension orthostatique (chez le sujet âgé ou en cas de coprescription de diurétiques ou d'autres vasodilatateurs), l'augmentation de la créatininémie, la toux sèche, les céphalées, l'altération du goût, le prurit. Le traitement est débuté (après contrôle de l'ionogramme sanguin et de la créatininémie) à faible dose, augmenté peu à peu jusqu'à la dose d'entretien adaptée de la fonction rénale. Si des diurétiques sont par ailleurs prescrits, il convient de réduire les posologies de ces derniers, voire de les supprimer, pendant les 24 heures précédant l'instauration du traitement par IEC (il est préférable d'administrer les IEC le soir). La surveillance tensionnelle est de rigueur, ainsi que celle des paramètres biologiques. L'association au potassium et aux sels désodés au potassium est contre-indiquée.

Les diurétiques. Ils sont indispensables à la plupart des stades de l'IC, en raison des signes congestifs et de la diminution de la diurèse. Les plus utilisés sont les diurétiques de l'anse (furosémide : Lasilix® ; bumétanide : Burinex®) administrés per os (ou par voie injectable en cas de décompensation cardiaque grave ou pour les oedèmes pulmonaires). Les effets indésirables possibles avec les diurétiques de l'anse sont l'hyponatrémie, la déshydratation, l'hypovolémie (à forte dose), l'hypotension orthostatique (trouble favorisé par un régime sans sel trop strict) et l'hypokaliémie. Un apport potassique oral permet de corriger l'hypokaliémie. Dans les stades évolués, on associe aux diurétiques de l'anse épargneur de potassium, la spironolactone (Aldactone®, Flumach®, Practon®, Spiroctan®). Cette utilisation doit être faite avec soin afin d'éviter des interactions médicamenteuses. La kaliémie et la créatininémie doivent être surveillées régulièrement, en particulier chez un sujet âgé, ou à fonction rénale altérée.

Les digitaliques. Ce sont des agents inotropes à place réduite dans l'IC depuis l'utilisation des IEC en première intention. Ils sont cependant encore prescrits (sous forme de digoxine) dans certains cas (lorsqu'il existe une tachycardie par fibrillation auriculaire, par exemple) après bilan sanguin et électrocardiogramme.

Les doses de charge sont abandonnées dans l'IC. La posologie doit tenir compte du terrain. La digoxine est prescrite, en règle générale, avec un IEC et un diurétique.

Les bêtabloquants. Contre-indiqués il y a plusieurs dizaines d'années, les bêtabloquants sont maintenant considérés comme un des traitements de l'IC. Seuls ont une AMM dans cette indication le carvédilol (Kredex®) et le bisoprolol (Cardensiel®), prescrits dans certains cas d'IC stable, modérée et sévère, en association avec le traitement conventionnel (IEC, diurétique et éventuellement digitalique). Ce traitement doit être proscrit chez un patient qui vient de faire une poussée d'insuffisance cardiaque congestive, un oedème pulmonaire ou un choc cardiogénique.

La prescription initiale est réservée aux spécialistes en cardiologie et internistes hospitaliers. Lorsque la dose est atteinte, elle peut être renouvelée à l'identique par le généraliste. L'introduction d'un bêtabloquant dans le traitement requiert en effet certaines précautions. Une dose-test (3,125 mg) est administrée en milieu hospitalier avec une surveillance cardiologique toutes les heures pendant quatre heures au moins. Si la tolérance est correcte (fréquence cardiaque > 50/mn, TA systolique > 85 mm Hg, absence de signes cliniques d'intolérance), le traitement est débuté le lendemain à la dose de 3,125 mg x 2 fois/jour ; dose augmentée progressivement par palier de 15 jours. Une surveillance rigoureuse des fonctions cardiaque et rénale est effectuée dans les trois à sept jours suivant le début du traitement, puis à chaque augmentation de dose et régulièrement, la dose d'entretien étant de 100 mg/j.

