Troubles psychiatriques - L'Infirmière Magazine n° 180 du 01/03/2003 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 180 du 01/03/2003

 

Événement

Actualités

Alors que les structures alternatives à l'hospitalisation subissent une pénurie de moyens humains et financiers, le landerneau psychiatrique prépare ses états généraux, auxquels ont été conviées les infirmières à la dernière minute.

Fermera, ne fermera pas ? Depuis le 27 janvier, les personnels soignants et médecins du centre d'accueil et de crise de la Roquette (Paris, XIe arrondissement), des usagers et associations d'usagers, des élus locaux, les syndicats Sud-santé et CGT-Esquirol se sont mobilisés pour empêcher la fermeture du Cac décidée par la direction de l'hôpital au 31 janvier 2003. Motif invoqué : la pénurie de personnel.

Le 17 février, un comité de sauvegarde du Cac la Roquette était constitué. Objectif : la réouverture immédiate du centre. Le conseil d'administration a voté à l'unanimité son maintien avec réouverture le 3 mars 2003 au plus tard. Mais sa pérennité n'en est pas pour autant assurée.

Cette affaire, parisienne et médiatisée, illustre les difficultés du secteur psychiatrique. La pénurie de personnels soignants et médicaux entraîne très souvent un recentrage des moyens humains sur l'hôpital, au détriment des pratiques ambulatoires et aux dépens des fondements de la sectorisation, qui a toujours eu du mal à se développer véritablement en France.

Besoins de base.

L'association Accueil ?, regroupant des psychiatres, des psychologues et des infirmières, souligne dans un communiqué que « les centres d'accueil et de crise ont été créés dès 1977 pour répondre aux besoins de base des populations en matière de santé mentale. Leur pertinence a été reconnue par le législateur via le décret de mars 1986. La multiplication de ces centres s'est faite dans la région parisienne préalablement au reste de la France. Ils sont aujourd'hui menacés de fermeture sous prétexte qu'il serait préférable de favoriser les urgences des hôpitaux généraux et les services d'hospitalisation en difficulté. »

La population a pourtant besoin de ces structures. Elle l'a fortement exprimé lors de la « rencontre des partenaires de la santé mentale », organisée le 29 janvier 2003 par la mairie de Paris. 400 personnes représentant les habitants, les professionnels, les associations et les institutions étaient présentes. Et il y a été démontré que les institutions, aujourd'hui, traversent une crise en rapport avec la régression des moyens mis à disposition de la santé mentale. En avril 2002, le rapport du groupe de travail « Recommandations d'organisation et de fonctionnement de l'offre de soins en psychiatrie pour répondre aux besoins en santé mentale » diligenté par la DHOS indiquait, entre autres, que la priorité devait être donnée au traitement dans la communauté plutôt qu'à l'hôpital... Manque de cohérence politique ? Pour Emmanuel Digonnet, infirmier de secteur psychiatrique, et membre de l'association Serpsy, cela ne fait aucun doute.

États généraux.

Pour Jean-Jacques Moitié, directeur de soins à l'hôpital Paul-Guiraud (Villejuif), et collaborateur de la mission nationale d'appui en santé mentale, la crise se définit par la situation des effectifs. « La pénurie de soignants n'est pas uniforme sur tout le territoire. En région parisienne, elle est très forte. À l'inverse, dans les Ardennes, elle ne se fait pas sentir. La mise en oeuvre de la RTT a désorganisé les services. À cela s'ajoute un effet générationnel : les départs en retraite deviennent de plus en plus importants. Je tiens notamment à souligner une pénurie au niveau de l'encadrement. Dans mon hôpital, j'ai cinq postes de cadres supérieurs infirmiers vacants... » Le secteur souffre aussi d'un manque de lits et de structures alternatives. « Il existe un problème d'orientation au niveau des urgences. Les SAU étant déjà débordés, ils orientent directement les personnes en hospitalisation, au lieu de les aiguiller vers des structures alternatives. D'ailleurs, on assiste à une multiplication des hospitalisations sous contrainte. » Et puis, il y a le manque de moyens financiers donnés aux établissements.