Les dérivés nitrés. Ce sont des vasodilatateurs coronariens qui réduisent les signes congestifs et l'essoufflement. Ils ne sont pas considérés comme des médicaments de base de l'IC mais sont largement utilisés quand des signes congestifs persistent malgré un traitement optimal. On utilise des dérivés nitrés retard per os (Risordan®, Langoran®, Disorlon®...) ou des dispositifs transdermiques (Nitriderm®, Cordipatch®, Trinipatch®, Diafusor®, Discotrine®...). Il faut éviter une imprégnation médicamenteuse continue (source de phénomène d'échappement au traitement) ; le patch est donc retiré la nuit et la forme comprimé administrée le matin seulement.

Les inhibiteurs calciques. Sans indication officielle dans l'IC, ils peuvent traiter une HTA ou une ischémie myocardique associée à l'IC (amlodipine : Amlor®).

L'amiodarone (Cordarone®). C'est un antiarythmique très puissant, largement utilisé pour prévenir ou traiter les troubles du rythme, voire prévenir la mort subite chez les insuffisants cardiaques. Attention au risque fréquent de dysthyroïdie qu'elle peut induire (surveillance de la TSH).

Les anticoagulants et les antiplaquettaires. Ils sont recommandés pour prévenir, chez les patients à haut risque, les complications thrombo-emboliques (Préviscan®, Sintrom®). L'aspirine à faible dose (75 à 150 mg/j) prévient les récidives ischémiques graves (infarctus du myocarde) chez les patients atteint d'IC d'origine ischémique.

TRAITEMENTS NON MÉDICAMENTEUX

À côté des médicaments, la resynchronisation cardiaque par stimulation biventriculaire peut être bénéfique chez des malades avec troubles conductifs intraventriculaires gauches. Dans les IC très évoluées résistant au traitement médical, la transplantation cardiaque peut, chez les patients bien sélectionnés, transformer la qualité de vie et augmenter la survie, au prix de contraintes et d'effets iatrogéniques importants. La pénurie actuelle des greffons disponibles a fait rechercher des alternatives et développer les techniques d'assistance circulatoire qui permettent de pallier momentanément la transplantation, et d'observer parfois la récupération myocardique. La solution idéale étant l'implantation définitive du coeur artificiel.

La transplantation cellulaire et l'autogreffe de myoblastes squelettiques viennent d'ouvrir une nouvelle voie prometteuse. Quant à la thérapie génique, elle en est encore au stade de l'expérimentation dans cette affection.

PRÉVENTION

Si l'on veut diminuer l'incidence de l'IC, la prévention primaire des facteurs de risque artériel doit être intensifiée : lutte contre le tabagisme et la surcharge pondérale, équilibre du diabète, traitement de l'HTA et correction des anomalies lipidiques. Les facteurs aggravants de l'IC doivent être dépistés plus précocement : lorsqu'ils ne sont pas corrigés à temps, ils sont responsables de nombreuses hospitalisations qui auraient pu être évitées.

En présence d'une dysfonction ventriculaire asymptomatique, la prescription bénéfique d'un IEC est une donnée acquise, de même que la prescription d'un bêtabloquant, si la dysfonction est secondaire à un infarctus du myocarde.

Génétique et cardio- myopathies

L'insuffisance cardiaque représente l'étape ultime d'un grand nombre de maladies cardiaques pour lesquelles la compréhension de facteurs associés à leur développement ou à leur progression a beaucoup évolué. Le rôle de facteurs génétiques a ainsi été mis en évidence dans les cardiomyopathies qui sont des maladies primitives du muscle cardiaque, fréquemment cause d'insuffisance cardiaque... On a identifié différents gènes responsables des formes familiales des cardiomyopathies.

Les oedèmes

Les oedèmes traduisent la rétention sodée de l'IC congestive. Ils siègent le plus souvent au niveau des chevilles et des mollets. Chez le sujet alité et dans les formes plus évoluées, ils peuvent atteindre la région lombosacrée et le péritoine, à l'origine d'une ascite. Les oedèmes cardiaques sont caractéristiques : en général symétriques, déclives et blancs, ils prennent le godet (le pouce de l'examinateur s'y enfonce et y laisse sa marque) et peuvent s'accompagner d'anomalies cutanées (hypodermite).

La dyspnée

Chaque malade décrit la dyspnée de façon particulière selon son mode de vie et son activité physique habituelle. C'est une polypnée superficielle qui s'aggrave peu à peu : apparaissant d'abord à l'effort (marche, montée des escaliers, efforts physiques) et d'intensité variable d'un jour à l'autre, elle devient de plus en plus marquée, puis se double d'une dyspnée du décubitus, prélude à l'apparition d'une orthopnée (dyspnée permanente, très accrue par le décubitus, survenant souvent la nuit et obligeant le patient à s'asseoir et à s'adapter en augmentant le nombre de ses oreillers).

L'oedème pulmonaire (OAP) est singulier. C'est une insuffisance cardiaque aiguë survenant sur fond d'IC (chronique ou non), entraînant un oedème alvéolaire important avec dyspnée majeure de repos : le patient, en sueurs, se « noie », manifestant des râles crépitants fins ; il a besoin de s'asseoir au bord du lit ; il est polypnéique, angoissé, parfois cyanosé. Il s'agit d'un accident grave, nécessitant des soins intensifs.

Toux et IEC

Une toux sèche est parfois rapportée avec l'utilisation des IEC. Elle est caractérisée par sa persistance et par sa disparition à l'arrêt du traitement. Il ne faut pas la confondre avec une toux témoignant d'une congestion trachéobronchique, faisant craindre un oedème pulmonaire. Cependant, l'étiologie iatrogénique doit être envisagée en présence d'un tel symptôme. Il est important de vérifier avant de modifier éventuellement le traitement, si elle représente un handicap pour le patient.

Les poussées d'IC

L'oedème aigu du poumon est la manifestation la plus classique de l'IC : dyspnée aiguë de début brutal, avec polypnée, orthopnée et râles crépitants. Le choc cardiogénique est souvent associé (pouls filtrant, tension artérielle basse, torpeur, agitation, marbrures au niveau des membres inférieurs). L'anasarque arrive progressivement : oedèmes périphériques déclives débutant aux extrémités des membres inférieurs sauf si le patient est alité, turgescence jugulaire, hyponatrémie. L'épuisement respiratoire, les signes d'insuffisance circulatoire périphérique et la perte de conscience signent la gravité de la situation. Les soins : oxygénothérapie à haut débit (6 à 10 ml/min par sonde nasale ou par masque occlusif à haute concentration), patient assis, jambes pendantes, administration de dérivés nitrés (Lénitral®, Risordan® en IV Natispray® fort en spray), de Lasilix® ou Burinex® par voie IV, traitement inotrope positif en cas d'hypotension artérielle (Dobutrex®). La morphine (5 cg par voie SC ou IV lente) a sa place en cas de stress, de polypnée et d'excès de travail respiratoire.

Fin de vie des insuffisants cardiaques

La mort subite est fréquente chez les insuffisants cardiaques: un décès sur trois dans les formes évoluées, un décès sur deux dans les formes moyennes. Le plus souvent, il s'agit de fibrillation ventriculaire ou de tachycardie ventriculaire rapide, parfois de torsades de pointe mal tolérées, d'une récidive d'infarctus du myocarde, d'une embolie pulmonaire massive, ou d'un AVC embolique. Pour les patients les plus sévères, dont la qualité de vie est déplorable, c'est sûrement la meilleure façon de mourir. Mais la majorité décède après un long parcours de cachexie progressive aggravée par les complications du décubitus ou à la suite d'un oedème asphyxique. L'infirmière est la première concernée par l'accompagnement du patient: douceur, compassion et disponibilité sont recommandées. La tachycardie ventriculaire qui précède la fibrillation ventriculaire terminale ne survient pas toujours à temps pour éviter une agonie trop longue alors que le patient conserve longtemps sa lucidité.