Voilà de quoi alimenter les débats prévus pour les états généraux de la psychiatrie, les 5, 6 et 7 juin prochains à Montpellier. Notamment le deuxième thème consacré aux « glissements : les structures et les hommes ». « Ce groupe de travail doit, entre autres, étudier les problèmes de déficits humains et financiers, la question des structures », explique le docteur Jean-Jacques Laboutière, membre du secrétariat général des états généraux. Ils ont été préparés par la Fédération française de psychiatrie, les syndicats professionnels de psychiatres. Au prix de quelques remous parmi les infirmiers et les professionnels qui participent à la prise en charge de la santé mentale. « Lorsque j'ai appris l'organisation des états généraux, j'ai dit aux organisateurs qu'ils faisaient un abus de sémantique, témoigne Marc Livet, directeur d'un IME. S'agissait-il d'états généraux de la psychiatrie ou d'états généraux des psychiatres ? »

Strapontin.

Aussitôt, les associations se sont mobilisées. « Il me paraît plus que temps de mettre rapidement les points sur les i au mot pluridisciplinaire », a déclaré le docteur Bernard Martin, praticien hospitalier, dans une lettre ouverte publiée sur le site Serpsy. Depuis, les choses se sont plus ou moins arrangées. « Notre strapontin aux états généraux a été agrémenté de moleskine, mais cela reste un strapontin », estime Marc Livet, qui fera partie du troisième groupe de travail des états généraux concernant « les mutations : contraintes et missions »... C'est pourquoi, en attendant le jour J, les associations infirmières effectuent un travail préparatoire.

« Chaque secteur, chaque équipe, chaque association, du public, du privé, doit se mettre à la rédaction de cahiers de doléances, explique Emmanuel Digonnet de l'association Serpsy. Pour travailler en équipe, les professionnels peuvent rédiger leur cahier de doléances autour de quatre axes simples. Qu'ils se disent "quand je travaille : j'aime/je n'aime pas, j'accepte/je refuse, je veux/je ne veux plus, je fais/je ne ferai plus". »

Une fois la rédaction faite, les cahiers de doléances peuvent être envoyés à l'association Serpsy avant la fin avril(1). Alors, que tous les acteurs de la psychiatrie s'emparent de l'événement !

1- Serpsy, 57, rue du Maréchal-Leclerc 94413 Saint-Maurice cedex.

PLANIFICATION

La mission nationale d'appui en santé mentale

La MNASM participe à l'organisation des soins en santé mentale. Créée en 1993, elle a été reconduite dans ses fonctions à plusieurs reprises, et dernièrement en 2000 pour cinq ans. La MNASM fournit une aide à la planification en santé mentale à la demande des Ddass, des ARH ; elle apporte sa contribution à la réflexion de l'administration centrale (rédaction du guide méthodologique de création médicosociale par un établissement de santé). « Nous apportons notre regard de professionnels aux établissements, explique le docteur Gérard Massé, responsable de la MNASM, chef de service à Sainte-Anne, et auteur d'un rapport en 1992, Pour une psychiatrie ouverte. Il ne s'agit ni d'un audit, ni d'un travail d'inspection. Nous effectuons un travail de médiation. Le principe de la mission, c'est celui d'une autorégulation par les professionnels. » La MNASM compte quatre permanents et un réseau de correspondants composé d'une quarantaine de professionnels (psychiatres, pédopsychiatres, directeurs d'établissements, infirmières générales, travailleurs sociaux...).

3 QUESTIONS AU docteur Jean-Jacques Laboutière, secrétariat général des états généraux(1)

D'où vient cette initiative ?

L'organisation des états généraux fait suite au Livre blanc de la psychiatrie 2001-2002 rédigé par la Société française de psychiatrie. Ils ont été organisés en deux temps. Nous avons sollicité les syndicats des psychiatres, qui se sont tous mis d'accord... Puis, nous avons été interpellés par les infirmiers, les psychologues et les travailleurs sociaux.

Quels seront les thèmes abordés ?

Quatre grands thèmes ont été retenus. Un premier rapport concernera la relation thérapeutique. Un deuxième, les glissements au niveau des professionnels et des structures. Un troisième, les mutations des pathologies. Et un quatrième sera consacré au regard que porte notre société sur la folie. Ces états généraux se concluront par la rédaction de motions fortes qui seront remises au ministère de la Santé.

Quelles places pour les infirmières ?

Elles seront représentées par les associations : l'Ascism, l'Anfiide, le Cefi seront partie prenante. L'association Serpsy fait tout un travail préparatoire, visible notamment sur son site Internet(2). Les infirmières ont toute leur place dans ces états généraux. Ils constituent un train à ne pas rater, notamment pour la défense d'une formation spécifique en psychiatrie.

1- Site des états généraux : http://www.eg-psychiatrie.com. 2- http://www.serpsy.org.